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Cauchemar sur Lannion: Polar breton
Cauchemar sur Lannion: Polar breton
Cauchemar sur Lannion: Polar breton
Livre électronique305 pages3 heures

Cauchemar sur Lannion: Polar breton

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À propos de ce livre électronique

Lannion est en panique : des jeunes hommes sont assassinés le jour de leur mariage.

Premier samedi du mois
Ronan Magyar et Morgane Navalo assistent à la cérémonie d’un mariage à la mairie de Lannion puis au repas à Locquémeau.
Soudain, alors que la fête bat son plein, la mariée affolée entre dans la salle, sa robe blanche couverte de sang ; son mari vient d’être poignardé.
L’enquête sera confiée au policier Eddy Morgan, un des invités, et à son lieutenant, Sandrine Billot, avec la bénédiction lointaine de Ronan.

Deuxième samedi du mois.
Eddy Morgan et Sandrine sont appelés à Lannion pour un autre meurtre… le duplicata macabre vient de se reproduire : un autre jeune marié est assassiné le jour de son mariage.
… D’autres mariages se profilent à l’horizon...
Combien de jeunes époux vont encore mourir ?
Pourquoi les femmes sont-elles épargnées ?
Nos héros auront un mal fou à comprendre les motivations de cet assassin nuptial.

Pour quelles raisons ? Qui est l'auteur de ces crimes ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Michel Dozsa a vécu et travaillé en région parisienne avant de s’installer dans le Trégor, non loin de la mer. Joueur et entraîneur de hand-ball, il a raccroché le ballon pour se consacrer à l’écriture et passe pas mal de temps à lire, à marcher et à aller à la rencontre des gens, ce qui lui permet de préparer ses romans. Passionné de polars depuis l’âge de 14 ans, il s’est décidé à recréer l’ambiance de sa région dans des intrigues pleines de suspense.
LangueFrançais
Date de sortie12 mai 2020
ISBN9782374690766
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    Aperçu du livre

    Cauchemar sur Lannion - Michel Dozsa

    progrès ?

    CHAPITRE 1

    L’officier de police judiciaire Eddy Morgan se trouvait ce matin-là à son bureau lorsque l’on déposa quelques feuillets sur sa table. Nonchalamment, il déplia sa grande carcasse, allongea le bras pour s’en saisir, mit ses lunettes pour voir de près, approcha la première feuille et lut le gros titre :

    « LA FOLIE MEURTRIERE »

    C’était bien à l’ordre du jour.

    Il commença sa lecture :

    « Le 28 avril 1996, un sportif de 29 ans pénètre dans un café plein de monde de la station touristique de Port-Arthur, dans l’île de Tasmanie. Il extrait de son sac de tennis une arme automatique et ouvre le feu sur les clients. Il abat ensuite les passagers d’un autocar, puis se retranche dans une pension de vacances, d’où il tire sur tout ce qui bouge. Le lendemain matin, il se rend à la police. Bilan de cet accès de folie meurtrière : trente-cinq morts et dix-neuf blessés.

    Parce qu’il s’est vu refuser un prêt, un fonctionnaire du ministère de l’Education de Beyrouth, le 30 juillet 2002, armé d’une kalachnikov et de deux pistolets, abat neuf de ses collègues. Ses munitions épuisées, il dévale l’escalier, allume une cigarette et se mêle à la foule, où la police l’arrête.

    Que ce soit à Beyrouth, à Nanterre, ou ailleurs, les crises de folies meurtrières provoquent l’effarement, l’accablement, l’horreur. Car ces excès de violences sont totalement disproportionnés par rapport à ce qui les déclenche. Raison de plus pour se perdre en spéculations, pour rechercher des signes avant-coureurs dans les biographies. Manifestement, la culture occidentale ne peut concevoir l’ivresse sanguinaire que comme un court-circuit dans le cerveau ou bien comme le résultat de mauvaises conditions de vie.

    Les explications suivent toujours le même schéma peu inventif : ce sont des injustices ou des vexations sociales qui causent une frustration, et cette frustration qui provoque l’agression. L’environnement social ne saurait davantage expliquer la folie furieuse. Les défavorisés et les malheureux sont légion, alors que les fous furieux sont une espèce rare. Et ils sont d’une médiocrité à ce point terne que rien ne laisse prévoir leur explosion de fureur. A tout instant, les êtres humains sont capables du mal absolu. Les cas de folie meurtrière confrontent la société à son impuissance. Ils sont impossibles à prévoir et impossibles à empêcher.

    Avec cela, les motifs sont d’une banalité effarante : haine de l’enseignant, du collègue ou du voisin, échecs personnels, simple contrariété quotidienne. Tout cela peut mettre des gens dans une telle rage que plus rien ne les retient. Un mot de travers, un refus, et ce détonateur met le feu à l’explosif intérieur.

    Pourtant, il existe un schéma général : le massacre a été précédé d’une métamorphose intérieure. Elle peut prendre des heures, des jours, des mois. La plupart des folies furieuses n’ont rien d’une explosion spontanée. Leurs auteurs se procurent des armes et se retirent pendant un temps dans leur monde intérieur. Les barrières intérieures tombent, les fantasmes de violence sont inépuisables. Nulle censure ne les réfrène. L’imagination indique au meurtrier le chemin qu’il va emprunter, elle lui donne l’énergie de sa résolution intime. »

    Le capitaine s’arrêta au troisième feuillet, le déposa sur la table, et se rejeta en arrière en s’appuyant au dossier de son fauteuil. Dans cette position, il se relâcha, laissa son esprit vagabonder. Tout ce qui était dit dans ces feuillets, il s’en était douté sans pousser plus loin son analyse, mais tout se recoupait. Il fit la grimace. Drôle de société. Il se décida à terminer la lecture très édifiante :

    « A la faveur de cette métamorphose intérieure, le sujet ne devient pas seulement autre. IL DEVIENT QUELQU’UN D’AUTRE. Mais la mutation n’est entièrement accomplie qu’au moment où le corps entre en action. Là, le premier meurtre arrache toutes les barrières.

    Affranchi des liens de la morale, délivré de la culpabilité et de la peur, le meurtrier est emporté. Il est soudain maître de la vie et de la mort. Ce qui du dehors, semble être une rage aveugle est en réalité un état d’absolue présence d’esprit. L’homme n’agit pas en transe, il est tout ce qu’il y a de lucide. Ses sens sont aiguisés, ses nerfs et ses muscles sont tendus à se rompre.

    Le meurtrier voit tout, il est partout. Le meurtrier se déplace d’un mouvement agile et sûr, de manière à pouvoir tout surveiller, tout contrôler.

    C’est une danse extatique d’anéantissement. L’ivresse motrice déchaîne des forces surhumaines, des énergies que l’intéressé lui-même ne soupçonnait pas.

    Dans le triomphe qu’il célèbre, le meurtrier laisse derrière lui, son moi ancien. L’acte le libère d’années d’angoisse. Cet autre état ne le délivre pas seulement de l’interdit, il le délivre de lui-même.

    Le premier coup de feu ouvre largement les portes au hasard pur et simple. La folie meurtrière se distingue par l’absence de choix. Le meurtrier met en joue des inconnus qui se trouvent passer par là.

    Leur mort est totalement dépourvue de sens. Ce qui pousse, c’est l’ivresse d’un pouvoir absolu. La frontière une fois franchie, il ne tue que pour tuer. La folie meurtrière n’est pas une version élargie du suicide, ce n’est pas le désespoir qui guide l’acte. C’est la fureur. Ce n’est que s’il se retrouve acculé dans une situation sans issue que le tireur retourne son arme contre lui-même. Lorsque par la suite on lui demande ses motifs, les réponses sont indigentes.

    Car, souvent, il tire pour tirer, finalement, après le motif passe au second plan¹. »

    Eddy releva la tête et fixa le plafond, que penser de ce texte ?

    Qu’il était rédigé par un expert, soit, mais est-ce que l’être humain n’était pas plus complexe que cela ? Et que chaque cas était UN CAS ! Que chaque homme pouvait être un meurtrier avec des motivations différentes, voire très différentes.

    Le capitaine de police rassembla ses feuillets, les mit dans un dossier qu’il rangea dans son tiroir. A relire à tête reposée.

    Puis il sourit. Demain à cette heure-là, il sera à un mariage pas très loin d’ici, loin des problèmes humains.

    Premier samedi du mois

    Ronan et Morgane sortaient de la mairie assez loin des mariés. Main dans la main, ils avançaient lentement en savourant l’instant présent. Un beau samedi après-midi dans le Trégor.

    – Elle est bien jolie ta journaliste, constata l’ex-commissaire.

    Morgane tourna la tête vers son homme, lui griffa le bras.

    – Ce n’est pas ma journaliste et elle travaille pour un journal concurrent. Néanmoins, c’est une amie, nous nous sommes rendu de menus services.

    Le couple stationnait sur les marches du perron, le soleil brillait ; Ronan leva la tête pour regarder passer des goélands criards.

    – Ils ont de la chance, remarqua l’ex-policier.

    – Les goélands… ou les mariés ?

    Il leva la main vers le ciel et ajouta :

    – Les deux ! Le temps est de la partie. Tu sais que souvent il pleut.

    La journaliste de Global-Ouest sourit de toutes ses dents et murmura :

    – Mariage pluvieux, « mariage malheureux… » Je sais, « malheureux, » c’est de moi !

    Ronan haussa les épaules.

    – Bravo ! Tu as raison, autant inventer sa formule.

    – Je blaguais… Bon, on suit le mouvement !

    En effet, les invités des mariés s’éloignaient avec empressement vers les véhicules.

    L’ex-commissaire demanda :

    – Où va-t-on maintenant ?

    – Ma parole, tu le fais exprès ! D’abord, les traditionnelles photos dans le parc, ensuite, direction Locquémeau et la grande salle louée en bord de mer.

    – Tu as raison, dit-il en secouant la tête, depuis ce matin, j’ai une tendance à être ailleurs.

    Le sourire s’effaça du visage de madone de Morgane. Ronan n’était pas encore complètement guéri de sa vie parisienne malgré son installation dans le Trégor. Il faut dire qu’il avait passé de sales moments à Paris. Commissaire d’une brigade d’élite pendant dix ans, cela vous transforme un homme. Il fallait être passé par là pour comprendre et toutes les explications du monde ne servaient pas à grand-chose. Pourtant, Morgane était attentive à toutes les réactions de son compagnon.

    Elle se souvenait avec bonheur de leur deuxième rencontre qui avait illuminé sa vie (la première était passée totalement inaperçue au golf de Saint-Samson.)

    « … La crêperie Trestraou du bord de mer à Perros-Guirec, un soir. Lui, solitaire, buvait un apéritif, assis à une table. Elle, installée à l’autre bout de la salle se fondait dans un groupe. Morgane resplendissait, elle était entrée dans la salle sous les regards masculins. Son allure altière se faisait automatiquement remarquer alors qu’elle ne faisait rien pour. Ses pommettes hautes et ses yeux légèrement étirés ne pouvaient pas la faire passer inaperçue. Elle n’y pouvait strictement rien.

    Sa carrière de journaliste se déroulait très bien. Elle avait un peu plus de trente-cinq ans, le bel âge qu’il aurait fallu conserver longtemps. Comme si cela était possible.

    Morgane se souvenait, en entrant, elle avait emprunté l’allée centrale de la crêperie sans faire attention à Ronan. Seul, il dégustait son whisky lentement. Il avait, comme à son habitude, retiré le glaçon du verre, car le liquide était juste à la température idéale.

    Au passage du groupe, Ronan avait simplement relevé la tête, comme il le faisait parfois, il ne l’avait même pas remarquée. Il était certainement le seul. Son verre à la main, il l’avait porté lentement à la bouche en s’humectant légèrement la langue, ses yeux brillaient. Il se sentait de mieux en mieux malgré des passages parfois difficiles, liés à son ancien métier de policier qui semblait l’avoir marqué à vie.

    Sa première femme l’avait quitté : les horaires à la con, les planques, les congés sans cesse repoussés…

    La vie de flic quoi ! Incompatible avec une vie normale. Qui aurait pu résister à ce régime inhumain ? Quant à sa seconde épouse…

    Au début de son installation dans cette région du Trégor, il avait eu de sacrés coups de déprime. De plus, il y vivait seul.

    Son boulot lui avait donné beaucoup de joie, car la réussite avait été très souvent au rendez-vous. L’excommissaire avait à cette époque, et sous ses ordres, une dizaine d’hommes triés sur le volet. Pas de femmes, trop dangereux…

    Ah, si ! Une, mais avec une mentalité à toute épreuve, même parfois plus gonflée que les mecs… Evidemment, tous célibataires… »

    Morgane quitta Ronan une seconde des yeux, alors que les mariés montaient dans une grosse berline. Puis, elle revint à lui et remarqua que ses yeux changeaient imperceptiblement de couleur, l’annonce que quelque chose se passait dans sa tête.

    La journaliste se souvenait : « à la crêperie, le groupe l’accompagnant s’était assis en blaguant bruyamment. Un des hommes avait élevé la voix pour commander du cidre. Ronan, dans ses pensées, n’avait même pas levé la tête, alors, quant à voir Morgane…

    Elle, une fois assise, son regard s’était trouvé aimanté par sa gueule de pirate, ses cheveux légèrement ondulés, son… comment dire… son physique hors norme. Pas du tout classique. Il émanait de lui une espèce de droiture, c’était un Homme avec un grand H.

    En tant que journaliste, Morgane Navalo avait l’habitude d’aborder toutes sortes de gens. Mais là, elle s’était retrouvée fascinée, avait regardé l’ex-commissaire comme envoûtée. D’ailleurs, elle se rappelle encore de la phrase que lui avait murmurée une de ses amies à l’oreille : « tu ne vas pas le bouffer tout cru cet homme… encore que ! Je dois dire qu’il a du… même plus que ça !

    C’est à cet instant que Morgane s’était levée, gonflée, et comme dans un état second, s’était dirigée vers l’homme et l’avait abordé… »

    Depuis, tout baignait, ils vivaient presque tout le temps ensemble alors que Morgane avait un appartement à Lannion et Ronan une longère à Kérénoc. Chacun leur tour, ils habitaient soit chez l’un, soit chez l’autre, au gré de leur inspiration. Ce qui cassait la routine, si routine il y avait. Malgré la bonne dizaine d’années qui les séparait, le couple fonctionnait à merveille et faisait des envieux.

    Pourtant, ce ne fut pas si simple au début. L’excommissaire se soignait pour une déprime, Morgane l’aidait du mieux possible et y trouvait même du plaisir. Maintenant, il avait encore de temps en temps, mais cela était très passager, des petits coups de blues sans gravité. Dans ce cas, Morgane les voyait venir et l’aidait à les surmonter. Ce n’était pas facile, car les pensées de Ronan repartaient toujours vers son ancien métier à Paris.

    Et repensait invariablement à la mort de sa seconde épouse, tuée à sa place dans la voiture piégée de la police. Cela avait été la goutte qui avait fait déborder le vase…

    Le grand vide pendant un long moment.

    Plus tard… beaucoup plus tard, il avait repris le travail dans une espèce de surexcitation anormale. Pas longtemps. Un matin dans la salle de bains, le coup de bambou.

    La grosse déprime qui l’avait laissé KO…

    Enfin, les soins intensifs avec tout le toutim. Long… Très long !… Et, la suite logique, la retraite anticipée, le départ en direction du Trégor pour résider dans la maison que lui avait léguée son épouse.

    L’important, se refaire une santé.

    Ce qu’il avait essayé de faire, d’abord seul, avec l’aide de Morgane ensuite. Après, la santé s’améliorant, il avait ouvert un cabinet d’enquêteur privé. Une occupation dans ses cordes sans courir après l’argent.

    – Tu vas bien ? s’inquiéta la journaliste.

    S’il allait bien ?…

    Evidemment qu’il allait bien !…

    Sauf que de temps en temps, son métier le rattrapait, le travaillait, le torturait. Il revoyait des épisodes entiers de son boulot, des enquêtes. Et pendant cinq minutes, il vivait ailleurs. Là-bas… A la limite de l’enfer.

    – Alors, on y va ?

    Ronan retomba sur terre, découvrit ses dents de carnassier, pressa le bras de son amie.

    – C’est parti mon kiki.

    Déjà, la plupart des véhicules filaient vers le petit port pour faire les photos. Ronan s’assit sur le siège passager. Pour une fois, c’était Morgane qui avait voulu conduire. Il demanda :

    – Les photos, il y en a pour combien de temps ?

    – Une demi-heure, je pense.

    – Ce n’est pas trop long, allons-y, murmura-t-il.

    La voiture décolla du trottoir et prit la route de Ploulec’h, attaqua la grande montée qui menait sur le plateau. Le soleil commençait à décliner à l’horizon, jouait à cache-cache avec les grands arbres. Après la grande ligne droite, la voiture bifurqua à droite en laissant la route de Morlaix. Le couple arriva dans le petit port au moment où le soleil se couchait sur la mer et irradiait les vagues tranquilles. Quelques bateaux de pêche amarrés sur leurs corps-morts, dansaient sur les flots en attendant leur propriétaire.

    La voiture s’engagea sur une voie privée et étroite, parfaitement goudronnée.

    – Là ! désigna l’ex-policier en montrant une place libre de parking.

    Elle manœuvra rapidement et coupa le moteur. Le silence s’installa dans l’habitacle. Morgane baissa la vitre afin de mieux respirer l’air marin. Des goélands passèrent au ras de la voiture et s’éloignèrent dans un dernier battement d’ailes.

    – Bon, on y va ? interrogea Ronan.

    – C’est parti pour la nuit ! lança-t-elle.

    – Tu crois ?

    Elle ébouriffa ses cheveux.

    – Y a pas de raison, on est là pour s’amuser !

    Ronan admit qu’elle n’avait pas tort, pourtant ce n’était pas un fanatique de la danse. Ils sortirent de la voiture ; l’air était plus vif que tout à l’heure, le sommet des arbres s’agitait en cadence. La marée était presque à son maximum et les vagues venaient gifler la grève dans un bruit lancinant et répétitif.

    Le couple se tenait par la main et avançait vers la fête. De la musique romantique arrivait par bouffées au gré de l’ouverture des portes et des gens qui entraient et sortaient.

    Ronan et sa compagne approchèrent du battant à l’instant où des gamines sortaient en courant. Profitant de la porte ouverte, ils s’engouffrèrent dans l’espace libre. La musique les assaillit, les enveloppa. Ils entrèrent en se tenant la main comme des amoureux. Il faisait chaud à l’intérieur, des couples dansaient en se serrant tendrement. Le mariage battait son plein.

    Morgane remarqua au fond à gauche de la porte d’entrée un buffet où des invités s’agglutinaient en ne laissant pratiquement pas de place pour passer.

    – Par quoi commence-t-on ? demanda la journaliste.

    L’ex-commissaire inspectait la salle de son regard d’aigle, l’habitude du policier restait ancrée en lui. Dans sa tête de flic, il imaginait des choses. Par exemple : qu’un tueur était présent dans l’assistance ; dans ce cas, que devrait-il faire, lui ? Y avait-il une porte de secours pour évacuer les invités en cas d’incendie ? Etc.

    Il répondit, comme absent :

    – Comme tu veux.

    – Alors, on s’approche du buffet, suis-moi !

    Ils naviguèrent à vue au milieu de danseurs enlacés. Le mariage commençait bien, Ronan se sentait à l’aise. Pourtant, les grandes réunions n’étaient pas sa tasse de thé. Enfin, avec Morgane, il serait allé à l’autre bout du monde.

    Elle aussi.

    D’ailleurs, ils envisageaient, un jour, une grande escapade en amoureux. Et de préférence dans un lieu sauvage, loin du modernisme qui submergeait tout : les corps, et pire, les âmes, les cœurs, les esprits. Et peut-être, si cela était encore possible, retrouver les gestes de nos ancêtres, aux temps lointains où ils mangeaient avec leurs doigts.

    Ronan sourit à cette évocation. C’est vrai qu’à la maison, seul, il ne s’en privait pas.

    L’homme, ce bipède bizarre, qui courait comme un marathonien, toujours. Après quoi ? Il ne le savait pas lui-même, mais il courait. Son souffle paraissait inépuisable. Certains allaient de plus en plus vite en laissant sur le bas-côté ceux qui ne pouvaient pas courir aussi vite : les asthmatiques, les enfants, les vieillards, les déracinés, et bien d’autres.

    Cette énumération donnait le tournis.

    On vivait sur la même terre, mais pas sur la même planète, un comble !

    L’incohérence totale !

    Ronan Magyar, l’ex-commissaire responsable d’une brigade d’élite avait connu ça. Le monde interlope, le monde poisseux, le monde de la misère, des truands, des quidams qui pour s’en sortir devenaient à leur tour des truands. On tournait en rond, comme la terre. Sauf que pour elle, cela durait depuis un paquet d’années… Alors que pour nous, à la vitesse où l’on se détruisait, la boucle serait vite bouclée.

    Et après ?

    Ronan revint à la réalité. Il était temps de penser au buffet.

    Morgane se fraya un passage en bousculant, en s’excusant. Le couple finit par s’approcher des monceaux de victuailles qui jonchaient les tables recouvertes de nappes d’un blanc immaculé… enfin presque, car maintenant, quelques taches témoignaient du grand appétit et de la gourmandise des convives peu soigneux.

    Morgane se pencha, prit une assiette qu’elle tendit à Ronan.

    – Tu te sers, le choix est vaste, ils ont fait ça en grand on dirait.

    D’un coup d’œil, il apprécia, et commença à se servir en sélectionnant les mets qui avaient sa préférence.

    Tout en remplissant son assiette, Ronan regardait et épiait l’assistance. Tout en se laissant aller à la fête, une partie de lui-même était sur le qui-vive sans savoir pourquoi.

    L’instinct sans doute.

    Pourtant, à voir les invités s’amuser, on sentait que la nuit serait longue et palpitante.

    Un léger coup de coude dans la hanche le fit se retourner. Morgane voulait attirer son attention.

    – Tu connais du monde ? demanda-t-elle.

    Ronan hocha la tête.

    – Pas beaucoup… quelques têtes ne me sont pas inconnues, mais de là à mettre un nom dessus… Et toi ?

    – Moi ! fit-elle, je connais la moitié des invités.

    – Hein ? Ce n’est pas vrai !

    – Si ! La plupart sont des gens huppés qui viennent de toute la Bretagne, et même de la région parisienne. Le marié travaillait à Paris avant de venir à Rennes et la mariée tient un magasin à Roscoff.

    – Ta mariée, comment s’appelle-t-elle déjà ? questionna l’ex-commissaire.

    – Isabelle Bouquet… Elle est belle et c’est une vraie blonde.

    – Vraie blonde ? On n’en voit plus beaucoup. Ils forment un beau couple, non ?

    La journaliste grignotait un petit canapé, elle avala la bouchée avant de répondre :

    – Oui, en plus, ils gagnent tous les deux très bien leur vie. Lui est directeur, et elle, elle a un institut de beauté. Tout baigne.

    Morgane déposa son assiette au moment où une femme l’aborda :

    – Je savais que tu serais là… Comment va ?

    La femme avait dû laisser sa quarantaine au vestiaire et galopait allègrement vers le demi-siècle. Son visage mou laissait apparaître des rides impossibles à dissimuler malgré le maquillage à la truelle.

    – Ah ! ma chérie, tu sais que je me suis

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