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Terreur nocturne à Carnac: Polar breton
Terreur nocturne à Carnac: Polar breton
Terreur nocturne à Carnac: Polar breton
Livre électronique342 pages4 heures

Terreur nocturne à Carnac: Polar breton

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À propos de ce livre électronique

Le député-maire de Carrnac a été assassiné. Bientôt les enquêteurs doivent démêler le vrai du faux tandis qu'ils font lumière sur ses fréquentations.

Carrnac, ville balnéaire par excellence. Le printemps lâche ses rayons trop longtemps contenus. La cité attend ses premiers touristes, et sur les bords de la rivière, un mort attend d’être découvert…. Et pas n’importe quel mort ! Le député-maire du coin est retrouvé assassiné,…. Amoché… torturé ! Pourtant, le député, il le défendait son coin, trop ? A Paris, à l’Assemblée Nationale, il faisait l’unanimité pour son travail, possible ? Mais en dehors, quelle vie menait-il ? Ronan et Morgane mèneront une enquête à la demande d’Isabelle, la femme du député, et des ses enfants adoptifs. RIEN en apparence ne justifiait cette mort pénible. Entre Trébeurden, Carnac et Paris, le couple découvrira des relations curieuses… Une maîtresse ? Des maîtresses ?… Fausses, vraies ? Des enfants illégitimes ? Vrais ou faux ? Beaucoup de faux-semblants. Dans le dictionnaire, je cite : faux-semblant : ruse, prétexte. Qui a intérêt à ruser, à mentir, à transformer. QUI feint ? QUI simule ?

Qui dit la vérité ? Qui ment ? Pourquoi ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Michel Dozsa a vécu et travaillé en région parisienne avant de s’installer dans le Trégor, non loin de la mer. Joueur et entraîneur de hand-ball, il a raccroché le ballon pour se consacrer à l’écriture et passe pas mal de temps à lire, à marcher et à aller à la rencontre des gens, ce qui lui permet de préparer ses romans. Passionné de polars depuis l’âge de 14 ans, il s’est décidé à recréer l’ambiance de sa région dans des intrigues pleines de suspense.
LangueFrançais
Date de sortie12 mai 2020
ISBN9782374690971
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    Aperçu du livre

    Terreur nocturne à Carnac - Michel Dozsa

    hasard.

    Après une nuit un peu difficile, la rue Saint-Cornely et le bâtiment de la gendarmerie de Carnac réchauffaient leurs rhumatismes aux premiers rayons du soleil printanier. Dans la cour, trois véhicules dormaient sagement en attendant leurs maîtres.

    Un gendarme en civil, petite serviette à la main, se présenta à l’entrée du bâtiment, se dirigea directement vers un bureau au fond du couloir, et frappa à la porte.

    – Entrez !… Ah, c’est vous ! Asseyez-vous ! dit le Major qui dirigeait la brigade.

    Face à face, ils s’observèrent deux petites secondes. Le visage du Major, hâlé par les embruns, sous des cheveux en brosse, contrastait avec celui de son vis-à-vis parisien. Le manque de soleil rendait ce dernier blafard, comme s’il avait mauvaise mine.

    – Alors ? demanda le Major.

    Tout en ouvrant sa serviette, l’envoyé de Paris sourit légèrement. Sans dire un mot, il déposa sur le bureau un dossier cartonné, pas très épais, le fit glisser jusqu’au gradé.

    Qui l’ouvrit.

    Le tout sans prononcer une parole. Comme film muet, il n’y avait pas mieux.

    Le Major Jean-Yves Casilette parcourut d’abord rapidement les deux pages, revint au début, et recommença plus lentement en pesant chaque phrase. Pendant ce temps, face à lui, le parisien, tranquille, attendait. À Paris, tout le monde avait fait son boulot… maintenant, c’était au tour de cette gendarmerie de province de tirer des conclusions. À la capitale, ils avaient d’autres chats à fouetter, et des 4 Ronan Magyar, détective plus gros, plus emmerdants.

    Au bout d’un moment, le civil interrogea :

    – Qu’en pensez-vous ?

    Le Major releva la tête ; son front était sillonné de petites crevasses qui ondulaient.

    – Effectivement, il y a des similitudes avec ces très jeunes filles assassinées il y a trois ans… Ce serait fantastique de renouer si longtemps après, alors que nous n’avions aucune piste !

    L’expression de son regard renvoyait une espèce de souffrance. Souffrance d’avoir découvert des victimes mutilées et souffrance de ne pas avoir abouti.

    Et voilà que !…

    … Il y a trois ans, aux alentours du site des mégalithes, trois très jeunes filles avaient été retrouvées assassinées, à huit mois d’intervalle, entre la première et la troisième victime.

    La région avait été traumatisée, les touristes qui venaient pour la visite en profitaient pour aller aussi sur les lieux où l’on avait découvert les victimes. Double visite, l’une touristique, l’autre macabre. Malsaine ! Très malsaine même !

    Pendant trois ans : RIEN ! Aucune piste valable.

    Trente-cinq personnes interrogées puis relâchées… Fiasco complet.

    La région avait grondé, elle avait eu à cette période la trouille de sa vie. La nuit, les gendarmes de Vannes venaient patrouiller, surveiller… aucun nouveau meurtre. La visite du site avait repris comme avant.

    Le Major regarda son vis-à-vis qui paraissait dormir. Cet homme presque insignifiant qui amenait peut-être de quoi renouer avec le passé… retrouver l’assassin des jeunes filles…

    – La piste vous paraît bonne ? demanda le commandant.

    – Je crois que c’est du solide…

    Son portable retentit nerveusement, comme pour annoncer une mauvaise nouvelle.

    – Allô !

    Le major voyait le visage de son interlocuteur se décomposer à la vitesse grand V.

    Il coupa la communication d’un geste lent, le regard ailleurs.

    – Oh, mon vieux, remettez-vous ! C’est si grave que ça ?

    Le parisien esquissa une légère grimace avant de répondre :

    – Pas pour moi… ni pour la gendarmerie… mais c’est pour vous !

    – Dites, mon vieux !

    – Nos soupçons sur la personne qui a assassiné les jeunes femmes… TERMINÉ !

    – Quoi ?

    – Il vient d’être retrouvé à Paris, mort. Assassiné lui aussi !

    Un témoin disparaissait… une enquête merdique commençait.

    Ouvertes, les portes de l’église de Bellevue laissaient apparaître une foule innombrable. Certaines personnes, n’ayant pu pénétrer, patientaient sur le parvis balayé par une pluie pénétrante et un vent mauvais. La voix forte du curé parvenait jusqu’à l’extérieur.

    Il faut dire que l’homme était une personnalité de la Région Bretagne. Député et maire, une pointure qui avait fait souvent parler d’elle lorsque des décisions ou des travaux importants étaient à prendre. Sa mort avait plongé le département dans la consternation et son enterrement représentait un événement majeur. Tout le monde se sentait traumatisé par cette mort peu ordinaire. Un meurtre particulièrement atroce.

    Un peu en retrait de tout ce monde, l’ex-commissaire Ronan Magyar regardait la cérémonie d’un air détaché. Col de l’imperméable relevé, galurin enfoncé profondément sur la tête pour se protéger de cette flotte qui n’en finissait pas de tomber. Maintenant, en plus de la pluie et du vent tourbillonnant, une légère brume nappait les environs, rendait les arbres fantomatiques.

    Un vrai temps de chien.

    Ronan s’écarta lentement du parvis ; le cercueil allait être transféré vers la fourgonnette qui stationnait sur le terre-plein tel un monstre noir assoupi attendant l’heure du repas.

    Ensuite, le convoi s’éloigna lentement de l’église, attaqua la rue qui menait au cimetière. Dans la foule, on chuchotait sur les qualités du mort… sauf Ronan qui le connaissait bien et n’avait pas la particularité de biaiser. Parce que, il le savait par expérience, en politique, pour arriver, il fallait souvent tuer, et ce mort était un professionnel. Bien sûr, il y avait mis la manière, comme tout bon politicien.

    L’ex-commissaire avait connu Joël de Frémont à Paris.

    À cette époque, il entrait en politique et arrivait de sa province bardé de diplômes. Ronan, lui, était commissaire à la PJ, puis plus tard avait été à la tête d’une brigade d’élite chargée plus particulièrement des prises d’otages. Un travail difficile, prenant, stressant.

    La réussite lui avait souri pendant un certain nombre d’années, malgré un premier divorce consécutif à ses absences répétées, ses vacances souvent reportées, ses horaires décalés, etc. Sa deuxième femme avait mieux admis cette situation, car son père avait été lui-même policier.

    Par la suite, un énorme bouleversement allait faire basculer le cours de sa vie. Entièrement.

    Ce fut le décès de sa seconde épouse, morte dans l’explosion de la voiture de Ronan. Les nouveaux truands ne respectaient rien, se vengeaient. Le commissaire avait été atteint de plein fouet par la mort de sa femme, mort qu’il avait vécu en direct, à dix mètres de la voiture. Le piège avait été placé pour lui. La voiture avait flambé tout de suite, impossible de faire quelque chose. Magyar avait assisté à l’agonie de son épouse.

    Là, à quelques mètres.

    Marqué à vie.

    Ensuite, la vie avait continué parce qu’il le fallait, avec des petits hauts et beaucoup de bas. Le divorce, d’accord, mais la mort de cette façon, il n’arrivait pas à l’accepter, à la digérer. À cette époque, chaque jour avait amené son lot d’angoisses, d’anxiété, de tourments… et à force, un matin, le trou noir en se rasant, le coup de bambou. La déprime, la grosse ! Celle qui laisse KO debout. Ensuite, l’hospitalisation dans un lieu approprié. Du temps pour le rétablissement.

    Mais plus jamais le même homme.

    Un autre… Détaché… Ailleurs !

    Finalement, sa démission de la police, le changement de région pour essayer d’oublier. Mais peut-on oublier un pan si important de sa vie ?

    Ronan Magyar se devait d’essayer. Il avait emménagé dans la fermette bretonne héritée de son épouse. En attendant la retraite, il avait financièrement de quoi voir venir. Ce qu’il fit avec du repos, la visite des régions, beaucoup de régions. Quelques mois plus tard, avec l’aide de Morgane Navalo, sa nouvelle compagne, il s’était décidé à ouvrir une agence de détective privé. Pas pour l’argent, mais pour s’occuper, car des compétences, il en avait…

    … L’église.

    Ronan, en queue de convoi, tourna la tête. La foule avançait tranquillement en suivant le corbillard. Devant, la famille, vêtue de noir et tête baissée, ouvrait le cortège. Le véhicule bifurqua à l’entrée du cimetière, et le long serpentin silencieux s’incurva en passant la porte.

    Le privé fermait toujours la marche.

    Finalement, le corbillard s’arrêta à côté d’un trou béant. Les croque-morts préparèrent des tréteaux sur lesquels on déposa le cercueil.

    La foule se recueillit quelques instants, ensuite, une huile prit la parole, fit le panégyrique de Joël de Frémont. Ce fut bien fait, bien enveloppé, cet homme avait décidément toutes les qualités… Alors, pourquoi ce crime atroce ?… Gratuit ?

    Vengeance ? Mais pourquoi ?

    Puisqu’il était parfait.

    Ronan, à la fin du discours, se permit un léger sourire : c’est curieux qu’une fois mort, l’être humain soit systématiquement paré de toutes les vertus.

    Le cercueil fut descendu.

    Ronan passa le dernier, balança la rose sur le couvercle en contrebas.

    Pourquoi toutes ces simagrées ?

    Les règles, ces satanées règles !

    Le cimetière se vida lentement. Le privé s’arrêta un instant, leva les yeux vers les grands arbres bordant le mur d’enceinte. Un corbeau curieux tournait la tête dans tous les sens, battit des ailes pour finalement s’envoler vers les prés où paissaient des troupeaux de vaches à lait.

    Il repensa au journal qu’il avait lu dans le train. Qui relatait, en première page et en gros titre, l’assassinat de Joël de Frémont. Un meurtre d’une sauvagerie inouïe. Sans témoin. Sans bruit…

    Rien !

    Aucun indice concret. Les gendarmes se perdaient en conjectures. Ils y mettaient pourtant le paquet, mais la manière d’opérer de l’assassin les désorientait. Cela ressemblait à un rituel quasi satanique d’après les uns, alors que d’autres avançaient le nom de sectes…

    La rumeur !

    Ronan se souvenait du journal, de la lecture qui l’avait marqué : le corps du député-maire avait été bloqué par une branche. À cet endroit, non loin du camping, la rivière De Croch coulait paisiblement ; c’était le premier mort qu’on y trouvait, et pas des moindres. Comme le corps avait été découvert dans la soirée, la gendarmerie de Vannes s’était déplacée, relayée le lendemain matin par celle de Carnac.

    Une secte ?

    Comme celle du Temple solaire ?

    Dans ce cas, il fallait s’attendre à d’autres morts.

    Ou alors une imitation, mais pourquoi ?

    Puis, vu le personnage, des gendarmes avaient été envoyés de Paris, des gendarmes habitués à enquêter sur les sectes.

    Quatre jours s’étaient écoulés depuis l’assassinat, mais aucune révélation ne filtrait…

    Dans un café, devant un demi, Morgane demanda :

    – Alors, ça y est, le grand monsieur est enterré ?

    Le détective hocha la tête en terminant son verre.

    – Oui, et ça n’a pas été sans mal.

    – Pourquoi ?

    – Tu sais, les discours pour ce genre d’homme très important, c’est long.

    – ÉTAIT important ! Maintenant, Joël de Frémont n’est plus rien…

    L’ex-commissaire fixa sa compagne en murmurant :

    – Tu as raison, on n’est pas grand-chose. Avec le temps, la mémoire va très vite transformer l’image de cet homme parfait. Les langues vont se délier, tu verras, on va en apprendre des choses. Bien sûr, il faudra trier. Que dit ton journal ?

    Le visage de la journaliste eut une légère crispation.

    – Les avis sont partagés : au niveau des journalistes, pas de problèmes, c’était un sale bonhomme. Pour les patrons, c’est plus nuancé… mais tu sais, lorsqu’on a des responsabilités, pour se mouiller, c’est dur… et puis, il va y avoir un successeur, tu vois…

    Une fois à l’extérieur, le couple regagna chacun sa voiture. La grande plage s’animait un peu.

    Les deux véhicules arrivèrent à Carnac, rue du Pô. Le restaurant était un peu plus loin. Ronan regarda l’heure à sa montre, il était dix-neuf heures trente. Ils gagnèrent la Calypso, une ancienne maison de pêcheur reconvertie en restaurant.

    Ronan se pencha en avant, prit la main de la journaliste dans la sienne et la caressa gentiment.

    – Alors, ça va ?

    Une fois le couple installé, le serveur s’approcha pour enregistrer la commande. Le privé avait décidé de se laisser aller ce soir-là. Ils commencèrent par des apéritifs légers en attendant le début du repas. Comme il se doit, ils avaient choisi le poisson, la spécialité de l’établissement : lui, le turbot et Morgane, une brochette de lotte, le tout accompagné des « grenailles du Pô », de toutes petites pommes de terre servies dans leur peau.

    Ils commençaient leurs plats respectifs lorsque le maire de la commune voisine, Guéric Sylver, et Madeleine son épouse, entrèrent. Le maire connaissait Ronan de nom et avait vu quelquefois sa photo à la Une des journaux. Il vint saluer le couple et ils échangèrent quelques banalités jusqu’au moment où Sylver demanda :

    – Dites-moi, ce meurtre atroce de mon ami le député, vous arrivez à avoir des nouvelles intéressantes ?… Qu’en pensez-vous ?

    Le détective s’arrêta de manger, reposa sa fourchette, et leva les yeux vers son interlocuteur.

    – Écoutez, j’avoue que je n’ai pas réfléchi aux conditions dans lesquelles le député est décédé. En plus, la gendarmerie enquête, elle est compétente.

    – Bien sûr, renchérit le maire, mais ils sont tellement débordés… et si je vous demandais de vous occuper de cette affaire ? Déjà que je n’ai pas pu me libérer pour assister à l’enterrement.

    Et voilà ! pensa le détective.

    Ronan détourna son regard et le fixa sur Morgane.

    – Qu’en penses-tu ?

    – Ta décision sera la mienne.

    Le privé se permit de découvrir ses dents dans un sourire carnassier.

    – Tu ne te mouilles pas beaucoup.

    La journaliste fit bouffer ses cheveux, les rejeta en arrière en murmurant :

    – Ce n’est pas la saison, il ne fait pas chaud… OK. C’est intéressant, et en plus ça peut être un défi.

    – Tiens donc.

    – Oui, es-tu capable de résoudre ce meurtre plus vite que la gendarmerie ? Alors ?

    Le visage de pirate du détective se minéralisa. Un défi, il aimait.

    – Top là ! dit-il au maire.

    Celui-ci lui tendit la main et répondit :

    – Mais attention, terrain miné.

    – C’est-à-dire ?

    – On met les pieds dans une famille de la haute, et on…

    De nouveau, le sourire de Ronan éclaira son visage, mais qui savait lire se serait méfié ; l’ex-commissaire se frotta doucement les mains et articula :

    – Haute ou pas haute, si j’enquête, c’est à ma façon, c’est à prendre ou à laisser.

    Le maire comprit qu’il était bloqué par ce satané commissaire et qu’il n’y avait rien à dire ; il approuva donc, et précisa :

    – D’accord, je rentre à la maison et je téléphone à la veuve de Frémont pour un rendez-vous.

    Morgane regarda tour à tour le maire, puis son compagnon qu’elle commençait à connaître. Elle savait par expérience que Ronan, lorsqu’il s’occupait de quelque chose, menait les débats à sa guise, du début à la fin. D’ailleurs, il décida :

    – D’accord pour le coup de téléphone ; ensuite, je gère tout seul, ou avec Morgane. OK ?

    La femme du maire, étonnée, regarda son mari. Grande maigre avec une coiffure ébouriffée qui voulait faire jeune, elle aussi le connaissait et savait qu’il était souvent dominant, voire cassant. Mais là, il prenait conscience qu’il butait contre un mur. Il admit sans insister davantage :

    – C’est bien, vous me tiendrez au courant ?

    Le privé reprit son couvert, cela signifiait qu’il était raisonnable de se quitter, car son plat allait refroidir.

    – En quel honneur ?

    Le maire en fut soufflé et balbutia :

    – … Mais… en temps qu’ami de la victime et premier magistrat de la commune…

    Ronan, qui avait recommencé à manger, engloutit la bouchée de poisson, leva les yeux vers l’homme et lâcha :

    – Lorsqu’il y a enquête, je suis obligé de ne rien négliger, l’ami d’hier peut devenir un coupable en puissance.

    L’autre faillit monter sur ses grands chevaux… ce qui n’aurait strictement servi à rien ; la femme du maire comprit cela tout de suite et serra la manche de son mari. Ce dernier opina et dit d’une voix calme :

    – Vous ne pensez quand même pas ?…

    – Monsieur le maire, sauf le respect que je vous dois, et compte tenu de ma très longue expérience, le début d’une enquête est très difficile, enfin, souvent. Pas ou trop de suspects, et dans les trop, il y a tout le monde… Je dis bien, tout le monde.

    – OUI, mais MOI !

    C’était dit avec emphase.

    Il devenait énervant le premier magistrat de la commune, énervant et fatigant. Morgane eut un rire contenu et pinça les lèvres. Ronan ne releva pas la dernière intervention, et ce fut la journaliste qui précisa :

    – Lorsque l’on recherche un criminel, on ne peut négliger aucune piste, même la famille sera suspecte… alors vous !

    Monsieur le maire agita la tête en signe de compréhension et ajouta :

    – Parfait, à très bientôt. Et si vous avez besoin de moi, n’hésitez pas.

    La bouche pleine, l’ex-commissaire fit un petit signe de remerciement en direction du couple qui alla s’asseoir un peu plus loin.

    Tout se terminait dans le meilleur des mondes.

    En fait, rien n’était commencé.

    Le repas touchait à sa fin, Ronan et Morgane avaient hâte de rentrer à leur hôtel en périphérie de la ville.

    Sur le parking à l’éclairage parcimonieux, ils regagnèrent chacun leur voiture. Il était 21 heures 30, l’heure où les braves gens sont chez eux ou se préparent à sortir.

    Ils dégagèrent en même temps, se retrouvèrent sur la route longeant le bord de mer plongée dans le noir… Et furent bloqués à l’entrée d’un virage par une voiture arrêtée sur le bas-côté, face à un hôtel situé en retrait de la route.

    Une légère agitation régnait autour de la voiture. Après une hésitation, Ronan se gara, imité par sa compagne. En quittant leurs voitures respectives, ils s’aperçurent que des éclats de voix montaient dans l’air frais du soir.

    Plus le couple approchait de la voiture, plus les voix s’amplifiaient.

    – On peut savoir ce qui se passe ? demanda l’ex-commissaire.

    Un homme à l’allure calme se tourna vers Ronan, le regarda, sans doute pour le jauger, et répondit :

    – Un accident.

    – Mais encore ?

    Le grand type tendit le bras vers un corps étendu sur le bord de la route.

    – La jeune fille a traversé en courant, elle venait de l’hôtel, l’automobiliste n’a pas pu l’éviter et l’a percutée. Heureusement qu’il ne roulait pas trop vite, le choc n’a pas été trop violent, le SAMU est prévenu.

    Le privé secoua la tête, rien que de très banal dans cette histoire.

    Il s’approcha de la jeune fille allongée. Quelques égratignures couronnaient les genoux, là où le collant était déchiré. Elle ne semblait ne pas être trop touchée physiquement ; en revanche, le choc psychologique était visible.

    D’ailleurs, elle ouvrit les yeux, regarda autour d’elle et balbutia :

    – … ch… ambre 17… vite !

    Puis elle tourna la tête vers le ciel, comme absente.

    Le privé saisit la main de Morgane et la tira vers l’hôtel.

    – Viens !

    Sans frapper à la porte, ils pénétrèrent dans le hall d’entrée et s’approchèrent d’une femme installée derrière un comptoir. Elle paraissait bien blanche, ou était-ce l’effet de la lumière artificielle ?

    – Bonjour, murmura la femme, c’est pour une chambre ?

    – Non, c’est au sujet de la jeune femme qui sortait de chez vous, dit Ronan.

    Derrière son comptoir, la femme d’âge mûr écarquilla les yeux.

    – Et alors ?

    – Elle vient d’avoir un accident, renversée par une voiture, juste en bas de votre sortie.

    – Grave, vous voulez que…

    – Non, non, je vous rassure, le SAMU est prévenu… mais elle nous a demandé de nous rendre de sa part dans la chambre 17.

    – Je n’ai pas le droit…

    Ronan sortit une vague carte tricolore barrée et annonça :

    – Je suis commissaire de police, accompagnez-nous.

    C’était dit sur un ton autoritaire.

    De blanc, le visage de la femme rosit légèrement. La police, il ne manquait plus que ça !

    Ronan profita de son avantage.

    – Avez-vous vu sortir la jeune fille ?

    – Non, je n’étais pas là.

    Pendant que le privé discutait avec la réceptionniste, Morgane observait de son regard fureteur.

    L’ex-commissaire ne se satisfaisait pas de cette réponse.

    Qu’espérait-il ? Comment allait-il pratiquer ?

    Derrière son comptoir, la femme examina l’homme rapidement.

    Elle resta muette devant la loi. Morgane aussi d’ailleurs, qui trouvait Ronan particulièrement gonflé ce soir.

    – Bien, fit leur interlocutrice, si vous voulez me suivre.

    Les uns derrière les autres, ils gravirent alors les marches qui menaient au premier étage.

    Ils longèrent un couloir recouvert d’une moquette bleu nuit du plus bel effet ; la femme s’arrêta devant la porte d’une chambre.

    – C’est ici.

    – Restez avec nous, je n’en aurai pas pour longtemps, dit le privé.

    Qu’en savait-il, pensa la journaliste. Elle ne dit rien et suivit son homme ; après tout, il était grand et vacciné. Peut-être pas contre tout, surtout pas contre la connerie humaine, le vaccin n’existait pas et les recherches risquaient de durer jusqu’à la fin du monde.

    Ronan poussa la porte qui s’ouvrit sans résistance, alluma la lumière qui éclaira une chambre propre, classique, avec une salle de bains sur le côté et des toilettes en face. Normale quoi.

    Le lit était défait, mais les draps non froissés attirèrent son attention.

    La jeune femme retrouvée sur le bas-côté de la route était-elle sur le point de se mettre au lit ? Dans ce cas, qu’est-ce qui avait pu l’en empêcher ? Et pourquoi ? La peur ? Un appel téléphonique de l’extérieur ?

    L’ex-commissaire entra dans la salle de bain, rien. Les toilettes, rien. Il revint dans la chambre sous le regard des deux femmes qui attendaient.

    Que cherchait-il ? Il ne le savait pas lui-même.

    Et puis là, brusquement, comme un chien de chasse à l’arrêt, il se mit à sentir, se tourna vers les deux femmes.

    – Vous ne sentez pas… cette odeur ? Morgane ferma les yeux, se concentra.

    – Non, rien, peut-être que… oui, tu as raison…

    – J’ai raison… venez voir !

    En disant cela, il s’était avancé de l’autre côté du lit. Là, entre le lit et la fenêtre, à même le sol, un homme allongé semblait dormir sur le ventre… sauf que, un filet de sang imprégnait la moquette à hauteur de sa tête.

    Les deux femmes eurent un haut-le-corps, Morgane porta la main à sa bouche pour étouffer une exclamation. Quant à l’autre femme, elle se laissa choir comme un sac de pommes de terre sur la première chaise venue.

    Ronan tourna la tête vers la journaliste et souffla :

    – Cette odeur fade, c’est celle du sang… merde ! regarde la porte derrière toi.

    La jeune femme se tourna lentement, s’attendant au pire, surtout que Ronan paraissait étonné, voire horrifié.

    Et il y avait de quoi.

    Sur le panneau de bois, en lettres de sang dégoulinantes, les lettres CH donnaient un aspect lugubre à la chambre.

    – Qu’est-ce que ça veut dire ? s’étonna Morgane.

    – Comme pour de Frémont…

    – Tu as raison, clama la journaliste, qu’est-ce que c’est que ce sac de nœuds ?

    Le privé fit une moue d’ignorance ; quant à la réceptionniste, elle paraissait anéantie. La seule décision qui s’imposait était de prévenir la gendarmerie, ce que fit Ronan.

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