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Le Destin entre les mains
Le Destin entre les mains
Le Destin entre les mains
Livre électronique369 pages4 heures

Le Destin entre les mains

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À propos de ce livre électronique

Un polar suédois palpitant par l'autrice du best-seller Un Rameau de lilas blanc.Le commissaire Sara Vallén se sent dévastée après avoir témoigné contre l'homme qui l'a maltraitée. Elle reste émotionnellement fragilisée quand elle est appelée à enquêter sur une mort suspecte dans la ville universitaire de Lund. La victime a tout du gendre idéal : empathique, droit, intelligent... Mais Sara sent que cette image est trop belle pour être vraie, et de sombres secrets entourant l'homme remontent alors à la surface.Grâce à ses années d'expérience au sein de la police, Cecilia Sahlström offre une fiction réaliste à la frontière du true crime.-
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie1 juin 2023
ISBN9788728014028

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    Le Destin entre les mains - Cecilia Sahlström

    Cecilia Sahlström

    Le Destin entre les mains

    Traduit du suédois par Hélène Hervieu

    SAGA Egmont

    Le Destin entre les mains

    Traduit par Hélène Hervieu

    Titre Original I egna händer

    Langue Originale : Suédois

    Copyright © 2018, 2022 Cecilia Sahlström et SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788728014028

    1e édition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l’accord écrit préalable de l’éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu’une condition similaire ne soit imposée à l’acheteur ultérieur.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d’Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d’euros aux enfants en difficulté.

    1

    — Enfin, chuchota-t-il.

    Enfin. Il l’embrassa en la serrant fort contre lui. La chaleur de son propre corps se transmit rapidement au sien.

    Elle respirait de manière plus apaisée. Son odeur masculine, leurs lèvres qui se rencontraient, les battements réguliers du cœur qu’elle sentait pressé contre le sien avaient eu raison de ses forces et la peur avait cédé. Les grandes mains de l’homme caressaient ses cheveux.

    Leurs vêtements étaient pêle-mêle sur le sol.

    Leurs corps nus se rencontrèrent et se fondirent dans un seul mouvement. Elle atteignit l’orgasme bien avant lui et une fois qu’il eut joui, c’était fini, ils devaient se séparer. C’était chaque fois plus douloureux.

    Elle se faufila le long des rues pour rentrer à la maison, prit le Slagtoftavägen puis tourna à droite dans la Storgatan. L’air était frais, les étoiles scintillaient dans le ciel noir. Elle passa devant le concessionnaire de voitures Månsson, fermé à cette heure de la nuit. Comme toujours, elle craignait que quelqu’un la voie, la suive, sache ce qu’elle avait fait. Un sentiment d’insécurité la fit frissonner. Elle ressentait ça chaque semaine pendant tous ces derniers mois où elle avait rendez-vous avec lui. Lui, cet homme qu’elle aimait par-dessus tout. Elle serra les poings et scruta la rue en fronçant les sourcils. C’est à peine si elle osait respirer. Telle la lumière d’un phare, ses yeux balayaient les environs. Elle pressentait un danger, mais elle n’était pas sûre de ce qui était dangereux. Et ce qui ne l’était pas.

    Soudain, elle entendit un crissement derrière elle. Comme des graviers sous les semelles de quelqu’un de lourd. Son cœur se figea. Elle se retourna si vite que sa longue tresse se balança dans son dos, mais elle ne vit rien de particulier. Il n’y avait personne. Elle se répéta en son for intérieur que son imagination lui jouait des tours, mais elle resta immobile quelques instants, le temps que les coups cessent dans sa poitrine et que le bruissement dans sa tête s’estompe. Elle reprit son chemin en se dépêchant le plus discrètement possible, passa devant le magasin de vêtements Sandahl, la place de Gamle Torg de Hörby, et arriva enfin chez elle.

    Elle se glissa dans son lit, pleine d’amour pour cet homme, mais avec toujours la peur qui cognait dans sa poitrine. Ses parents dormaient, elle entendit son père qui ronflait, bien qu’elle eût fermé la porte de sa chambre.

    2

    Tobias sortit vite sur le parking, ouvrit la portière de la voiture et se pencha légèrement vers le siège conducteur. Il entendit un vague bruit derrière lui, mais il n’eut pas le temps de voir de qui il s’agissait, et se retrouva la tête coincée comme dans un étau. Il eut du mal à respirer et faillit tourner de l’œil. Un grand bras costaud lui comprimait si fort le cou que sa vue se brouilla. Une pensée se glissa dans les méandres de son cerveau, mais sans atteindre sa conscience.

    Il eut l’impression de savoir qui c’était, mais ne parvint pas à l’exprimer.

    Il tenta de se dégager de la prise, mais plus il se débattait, plus l’étau se resserrait et moins l’air pénétrait dans ses poumons. Il s’efforça de respirer par le nez et de chasser la peur lancinante. Lui-même était pourtant assez baraqué, à ceci près que celui qui le tenait était encore plus costaud. Il essaya de se détendre tant pour respirer que pour rassembler ses pensées et se donner une possibilité d’agir.

    L’homme respirait fortement et la chaleur de son souffle lui chatouillait la nuque. Dans le même temps, Tobias percevait l’odeur piquante de la sueur de son aisselle mélangée à une fragrance distincte de parfum pour homme.

    — T’as intérêt à ne plus jamais la revoir, chuchota l’homme dans son oreille droite.

    Son haleine sentait le métal.

    Elle. Il était évident qu’il s’agissait d’elle. Il voulut répondre, mais ne put sortir un seul son.

    — Je t’avertis, plus jamais, t’entends ?

    Ça sifflait et grondait dans sa tête. Son cœur battait à tout rompre.

    — Ne regarde pas ! intima la voix.

    La pression autour de son cou se relâcha. Les pas étouffés s’éloignèrent, il attendit pour bouger de ne plus les entendre du tout.

    La portière était restée ouverte avec son portable sur le siège. Il composa le 112, mais raccrocha aussitôt. Il s’installa dans la voiture, sortit du parking et prit à gauche dans le Slagtoftavägen. Il roula à peine un kilomètre jusqu’à la bretelle de l’E22 et tourna ensuite à gauche et au sud, en direction de Lund. Au milieu du trajet, ses jambes se mirent à trembler si violemment qu’il dut se rabattre sur le bas-côté de la route. Juste à ce moment-là, son portable lui fit savoir qu’il avait reçu un message.

    3

    La commissaire Sara Vallén s’éveilla lentement et chercha son portable à tâtons. Elle poussa un soupir de soulagement, son téléphone indiquait qu’il était seulement huit heures. Par les interstices des stores, le soleil brillait obstinément dans le miroir. Cela donnait de l’espoir. Cher automne, pensa Sara en s’étirant dans son lit.

    Aujourd’hui, c’était à son tour de témoigner dans le procès contre Peter Matsson. Les débats duraient depuis plusieurs jours et celui-ci était l’avant-dernier, la journée du lendemain serait consacrée aux plaidoiries finales. Ensuite ce serait terminé et Sara pourrait aller de l’avant. Les autres jours, il avait été question de toutes les années où il avait maltraité son épouse. Sara avait vraiment de la peine pour elle, même si elle ne pouvait s’empêcher d’être agacée que Linda Matsson ait laissé traîner les choses si longtemps. Mais après tant d’années au sein de la police, Sara savait combien il était difficile pour les femmes battues de se sortir de relations destructrices. Tu n’as qu’à te regarder dans une glace, se dit-elle en écartant des cheveux qui lui chatouillaient le visage.

    Elle balança ses jambes en dehors du lit, s’assit et secoua son corps pour se débarrasser de la sensation de malaise qui pesait sur ses épaules. La boule d’anxiété dans l’estomac était plus difficile à éliminer.

    L’été n’était pas si loin, en fait, pourtant cela lui semblait une éternité ou une autre vie. Un été qu’elle n’oublierait jamais. Probablement le pire été qu’elle ait jamais connu : le gamin qui se flinguait après avoir commis plusieurs meurtres, lui qui avait porté en lui tant de douleur ; son propre fils Johannes en garde à vue pour un crime qu’il n’avait pas commis ; puis Peter Matsson, un collègue dont elle était tombée amoureuse, qui s’était révélé être un type violent déguisé en charmeur rusé. Aujourd’hui, elle allait le mettre à nu.

    Mais cet été lui avait aussi fait comprendre que la vie était courte et qu’il fallait tenir bon.

    Sara entra dans la douche et laissa l’eau presque brûlante adoucir son corps. Elle palpa ses seins tout doux. Une habitude qu’elle avait prise depuis qu’elle avait commencé à faire des mammographies. Pas de cancer du sein aujourd’hui non plus, pensa-t-elle en fermant l’eau.

    Les vêtements étaient préparés, elle les enfila. Non, elle sortit un autre ensemble de la penderie, l’essaya aussi. Non, pas celui-là non plus. Finalement, elle mit son jean noir, un haut blanc et un veston noir. Elle prit dans la penderie les santiags achetées à Simrishamn et les posa dans l’entrée. « Regardez, me voici ! » lui avait lancé Jonny Svensson lorsqu’elle les avait aux pieds pour aller travailler. Elle sourit à ce souvenir. Ce n’était pas pour rien qu’elle les adorait : noires avec des broderies colorées gaies qui faisaient joli.

    4

    Sara longea la Kalendegatan au pas de course et entra dans le tribunal de district de Malmö. Après avoir adressé un signe de la main à la réceptionniste, elle monta quelques marches : Marit Ståhl, l’avocate de la plaignante, était assise là-haut et l’attendait.

    — Quelle ville de fous ! Impossible de se garer. Et partout des contractuels.

    — Oui, c’est comme ça en ville. Encore une chance que je roule à vélo. Avez-vous réfléchi à votre témoignage ?

    — Oui, répondit Sara.

    — Je n’arrive toujours pas à croire que j’ai pu être amoureuse de lui. Comment moi qui ai côtoyé des crimes horribles pendant autant d’années, je n’ai pas mieux jugé la situation ?

    — Eh bien, dit l’avocate avec un sourire amical, ça n’a en soi rien d’inhabituel.

    — Oui, en effet, constata Sara en éclatant de rire.

    — Mais comment ai-je pu accepter ça ? J’ai bien vu les signes avant-coureurs, et pourtant…

    Sara se tut. Stig Malmsten, le procureur spécialisé dans les affaires de police, parut dans la salle d’attente au moment même où Peter Matsson et son avocat y faisaient leur entrée et l’affaire fut appelée. Ils se rendirent tous dans la salle d’audience et rejoignirent les places qui leur avaient été assignées. Le procureur, Sara Vallén et Marit Ståhl, l’avocate de la plaignante, d’un côté et Peter Matsson et son avocat de l’autre.

    Sara aurait préféré ne pas regarder Peter, mais elle se força et soutint son regard jusqu’à ce que celui de l’homme se mette à papillonner.

    Bien qu’il régnât un froid glacial dans la salle d’audience, les joues de Sara étaient en feu. Elle se souvint des mots de réconfort de Rita Anker, cela arrive dans tous les milieux, ce n’est pas toi qui es dans l’embarras, c’est lui.

    Le procureur prononça son réquisitoire, l’avocat de la défense sa plaidoirie. Les interrogatoires débutèrent, Rita Anker et Malva Gran, la supérieure de Peter Matsson, témoignèrent. Puis ce fut le tour du médecin légiste. Le temps s’écoulait. Lorsque Sara fut appelée à la barre par l’avocat de la défense, elle dut serrer les dents pour ne pas laisser ses nerfs prendre le dessus.

    — Si je comprends bien, vous avez provoqué Peter Matsson, lança-t-il en désignant le suspect.

    — Que voulez-vous dire par là ?

    — Ici c’est moi qui pose les questions, répondit-il d’un ton cinglant.

    — Je ne peux pas répondre, car je ne comprends pas ce que vous entendez par là, coupa Sara avec un regard noir.

    — Je reformule donc ma question, concéda l’avocat en se penchant en arrière.

    — Avez-vous des problèmes d’humeur ?

    Sara le regarda fixement.

    — Des problèmes d’humeur ? Non !

    — Mais vous pratiquez bien le judo, si je ne m’abuse ?

    — Oui.

    — Et vous vous en êtes servi contre un homme dans un autre contexte.

    — Oui, contre un homme qui s’en prenait à moi.

    — Alors, je répète : avez-vous des problèmes d’humeur ? Car vous avez bien maltraité mon client, non ?

    — Quoi ?

    Le juge eut un mouvement sur sa chaise et plissa le front. La procureure se leva, mais le juge lui fit signe de se rasseoir.

    — L’avocat de la défense aurait-il l’obligeance de nous dire où il veut en venir ? demanda-t-il.

    — Oui, certainement. Peter Matsson présente des blessures montrant qu’il a été victime de violences et ces blessures lui auraient été infligées par la plaignante, Sara Vallén. Donc Sara Vallén a-t-elle des problèmes d’humeur ? À mon avis, ce ne serait pas la première fois.

    Sara n’en crut pas ses oreilles.

    La procureure se leva une nouvelle fois.

    — De quelles blessures s’agit-il ? Nous n’en avons jusqu’ici jamais entendu parler, objecta-t-elle en écartant les mains.

    — Oui, de quelles blessures s’agit-il ? demandèrent Marit Ståhl et le juge d’une seule voix.

    — Je me permets de joindre un certain nombre de photos au dossier.

    Le juge hocha la tête, l’avocat de la défense s’avança et lui fournit plusieurs clichés. Ensuite il en donna des copies à la procureure et l’avocat de la plaignante. Sur les photos figurait une date, la même où Sara était allée chez le médecin pour faire constater ses blessures. Elles montraient une égratignure à côté de l’œil droit de Peter et une autre à la clavicule droite ainsi qu’une ecchymose au menton, guère plus grosse qu’une pièce d’un centime.

    Le juge avait l’air très mécontent :

    — Qu’est ceci, maître ? Je suggère qu’on élève un peu les débats dans cette salle. Le témoin n’a pas besoin de répondre à la question, dit-il en s’adressant à Sara.

    — Fourniture spontanée de preuves, répondit l’avocat en grimaçant comme s’il se sentait mal.

    — L’avocat de la défense entend évidemment faire valoir que ces documents seraient proportionnels à la violence dont Sara Vallén a été victime. Comme dit précédemment, il serait souhaitable d’élever un peu les débats.

    L’avocat protesta contre la façon de voir du juge, mais n’obtenant aucune réponse, il renonça.

    Les débats se poursuivirent toute la journée. L’avocate de Sara réclama des dommages-intérêts. En sortant enfin de la salle d’audience, Sara poussa un soupir de soulagement. La tension se relâcha un peu. Maître Ståhl lui tapota gentiment le bras.

    — Ça s’est bien passé, constata-t-elle.

    — Oui, mais putain que c’était pénible…

    — Je comprends ça. Après les plaidoiries finales, on verra bien la décision de justice.

    La procureure n’avait même pas retenu d’autres chefs d’accusation, uniquement celui de violation grave des droits de la femme. Tout le monde était convaincu que Peter Matsson serait condamné pour cela, aussi bien envers son épouse qu’envers Sara.

    Avant de rentrer en voiture à la maison, elle téléphona à Rita.

    — Pas de profond soulagement. Rien que le vide. Le vide et le chagrin, mais merci d’avoir témoigné en ma faveur, dit-elle quand Rita lui demanda comment elle se sentait.

    — Bien sûr, c’est une réaction normale, répondit Rita.

    — Ce qui est arrivé est arrivé. Mais nous n’avons pas d’autre recours pour ce genre d’affaires ici en Suède. Je ne t’apprends rien.

    — Oui, c’est comme ça. Mais le plus important à mon avis, c’est que cet homme ne travaillera plus jamais au sein de la police. C’est déjà ça. Car il n’y est vraiment pas à sa place.

    5

    Sara allait sortir pour déjeuner en ville. Le téléphone avait sonné toute la matinée et elle avait besoin de bouger. Juste au moment où elle lâchait la poignée de la porte et descendait la première marche de l’escalier, son portable sonna.

    — Salut, c’est Marit Ståhl.

    — Salut.

    — Avez-vous quelques minutes à m’accorder ?

    — Oui, absolument, le verdict est tombé ?

    — Oui, considérant qu’il sera viré de la police, au terme de la procédure disciplinaire, il écopera d’un an et quatre mois d’emprisonnement. Et vous toucherez des dommages-intérêts à hauteur de vingt-cinq mille couronnes ¹ .

    Sara ricana.

    — Un an et quatre mois ! C’est tout ce qu’il écope pour plusieurs années de mauvais traitements de son épouse et pour m’avoir agressée ? Il n’y a vraiment pas de quoi sauter au plafond.

    — C’est une façon de voir les choses bien sûr, mais c’est tout de même beaucoup, car certaines circonstances sont restées floues et n’ont pas pu être prouvées. Mais il est viré et à l’avenir il ne pourra pas obtenir d’emploi qui ait quoi que ce soit à voir avec des hommes et des femmes.

    Sara manifesta encore une fois sa déception.

    — Bien sûr. Mais tout de même. A-t-il seulement de l’argent ? Qu’est-ce qu’a obtenu Linda Matsson comme dommages-intérêts ?

    — On lui a accordé soixante-dix mille couronnes ² .

    Sara entendit presque Marit Ståhl se défendre à l’autre bout du fil.

    — Soixante-dix mille, mais putain c’est rien, non ? Pour toutes ces années de souffrance !

    — Je sais.

    Sara s’entendit elle-même monter trop dans les aigus.

    — Bon, en tout cas, maintenant c’est fini. Sauf s’il fait appel.

    — Oui, ça reste à voir.

    — Je n’en serais pas étonnée.

    — Non, moi non plus. Mais si c’était le cas, je suis persuadée qu’il n’y aura aucun changement dans le verdict, peut-être même sera-t-il aggravé.

    — Non, peut-être pas. Portez-vous bien en attendant.

    — De même, Sara. Au revoir.

    Marit Ståhl mit fin à la conversation. Sara était arrivée à la Cucina dans la Hantverkksgatan, elle entra et s’assit à une table près d’une fenêtre.

    Le serveur s’approcha et lui donna le menu.

    — Bonjour, bienvenue. Qu’est-ce que je vous sers ? Pasta arrabiata ? demanda-t-il avec un sourire.

    — Oui, comme d’habitude, répondit Sara. Et de l’eau gazeuse. Merci.

    De retour au bureau, elle se replongea dans ses dossiers. Notamment, une vieille affaire sur laquelle ils travaillaient depuis des lustres et qui progressait lentement. Lentement mais sûrement.

    À 16 h 30, elle décida de rentrer chez elle. Elle avait déjà un bras dans la manche de sa veste, lorsque son portable sonna, un numéro interne.

    — C’est pas vrai… pesta-t-elle en prenant l’appel.

    — Sara Vallén. J’allais rentrer chez moi.

    — Salut, c’est l’officier de permanence du comté. Désolé de vous déranger, mais un couple de personnes âgées à découvert un homme mort dans le cottage d’un jardin familial de Västra Sommarstaden. Vous devez vous en charger. Les policiers en uniforme sont en route. J’ai téléphoné aux techniciens. Rappelez-moi quand vous serez sur place.

    — Je m’en charge, soupira Sara qui mit fin à la conversation et sortit dans le couloir pour appeler ses collègues.

    Rita passa la tête à la porte de son bureau.

    — Un type mort dans le cottage d’un jardin familial, dit brièvement Sara.

    Plusieurs voitures de police étaient garées dans le Maskinvägen et dans l’allée menant à l’école de Palettskolan. Les grilles du jardin familial étaient ouvertes et une ambulance stationnait avec devant elle une voiture de police à côté du cottage. Les lumières bleues des gyrophares se détachaient sur le ciel qui s’assombrissait et des curieux se pressaient derrière le périmètre de sécurité. Sara et Rita soulevèrent la bande bleue et blanche et entrèrent dans le jardin aux splendides couleurs automnales, où les pommiers ployaient sous le poids des fruits et où reines-marguerites et soucis abondaient dans les plates-bandes. Un couple âgé se tenait dans l’allée de graviers un peu à l’écart de l’habitation proprement dite, enveloppé dans des couvertures bleu clair fournies par les ambulanciers.

    — Bonsoir, dit Sara en arrivant à hauteur du couple à grands pas en leur tendant la main. Je m’appelle Sara Vallén et je suis commissaire de police. Voici l’inspectrice Rita Anker.

    Sara désigna sa grande collègue blonde qui arrivait juste derrière elle.

    — Roland Bruhn, se présenta l’homme d’une voix presque atone.

    — Anja Bruhn, dit à son tour la femme dont la voix se brisa en prononçant le nom de famille. Roland et moi, nous n’y comprenons rien. Qui peut faire une chose pareille ?

    — Nous l’ignorons actuellement, répondit Sara tout en caressant l’avant-bras fluet de la femme qui dépassait de la couverture.

    — Je pense que vous devriez partir avec l’ambulance. D’une part vous y serez au chaud et d’autre part vous y recevrez un soutien moral. Nous vous parlerons plus tard, ça va aller.

    Elle montra l’ambulance d’un signe de tête.

    — Mais nous ne voulons pas partir dans la même ambulance que le mort, protesta Anja Bruhn dont le menton tremblait et se contractait.

    — Oh, non, non, la rassura Sara, malheureusement, lui n’a pas besoin d’ambulance. Il est décédé et sera transporté dans un autre genre de véhicule. Vous pouvez être entièrement rassurée de ce côté-là.

    Le visage de l’homme se contracta et il porta la main à sa poitrine, pendant un instant Sara crut qu’il allait avoir une crise cardiaque.

    — On a besoin d’une infirmière ici ! cria-t-elle en direction de l’ambulance.

    L’infirmière de l’ambulance arriva en quelques secondes. Sara fit un signe de tête en direction de Roland Bruhn. Il eut beau protester, l’infirmière l’entraîna avec elle jusqu’à la voiture. Anja Bruhn resta sur place, le regard dans le vague.

    — Bon, il n’y a sûrement aucun danger, mais à présent nous allons jusqu’à l’ambulance, ainsi vous pourrez tous deux partir avec. C’est le mieux. Venez.

    Rita parla d’un air décidé, mais gentiment et la femme accepta. Pendant ce temps, Sara se rendit à la petite maison et tomba sur le médecin qui en sortait. Il s’arrêta net.

    — Putain, grimaça-t-il.

    — Il porte d’innombrables coups de couteau sur le corps, une rage inouïe, selon moi. Et puis on lui a arraché les ongles, donc il a été victime de torture. Les techniciens sont à l’intérieur et le corps sera transporté chez le médecin légiste.

    Il grimaça de nouveau, lui fit un signe de tête et s’en alla. Sara le vit saluer Rita et sourit en elle-même de voir son dos, tout courbé quand il lui avait parlé, totalement redressé quand il se tenait devant Rita.

    Cette dernière essuya ses chaussures sur le paillasson et posa une main sur le dos de Sara avant d’entrer.

    L’homme gisait sur le sol. Sara eut un mouvement de recul. Putain de merde, pensa-t-elle. Le médecin avait raison. Actes de torture.

    — Oh, nom de Dieu ! C’est quoi, ça ? s’écria Rita avec un fort accent du Värmland.

    Ove Ovesson, le chef des techniciens, se retourna. Penché au-dessus du cadavre, il fouinait dans quelque chose qui ressemblait à des ongles.

    — Oui, il a une entaille à la gorge. Mais avant cela, le meurtrier l’a torturé, il porte des traces de brûlure au visage et ses ongles ont été arrachés. Nous verrons ce que le toubib dira sur les parties génitales, il y a en tout cas du sang sur le pantalon à cet endroit-là.

    6

    Beatrice Larsson, la chef de police du secteur, s’assit sur le bord du bureau et regarda Sara et les quatre autres qu’elle avait conviés à une réunion. Elle tambourinait avec deux doigts sur sa tempe gauche. Une goutte de sueur perlait à la racine des cheveux.

    — La victime est non identifiée, mais nous avons mené des recherches dans le fichier des personnes disparues et cela a donné un résultat probant. Un certain Tobias Klingström est porté disparu hier, mais il était probablement hors circuit depuis quelques jours. Le signalement correspond ; malheureusement nous serons obligés de demander aux parents ou à un proche de reconnaître le corps. Cela ne sera pas drôle. Sara ?

    — Oui, nous mettons immédiatement l’ensemble du dispositif en branle. Je ne sais pas vraiment quoi penser de ce meurtre. D’un côté, cela ressemble à un accès de fureur, mais de l’autre, la torture semble indiquer une forme de préméditation et nullement un déchaînement incontrôlé des pulsions.

    Sara regarda ses collègues. Jonny Svensson avait été détaché depuis Malmö ainsi que Torsten Venngren. Jörgen Berg s’appuyait contre l’encadrement de la porte et Rita Anker se tenait près de la fenêtre donnant

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