Littérature du réel
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Colosse aux pieds d'argile, le royaume chérifien s'est lézardé sous le tremblement de son écorce terrestre. Mais le Maroc renaît de ses cendres précisément parce qu'il est de glaise.
Un livre nous assure de sa résilience et de cette capacité à reprendre vie, malgré le séisme, le terrorisme, les plaies d'Afrique. Ecrivain et conteur magnifique, Tahar Ben Jelloun a voulu signer ce dictionnaire amoureux consacré au «plus beau pays du monde», appellation commune entre Marocains qui renvoie à l'amour pour ce pays exprimé par les peintres, de Delacroix à Matisse, et les écrivains, de Paul Morand à Jean Genet – avec une étonnante page consacrée à Cervantès, universel donc forcément marocain. Au-delà de sa passion pour sa terre natale, le Prix Goncourt livre un jugement sans concessions.
Car si maintes entrées du dictionnaire sont des odes à la beauté et à l'histoire du royaume, l’écrivain n'oublie pas ses maux, dont la corruption de certaines élites, la bureaucratie de quelques (gouverneurs), la censure, le racisme à l’égard de la population subsaharienne, les menaces du fondamentalisme islamique, la violence des faits divers. Le Maroc sait cependant concocter des remèdes à ses fléaux. Et, comme l'avoue l’écrivain, «la lumière l'emporte sur la douleur». La preuve, à l'entrée «Thé à la menthe», Tahar Ben Jelloun rappelle que s'il s'avère fort sucré, ce fut d'abord pour fournir des calories aux ouvriers. Puis le diabète – véritable mal national – est apparu. Désormais, dans les fêtes, on sert deux thés, l'un fort sucré, et l'autre amer. Le royaume des contes ancestraux et drôles est à cette image, suave et âpre, doucereux et prompt à l'amertume, c'est-à-dire à l'autodérision.