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Théa Davis - Tome 1: La Confrérie des Sang-Mêlé
Théa Davis - Tome 1: La Confrérie des Sang-Mêlé
Théa Davis - Tome 1: La Confrérie des Sang-Mêlé
Livre électronique298 pages7 heures

Théa Davis - Tome 1: La Confrérie des Sang-Mêlé

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À propos de ce livre électronique

Théa, bientôt 16 ans, se réveille en suffoquant : elle vient de faire un rêve terrifiant. Et quelle stupeur, quand son rêve se réalise et qu’elle se rend compte qu’elle possède un pouvoir de prémonition !
Envoyée de force dans une Confrérie secrète pour apprendre à maîtriser son don, elle découvre que la magie existe et que le monde est protégé par des chevaliers aux pouvoirs surhumains, qui luttent contre un ordre aussi puissant que malfaisant, mené par le traître Jonas.
Dès son arrivée au château, Théa est victime d’une transformation génétique sans précédent, inexplicable. Elle commence aussi à développer de nouveaux pouvoirs, effrayants et destructeurs. Une question s’impose alors : Théa descend-t-elle vraiment de cet ordre de chevaliers ?
Luttant contre Jonas, mais aussi contre la menace qui s’installe au plus profond d’elle-même, Théa va se mettre en quête de réponses aux mystères de ses origines. Mais a-t-elle vraiment envie de les connaître, au risque de réveiller des légendes aussi oubliées que funestes ?

À PROPOS DE L'AUTEURE

Jeune étudiante en droit, Caroline Gaspard écrit depuis ses 17 ans. Pétillante et sensible, cette passionnée d’histoire et de philosophie cache aussi un côté fantasque et... légèrement névrosé. C’est ainsi qu’avec son énergie lumineuse et ses intrigues indémêlables, elle nous entraîne dans un autre monde qui pourtant, pourrait bien être le nôtre... Pourvu qu’on sache ouvrir les yeux.
LangueFrançais
ÉditeurLibre2Lire
Date de sortie26 août 2020
ISBN9782381570372
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    Aperçu du livre

    Théa Davis - Tome 1 - Caroline Gaspard

    Chapitre 1 : La fille aux yeux d’or

    Le vent d’est, glacé, soufflait déjà depuis plusieurs jours. La saison froide allait arriver, si vite encore que d’ici à peine quelques jours, on n’entendrait plus un seul oiseau chanter. Plus un. Théa détestait cela. Se sentir enfermée, comme menacée par le bruit lancinant des gouttelettes qui s’écrasent et ruissellent sur les carreaux gelés. Appuyée au rebord de la fenêtre, elle laissait son visage s’imprégner une fois encore de la tiède lumière du soleil. Ouvrant les yeux, elle reçut une grosse goutte d’eau sur la joue. Alors elle ferma tout. Les volets, les portes vitrées, les rideaux ; et resta plantée là, devant le tissu mauve qui sentait la lavande. Bientôt, la ville fut sous la pluie. On entendait l’eau qui déferlait sur le toit et descendait dans les gouttières. Perdue dans ses pensées nostalgiques de l’été qui prend fin, elle ne se rendit compte qu’elle n’était pas seule dans la pièce que lorsque deux mains vinrent s’abattre sur ses épaules avec une vigueur amicale.

    Ils s’installèrent face à face en tailleur, Théa prit la tasse brûlante que son ami lui tendait et huma l’odeur agréable de la menthe.

    Liam avait donc définitivement décidé de ne rien prendre au sérieux et Théa savait qu’elle ne pourrait plus rien tenter ce jour-là. Elle se décida à rentrer chez elle afin de ne pas inquiéter sa sœur restée seule à la maison et d’être là quand sa mère rentrerait, même si ses parents savaient parfaitement où elle était. Théa et Liam passaient toutes leurs journées ensemble. Ils étaient nés avec vingt-deux heures d’écart, ce qui donnait à Liam un éternel jour d’avance sur Théa, et cette magnifique amitié avait duré au fil des ans, jusqu’à aujourd’hui. Toujours ensemble, ils n’avaient tout simplement pas appris à vivre l’un sans l’autre depuis leur première rencontre à la maternité, quinze ans plus tôt, presque seize.

    Sa mère aussi ne devrait plus trop tarder à rentrer, elle était justement partie en randonnée avec celle de Liam. Elles aussi étaient d’excellentes amies. En fait, elles n’avaient pas eu d’autre choix que de s’entendre quand leurs enfants s’étaient mis à réclamer sans cesse la présence de l’autre, et le temps agissant, la famille de Théa Davis et celle de Liam Petersen étaient devenues très proches. Les deux pères quant à eux, ne s’étaient pratiquement jamais croisés, celui de Théa étant pilote dans l’armée de l’air et celui de Liam représentant d’une grande firme transnationale ; n’avez-vous jamais entendu le nom de Petersen ? Ainsi, ils étaient tout le temps à l’étranger et ne voyaient que rarement leurs familles.

    Théa quitta la demeure de son ami pour se rendre de l’autre côté de la rue, sur son propre pallier, et à peine eut-elle refermé la porte qu’elle aperçut la jolie tête blonde de sa petite sœur Maélys, qui la dévisageait de ses yeux noisette.

    Renfrognée, Maélys partit s’isoler dans sa chambre en grommelant des paroles inintelligibles pour tout autre que Théa, qui avait appris à reconnaître les instants où sa sœur était gênée. Malgré ses quatorze ans, elle manquait encore un peu de maturité et se laissait facilement emporter par ses émotions. Elle n’insista donc pas et monta à la salle de bain. Elle prit une douche et sécha lentement ses cheveux châtains, entrecoupés de mèches blondes qui leur procuraient de superbes reflets dorés qui tombaient jusqu’au milieu du dos. Elle se dévisagea un instant devant le miroir. Quelque chose avait insensiblement changé depuis la veille, mais elle ne parvenait pas à mettre le doigt dessus. Elle en conclut que sa dernière nuit mouvementée lui avait certainement apporté quelques cernes et s’arrêta là. Elle enfila un pyjama sombre de demi-saison et se rendit à sa chambre, où elle s’installa confortablement à plat ventre sur son lit et reprit la lecture d’un roman. Mais à peine commença-t-elle à se perdre entre les lignes de l’ouvrage que son téléphone vibra. Une fois, deux fois. Ne souhaitant pas se détacher de sa lecture, elle le fourra sous son oreiller, sans perdre le texte des yeux. Mais lorsqu’elle le sentit vibrer une troisième fois, la curiosité l’emporta. Qui pouvait bien la harceler un dimanche soir ? Les bruits qu’elle entendit dans le hall d’entrée lui répondirent d’eux-mêmes. Sa mère venait de rentrer. Alors elle comprit immédiatement de qui venait ces messages et se précipita sur l’appareil pour en avoir le cœur net. Il s’agissait bien de Liam, qui s’impatientait déjà et lui jurait qu’il débarquerait chez elle dans la minute si elle ne répondait pas immédiatement. Alors qu’elle finissait de lire le dernier message, sensiblement identique aux deux précédents, elle entendit à nouveau la porte de l’entrée s’ouvrir. Quelques mots furent échangés entre sa mère et une voix qu’elle reconnut sans peine et avant même qu’elle n’ait pu saisir la poignée de sa porte pour descendre, des pas rapides se firent entendre dans l’escalier. Elle faillit se prendre la porte dans la tête lorsque Liam entra brusquement dans sa chambre. Heureusement, elle connaissait son ami et avait pris la précaution de reculer suffisamment tôt pour l’éviter. Il referma la porte aussi vivement qu’il l’avait ouverte, puis s’y appuya, prenant un air qui variait entre sérieuse préoccupation et extrême joie. Après une courte pause durant laquelle il fixa attentivement son amie, comme s’il tentait de déceler chez elle quelque chose de changé, lui aussi, il commença à parler sans laisser l’opportunité à Théa de l’interrompre une seule fois :

    Voyant que son amie s’était soudainement perdue dans ses pensées, il attendit patiemment qu’elle en émerge, préparant soigneusement ses prochaines paroles. Enfin, au bout de quelques minutes d’attente intolérable dans le silence, interrompu quelques fois par des bruits de vaisselle au rez-de-chaussée, Liam, n’y tenant plus, lança à son amie :

    Cette curieuse phrase de son ami la tira de sa rêverie qui oscillait entre la folie d’un espoir fantaisiste et le pragmatisme de la vie réelle :

    Liam était extrêmement inquiet lorsqu’il voyait toute cette foule de jeunes en pleine crise de puberté s’intéresser d’un peu trop près à sa meilleure amie. Il l’aimait tellement, comme une sœur, qu’il n’était certainement pas, mais alors pas du tout, prêt à la partager avec un autre. Il n’était pas aveugle, Théa était vraiment jolie. Aussi, il se faisait un devoir de protéger cette belle petite fleur, même s’il se rendait régulièrement compte que ce n’était souvent pas la fleur qui avait besoin de protection, mais plutôt les insectes stupides qui lui volaient autour.

    Mais Théa se fichait pas mal de tout ça, au grand bonheur de Liam dont la charge protectrice s’en trouvait largement diminuée. C’est vrai quoi, il y songeait souvent ! Elle était belle, drôle, pleine de répartie et si maligne ! Son mètre soixante-cinq ne la rendait ni trop grande, ni trop petite pour son âge. Sa peau légèrement dorée lui offrait un teint si splendide qu’elle semblait briller au soleil… Wôw, Liam essaya de se reprendre mais ses pensées filaient trop vite. Tout cela il le pensait réellement, naïvement, sincèrement. Le volume de ses cheveux raides châtains coupés de mèches blondes, parfaitement assortis à sa peau, et ses yeux bleu-vert, parsemés de reflets dorés… Attendez… Des reflets dorés ?

    Liam la suivit jusque devant le miroir. Elle n’en croyait pas ses yeux et c’était bien le mot. Elle comprenait enfin ce qu’elle avait cru remarquer en sortant de la douche. Elle n’avait pas de cerne, non, aucune. Elle avait simplement des filaments dorés, incurvés dans ses pupilles.

    Théa faisait beaucoup de sport avec son ami et sa sœur. Son truc à elle, c’était de bouger, d’où son pragmatisme. Elle aimait l’action. Chaque année elle étonnait un peu plus le vieil homme, qui ne comprenait pas comment une jeune fille en apparence si fragile pouvait soutenir des efforts aussi intenses que ceux qu’enduraient des hommes dans la force de l’âge.

    Ils convinrent donc d’y aller ensemble en sortant du lycée. Lorsque le dîner fut servi, ils descendirent à la cuisine. Maélys, qui s’était déjà installée et qui, affamée, était en train d’arracher un gros morceau de pain avec ses dents, faillit s’étouffer en apercevant Liam. Elle toussa fortement, avala une gorgée d’eau et prit un air serein, comme si elle ne venait pas d’échapper à une mort ridicule. Elle se reprit en saluant Liam d’un nonchalant signe de la main et se remit à manger, avec beaucoup plus de classe. Mais personne n’était dupe. Sauf Liam, peut-être. Sa mère, qui avait assisté à la rapide scène, ne put retenir un rire amusé. Elle détacha ses cheveux blonds vénitiens qu’elle avait noués en chignon pour cuisiner, puis s’adressa à Liam :

    Une fois que Liam eut embrassé son amie et fut sorti, Francine et Théa rejoignirent Maélys à table, non sans lui avoir adressé un petit sourire taquin, que l’adolescente ignora. Une heure plus tard, Maélys qui montait elle aussi se coucher fut étonnée en passant dans le couloir de ne pas voir une raie de lumière passer sous la porte de sa sœur. « Elle n’était pas comme d’habitude, ce soir, non seulement physiquement, mais dans son attitude. Depuis quand se couche-t-elle avant moi ? » Elle se promit de tirer cela au clair dès le lendemain et s’enferma dans sa chambre.

    Chapitre 2 : Le temps d’avant

    Le lendemain en se réveillant, Théa était un peu frustrée et ne savait plus trop quoi penser. Elle n’avait pas fait de rêve, ou bien ne s’en souvenait pas. Alors elle descendit préparer le petit déjeuner sans émotion particulière. Elle dévora une crêpe et un œuf, y ajouta un yaourt et une pomme, puis remonta se préparer. Elle se scruta attentivement dans la glace. Pas de nouveau changement physique. Ouf. Mais les filaments dans ses yeux étaient toujours là. Pire encore, ils étaient plus nombreux. Elle s’attendait à ce qu’ils aient peut-être disparu pendant la nuit, mais au contraire ils semblaient s’être multipliés et formaient désormais comme des rayons qui reliaient le centre de sa pupille à son extrémité. Théa décida de ne pas s’en préoccuper davantage avant la visite chez le médecin, mais pour prévenir les regards insistants qui pourraient remarquer ce changement au lycée, elle posa des lunettes de soleil sur son petit nez fin. « Je passerai incognito comme ça. Il me suffira de garder les yeux baissés sur mes cahiers pendant les cours et je m’en sortirai très bien ». En remontant, elle avait croisé sa sœur qui descendait elle aussi déjeuner. Celle-ci avait remarqué aisément que Théa, en l’embrassant, avait eu le regard fuyant, mais elle ne s’en était pas formalisée. C’est lorsqu’elle la vit ressortir de sa chambre avec des lunettes de soleil et ses cheveux détachés lui cachant la moitié du visage qu’elle se posa davantage de questions.

    Théa s’attendait à cette question, aussi avait-elle préparé un inoffensif mensonge ridicule qui détournerait l’attention.

    Maélys se contenta de cette réponse sans être dupe, puisqu’habituellement, Théa ne portait pas grande attention à ces petits détails. Elle était belle naturellement, même si cela ne voulait pas rentrer dans sa cervelle de moineau. Ce n’était pas qu’elle n’était pas coquette, mais elle estimait qu’il y avait un temps pour tout et la plupart du temps, c’était le temps du sport, le temps du footing. Maélys détestait courir. Le sport, ça passait. Mais courir, dans le seul but de courir, elle trouvait cela complètement stupide. Mais bon, si elle voulait partager plus de temps avec sa sœur et Liam, surtout Liam, elle n’avait pas vraiment le choix.

    Les deux sœurs sortirent en refermant la porte à clé. Leur mère avait dû aller à la bibliothèque plus tôt ce lundi-là. On lui avait signalé un cambriolage dans la nuit et, angoissée car passionnée par ses livres, elle n’avait pas pu fermer l’œil et avait finalement laissé un mot devant la porte de la chambre de Théa, lui expliquant l’urgence. Madame Davis, gérante de la plus grande bibliothèque de la ville, veillait sur ses livres, surtout sur les manuscrits anciens, depuis des années, comme sur ses propres enfants. Elle disait qu’il s’agissait d’ouvrages extrêmement rares et précieux et qu’elle adorait parcourir leurs pages, même si elles étaient écrites dans un langage sans doute très ancien que ne mentionnait aucun historien, aucun archéologue. Impossible à traduire donc. C’était un goût que Théa partageait avec sa mère, à défaut d’avoir des attributs physiques en commun. En effet, elles ne se ressemblaient pas vraiment, Francine ayant les mêmes yeux noisette que Maélys et la peau blanche piquée de taches de rousseur, assorties à ses cheveux vénitiens très raides. Théa s’était souvent demandé, étant petite et comme de nombreux enfants aux idées pleines de fantaisie, si ses parents ne l’avaient pas adoptée, car à en juger par le physique, elle ne ressemblait ni à l’un, ni à l’autre. Mais avec le temps, ses craintes avaient fini par l’abandonner. Il fallait dire que ses parents ne cessaient de lui répéter qu’il s’agissait d’une histoire de gènes récessifs et dominants, qui expliquaient que des caractères, comme la couleur de ses yeux ou de sa peau, auraient sauté des générations et ressurgiraient sur son phénotype. Peu à peu convaincue et rassurée par leurs propos, dont eux-mêmes étaient persuadés, elle avait cessé de s’inquiéter de ces différences. Elle était sortie du ventre de Francine. Et c’était bien une histoire de gènes.

    Elles rejoignirent Liam à l’extérieur. Il jeta un regard interrogateur à Théa. Par un léger signe de tête, elle l’avertit que sa sœur n’était au courant de rien. Il se retint donc de la questionner sur sa nuit et les trois amis arrivèrent au lycée sans qu’aucun mot n’échappe à Liam. Mais en franchissant le grand portail de fer, Maélys les quitta pour rejoindre sa classe et comme Théa s’en doutait, Liam sauta sur l’occasion. Il se renfrogna un peu lorsqu’elle lui apprit qu’il ne s’était rien passé, mais revint aussitôt à la charge en affirmant qu’il fallait peut-être attendre un peu car, après tout, comme il l’avait dit la veille, ce n’était que le début de l’apparition de ce pouv… de cette aptitude.

    En effet, Théa portait sous sa clavicule droite, une tache de naissance singulière. Il s’agissait d’une étoile dorée à quatre branches. Mais c’était simplement une tache de naissance. Dorée certes, mais une tache, tout ce qu’il y avait de plus commun. Théa s’en était persuadée depuis longtemps et ses convictions ne seraient pas ébranlées par un évènement isolé.

    Les lycéens se rendirent en cours et la journée se déroula calmement. Seulement, à midi, alors qu’elle s’installait dans le réfectoire, elle jeta un coup d’œil derrière elle pour voir comment s’en sortait Liam dans le choix de son dessert ─ difficile de choisir entre un chou à la crème et un mini paris-brest – et en se retournant, elle percuta un curieux individu qu’elle était certaine de n’avoir jamais vu. Elle lui aurait donné dix-huit ou dix-neuf ans, sans doute parce que ses cheveux noirs lui cachaient la moitié du visage et qu’il était plutôt grand. Ils descendaient jusqu’à ses épaules en de soyeuses mèches raides. Elle ne vit pas ses yeux. Le jeune homme ne lui adressa pas le moindre regard, pas le moindre mot d’excuse. Il partit simplement jeter les restes de son repas, auquel il n’avait absolument pas touché. Pas même au chou à la crème ! Théa ne comprit pas ce qu’il s’était passé, mais une sensation étrange la submergea. Lorsque Liam la rejoignit et qu’ils s’assirent, l’image de l’inconnu flottait encore dans ses pensées.

    En sortant du lycée ce soir-là, comme Maélys l’avait prédit en quittant la maison, il pleuvait. Mais alors il pleuvait très, très fort. On aurait pu croire au Grand Déluge. Théa n’avait jamais vu ça et Liam non plus, bien entendu. Ils se décidèrent pourtant à marcher ─ plutôt courir en l’occurrence – jusqu’au cabinet du médecin. Malgré les trombes d’eau qui se déversaient sur la ville, ils avancèrent rapidement et en une dizaine de minutes d’une course pour le moins désagréable, ils arrivèrent sur le porche, dégoulinant d’eau et grelottant de froid. Ils entrèrent, le médecin les excusa d’avoir trempé son paillasson d’entrée. Mais si le paillasson avait pu parler, il n’aurait peut-être pas été aussi clément.

    Décidément, rien ne l’étonnait, ce vieillard de soixante ans. Il fallait dire qu’il avait eu une vie entière pour se former au contact de choses, de maladies, de cas de patients tous plus bizarres les uns que les autres. Aussi ne s’étonna-t-il pas non plus lorsque Théa lui parla brièvement de ses yeux. « Allons bon, encore une pauvre gamine qui aura trop fait la fête samedi soir », pensa le vieux docteur en soupirant intérieurement. Il ne connaissait pas Théa. Pourtant elle pratiquait tellement de sport qu’il aurait dû l’avoir déjà auscultée pour une blessure ou quelque chose de ce genre. Mais non. Théa ne s’était jamais blessée, ou alors une fois, dans un lointain souvenir…

    Le médecin lui indiqua une table de consultation sur laquelle Théa, après avoir retiré ses lunettes noires, s’assit sans discuter. Liam resta à l’entrée, la mine sombre. Il n’appréciait que moyennement que Théa montre ses yeux à un inconnu, alors qu’elle venait peut-être de découvrir qu’elle possédait un pouvoir exceptionnel. Lui en tout cas en était persuadé. Il avait visionné tellement de films dans lesquels les mutants, ne se doutant de rien, dévoilaient leur secret à LA personne à laquelle il ne fallait surtout pas le dire, puis disparaissaient mystérieusement de la circulation. Il ne voulait surtout pas que son amie soit kidnappée par l’armée ou des services secrets pour faire l’objet d’expériences ! S’il n’avait pas réfléchi à ces conséquences possibles lorsque Théa lui avait annoncé sa décision d’aller consulter, il y avait longuement pensé pendant la nuit et avait tenté de lui en parler dans la journée, sans succès. Il sortit brusquement de sa rêverie en entendant Théa s’exclamer :

    Elle venait de descendre de la table et était presque collée au miroir du mur d’en face. Elle tenait le médecin par le bras et voulait l’obliger à vérifier à nouveau. Théa les voyait encore, ses filaments ! Il était aveugle ou quoi ? Il accepta de rejeter un coup d’œil à ses pupilles et affirma à nouveau, plus catégoriquement cette fois, qu’il ne voyait strictement rien d’anormal et qu’il était temps pour lui de prendre son prochain rendez-vous. Sans autre forme de cérémonie, il vira plus qu’il ne congédia les deux adolescents et songea, perplexe alors qu’il refermait la porte derrière eux : « les jeunes d’aujourd’hui ont une imagination troublante… Mais cela ne devrait plus m’étonner ».

    Dehors, la pluie était toujours aussi violente. Les deux adolescents reprirent leur course à travers les rues, vers un arrêt de bus ou un quelconque abri. Il commençait à faire nuit, les réverbères s’étaient allumés et emplissaient les rues d’une lumière jaune orangé, reflétée par les excessives quantités d’eau qui inondaient les pavés. Ils atteignirent finalement le porche d’une boulangerie et attendirent quelques instants que la pluie cesse. Bien que grelottants, ils riaient, sans savoir vraiment pourquoi, en échangeant des blagues sur le médecin qu’ils venaient de quitter. Au bout de quelques instants, ils réalisèrent que décidément, il avait été décidé par le ciel que ce soir, ils rentreraient trempés chez eux, puisque la pluie, au lieu de cesser comme ils l’avaient espéré, avait redoublé de violence. Si bien qu’à présent, on voyait à peine à quelques mètres devant soi. Les sols bétonnés n’absorbant pas l’eau, elle avait commencé à s’accumuler dans les caniveaux et sur les routes, et la ville n’était plus qu’une immense flaque. Théa commençait à s’inquiéter, à ressentir une curieuse boule à l’estomac, comme un signal qui lui enjoignait de déguerpir rapidement. Mais, avec Liam à ses côtés, elle ne craignait absolument rien, elle en était certaine.

    Elle avait tort.

    Toujours souriante, elle décida qu’il était temps de rentrer, sous la pluie s’il le fallait, et pensant que Liam la suivrait de près, elle voulut traverser la route pour rejoindre le trottoir d’en face, plus large. Mais elle n’y parvint jamais. Elle avait à peine posé le pied sur la chaussée qu’une voiture, sortie de nulle part, fonça sur elle ! Le conducteur roulait vite et avec le déluge, il ne vit la jeune fille que bien trop tard. Il donna un coup de volant qui ne suffit pas à changer la trajectoire du véhicule. Théa allait être percutée de plein fouet ! Elle ferma les yeux, tous les muscles de son corps tendus et prêts à recevoir le choc… Qui ne vint pas.

    Elle ouvrit ses paupières et constata que non seulement, elle n’était pas morte, mais qu’en plus, elle était dans sa chambre. L’étonnement la saisit si fort, qu’elle ne remarqua pas immédiatement la présence de Liam. Mais rapidement, elle reprit ses esprits.

    Il serra les poings. Il s’était retrouvé dans une situation d’une si totale impuissance qu’il avait manqué de peu de voir son amie mourir sous ses yeux. Plus jamais il ne voudrait revivre une chose pareille.

    Ayant à présent totalement retrouvé ses esprits, Théa tentait de se remémorer les évènements, sans succès. « Pourquoi suis-je tombée dans les pommes comme ça ? ». Il y avait là plusieurs choses qu’elle ne comprenait pas.

    Elle se sentait de plus en plus mal. Comme si toutes ces questions l’orientaient vers une réponse qu’elle ne voulait peut-être pas connaître.

    Mais Théa ne l’écoutait déjà plus. Elle s’était levée, si brusquement qu’elle avait failli trébucher sur ses vêtements mouillés, étendus sur le sol, au bord du lit. Elle s’empressa d’enfiler un peignoir par-dessus ses sous-vêtements, non pas par pudeur, puisqu’ils s’étaient vus bien moins vêtus que cela tant de fois depuis leur enfance qu’ils se connaissaient déjà par cœur et n’avaient rien à se cacher, mais parce qu’elle voulait porter quelque chose de chaud. Elle arriva en trombe au salon, les cheveux en bataille et le peignoir encore à moitié ouvert. Comme Liam, qui la talonnait de près, le lui avait affirmé, sa mère était toujours dans le fauteuil. Son visage livide effraya tant sa fille, qu’elle faillit défaillir à son tour. Liam la soutint délicatement. Il la fit assoir à côté de Francine, dont la face sembla s’éclairer un peu en apercevant sa fille. La pauvre femme, au bord des larmes, serra Théa dans ses bras avec une force dont on ne l’aurait pas cru capable.

    Avant qu’elle ne rechute, Théa attrapa sa mère par le poignet et la contraignit doucement à rester assise.

    Maélys était silencieuse, accroupie près des genoux de sa mère. Elle écoutait, attentivement. Objectivement, elle n’avait rien à dire, pas de mot à prononcer, puisqu’elle n’était ni victime de l’accident, ni même témoin. Elle n’avait rien d’intéressant à apporter à ce contexte dramatique. Donc, elle écoutait, tentant de comprendre ce qu’avait raconté Liam. C’est alors qu’il lui revint en mémoire, l’espace d’un instant, un évènement passé, très ancien. Elle approfondit sa pensée jusqu’à se souvenir, clairement, que sa sœur n’avait jamais eu d’accident, ne s’était jamais blessée. Sauf, une fois. Elle crut bon, cette fois-ci, d’élargir son idée à son entourage, mais pas à sa mère. Elle était déjà bien trop inquiète, pas la peine de la secouer davantage. Elle adressa alors un discret signe à Liam et fit mine d’aller préparer un remontant à la cuisine. Celui-ci laissa rapidement Théa et Francine seules, puisque son amie semblait maîtriser l’anxiété de sa mère avec succès, et rejoignit la cadette.

    Puis, réfléchissant lui aussi et tentant de se remémorer une pareille scène :

    Liam venait enfin de comprendre où voulait en venir la fillette. Fillette qui n’était plus si « fillette » que ça du haut de ses quatorze ans, au passage.

    Liam se mordit les lèvres. L’idée de Maélys, qu’il avait trouvée si saugrenue quelques secondes plus tôt,

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