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Un rameau de lilas blanc
Un rameau de lilas blanc
Un rameau de lilas blanc
Livre électronique357 pages4 heures

Un rameau de lilas blanc

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À propos de ce livre électronique

C'est bientôt l'été dans la ville universitaire de Lund et les vacances approchent pour les nombreux étudiants. Mais des ombres viennent assombrir ces journées qui annoncent l'été quand une jeune fille est retrouvée grièvement blessée dans un buisson du Stadtpark. Non loin de là, un jeune homme a été frappé. Les deux victimes ont dans la main un rameau de lilas blanc.La commissaire de police Sara Vallén est mise sur l'affaire, mais on la lui retire dès que son fils devient le principal suspect. Pour le sauver, Sara décide de mener sa propre enquête.Un rameau de lilas blanc est le premier livre de la série avec Sara Vallén et ses collègues de la police de Lund. -
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie1 févr. 2023
ISBN9788728013960

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    Aperçu du livre

    Un rameau de lilas blanc - Cecilia Sahlström

    Cecilia Sahlström

    Un rameau de lilas blanc

    Traduit du suédois par Hélène Hervieu

    SAGA Egmont

    Un rameau de lilas blanc

    Traduit par Helene Hervieu

    Titre Original Vit Syren

    Langue Originale : Suédois

    Copyright © 2017, 2022 Cecilia Sahlström et SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728013960

    1e édition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l’accord écrit préalable de l’éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu’une condition similaire ne soit imposée à l’acheteur ultérieur.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d’Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d’euros aux enfants en difficulté.

    1

    Il grimpa sur le monticule dans le Stadspark, le long de l’allée Gyllenkrok, en direction de Mejeriet. Sa démarche un peu nonchalante était celle qu’ont tant d’adolescents, pas encore tout à fait hommes. À mi-chemin entre l’adulte et l’enfant, on trouve le jeune homme, déterminé, mais manquant encore d’assurance, celui qui, tout en ignorant où se situe la frontière entre l’enfant et l’adulte, est pourtant certain de sa propre grandeur et de sa personnalité unique.

    Ses chaussures étaient neuves et d’un blanc éclatant. Il fredonnait une mélodie, signe indubitable d’harmonie et de bonheur complet.

    À l’est, le soleil se levait, laissant apparaître une lumière rouge rosée à l’horizon, tandis qu’au-dessus de sa tête le ciel restait bleu foncé.

    Il descendit de la butte pour s’enfoncer dans le parc et fit un léger saut pour éviter une flaque d’eau. Le vert des arbres était tendre et sur les buissons les feuilles tissaient un réseau dense, gorgé de secrets. L’enfant, incarné par ce jeune homme dégingandé, pénétra dans le parc sans se presser, mû par une confiance profonde en la vie.

    On entrevoyait ici et là une trouée parmi les arbres et les taillis. On peut s’asseoir là avec sa copine, pensa-t-il en laissant échapper un soupir. L’été, c’est super. Désormais, les vacances approchaient à grands pas.

    Ses cheveux ne mesuraient que quelques millimètres. Bruns, tirant presque sur le noir et semblables aux poils rudes d’une chèvre. Une ligne oblique blanche brillait à la lumière du soleil de l’aube. Il y a longtemps, il était tombé d’un arbre. Il se passa la main sur la cicatrice toute lisse et glabre, comme il le faisait si souvent.

    Le garçon s’arrêta. Il cessa de fredonner dans un souffle. Du coin de l’œil, il avait vu scintiller quelque chose de blanc. Quelque chose qui ne semblait pas naturel dans toute cette verdure.

    Il tourna la tête vers la gauche. Un pied, c’était un pied. Il en était intimement convaincu et se sentit mal à l’aise tout à coup, mais se força une fois encore à tourner la tête en direction de la petite grotte creusée parmi les massifs de rhododendrons.

    Sans savoir exactement à quoi s’attendre, le garçon fit quelques pas prudents vers la trouée et s’accroupit pour mieux voir sous l’épais feuillage.

    Devant lui gisait une fille, nue. Elle était couchée en fœtus, à l’exception de sa jambe gauche, tendue vers l’avant.

    Sa poitrine se soulevait et s’abaissait, lentement.

    Il l’observa de plus près tout en cherchant avec fébrilité son portable. Quelque chose s’écoulait de la bouche de la fille et donnait à la peau tout autour une teinte presque noire. Du sang, pensa-t-il. Ce devait être du sang. Les doigts tremblants, il composa le 112.

    — Réponds, allez, réponds.

    Il avait le souffle court.

    — Allô, ici Stefan, police secours, j’écoute.

    Le garçon entendit une voix d’homme, calme et un peu assourdie. Il avait du mal à reprendre son souffle.

    — Y a une fille à poil couchée dans le Stadspark. Juste à côté de Mejeriet.

    — OK. Peux-tu me donner une description plus précise ?

    La voix était toujours étonnamment calme.

    — Juste à mi-chemin entre la butte et le sentier qui part de Mejeriet. Grouillez-vous. Elle respire de façon si bizarre, comme qui dirait. Lentement. Et du sang lui coule de la bouche. Plein de sang.

    Johannes regardait sa montre toutes les deux secondes. La fille respirait toujours. Lentement. Aucun mouvement visible. Il n’osait pas la toucher.

    Tout à coup, Johannes décela une ombre du coin de l’œil.

    Il se pencha en avant, plissa les yeux. Une silhouette sombre se détacha sur le feuillage épais. Johannes se figea.

    2

    Il bondit. Son corps lui semblait léger, ses pensées claires et vives.

    En zigzag, pensa-t-il. Il faut les semer.

    Son corps se coulait en souplesse entre les taillis et les voûtes de verdure. Dans les allées, puis sur les pelouses, entre les arbres, à travers les broussailles et ensuite à nouveau sur les sentiers, il courut comme si le sol sous lui était chauffé à blanc.

    Arrivé aux bains publics, il tourna et déboucha en courant sur la Svanegatan ¹ qu’il longea, toujours aussi léger et silencieux. Il obliqua à gauche et remonta la Grönegatan.

    Le halètement résonnait dans sa tête. Cela s’entendait-il aussi fort à l’extérieur ?

    Qu’est-ce qu’elle croyait ? Qu’elle allait s’en tirer ? Qu’elle pouvait choisir elle-même les circonstances ? Il pensa à elle et son cœur cogna plus fort, il avait presque l’impression d’étouffer. Une vulgaire pute, pensa-t-il. La fleur, le rameau de lilas, il était content d’avoir eu cette idée. Ça sentait si bon. Et ça camouflait la puanteur du cadavre. Personne ne comprendrait ce qu’il avait fait pour elle. Qu’il l’avait sauvée des griffes de Satan.

    Il s’arrêta à l’un des portails, monta une marche sur le perron. Les semer, pensa-t-il. Il fit un grand saut sur sa droite et se retrouva juste entre le portail où il était tout à l’heure et le suivant. Il s’accrocha aux encadrements des fenêtres le long de la façade et avança sur la pointe des pieds jusqu’au portail suivant. Là, il ôta ses chaussures. Après avoir repris son souffle, il réfléchit, se faufila en silence à travers la porte et réussit à la fermer sans un bruit. Ce n’était pas la première fois qu’il faisait ça. La cour intérieure était calme, les yeux noirs des fenêtres le fixaient avec méfiance.

    Il frappa discrètement à l’une des portes de l’immeuble.

    — Dans quel état tu es ! Entre.

    Il se glissa dans l’appartement, sans mot dire. Il était tout en sang. Il se déshabilla complètement et se précipita sous la douche.

    Lorsqu’il en sortit, il était seul. Il enfila un survêtement déjà étalé sur le lit.

    3

    Malva Gran, d’astreinte cette nuit-là, enlevait avec frénésie les traces de vomi sur la banquette arrière de la voiture de patrouille. Råtan, le poivrot, avait dégueulé parce que Peter Matsson avait conduit comme un abruti. Peter était planté là et mangeait des saucisses avec de la purée de pommes de terre comme si de rien n’était. À croire que la colère de Malva le mettait en joie.

    Au début, Malva avait été attirée cet homme beau et costaud. Peu à peu, elle avait changé d’avis. Peter était un mufle suffisant, avec une tendance assez marquée à l’agressivité. Celui ou celle qui avait le malheur de tomber sur un Peter Matsson de mauvaise humeur en prenait pour son grade.

    Malva essuyait les dernières traces d’eau sur le siège quand elle entendit la radio.

    — Trois-neuf-dix, de sept-zéro.

    — Trois-neuf-dix, à vous, répondit négligemment Matsson.

    — Rendez-vous immédiatement à l’entrée du Stadspark, en face de Mejeriet. Là-bas vous attend un type qui s’appelle…

    L’opérateur se tut, mais revint aussitôt après.

    — Johannes. Foncez là-bas, trois-neuf-dix, à vous.

    Sans réfléchir, Malva réagit aussitôt au ton grave de l’opérateur, Peter Matsson laissa son plateau de saucisses sur place et ils se précipitèrent dans la voiture. Malva balança les chiffons empestant le vomi.

    Avec les sirènes et le gyrophare, Malva sentit tout de suite son pouls grimper. Elle regarda Matsson qui montrait les mêmes signes de montée d’adrénaline. Quand il le fallait, il savait faire preuve de rapidité, c’était clair, malgré les réticences qu’elle nourrissait à son égard.

    Malva appela le central et annonça qu’ils étaient sur place. D’un geste rapide, elle récupéra son téléphone portable dans la boîte à gants. Ensuite, elle se rua dehors.

    Le chemin entre Mejeriet et la butte, pensa-t-elle. Mais elle eut beau regarder, il n’y avait personne. Elle n’entendit rien. La lumière n’était toujours pas vraiment parvenue entre les arbres du parc, le soleil était encore trop bas. Il n’y avait pas âme qui vive dans le coin.

    — Ohé ! cria Malva. Ohé ! Y a quelqu’un ?

    Peter la suivait de près.

    — Qu’est-ce qui se passe ici, putain ? demanda Peter, l’air presque déçu.

    — Je ne sais pas, dit Malva en lui faisant signe de se taire. Tu as entendu ? On aurait dit un gémissement.

    — Par là, dit-elle en montrant l’un des sentiers.

    Un peu plus loin, une personne gisait de tout son long sur le sol. Malva se précipita vers elle. C’était un jeune garçon.

    Les sirènes de l’ambulance hurlaient à tue-tête. Le gyrophare bleu de la voiture de police dégageait la voie pour les secours.

    — Il est vivant ! s’écria Malva.

    — Je l’ai vu, il m’a assommé, chuchota l’adolescent.

    Il désigna l’intérieur d’un massif de rhododendrons.

    — Là, elle est là.

    Peter Matsson et Malva Gran s’avancèrent rapidement vers la trouée dans le taillis.

    — Oh, mon Dieu, laissa échapper Malva. Mon Dieu.

    Peter s’accroupit à côté de la tête de la fille.

    — Putain, c’est affreux.

    Il sentit le pouls de la jeune femme battre faiblement. Elle respirait à peine, mais il ne savait pas quoi faire.

    Au même moment, le déclic de l’appareil photo portable de Malva se fit entendre et les flashs illuminèrent le trou dans le buisson qui formait comme une cavité. La scène avait quelque chose de grotesque. Malva Gran se protégea derrière son appareil.

    Les ambulanciers arrivèrent en courant et la fille fut évacuée en un clin d’œil. Mais leurs signes de tête n’auguraient rien de bon, se dit Malva.

    — De sept-zéro à toutes les patrouilles à Lund.

    Au central, Stefan fit le compte des patrouilles en mesure d’intervenir. Il en dénombra cinq.

    — De sept-zéro à toutes les patrouilles à Lund. Nous passons sur le canal 60. Tout le monde passe sur le canal 60. À vous.

    Il est probablement déjà trop tard, pensa Malva Gran tout en mettant toutes les patrouilles en place. Le parc était ouvert à tout vent et ce n’étaient pas les possibilités de s’éclipser rapidement qui manquaient.

    Johannes restait assis à terre. Il tenait une fleur à la main, un lilas blanc. Le parfum qui s’en exhalait était intense. Peter s’accroupit près de lui.

    — Il était super grand, on aurait dit un géant. De grosses mains. Enfin, je crois. Il faisait si sombre. Je ne sais pas. Je crois qu’il avait… je ne sais pas. Grand, quoi, répéta Johannes. En tout cas, plus grand que moi, poursuivit-il.

    Johannes faisait vraiment tout son possible.

    — D’où sors-tu cette branche de lilas ? questionna Peter.

    — Je ne sais pas, ça doit être lui, celui qui m’a frappé.

    — Où t’a-t-il frappé ? interrogea Matsson.

    — Au ventre, j’en ai eu le souffle coupé. Ensuite, je ne sais plus.

    Malva alla à la voiture chercher une couverture quand elle vit à quel point Johannes tremblait. C’est le choc, se dit-elle.

    — Sept-zéro de trois-neuf-dix, à vous.

    — Ici sept-zéro, à vous.

    La voix de Stefan. C’est bien, pensa Malva, il est calme.

    — Il faut faire venir des techniciens ici. Et des enquêteurs des services d’urgence, à vous.

    — Parfait, trois-neuf-dix, chien en route. L’officier de permanence te rappelle tout de suite.

    4

    La commissaire Sara Vallén avait eu une dure et longue journée de travail. Ces derniers temps, elle avait dû résoudre tous les problèmes elle-même, car son supérieur hiérarchique avait pris un congé maladie. Elle tombait de fatigue.

    C’était sa nuit d’astreinte, mais il arrivait rarement qu’on l’appelle au milieu de la nuit. Malgré la lassitude, ses pensées vagabondaient et ses mâchoires lui faisaient mal à cause de toute la tension accumulée. Elle prit un comprimé anti-allergénique qui la rendit somnolente et finit par trouver le sommeil lorsque l’horloge approcha des deux heures du matin.

    Elle se trouvait dans une pièce dont la porte était ouverte. Derrière cette porte se tenait son père, armé d’une hache. Un serpent se faufila à l’intérieur. Elle resta plantée là, comme pétrifiée. Tout à coup, son père fit un bond en avant et frappa le serpent encore et encore avec la tête de la hache. Le serpent s’approcha d’elle, indifférent aux coups de hache. Il lui lança un sifflement et elle aperçut au bout de sa langue deux clochettes tintinnabulantes. Affolée, elle se colla contre le mur tandis que le bruit se faisait de plus en plus strident. Elle se réveilla en sursaut.

    — Vallén, répondit-elle avec une respiration saccadée, tirée de son sommeil par la frayeur.

    — Bonjour, dit une voix, ici l’officier de permanence Kjell Stigsson.

    — Oui ? Sara se redressa dans son lit, se secoua légèrement et d’un seul coup fut tout à fait réveillée.

    — Nous avons une fille qui a subi de très graves violences dans le Stadspark à Lund. D’après ce que j’ai compris, elle a été grièvement blessée, son pronostic vital est réservé.

    — Dans le Stadspark ? Ce n’est pas loin de chez moi. J’appelle les techniciens, ils seront sur place dans une heure. De mon côté, j’y serai dans dix minutes, je pense.

    — Bien, nous avons un chien pour nous aider également, dit Stigsson. L’agresseur a quitté les lieux au moment où un gamin est passé et a vu la fille. Reste à espérer qu’elle s’en sorte. Bonne chance !

    Sara enfilait déjà ses vêtements. Elle les laissait toujours dans un ordre bien particulier quand elle était de garde, un code vestimentaire naturel. Soutien-gorge de sport, sweatshirt et pantalon. Les baskets par terre sous la chaise. Sinon, elle était bordélique. Dans les placards, tous les vêtements gisaient pêle-mêle. Mais c’était comme s’il s’agissait de parties bien distinctes d’elle-même, la Sara policière et la Sara privée.

    Sara Vallén s’installa au volant de sa voiture, une vieille SAAB 900 pourrie, et téléphona simultanément à Jörgen Berg et Rita Anker.

    — Le Stadspark. Et un peu plus vite que d’habitude. Je vous briefe tout en conduisant, dit Sara lors de la conversation à trois avec ses collègues.

    Sara avait constitué elle-même son groupe pour crimes graves et, pour des raisons évidentes, avait choisi ses anciens collègues de la police criminelle du comté. Ils étaient tous un peu perdus dans leurs nouveaux rôles. Ce groupe avait travaillé ensemble pendant de nombreuses années avant d’être dispersé dans différents services et même en différentes zones. Rien n’était plus comme avant. Cela créait de l’incertitude, mais dans une situation comme celle-ci, elle savait exactement quoi faire.

    — Je suis à peine à quelques mètres, annonça Rita qui habitait la Grönegatan.

    — Je suis déjà habillé, dit Jörgen. Ça prendra un quart d’heure max. Je pars de Dalby en voiture dans trois minutes.

    Sara les briefa sur le peu qu’elle savait.

    — Rendez-vous là-bas, dit-elle enfin.

    Ils raccrochèrent puis elle eut recours à la même procédure avec les collègues Jonny Svensson et Torsten Venngren, qui tous deux appartenaient à la police de Malmö. Puis ce fut le silence.

    Une inquiétude soudaine s’empara de Sara. Ses filles étaient-elles à la maison ? Dans la précipitation, elle n’avait pas vérifié. Et si c’était l’une d’elles ? se dit-elle, alors elle décrocha à nouveau son téléphone et tapa le numéro de portable de l’une de ses filles. Une voix féminine mal réveillée lui répondit. Sara se sentit rassurée lorsque sa fille confirma, agacée, que sa sœur jumelle et elle étaient bien à la maison.

    Sara appuya encore sur l’accélérateur.

    Elle arrêta la voiture d’un violent coup de frein devant le périmètre de sécurité et courut vers la lumière bleue clignotante près de Mejeriet.

    Une enquêtrice vint au-devant d’elle, une jolie jeune femme aux cheveux bruns réunis en queue de cheval. En dépit de la situation ambiante, elle avait l’air calme.

    Malva tendit la main.

    — Malva Gran, dit-elle.

    — Sara Vallén, chef de mission.

    — Je vais vous montrer les lieux, dit Malva. Nous avons peut-être aussi un suspect. Il a été interpellé sur décision du procureur. Un enquêteur mène le premier interrogatoire là-bas. Ensuite, c’est le procureur qui décide quoi faire.

    — Bien, avons-nous l’identité de la fille ?

    Adoptant un ton professionnel, Sara tenta de dissimuler son inquiétude : et si la victime était une connaissance de ses filles ?

    — Non, pas encore. L’ambulance l’a directement emportée. Elle saignait, c’était effroyable… On lui a coupé la langue.

    Sara Vallén fit une grimace de dégoût.

    — Quel cinglé a bien pu faire ça ? s’exclama-t-elle. Ce devait être affreux à voir !

    — Oui, affreux, répondit Malva Gran. Ce n’était pas toute la langue, mais une bonne partie malgré tout.

    — Dans quel monde vit-on, se lamenta la commissaire d’un air sombre.

    Bien qu’elle ait travaillé pendant de nombreuses années sur des crimes violents, elle ne put s’empêcher de ressentir de l’horreur devant le visage massacré sur lequel on s’était acharné.

    — La langue était posée à côté d’elle.

    — C’est donc ici la scène de crime ?

    — Ça en a tout l’air. Mais je ne sais pas vraiment. C’est le boulot des techniciens, répondit Malva.

    Sara acquiesça.

    — La fille avait un rameau de lilas à la main. Cela aussi était dérangeant, comme un symbole, mais de quoi ?. Difficile d’interpréter à la fois celui de la langue et celui du lilas…

    — Oui, bien sûr, mais il y a là probablement un message, confirma Sara.

    Elle suivit Malva et resta à une bonne distance du buisson de rhododendrons où gisait la fille.

    Le périmètre était bouclé. Il y régnait un silence tendu. Le seul bruit audible était le crachotement occasionnel des radios.

    — Au fait, le garçon qui l’a trouvée tenait lui aussi un rameau de lilas, dit Malva en détournant les yeux.

    Son regard vacillait, elle avait l’air terrifiée.

    Malva retint son souffle.

    — Il s’appelle Johannes Vallén.

    5

    Sara sentit le sol se dérober sous elle. Elle se détourna. Elle voulait fuir cet endroit. Elle se reprit rapidement, piétina le sol avec ses chaussures, comme pour y chercher du soutien.

    — C’est impossible, se borna-t-elle à dire en s’éloignant de Malva.

    — Mais on travaille comme si on ne savait rien, lui lança Malva.

    — Bien entendu, répondit Sara. Il est impossible que mon fils ait pu faire une chose pareille, vous comprenez ? !

    C’est avec du respect dans les yeux que Malva suivit du regard la chef de mission qui s’éloignait. Malgré son admiration pour la force de caractère dont faisait preuve Sara Vallén, elle ne put s’empêcher de penser qu’elle était peut-être la mère d’un violent criminel. Elle serra le poing et décida que le plus important était de se comporter avec neutralité.

    Avec sa truffe bien entraînée, le chien Virro progressait à partir du buisson de rhododendrons. Autour de son poitrail, il portait un harnais dont partait une longue corde jusqu’à son maître. Le chien gardait la tête bien au-dessus du sol, ce qui montrait que les traces étaient fraîches. Il tournicotait de-ci de-là, ne paressant pas y avoir de piste nette. Fredrik, son maître, pesta en son for intérieur. Trop de gens avaient piétiné la trace. Il déplaça le chien à une certaine distance du taillis, jusqu’à un endroit où l’agresseur paraissait avoir couru. Il y avait là des griffures nettes dans le gravier comme celles laissées par des pieds qui dérapent.

    Virro flaira l’odeur et prit sa course. Désormais, le chien abaissait la tête un peu plus près du sol.

    Depuis combien de temps l’agresseur était-il passé par là, ce n’était pas clair, mais le nez du chien montrait à l’évidence qu’il existait encore une piste. Fredrik s’accrochait à sa corde. Les traces bifurquèrent sur la pelouse en direction de la Svanegatan. Le chien s’arrêta un bref instant comme s’il avait flairé quelque chose, puis reprit sa course. Le maître-chien suivit son animal en silence.

    Ensuite, la piste obliqua à nouveau sur le gravier, en direction des bains publics. Le chien s’arrêta net à nouveau et sembla flairer quelque chose avant de repartir. Les traces semblaient aller en zigzag et l’animal avait fort à faire. Les différents matériaux de la surface rendaient la tâche de Virro encore plus difficile pour trouver la trace de l’agresseur, mais à présent il continuait vers la Svanegatan.

    L’équipement autour de la hanche du maître-chien faisait un bruit métallique, mais seuls s’entendaient les halètements de l’animal. Tout à coup, Virro marqua un arrêt brutal, flaira à nouveau, bifurqua rapidement et se précipita sur le chemin vers les bains de Högevallsbadet. Après quoi, il se mit à courir, la truffe à bonne distance du sol, jusqu’à hauteur des bains publics et à droite vers la Svanegatan.

    De l’asphalte, pensa Fredrik, pas bon. Ensuite, la piste s’arrêta vite. Pourtant, Virro sembla l’avoir retrouvée, car le museau désormais encore plus près de la rue, il continua à avancer avec obstination et bifurqua sur la Grönegatan. Arrivé à courte distance d’une porte, Virro s’arrêta encore. Il fureta un moment, mais paraissait désorienté. Ici, la piste était manifestement trop vague et le chien ne pouvait pas la retrouver. Il haletait et regardait fixement son maître. Puis il flaira le mur jusqu’à une autre porte, leva la patte et pissa. Fredrik poussa la porte, mais elle était verrouillée. Une pensée fugitive lui traversa l’esprit. Hélas, Virro avait perdu la trace. Dommage. Le maître-chien était habitué à ce que pareille chose arrive, et il savait que le chien et lui avaient tous deux fait de leur mieux. Il en allait ainsi de son travail : parfois on réussissait, parfois non.

    — Sept-trente à trois-neuf-dix.

    Le maître-chien appela l’enquêtrice.

    — Je vous écoute, répondit-elle.

    — Le chien a perdu la trace. On est dans la Grönegatan, pas très loin.

    — Entendu.

    6

    — Il a dix-sept ans et ce sont bientôt les vacances d’été, tu comprends bien qu’on ne peut pas lui imposer le couvre-feu. En plus, ce n’est pas un malfaiteur, c’est une erreur, Göran. J’ai sollicité l’aide d’un avocat, dit-elle avant que la communication ne soit interrompue.

    — Mon ex-mari, dit-elle en s’excusant à Malva qui se tenait à ses côtés.

    Malva se tourna vers la chef de mission qui secoua la tête. Tout son comportement indiquait qu’elle avait pris ses distances par rapport aux événements. Malva pensa une fois encore à la force de caractère de Sara Vallén.

    — Bien sûr, le véritable agresseur a eu tout loisir de disparaître en quelques minutes, dit Sara.

    Elle parlait vite, avec un débit saccadé propre aux habitants de Stockholm, et elle chassa ses tics en clignant des yeux – sa paupière resta coincée à mi-chemin comme si elle avait voulu cligner de l’œil. Elle savait que ça lui donnait un air supérieur, mais le phénomène se produisait automatiquement lorsqu’elle avait du mal à mettre de l’ordre dans ses idées.

    Entre raison et émotion, Johannes se fraya un chemin dans ses pensées. Deux voix : l’une affirmait avec insistance qu’il était impossible que le gentil et joyeux Johannes puisse avoir commis un acte aussi odieux, la seconde insinuait le doute directement dans son cœur, même si elle savait qu’il n’avait rien à voir avec ce crime. C’était tout simplement exclu.

    Sara scruta le parc et vit à sa grande joie que Rita Anker accourait en compagnie de Jörgen Berg. Peu après, elle entendit un véhicule s’arrêter à hauteur de la voiture de la police, dont sortirent Jonny Svensson et Torsten Venngren.

    Sara leur raconta ce qui s’était passé. Elle hésita un peu, mais finit par leur dire que son fils était peut-être soupçonné du crime. Ses collaborateurs la regardèrent, sans comprendre.

    — Mais dans ce cas, vous ne devriez pas être chef de mission, dit Jonny Svensson.

    — Nous n’avons personne d’autre pour le moment, mais les choses vont s’arranger, car Johannes n’a rien à voir là-dedans. Point barre.

    Sara les regarda d’un air sombre. Discuter de cela maintenant était hors de question. Ils le comprirent tous.

    Jonny baissa la tête d’un air maussade, mais céda. Il alluma une cigarette et se dit qu’il ne servait à rien de discuter. Il avait au moins appris ça, à force d’obéir.

    Ils franchirent ensemble la rubalise et s’approchèrent de la scène de crime. Malva leur emboîta le pas. Sara se tourna vers elle.

    — Veillez à maintenir le périmètre de sécurité et envoyez aussi quelqu’un là-haut dans la Grönegatan, dit-elle, surprise d’entendre à quel point sa voix portait.

    Elle fit un mouvement envers Malva comme pour se raviser au moment précis où celle-ci venait d’appuyer sur la touche envoi pour répercuter les ordres concernant la Grönegatan.

    — Réflexion faite, je m’en charge avec ma

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