Dramatique Le chemin de la vie
Elle semble si chétive, si fragile, que toute l’audience retient son souffle, craignant de perdre un seul de ses mots.
Elle s’agrippe à la barre, comme pour ne pas tomber. Ses jambes la portent à peine. Six jours plus tôt, elle sortait de l’hôpital. Elle y avait passé trois longs mois, le temps nécessaire pour regagner les kilos perdus. Il lui avait fallu, pour y parvenir, se soumettre à un protocole rigoureux, se couper de ses proches, peser ses aliments, avaler des bouillies survitaminées alors que chaque bouchée lui coûtait un effort incommensurable. Elle se tourne vers le jeune homme assis, le dos rond, sur un banc entre deux gendarmes. Lui aussi la regarde.
– Levez la main droite et jurez de dire toute la vérité, rien que la vérité ! Elle sursaute, puis lève une main aux doigts diaphanes et sa voix retentit, étonnamment forte, dans la salle d’audience pleine à craquer du tribunal.
Aux premières questions du président de la cour d’assises portant sur la nature de son travail au sein de la petite entreprise, elle répond sans hésiter.
Le magistrat qui l’a fait citer comme témoin lui demande de décrire les gestes répétitifs qu’elle accomplit chaque jour. Se sentant soutenue par ses collègues qui sont venues nombreuses et qui l’encouragent du regard, elle dépeint avec des mots simples le tapis sur lequel défilent des maquereaux étêtés et vidés qu’elle doit mettre en filets. Elle commente l’opération méticuleuse qui consiste à ôter à toute allure les fines arêtes dorsales avant de déposer les filets dans des cagettes qui repartent sur un autre tapis vers le lieu de leur mise en boîte.
Le président hoche la tête :
– Combien de poissons défilent devant vous chaque jour ? La jeune femme hésite :
– Je ne sais pas… Des centaines…
Lorsque le nom de
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