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L'Exilé volontaire: Tome II – Les Fiancées du Ministre
L'Exilé volontaire: Tome II – Les Fiancées du Ministre
L'Exilé volontaire: Tome II – Les Fiancées du Ministre
Livre électronique259 pages3 heures

L'Exilé volontaire: Tome II – Les Fiancées du Ministre

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À propos de ce livre électronique

Ce roman établi d’après des faits réels, retrace un épisode de la vie d’Alexandre Lacaze, qui après le décès de sa nouvelle compagne décide de partir sur les traces du premier âge de sa vie d’homme et d’officier autour du monde. Il sera entraîné malgré lui à côtoyer ce que Madagascar offre à ses visiteurs de plus magnifique comme de plus noir.
Du trafic de pierres précieuses, à celui des êtres humains pour alimenter les banques clandestines de vente d’organes, nous sommes plongés dans une histoire rocambolesque qui s’est malheureusement produite avec plus de sauvagerie encore que n’ose vous la conter l’auteur.
Les marins Français qui ont fait escale à Diego Suarez jadis, comme ceux qui plus récemment ont séjourné à Nosy-Be, retrouverons dans ce livre tous leurs repères, qu’il s’agisse des paysages, de leur plage favorite ou des gargotes où ils ont pris une T.H.B. en compagnie de Fripouille la lémurienne dans les Sakalaves.
Tonga Soa à Dago l’île rouge !
LangueFrançais
Date de sortie12 juil. 2017
ISBN9782312053172
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    Aperçu du livre

    L'Exilé volontaire - Hilaire De L’Orne

    cover.jpg

    L’Exilé volontaire

    Hilaire De L’Orne

    L’Exilé volontaire

    Tome II – Les Fiancées du Ministre

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Du même auteur

    L’Exilé volontaire tome I, « Convictions et Circonstances. »

    L’Exilé volontaire tome II, « Les Fiancées du Ministre. »

    L’Exilé volontaire tome III, « La Résurrection du Réel. »

    Les Baladines Malgaches.

    © Les Éditions du Net, 2017

    ISBN : 978-2-312-05317-2

    Avertissement

    Ce roman est une œuvre d’imagination, qui ne saurait être considérée comme une source d’informations infaillibles. Il est pourtant la transcription d’une histoire vraie. Tous les lieux décrits dans cet ouvrage sont réels, certaines situations et événements le sont aussi. Les personnages choisis dans cette intrigue, demeurent néanmoins fictifs. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou disparues, ne serait que pure coïncidence.

    H. De L’O.

    Chapitre 1

    Depuis l’attentat du Bataclan dont il avait été l’une des victimes, et son retour chez lui en République Dominicaine, Alexandre Lacaze semblait las, absent, dépourvu d’envie.

    La cicatrice de sa blessure s’estompait peu à peu et disparaissait le matin sous son abondante chevelure dont il s’appliquait à détourner l’orientation des mèches. Sa fracture du crâne ne lui avait laissé aucune séquelle, le mal était ailleurs, en lui, enraciné plus profondément.

    Le mal avait pénétré ses jours et ses nuits, et s’il ne vivait plus comme ses compagnons du désastre restés en France, entre peur et résignation, il lui arrivait encore d’entendre en écho le tumulte des tirs et du chaos.

    Cette dévastation surgissait de manière aléatoire sous la forme de visions, de tremblements et parfois de sueur. Il avait refusé de suivre la voie classique prescrite par les psychothérapeutes, préférant l’automédication faite de la chimie des somnifères et des antidépresseurs.

    Il revivait souvent les scènes de tuerie dans lesquelles le climat de terreur ne retombait pas. L’horloge de sa vie marquait l’heure du drame sans pouvoir repartir, ni indiquer un autre moment. Il revoyait nettement le visage des monstres effectuant un bref état des lieux de leur massacre à l’Américaine, avant de se défouler de nouveau pour jouir des cris de leurs victimes. Les silences entre les réapprovisionnements de chargeurs étaient eux aussi des silences d’angoisse et de mort.

    Puis, la scène apocalyptique des corps transpercés par les balles se répétait. Ils visaient cette fois ceux qui tentaient de s’enfuir en courant vers les coulisses ou l’accès donnant au premier étage. Alexandre entendait le sifflement des balles lui signifiant qu’il était vivant, espérant à chaque reprise de tirs qu’il s’agissait de la dernière rafale, et priant pour ne pas être la prochaine victime.

    L’odeur de la poudre empestait l’air pesant. Une odeur âcre et suffocante soulignait la violence de l’événement. Elle aussi s’était incrustée dans sa mémoire.

    Il ressentait le mal inciser ses chairs et l’empreinte de cette chaussure de sport lui vriller la joue et lui écraser la tête. Cette douleur lui donnait l’impression qu’on lui arrachait l’oreille.

    Il ne pouvait oublier le goût de son propre sang se répandant dans sa bouche, ni le terroriste qu’il ne faisait que deviner, piétiner les cadavres en écoutant leurs râles. Logeant çà et là, une balle dans la tête de ceux qui osaient le défier de leurs plaintes, et du peu de vie qui leur restait.

    À présent, certains soirs, sa haute taille se voûtait. Il lui arrivait de laisser négligemment fleurir sa barbe blonde et argentée pendant plusieurs jours avant de souhaiter retrouver une figure plus humaine. Il occupait ses journées par de longues promenades matinales avant que le soleil ne parvienne au zénith, puis rédigeait quelques pages retraçant ses mémoires.

    Il arrivait qu’il réponde favorablement à une demande concernant la rédaction d’une chronique dans des publications philosophiques sur la santé de la société. Il rédigeait alors quelques lignes sur les grands déséquilibres dans lesquels vivait notre monde, n’hésitant pas à laisser sur le bord du chemin la moitié des humains vivant sur notre planète. Les dirigeants préférant par mesure d’économie marier la faim avec la soif d’un même continent plutôt que l’aisance et la nécessité entre les pays du nord et du sud.

    Il réalisait après avoir flirté avec la mort, que la prise en compte des plus démunis ne devait pas être qu’une préoccupation morale, mais bien une priorité pour garantir la paix. Alexandre souffrait des paradoxes qui divisaient les peuples.

    Il refusait de se laisser manipuler, ou attendrir par les incantations élogieuses et publicitaires du vivre ensemble, s’interdisant de reconnaître toute connexité avec les acteurs du massacre des innocents.

    Réfugié sous les tropiques, veillant sur sa compagne dominicaine, ils écoutaient encore de la musique, mais les airs latinos avaient cédé la place à plus de classicisme.

    En fin de journée à huit mille kilomètres, les plumitifs des actualités télévisées nourrissaient de leurs discours creux l’angoisse des Européens. Après bien d’autres résidents dans le monde, ils devraient eux aussi apprendre à faire semblant de vivre normalement.

    Nous devions tous désormais nous préparer à mourir par hasard, où que nous nous trouvions, même en flânant le soir sur la promenade des Anglais.

    Qui aurait pu deviner quelques mois auparavant que cet homme défait était l’ambassadeur de France à Saint-Domingue ? Aujourd’hui il avait endossé à plein temps le statut de rescapé d’attentat, avec les flash-backs et leurs cauchemars associés, revivant sans cesse les scènes atroces de la barbarie gratuite dont se repaissaient les fous d’Allah.

    Il arrivait qu’au cours d’une journée, il ne se pose qu’une seule et unique question : « pourquoi pas moi, comment se fait-il que je sois encore là, pourquoi ai-je été épargné ? » Il se sentait coupable d’être encore en vie et profondément reconnaissant envers le hasard d’avoir été épargné.

    Il fuyait les quelques personnes bien intentionnées qui au cours d’une rencontre fortuite, se sentaient obligées de lui dispenser des conseils, alors qu’elles auraient été mieux inspirées de lui faire cadeau de leur silence. Elles ignoraient sans doute, que l’on puisse continuer à saigner longtemps encore, après les coups.

    Il sentait néanmoins qu’il possédait en lui l’antidote à son malheur. Alexandre se serait méprisé s’il n’avait pas trouvé, en lui seul, les ressources nécessaires pour s’extraire de son état dépressif.

    Au cours de sorties en mer avec Xavier da Silva, fervent amateur de pêche au gros, il renaissait à la vie. Au large, il renouait avec les heureuses sensations qu’il avait ressenties lors de sa carrière d’officier de marine. Assurément c’était aux éléments et à la nature qu’il devrait sa guérison.

    Les jours qui suivirent, Félina décida d’organiser une « Coco partie » dans le jardin de leur villa pour interpeler la curiosité d’Alexandre, et lui faire prendre conscience qu’il évoluait dans un environnement baigné d’êtres vivants.

    Des rires joyeux rythmaient le travail des jardiniers. Le spectacle de cette récolte tenait de la kermesse et du travail des champs au temps jadis, peuplé d’acrobates juchés en haut des mâts de cocagne pour en déloger une récompense.

    Les villas de la résidence, étaient ouvertes sur le domaine. Chaque propriétaire y faisait pousser librement les essences d’arbres et de fleurs de son choix. La propriété d’Alex accueillait ses visiteurs par un bougainvillier mauve qui escaladait l’escalier du perron. Une haie d’ibiscus bordait la lisière du terrain. Au rez-de-chaussée, un parterre de gingers kimi écarlates, disputaient l’espace à quelques orchidées.

    En haut des marches, fleurissait tout un buisson de strelitzias, oiseaux de paradis, attirant des colibris qui peu farouches se perdaient régulièrement dans leur hall d’entrée.

    Sur la terrasse était disposé un confortable salon, ajoutant s’il en était besoin, un élément d’apaisement dans ce décor. Un large parasol à franges procurait une ombre rafraîchissante aux occupants des transats bordant la piscine surplombée d’un enrochement d’où émergeait une cascade. Tout ici était propice à profiter de l’existence avec lenteur, et ignorer l’urgence qui tuait la vie, ou le goût qu’elle a.

    L’iris mauve du regard en amande de Félina, la compagne d’Alexandre, pouvait varier du plus clair au plus foncé, retraçant ainsi l’état de son humeur, ou de ses pensées. Sa longue chevelure de soie noir bleuté encadrait son visage de métisse mutine.

    L’ovale de ses traits soulignait sa lointaine filiation avec le peuple des indiens Taïno.

    Ses pommettes hautes laissaient apparaître des fossettes au cours de ses fous rires qu’il lui arrivait de déclencher sans retenue. La pulpe de ses lèvres dessinait le contour des mots avec sensualité. Entre celles-ci on devinait deux rangs de nacre d’un éclat de perle trahissant un insatiable désir de dévorer le présent de sa jeune existence.

    Aux heures chaudes des bains de soleil, la propriété s’assoupissait pour laisser à ses occupants le loisir de se plonger avec paresse dans une insouciance difficile à concevoir hors des pays tropicaux.

    Elle aimait à le dévisager lorsqu’il paraissait perdu dans ses rêveries.

    – À quoi penses-tu ?

    – À rien,

    – Comment te sens-tu aujourd’hui ?

    – Mieux depuis que j’ai compris que pour m’en sortir je trouverai les réponses enfouies quelque part en moi. Mon état s’améliore et tant que tu accepteras de supporter mes états d’âmes mélancoliques tout ira de mieux en mieux,…

    – … ?

    Certains silences entre eux assombrissaient l’air en les enveloppant d’une tristesse hypertrophiée dont il se pouvait que leurs larmes les réduisent en lambeaux.

    En fin d’après-midi, ils avaient pris l’habitude de consacrer leur temps à musarder sur la terrasse. À se laisser choir dans les transats moelleux en feuilletant une revue, en dégustant des fruits ruisselants de soleil entre deux immersions rafraîchissantes dans la piscine d’une eau à vingt-huit degrés.

    Il leur arrivait, bercés par les murmures de la cascade, de pousser leurs jeux aquatiques au-delà du raisonnable. Alexandre, alors, ne ressentait au fond de lui plus qu’un seul impératif, celui d’être bien. Au cours de quelques soirées heureuses, il retrouvait le goût de cuisiner, préparant des marinades de poissons de roche.

    Il dressait la table sur la terrasse, allumait les flambeaux de bambou fichés dans la pelouse, réservant à son unique invitée la surprise de sa recette au sukiyaki. Puis il grillait les poissons et les flambait à l’armagnac. Ce cérémonial avait pour effet d’accentuer l’admiration que Félina vouait à son grand sorcier blanc.

    Certains après-midi, ils se rendaient à la plage de Sosua. Elle se découvrait au bas d’une impasse encombrée par de puissants véhicules de marque américaine appartenant le plus souvent aux résidents expatriés.

    Dans cette ruelle, des échoppes aux couleurs vives et bigarrées offraient le récurant spectacle dépeint dans les pages des catalogues offerts par les agences de voyage.

    Sur le sable, des baraques à souvenirs de la République Dominicaine fabriqués en Chine, ressemblant à s’y méprendre à ceux que l’on rencontre ailleurs, jusqu’au fond des provinces Françaises.

    En poursuivant sur le rivage, le décor se révélait plus authentique. On découvrait des familles pleines de bébés mangeant à toute heure des poissons ou des abats de poulet au riz, agrémentés de haricots noirs. L’infatigable alizé soufflait en permanence sa légère et rafraîchissante brise jouant avec les doigts des palmes à peigner les nuages.

    Dans l’eau, les enfants jouaient au ballon, poussaient des cris aigus lorsqu’ils s’aspergeaient en se bousculant ou au cours de folles cabrioles.

    Sur leur tête, les marchands de friandises transportaient des fruits et des douceurs sucrées aux amandes ou à la noix de coco. À quelques mètres de là, à la lisière du flot où l’on avait encore pied, des couples se formaient en buvant du rhum pour égayer leurs téméraires étreintes.

    Félina et Alex s’accommodaient facilement d’un dialogue émaillé de trois langues différentes pour détailler un menu dans une paillotte. Ils s’amusaient en écoutant les touristes se perdre dans la gestuelle qu’entraînait la traduction de quelques plats exotiques. À la fin du repas, il n’était pas rare de se voir offrir une Mamarouana avant de quitter ses voisins de table, tels des amis de longue date.

    Les jours qui suivirent s’écoulèrent ainsi, au rythme des plaisirs simples que procurent le farniente, un déjeuner improvisé sur la plage, une promenade, ou un bon livre. Il ne leur manquait plus que cette sensation de légèreté suprême offerte aux esprits libérés des entraves de la civilisation moderne, imposées par les écrans virtuels.

    Le soleil haut depuis au moins trois heures les voyait chaque matin apparaître simplement vêtus d’un paréo pour paresser ensemble sur la terrasse ombragée de leur jardin tropical. Là, une montagne de friandises pour décor du petit déjeuner, arrosé de musique légère, leur permettait d’inaugurer une journée généralement sans nuage.

    Ce matin-là, Alexandre profita du dos tourné de Félina pour l’enlacer avec infiniment de précaution et de douceur. Il baisa ses cheveux un long moment, et encouragé par son immobilité, la fit pivoter sur elle-même avec délicatesse. Il prit ses lèvres.

    La volupté la plongea dans l’inconnu, où elle demeura aussi longtemps qu’il le voulut.

    Lorsqu’ils desserrèrent leur étreinte, elle avait les cheveux ébouriffés et des éclats de rire dans le regard, ce qui pour Alex valait tous les compliments et les promesses d’un délicieux futur.

    – C’est à une grande ou à une petite famille, à laquelle il t’arrive de faire allusion ?

    – À une famille sans nombre précis, mais qui te ressemble. Viens, justement nous n’avons rien d’autre à faire aujourd’hui.

    Ils réservaient généralement leur vendredi pour s’acquitter du rituel en partie irritant : faire les courses, et relever leur courrier. Sur le trajet, à l’entrée du bourg de Sosua, le bureau de poste constituait une halte agréable les jours de corvée.

    Accablés par la température, quelques chiens roux à la langue bleue haletaient, étendus à même l’asphalte. Ils tendaient l’oreille à l’approche d’une voiture, mais sans se mouvoir pour autant, replongeaient dans une torpeur comateuse, terrassés par la brûlure d’un soleil immobile.

    À l’ombre de l’unique flamboyant bordant la place, des mobylettes hissées au rang de mototaxi attendaient un hypothétique client. La brise elle-même paraissait épuisée, son souffle se faisant si léger qu’il peinait à rafraîchir une atmosphère de fournaise.

    En pénétrant dans le bureau de poste, on découvrait Donelly la receveuse, généralement en grande conversation avec un client-ami.

    Elle s’interrompit pour venir embrasser Alex.

    Donelly appréciait ceux qui venaient la voir. Elle les traitait tous d’une égale amitié. Son travail consistait bien sûr à prendre en charge le courrier en partance, mais en l’absence de facteur préposé au service de la poste, chacun devait venir récupérer ses plis, ses colis, ses missives.

    Donelly, qui préférait papoter plutôt que de s’astreindre au tri et à la distribution des lettres, confiait cette tâche fastidieuse à ses visiteurs. Elle préférait tisser des liens en prenant, dans une bonne humeur communicative, des nouvelles des uns et des autres. Les résidents cherchaient parmi l’arrivage du jour, ou de la semaine, l’enveloppe qui les concernait.

    Dotée d’une mémoire prodigieuse, elle pouvait appeler la moitié de la ville par son prénom, et se souvenait avec une grande précision, qui possédait une lettre en souffrance et depuis combien de temps elle attendait son destinataire.

    Ainsi, au guichet-comptoir de l’officine, il n’était pas rare de découvrir deux ou trois personnes attablées triant une pile de plis et de lettres, pendant que Donnelly entretenait un joyeux bavardage avec d’autres, le tout dans une ambiance bon enfant.

    Dans grand nombre de pays en voie de développement, il n’était pas nécessaire de passer par des applications virtuelles pour tisser du lien social, afin de s’offrir à peu de frais une conscience utile. Les Dominicains n’avaient pas encore perdu l’habitude de prendre soin de leurs semblables, ni trouvé le besoin de vendre des abonnements pour prendre des nouvelles des usagers âgés de la poste.

    – Où est passée Félina ? T’es venu tout seul, ça fait au moins quinze jours que je ne vous ai pas vus. Vous avez une lettre en attente, regarde dans le tas qui se trouve sur l’étagère derrière mon bureau, c’est celui de la semaine dernière.

    – Félina a attrapé une grippe carabinée.

    – T’as un fusil à la maison ?

    – Non c’est juste une expression de chez nous. Ça fait une dizaine de jours qu’elle traîne ça. Comme elle refuse de voir un médecin, ça risque de durer encore longtemps.

    – Elle a raison, les juges et les médecins, faut s’en méfier, ils sont tous les deux autorisés à tuer les gens. Tu sais, c’est souvent dans le bonheur que l’on trouve les meilleurs remèdes pour une femme.

    – Dans son cas se serait plutôt dans les antalgiques.

    – C’est quoi les antalgiques ?

    – C’est rien, juste un remède de blanc qu’on prend quand on a une fièvre de cheval.

    – Tu la soignes avec des trucs de blanc qu’on donne aux chevaux ? Vous êtes bizarres en Europe, ça donne pas envie d’y aller. Elle a dû attraper ça avec la climatisation, y en a plein en ce moment. Dis-lui que je passerai la voir après la fermeture du bureau, si je trouve cinq minutes.

    – Essaye de la convaincre de voir un médecin, elle se plaint de maux de tête et de courbatures. Vous avez peut-être des remèdes de grand-mère efficaces dans les îles ?

    – On a surtout des grand-mères qui ont une santé de cheval.

    – De fer, pas de cheval.

    – C’est compliqué de parler comme un blanc, il faut au moins porter des lunettes pour y arriver ! Je la verrai ce soir, n’oublie pas ta lettre, embrasse-la pour moi.

    Alexandre n’aimait pas s’acquitter seul des courses, ni laisser Félina sans assistance à la maison. Il souffrait naturellement de la savoir malade et diminuée, mais il développait en plus une légitime inquiétude en l’absence de diagnostic.

    Cet entêtement à refuser de voir un médecin dès l’apparition des premiers symptômes pouvait l’obliger à se rendre à l’hôpital, en cas d’aggravation. Le seul fait d’envisager cette éventualité l’oppressait. Les hôpitaux en République Dominicaine, appartenaient à deux familles distinctes. Il y avait les centres hospitaliers ultra-modernes, à l’instar des cliniques Hollywoodiennes mais financièrement inaccessibles, et les mouroirs de style Africain.

    Les prises de rendez-vous dans ces derniers établissements appartenaient à la catégorie du « rendez-vous unique » où tous les patients étaient convoqués à la même heure, quand bien même leur nombre dépassait la kyrielle de personnes pouvant être examinées dans la journée. L’expertise des praticiens n’était pas à mettre en cause. Seul l’hygiène laissait à désirer, ainsi que la pharmacopée issue des campagnes de récupération de médicaments périmés dans les pays riches.

    En dépit d’un nourrissant déjeuner, préparé et servi sur la terrasse par Alexandre, Félina s’endormait sous la douche au bord de la piscine. Elle n’arrivait pas à récupérer, malgré des efforts surhumains. Son moral flirtait avec le zéro absolu. Des bourdonnements sourds avaient élu domicile dans sa boîte crânienne et semblaient ne plus vouloir en sortir. Son regard errait dans la brume floue d’une fatigue attristée.

    Elle tentait malgré tout de faire disparaître avec difficulté et maladresse sous le maquillage, les affres de la fièvre et les stigmates de la maladie. Elle se faisait horreur, les encouragements d’Alexandre avaient généralement raison de son désarroi.

    Le bruit de l’alizé jouant dans la frondaison des palmiers emplissait l’atmosphère du jardin, sollicitant l’accompagnement de quelques parulines des prés.

    Au cours de l’après-midi, elle n’émergea pas vraiment. Elle somnolait encore dans son transat lorsque Donelly vint lui rendre

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