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Auto-psy de l’Ankou: Panique dans le Trégor
Auto-psy de l’Ankou: Panique dans le Trégor
Auto-psy de l’Ankou: Panique dans le Trégor
Livre électronique359 pages4 heures

Auto-psy de l’Ankou: Panique dans le Trégor

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À propos de ce livre électronique

C'est la panique. Des rituels meurtriers ont lieu dans le Trégor...

L’Ankou… Mythe ou réalité ?
C’est ce que va tenter de découvrir Ronan Magyar sur les chemins de la Bretagne. Depuis un mystérieux assassinat à Rennes, où tout accuse l’ouvrier de la mort, en passant par Saint-Brieuc, Guingamp, Ploumagoar, Perros-Guirec et Brasparts, l’empreinte meurtrière d’un tueur diabolique semble partout…
Entre terre et mer, des assassinats rituels d’un autre âge se reproduiront, qui mèneront systématiquement à l’Ankou. Jamais dans l’histoire, la terrible devise de l’homme à la faux n’avait autant fait trembler le Trégor : « JE VOUS TUE TOUS ! »
Sabots de bois aux pieds, chapeau noir sur la tête ; lorsque les légendes se mettent à exister, la réalité est vite dépassée !

Quand les mythes rencontrent la réalité, l'horreur et la mort sont au rendez-vous.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Michel Dozsa a vécu et travaillé en région parisienne avant de s’installer dans le Trégor, non loin de la mer. Joueur et entraîneur de hand-ball, il a raccroché le ballon pour se consacrer à l’écriture et passe pas mal de temps à lire, à marcher et à aller à la rencontre des gens, ce qui lui permet de préparer ses romans. Passionné de polars depuis l’âge de 14 ans, il s’est décidé à recréer l’ambiance de sa région dans des intrigues pleines de suspense.
LangueFrançais
Date de sortie12 mai 2020
ISBN9782374690742
Auto-psy de l’Ankou: Panique dans le Trégor

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    Aperçu du livre

    Auto-psy de l’Ankou - Michel Dozsa

    Lannion

    CHAPITRE 1

    La mer… la plage.

    La plage… la mer.

    Ronan Magyar, assis sur le muret bordant la plage, admirait les éléments déchaînés. Son visage de pirate fouetté par le vent et la pluie n’exprimait rien.

    Ses yeux fixaient le lointain, là où la mer furieuse se précipitait vers la côte. Côté gauche, le chemin des Douaniers disparaissait dans un fouillis de buissons et d’arbustes, en direction de la pointe de Bihit.

    De l’autre côté, en bout de plage, les rochers et le célèbre « père Trébeurden. » Et, au milieu, la plage de sable fin de Tresmeur subissait l’assaut des vagues déchaînées et énormes qui venaient dans un bruit moins sonore mourir dans une lente agonie toujours répétée.

    L’ex-commissaire avait du mal à quitter des yeux le spectacle grandiose. Pourtant, il ne faisait pas chaud. Sa parka le protégeait à peine et son Bob en toile imperméable ruisselait.

    Si, d’une maison quelqu’un le regardait, il devait le prendre pour un fou.

    Mais, qui pouvait se permettre de dire qu’il n’était pas un peu fou dans ce monde de fous ?

    Une vague plus importante que les précédentes et rugissant comme un animal, subit le même sort que les autres.

    Le spectacle était magnifique pour celui qui savait apprécier. Ronan savait !

    Trop d’années passées à Paris l’avaient dégoûté des grandes agglomérations où l’impératif était de courir, toujours courir !

    Et les années s’accumulant, le souffle devenait plus court. Et la question cruciale se posait, immanquablement : courir où ? Pour quoi faire ?

    Question, la plupart du temps, sans réponses…

    Son regard attentif suivait plus particulièrement une vague énorme. Elle déferlait vers la presqu’île du Castel en grondant avec fureur. Il la regarda partir à l’assaut de la terre et s’écraser contre les rochers roses.

    Pourquoi, à cet instant, Ronan pensa aux troupes du général Custer attaquées par les indiens jusqu’à l’extermination du dernier soldat de l’armée américaine.

    À la célèbre bataille Little Big Horn !

    Ses yeux abandonnèrent cette vision, balayèrent le bas du Castel, puis, revinrent vers la plage et les bâtiments qui émergeaient à peine de la brume, là-bas, à 200 mètres de lui.

    Étonné, il lui sembla apercevoir un personnage fantomatique sortir du léger brouillard et qui faisait de grands signes de la main. Le regard du détective se fit plus perçant et se concentra sur ce point un peu éloigné.

    Ce n’était pas très net et l’ex-flic ferma à demi les yeux pour essayer de savoir si cette gesticulation s’adressait à lui. Dans la brume montante, il silhouetta difficilement quelqu’un.

    Femme ? Homme ?

    Ronan tourna la tête plusieurs fois afin de s’assurer que cette silhouette s’adressait bien à lui. De toute façon, à part lui, il n’y avait personne d’autre assez cinglé pour être à cet endroit à ce moment. D’un geste rapide, il se passa la main sur le visage ruisselant de pluie.

    Un peu contrarié qu’on le dérangeât, il quitta le muret à regret et se dirigea vers la personne qui semblait venir au-devant de lui.

    Un coup de vent violent balança un paquet de pluie.

    Plus la distance diminuait, mieux il discernait le personnage emmitouflé : c’était une femme… mais totalement inconnue pour lui. À dix mètres d’elle, il s’arrêta pour l’observer. Elle était un peu boulotte, assez mal fagotée, mais avec un visage sympathique. La femme portait un imperméable complètement trempé et des bottes de caoutchouc. Sa tête était couverte par une espèce de chapeau attaché sous le menton qui la protégeait bien de la pluie.

    Le privé se demandait bien ce qu’elle pouvait lui vouloir. Celle-ci s’approcha encore et en parlant fort car le vent pouvait couvrir sa voix, elle cria :

    – Monsieur Magyar !

    Elle répéta aussitôt de peur que sa voix ne fût pas entendue :

    – Monsieur Magyar ?

    – Oui, c’est moi ! Mais quel endroit pour se rencontrer…

    – Il fallait que je puisse vous voir très vite !

    – C’est si urgent que ça ?

    Elle secoua la tête sous son chapeau et parla plus bas :

    – Oui, très !… Mon mari a disparu.

    Ronan esquissa une moue de contrariété. Il avait terminé une enquête depuis quinze jours (les scalpés d’Armorique), se trouvait en stand-by et ne s’en plaignait pas. Chaque jour, il passait une heure ou deux à la plage, regardait la mer sans cesse différente, s’occupait volontiers de sa compagne, la fée Morgane.

    Celle qui l’avait aidé à ne pas couler.

    Parce que sa vie antérieure n’avait pas été un long fleuve tranquille.

    Ex-commissaire, à la retraite un peu avant l’heure. Voilà pour la présentation sommaire !

    … Auparavant, il dirigeait une brigade spécialisée en coups fourrés ; et des coups fourrés en région parisienne, c’était monnaie courante ! Avec ses hommes, il était le dernier maillon lorsque tout avait échoué… C’est dire !

    D’ailleurs, sa première femme, lasse de cette vie de cinglé, l’avait quitté un petit matin blême. Lui, revenait de son boulot, éreinté, la tête vide. Ils s’étaient croisés sur le palier menant à l’appartement.

    LE CHOC !…

    Quoique !…

    Il fallait être une sainte pour résister à cette vie. Aucun horaire, des planques qui duraient parfois toute la nuit, des week-ends souvent perturbés et des vacances remises en cause sans cesse…

    Qui pouvait résister à ce régime surhumain ?

    En plus, à cette époque, Ronan était accroc à son boulot.

    Il revint une seconde sur terre, regarda la femme et lui fit une proposition :

    – Venez, nous allons prendre un café chaud et vous me raconterez votre histoire.

    À ces mots, le privé crut apercevoir deux larmes qui coulaient le long de son nez. Mais avec cette pluie, ce n’était pas facile de faire la différence.

    Le couple se mit en route, longea un ancien hôtel transformé en appartements, passa devant « les Chandelles, » la discothèque locale, et entra au « Kénavo, » dans le café qui surplombait la plage.

    Sa première femme ayant quitté le domicile conjugal, il avait accusé le coup pendant un petit moment. Mais la vie continuait, et il ne s’arrêtait plus à cet incident de parcours. Il avait réussi, après de louables efforts, à rendre de moins en moins présent le souvenir de sa femme. Jusqu’à ce qu’elle ne devienne qu’une espèce de fantôme sympathique.

    Mais, c’était après sa dure journée de travail, lorsqu’il se retrouvait seul dans son appartement que le bourdon prenait le dessus. Dans ces cas-là, quelques whiskies faisaient passer la pilule. Et puis le temps, synonyme d’oubli, faisait son œuvre ainsi que de nouvelles rencontres.

    Nouvelle rencontre !

    Sa deuxième femme… un hasard. Un soir, harassé, alors qu’il ne voulait pas sortir, plusieurs copains étaient passés à la maison pour le distraire. Dont une femme qu’il ne connaissait pas du tout.

    La soirée avait duré plus qu’il est raisonnable et il avait revu la femme, sa future !

    Ils s’étaient mariés durant un printemps pluvieux, comme aujourd’hui. Ils avaient été heureux quelques années car elle comprenait et admettait les contraintes de ce métier particulier de flic.

    Et puis, un beau jour très ensoleillé, le drame !

    Atroce !…

    L’explosion de sa voiture, piégée par un truand, avec son épouse à l’intérieur.

    Ronan Magyar, là, dans le café, serra les poings. Les vieux démons remontaient en surface. Heureusement, l’inconnue ne s’aperçut de rien. À pas pressés, elle gagna une table à l’écart du comptoir.

    La mémoire de Ronan flotta un instant encore dans le passé, à rebours !… Après l’explosion, la voiture avait flambé, impossible de s’en approcher. Il avait vu son épouse agoniser. Vision apocalyptique à jamais gravée dans son cerveau. Son impuissance avait été totale. Des hommes l’avaient retenu car sans cela, certainement, il se serait précipité… hélas, pour rien.

    Mais le geste, ce geste qu’il n’avait pas fait, le HANTAIT. Souvent la nuit, il se réveillait en sueur…

    Après, les pompiers étaient intervenus… La routine quoi !

    Pour les autres, pas pour lui.

    Ronan revint à la femme assise en face de lui. Elle semblait un peu moins angoissée qu’au début de la rencontre ; l’ex-flic se permit de la détailler un peu sans en avoir l’air : son visage était bien plus jeune qu’il ne l’avait supposé en la voyant. Sans doute la bonne quarantaine, des joues bien roses et une bouche avec une touche de rouge à lèvres.

    – Alors ? demanda le privé.

    – Vous avez bien un cabinet de détective privé ?

    – Oui, effectivement…

    – Pourriez-vous faire des recherches pour retrouver mon mari ?

    Ronan réfléchit un instant. Dans sa tête, le mot disparition résonnait étrangement. À Paris, dans son ancien métier, des disparitions, il en avait connu. Avait travaillé dessus. C’était souvent difficile car les causes à élucider étaient multiples.

    – C’est sans doute possible… Vous avez prévenu la police ou la gendarmerie ?

    La femme pinça les lèvres tout en serrant ses mains l’une contre l’autre.

    – Racontez ! intima-t-il.

    Les yeux de la femme partirent dans le vague. Elle allait parler lorsque le garçon manifesta sa présence.

    – Voulez-vous un café ? demanda Ronan.

    – Non, chocolat ! Un grand, bien chaud.

    Avec ce temps, ils étaient les seuls clients du bar. La pluie avait repris de la vigueur. Maintenant, les gouttes crépitaient contre les vitres et glissaient comme des skieurs de l’impossible.

    – Café pour moi.

    La femme attendit que le garçon s’éloigne avant de parler, à voix basse, comme si elle avait une maladie honteuse à cacher :

    – Je m’appelle Katell Cantec… Mon mari, Maurice, est directeur d’une grosse unité de surgelés à Guingamp.

    – Bien, avait dit Ronan, en mettant en route un magnétophone qui ne le quittait jamais.

    Les boissons chaudes arrivèrent et furent prestement déposées sur la table. Un silence pesant entourait ces gestes. Et une fois le serveur reparti, Katell se pencha en avant et commença :

    – Je suis allée voir la police de Lannion qui a enregistré ma plainte, mais elle estime que pour le moment, mon mari ne peut-être considéré comme disparu.

    – Parce que ?

    Il avait la réponse, enfin, il le supposait.

    – Je n’ai aucune nouvelle depuis seulement 12 heures.

    Le privé amorça un semblant de sourire en portant la tasse à ses lèvres.

    – Effectivement, c’est court.

    Comme piquée par un scorpion, elle répliqua :

    – Il a quitté Rennes en début d’après-midi pour rentrer et aurait dû être à la maison, au plus tard, à 18 heures. À minuit, il n’était pas encore là. Et pas un coup de fil.

    L’ex-flic se dépêcha de poser la question :

    – Avait-il un portable ?

    – Oui, justement, j’ai laissé plusieurs messages… qui sont restés sans réponse… Le lendemain matin, avec une inquiétude grandissante, je me suis rendue au commissariat de Lannion.

    Le magnétophone enregistrait et Ronan écoutait attentivement tout en regardant de temps en temps vers l’extérieur.

    Les gros nuages qui avaient déversé toute cette pluie se fondaient à l’horizon. Maintenant, les gouttes s’espaçaient et le ciel prenait une coloration plus claire, comme si un peintre, mécontent de son tableau, passait une autre couche de peinture afin de le rendre plus attrayant.

    – Qu’allait-il faire à Rennes ? Des affaires ?

    Katell déposa sa tasse après avoir bu, une légère moustache chocolatée ourlait sa lèvre supérieure. D’un coup de langue précis, elle la fit disparaître.

    – Non, il avait rendez-vous avec notre fils.

    – Une raison importante ?

    – Non, rien de particulier, ils ne s’étaient pas vus depuis un moment. Le travail de mon mari est très prenant.

    Ils avaient terminé leurs consommations. Ronan fit un signe au barman de remettre la même chose.

    Ce qui fut fait rapidement.

    Le privé reprit :

    – Donc, je résume : votre mari est parti à Rennes avec deux copains… Au fait ! Que sont-ils devenus, eux ?

    – Je l’ai eus au téléphone, ils sont toujours à Rennes. Ils ne comprennent pas. De toute façon, ils ne devaient pas rentrer ensemble.

    L’ex-commissaire se laissa aller contre son dossier. N’allait-il pas au devant d’emmerdes en prenant cette soi-disant affaire ?

    Il regarda la femme dont les yeux le fixaient avec espoir. Ses mains ne tremblaient pas, mais enserraient la tasse.

    – Où habitez-vous ?

    – Lannion, enfin, la périphérie, Servel plus exactement.

    – De quel côté ?

    Sa bouche s’ouvrit sur une rangée de dents régulières, elle murmura :

    – À l’église, vous prenez à droite, la route qui mène vers Beg-Léguer… vous me suivez ? La maison est en bordure de route à 300 mètres environ.

    La pluie se calmait, le ciel, dans le lointain se déchirait en laissant apparaître des lambeaux de ciel bleu. Sur les vitres, des gouttes semblaient s’accrocher, s’incruster, ne pas vouloir mourir.

    Ronan détourna la tête une seconde au moment où le soleil jetait, à la désespérée, quelques rayons.

    – Bien. Racontez-moi comment tout le monde a décidé d’aller à Rennes !

    Katell Cantec se frotta les mains. C’est vrai qu’il ne faisait pas chaud. Elle se souffla même dans les paumes comme dans un réflexe de survie.

    – Mon mari, d’après ce qu’il m’avait confié, devait passer à Ploumilliau chercher François Kalmeur et ensuite, filer à Tréguier, pour récupérer David Coppé.

    – Ce qui a été fait, me semble-t-il.

    – Oui.

    – Ils sont bien arrivés à Rennes.

    Katell acquiesça et Ronan continua :

    – Donc, sur le trajet… pas de problèmes majeurs ?

    – Apparemment, non !

    – Et à Rennes ?

    – Je ne sais pas. D’après mon fils, tout allait bien.

    L’ex-flic se pencha en avant, ses mains frôlèrent celles de madame Cantec. Dans un geste un peu puéril, elle les retira de la table.

    – Donc, le problème, si problème il y a, se situe vraisemblablement sur le trajet de retour. Votre mari, devait-il voir quelqu’un à Rennes, autre que votre fils ?

    – Pas que je sache.

    – Et sur la route du retour ?

    – Apparemment non !

    – Et s’il avait reçu un coup de fil de son bureau ?

    Elle secoua la tête.

    – Non, j’ai vérifié.

    – Et son portable ?

    – Toujours fermé.

    Ronan était indécis. Il se leva et elle en fit autant. Mais madame Cantec ne quittait pas le privé des yeux. Il laissa de l’argent pour les consommations et le couple quitta le bar. Dehors, le temps semblait s’être refroidi. Ronan s’immobilisa, releva son col et se tourna vers la femme.

    – Etes-vous dans l’annuaire ?

    Expressif, le visage de la femme exprima un net soulagement.

    – Bien sûr ! lâcha-t-elle avec rapidité, de peur que l’homme ne change d’avis.

    – Je vous appelle et il faudra venir me voir à mon bureau de Lannion. Si vous en êtes d’accord ?

    Ils se serrèrent la main et Ronan regarda s’éloigner la silhouette de la femme. Lui, revint vers la plage et gagna le parking qui jouxtait la discothèque.

    De quoi allait-il se mêler encore ?

    Il allait en parler à sa compagne, Morgane Navalo, lorsqu’elle reviendrait de son reportage.

    Assis dans son coupé face à la mer, il se mit à réfléchir, les yeux portés de l’autre côté de la baie dont maintenant le rivage se dessinait plus concrètement. Dans sa tête, défilèrent automatiquement les images de son arrivée dans le Trégor et de son installation dans la fermette de son ancienne femme.

    … Juste après sa sévère dépression…

    Où les premiers mois avaient été difficiles à vivre. Son boulot lui manquait, le contact quotidien avec les gens lui manquait, même les rencontres musclées lui manquaient.

    Tout lui manquait !

    Il s’était senti perdu au milieu de nulle part. Comme si, en plein océan, il s’était battu seul pour une traversée de l’Atlantique sans rames.

    En plus, après sa dépression, Ronan avait eu un mal fou à remonter la pente. Pourtant, il n’avait eu aucun signe d’autodestruction.

    Non !

    Un simple dégoût des choses. De l’humain !… De l’humanité en général.

    Drôle d’impression !

    Comme une espèce d’inutilité. De ne servir à rien…

    De n’être plus rien.

    La chance avec un grand C. LA rencontre un jour dans une crêperie de Perros-Guirec sur la plage de Trestraou.

    Un soir d’automne.

    C’est Morgane qui l’avait repéré, l’avait dragué. Car lui, ce jour-là, ne se sentait pas bien. Un coup de blues sans doute.

    Elle l’avait dragué ouvertement devant ses amis, les avait abandonnés pour venir s’installer à la table de Ronan. Et puis… la suite, belle comme un conte de fée. Ils s’étaient mis ensemble tout en gardant leur indépendance. C’est-à-dire que lui vivait dans sa maison de Kérénoc et elle, dans son appartement de Lannion, qu’elle occupait quand le besoin s’en faisait sentir. C’est-à-dire pas très souvent.

    L’ex-commissaire, toujours dans son coupé face à la plage, laissait maintenant errer son regard là où le sable disparaissait pour faire place à l’immensité de la mer.

    Enfin, il glissa sa clé de contact et mit le moteur en route, direction Kérénoc et sa fermette. Il longea l’autre plage, Pors-Termen, en contrebas à sa gauche et fila vers la sortie de Trébeurden. Le seul « building » existant dans la commune semblait narguer les alentours de toute sa hauteur. Il gara sa voiture sur le bateau du trottoir devant l’entrée de son jardin et stoppa son moteur.

    Ses yeux se portèrent sur la fermette rallongée à l’une de ses extrémités. Le garage attenant était ouvert. Il y entra et passa la porte qui le menait dans la maison ; se dirigea vers le téléphone, écouta les messages. Un premier le remerciait pour la dernière enquête et un second signala le retour de sa compagne dans la soirée.

    CHAPITRE 2

    Ronan s’éveilla et regarda l’heure au réveil. Il était temps de se lever malgré l’obscurité toujours présente. Mais on sentait que le jour, en embuscade, attendait avec impatience pour surgir. À côté de lui, Morgane se reposait car elle était finalement rentrée assez tardivement.

    Dans la pénombre, il se leva doucement sans faire de bruit. Le drap légèrement rejeté découvrit de sa compagne juste ce qu’il fallait pour apercevoir un sein bien rond qui reposait sur le bras recroquevillé.

    En survêtement, il descendit dans la cuisine pour préparer le petit-déjeuner. À cet instant, le téléphone résonna dans la fermette ; il se précipita en espérant que les sonneries ne réveilleraient pas sa Morgane.

    Trop tard !

    – C’est pour moi ? cria une voix ensommeillée.

    – Non, tu peux te rendormir !

    En fait, il ne savait pas, se saisit du combiné.

    – Allô !

    – Monsieur Magyar ?

    – Oui, c’est moi !

    Un silence au bout du fil entrecoupé par une respiration un peu forte.

    – … Je suis Jean Bourdin, le patron de Maurice Cantec.

    Surpris, le privé se permit une seconde de réflexion. L’autre, reprit avant que Ronan n’intervienne :

    – J’aurais besoin de vous rencontrer, c’est au sujet de Maurice, est-ce possible ?… Oui… dans ce cas, pouvez-vous passer à Guingamp ce matin ?… bien, je vous attends.

    Ils raccrochèrent en même temps, et Ronan, pensif, se demanda bien ce que l’autre pouvait lui vouloir exactement. Il avait sa petite idée quand même. Un léger bruit au premier étage lui signala que Morgane ouvrait la fenêtre puis les volets.

    Ensuite, elle apparut, dans le plus simple appareil, en tenant sa nuisette à la main et la descente d’escalier dans cette tenue valait le déplacement. Elle était faite au moule, un corps parfait sous une tête bien faite. Sa chevelure flamboyante méritait une photo. Ses pommettes hautes rappelaient ses origines scandinaves par un grand-père éloigné et son port de reine la faisait automatiquement remarquer dans une assemblée.

    Elle se précipita sur lui, l’embrassa en se collant à lui.

    – Doucement, dit-il, j’ai du boulot ce matin.

    Et il lui raconta l’entretien qu’il avait eu la veille avec Katell Cantec et le coup de fil de ce matin.

    Morgane réagit comme elle savait le faire, avec rapidité :

    – C’est bizarre, ça me rappelle l’affaire Seznec. Il y a eu un disparu jamais retrouvé.

    – Sauf que là, la disparition remonte seulement à un peu plus de 24 heures.

    – Tu as raison, je suis allée un peu vite dans mes conclusions… Alors, tu vas voir le patron ?

    – Oui, je me prépare et j’y vais. Et toi ?

    – Je t’attends pour midi. Tu me passes un coup de fil si tu étais en retard.

    Ronan opina du chef. Une bonne demi-heure plus tard, il prenait le chemin de Guingamp. Il traversa Lannion par le centre ville, sans aucun embouteillage, évita un accident du côté de Cavan où le SAMU œuvrait et fila tranquillement à son rendez-vous.

    Il prit la première sortie en direction de Ploumagoar, enfila la bretelle, tourna à droite et aperçut l’usine un peu plus loin. En la voyant, le détective ralentit pour entrer dans la cour où stationnaient déjà les voitures des employés.

    En quittant son véhicule, et sans en avoir l’air, du regard, il photographia les lieux. Il vit bouger un rideau au premier étage, mais n’en tira aucune conclusion.

    Le privé se présenta à l’accueil et fut tout de suite conduit vers le bureau du patron. La jeune femme l’abandonna devant la porte de chêne massif après avoir cogné contre le battant. La porte s’ouvrit et un homme de stature moyenne apparut, Ronan le détailla à la vitesse de l’éclair, l’habitude !

    Une tête quelconque avec un nez proéminent et des lunettes d’écaille derrière lesquelles des yeux vifs et perçants devaient analyser sans concession. Un corps pas très grand mais habillé avec élégance.

    – Entrez donc ! fit l’homme en tendant une main vigoureuse.

    Ronan suivit, se trouva dans une vaste pièce, assez dépouillée où trônait un bureau en acajou sur lequel quelques dossiers et un ordinateur étaient posés.

    L’ex-commissaire fit quelques pas à l’intérieur, resta au milieu de la pièce, en attente, tout en regardant les murs. Derrière le bureau, pour le regard des visiteurs, au mur, une copie du tableau de Manet, « le déjeuner sur l’herbe. »

    – Vous aimez ?

    L’autre, suivait le regard de Ronan et avait naturellement posé la question :

    Le privé aimait et le montra.

    – L’original est bien au musée d’Orsay à Paris, non ?

    Un petit sifflement de satisfaction se fit entendre.

    – Chapeau !… Asseyez-vous !

    L’ex-flic se laissa tomber sur une chaise.

    – Vous vous doutez …

    – Bien sûr !

    Un court silence succéda à la réponse.

    Les deux hommes se jaugeaient en silence.

    – Vous savez que sa femme est venue me trouver, fit Ronan.

    Le patron se leva, fit le tour du bureau pour venir face au privé.

    – C’est moi qui ai eu cette idée car la police paraît un peu timide sur ce coup.

    – Mais c’est normal, pour eux, 24 heures est un délai trop court.

    – N’empêche, cela fait maintenant un peu plus que mon directeur a disparu et toujours aucune nouvelle… À vous de jouer maintenant !

    Drôle de jeu !

    – Et vous voulez quoi ?

    Jean Bourdin parut étonné.

    – … Mais, que vous le retrouviez !

    C’est vrai, cela coulait de source pour le patron.

    – Je sais que vous en êtes capable.

    Là, il flattait l’Ego de l’ex-commissaire qui intérieurement sourit.

    – OK ! Je vais chercher, mais avez-vous un indice quelconque ?

    L’autre se mit à marcher de long en large dans

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