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Hier n'est pas fini
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Livre électronique333 pages5 heures

Hier n'est pas fini

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À propos de ce livre électronique

L’auteur aborde ici le sujet de l’expatriation qui représente pour ceux qui osent s’établir loin de leur zone de confort, une double épreuve d’adaptation dans l’abandon de leurs préjugés pour vivre et penser différemment de ce qui est admis dans leur pays d’origine. L’aventure qui vous est proposée se déroule aux USA, en ne vous cachant rien de ce qui fait ni la grandeur, ni les misères de ce pays. Même à l’heure d’une certaine uniformité corolaire de la mondialisation, l’art de vivre, comme la manière de penser, sont très éloignés de ceux de la vieille Europe, la conception de ce qui est juste peut également apparaître comme déroutante. Un Américain n’a rien à voir avec un Français qui parle Anglais et même si la chose s’avère difficile à imaginer, un Américain est un être qui appartient à une civilisation très éloignée de la nôtre où avantages et inconvénients sont à l’image du pays : Démesurés ! On retrouve Manon et Élliott, héros du précédent roman « Confessions Impures », adulés dans leurs professions et victimes d’une certaine décadence Hollywoodienne dont ils réussiront à s’extraire plus unis que jamais.
LangueFrançais
Date de sortie21 avr. 2021
ISBN9782312080505
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    Aperçu du livre

    Hier n'est pas fini - Hilaire De L'Orne

    978-2-312-08050-5

    Avertissement

    Ce roman est une œuvre d’imagination, qui ne saurait être considérée comme une source d’informations infaillibles. Tous les lieux décrits dans cet ouvrage sont réels, certaines situations et événements, le sont également. Je vous invite chers amis lecteurs à habiller votre imaginaire page après page d’une authenticité forte et parfois cruelle, mais toujours exceptionnelle. Les personnages choisis dans cette intrigue, demeurent néanmoins en grande partie fictifs. Toute ressemblance avec des personnes réelles, existantes ou ayant existé, ne serait bien sûr, que pure coïncidence.

    « La réalité dépasse très souvent la fiction, car la fiction doit contenir une vraisemblance à laquelle la réalité n’est pas tenue ».

    Mark Twain.

    Préambule

    Vivre en Amérique !

    La vie pour chacun de nous, se partage en trois époques : celle qui est devant nous dédiée aux rêves, à nos ambitions, aux ruses du monde des affaires, à un avenir meilleur. Le passé, représente nos uniques et incontestables certitudes peuplées souvent d’amertume et parfois même de remords. Seule la jouissance du présent toute aussi constante qu’inaltérable compte dans l’esprit de ceux qui réussissent !

    Assis face à la page blanche, tel que devant un miroir, mon reflet me regarde et de longues minutes de conversations muettes s’engagent entre le paraître et le réel, entre ce que je pense être et ce que je suis, entre ce que les autres pensent de moi et ce que j’imagine qu’ils connaissent de ma personne.

    Ainsi naît la peur de l’écrivain, celle de vous avoir déplu au cours de mes précédents écrits, la peur de passer pour un imposteur, ou un être superficiel.

    En me ressaisissant, je vais finalement oser une nouvelle fois franchir le seuil de mes doutes et vous livrer une nouvelle histoire, un nouveau roman. Juste après cette page, nous partons pour l’Amérique ! Mais pas dans l’Amérique de tout le monde, non, dans la mienne, celle qui m’a révélé un jour le véritable sens du mot « Géant » et de la démesure s’appliquant à la nature et aux passions des hommes que je souhaite vous faire partager.

    Mais il est temps de partir, je vous en prie, après vous…

    Hilaire de L’Orne.

    Chapitre 1

    Pas d’avantage aujourd’hui qu’hier dans le lieu où ils avaient choisi de s’exiler, il n’était admis que frère et sœur vivent en couple.

    Depuis son départ de France, Élliott était devenu un homme de grande et belle allure au regard sûr, à la démarche décidée, qui aspirait encore à arpenter le monde pour scruter les battements de son cœur et s’éprendre de ceux qui en étaient les gardiens.

    Hissé sur un tabouret de bar, il s’efforçait de dompter une mèche rebelle tout en parcourant son journal.

    « Encore un ! »

    Ce mot en Français lui échappa à la lecture d’un fait divers. La Californie était à déconseiller à ceux qui ne pouvaient pas se passer des bienfaits de l’assistanat. À Los Angeles en particulier il aurait été surprenant de rencontrer quelque apôtre de l’authenticité dans le commerce du paraître. Ici plus qu’ailleurs il était nécessaire de ne compter que sur soi, sur son savoir-faire, son ingéniosité et sur ses ressources financières pour survivre.

    Beaucoup arrivaient en Amérique après avoir rêvé de grands espaces pour se réinventer. Ils avaient le plus grand mal à se départir de l’idéologie libertaire de l’Europe, alors que la philosophie de l’existence Américaine en prise avec le réel, n’avait rien à voir avec celle du vieux continent.

    Les êtres au Far West encore aujourd’hui, ne valaient que ce qu’ils étaient capables de gagner par eux-mêmes, sans aucune aide ni assistance extérieure, comme aux temps difficiles des pionniers et de la conquête de ce territoire.

    Dans ce pays qui à force de reportages donnait l’impression de l’avoir déjà trop vu, d’en avoir fait cent fois le tour, beaucoup devaient reconnaître qu’ils s’étaient trompés. Il était nécessaire pour eux de rentrer au plus vite avant que leur rêve d’Amérique ne se transforme en un cauchemar de chaque instant, pouvant aller jusqu’à mettre leur vie danger. Ici le monde paraissait plus grand que partout ailleurs, y compris les désillusions.

    Avec Manon, ils s’étaient établis dans le quartier de Venice Beach, la Venise californienne non loin de la mythique plage de Santa Monica. Ils vivaient dans le calme au milieu des pontons et de la lagune que les otaries aidaient à rendre naturelle.

    Élliott ce matin, s’était arrêté dans un coffee shop restant ouvert toute la nuit. Dans cet établissement, en direction de l’aéroport, on était sûr d’être servi en dix minutes de plats qui s’adaptaient à toutes vos envies. Dehors, armés de sourires et de jets d’eau, les employés de la ville nettoyaient l’avenue. Des volutes de vapeur mouraient en rejoignant les tout premiers éclats du soleil entre les buildings.

    Les immeubles baignaient dans l’assoupissement d’une obscure clarté, réfractant une pâle lumière d’un camaïeu ocre jaune. Dans la brasserie, la serveuse leva les yeux lorsque les hommes de la voirie passant devant sa vitrine s’interrompirent pour contourner le cabriolet Corvette Stingray de son unique client.

    La porte céda sous les rires au passage des municipaux guillerets ayant décidé de faire une pause. Le regard aguicheur, des hommes taquinaient la serveuse en illustrant leurs propos de plaisanteries graveleuses. Cet établissement faisait aussi grill-room, se prêtant à tout, qu’il s’agisse d’aimer s’isoler pour écrire dans un coin paisible, ou manger sur le pouce un quartier de tarte au fond d’une banquette. Les clients plébiscitaient ces lieux emblématiques du nouveau monde.

    On venait également dans cet endroit où pour le prix d’un café, on pouvait observer les bizarreries des habitués au moment de midi se pressant en hordes impatientes pour déguster des ribs grillés accompagnés de patates rôties.

    Élliott bien qu’amusé par les efforts des agents de la voirie en matière de séduction, se replongea dans la lecture de son journal. La barmaid qui les connaissait bien, se dissimulait derrière une forme d’impassibilité lorsque les propos des hommes s’enflammaient. Elle opposait à la clientèle turbulente, l’amabilité et la distance des femmes d’expérience de sa profession derrière une invisible armure. Le ronronnement du percolateur signifia la fin de l’écoulement du café dans le récipient de verre brûlant.

    Les hommes de l’assainissement après plusieurs mugs d’onctueux cafés lattes et quelques tartines s’amusaient avec en écho jusqu’au lendemain le souvenir du rire de la serveuse et assez d’espoir pour lui refaire la cour.

    Élliott, qui devait accueillir des mannequins en provenance de Paris au Burbank Airport, s’était levé de très bonne heure. Il avait fait attention de ne pas réveiller Manon qui de son côté travaillait pour la Warner. Elle supervisait en ce moment la réalisation d’une collection de parures pour une série commandée par une chaîne de streaming.

    À cinq heures trente du matin, Élliott disposait au minimum d’une heure avant « l’estimated time arrival » de l’avion en provenance de Paris. À cette heure-ci, la circulation sur les freeway et les échangeurs était encore fluide, à Los Angeles, les conducteurs sans être agressifs, étaient plus rapides et sans doute aussi, plus stressés qu’ailleurs. Il estimait ne pas en avoir pour plus de vingt minutes. En attendant, il réexamina son dossier une dernière fois.

    L’aube adossée à l’océan Pacifique transportait à cette heure-ci encore un peu de fraîcheur, avant que la fournaise n’éclose avec le jour.

    La porte du café laissa pénétrer un couple accompagné d’un enfant d’une dizaine d’année. Ils offraient au regard la tristesse de ces nouvelles familles partageant une solitude commune au profit d’occupations procurées par une console de jeux et leurs téléphones portables.

    Internet assurait de nos jours d’avantage de présence et de réconfort que le désormais banal et insignifiant contact humain.

    Élliott avait acquis une honorable réputation au sein des familles huppées Hollywoodiennes occupant la place du photographe dont il fallait posséder un portrait signé de sa main. Pour ceux qui souhaitaient intégrer le cercle des élus de cette ville, il était important d’avoir rencontré son talent au cours d’une séance de pose, d’avoir imprimé de son image et de son grain de peau, l’objectif du maître.

    Son instinct à la Doisneau enthousiasmait les stars de cinéma qui redécouvraient le noir et blanc et les lithochromies attribuant un nouveau rôle au jeu contrasté des ombres et des lumières. Ses portraits offraient à ses modèles une consécration de leur image devenue une œuvre d’art et consolidait la nécessaire apparence de leur inaccessibilité. Les acteurs l’appréciaient pour la manière dont ils les regardait pour illustrer les histoires de leurs vies. Certains aimaient se raconter dans des biographies alors que d’autres se passionnant pour leurs corps, connaissaient leurs atouts, ils savaient se mettre en valeur sur papier glacé. Le prestige de ses clients, contribuait à la diffusion de son influence dans le milieu cinématographique.

    Élliott penché attentivement sur les clichés des modèles qu’il était venu accueillir se félicita du choix qu’il avait opéré. Il avait l’assurance de plaire à ses commanditaires avec ce panel éclectique de jeunes femmes, dans la lignée scandinave.

    Il avait découvert ces filles en suivant les castings du Lido et du Moulin Rouge et récupéré une partie de celles qui n’avaient pas été engagées. Elles étaient de race Caucasienne et leur carnation avait conduit Élliott à les choisir très pâles, d’un blanc presque laiteux, blondes, à l’image de la première dame du moment. Les modèles publicitaires devaient répondre aux critères définis actuellement par le type Anastasiia Mykhailiuta, ainsi qu’à l’image du produit qu’elles allaient défendre.

    Il était nécessaire qu’elles aiment s’exposer et sachent prendre la pose artistiquement ou sans pudeur. Il s’amusa à deviner à l’avance celles qui allaient être retenues pour vanter la première marque de véhicules électriques au monde, comme celles qui devraient se glisser dans la peau d’actrices en charge d’élever la notoriété de produits cosmétiques américains. Élliott redemanda la carte pour choisir parmi toutes les boissons proposées celle qui allait le réveiller définitivement.

    L’autoroute urbaine pour l’aéroport Bob Hope évitait le centre-ville et ses premiers encombrements. Los Angeles, la seconde ville la plus peuplée des États-Unis après New York, donnait comme sa rivale de la côte Est, l’impression de ne jamais décompresser.

    Sur le freeway, en direction du centre-ville, les accès affichaient leurs premiers ralentissements, les conseils de prudence fleurissaient çà et là au-dessus des indicateurs de direction vers Hollywood Boulevard, vers Grauman’s ou Griffith. Sur les deux fois quatre voies desservant les différents points cardinaux, seulement la moitié étaient utilisées à cette heure-ci.

    Dans le hall d’accueil de l’aéroport, en consultant les panneaux d’affichage, Élliott découvrit que le trafic aérien était dorénavant interdit la nuit. Les premiers vols n’étaient plus autorisés à atterrir avant 7 heures du matin. Les riverains avaient obtenu un peu de répit et de sommeil supplémentaire avant le grand rush des mouvements aériens au-dessus de leurs têtes. Quelques chauffeurs de taxi avaient déjà investi le premier buffet ouvert. Dans un concert de grincement de grilles, les snacks levaient un à un leurs rideaux, en même temps que les agences de location de voitures et les comptoirs des compagnies aériennes.

    Les agents d’entretien perchés sur de drôles d’engins, lustraient les sols de marbre dans un ballet ininterrompu. La police sans plus attendre avait ouvert la chasse aux valises orphelines. Dans l’angle de la galerie marchande, une multitude de téléviseurs abreuvaient déjà en boucle les badauds de leurs conseils racoleurs.

    Élliott s’attabla en prenant son quatrième café qu’il agrémenta de viennoiseries en souvenir de ses petits déjeuners à la Française tandis que les effets incommodants de la climatisation s’emparaient de l’air ambiant. Dans la serviette contenant son dossier, il vérifia la présence de son affichette nominative. Les annonces concernant les départs et les indications du numéro des portes d’embarquement grésillèrent dans les hauts parleurs. Ici, les liaisons intérieures s’effectuaient par avion en toute simplicité, la classe moyenne utilisait les moyens aériens comme dans d’autres pays elle prenait l’autobus.

    Heureux d’apprendre que le vol en provenance de Paris était « On Time », Élliott déroula devant lui son affichette nominative. Ils étaient peu nombreux à cette heure-ci à observer l’écoulement paresseux des passagers encore endormis ayant survécu au regard inquisiteur des agents des services d’immigration. Attentif, il s’efforça d’identifier la petite équipe de jeunes femmes dont il avait mémorisé les traits, lorsqu’une voix le surprit.

    Celles qui s’étaient regroupées autour de lui ne s’apparentaient en aucune manière aux photos du dossier. Il y avait là, six jeunes femmes toutes très belles, mais dont pas une ne correspondait au descriptif de l’agence avec laquelle il avait négocié.

    S’il y avait une chose que l’on pouvait reprocher aux Américains, c’était bien leur incapacité à s’accommoder d’approximation.

    En Europe, on ne faisait pas d’histoire pour une chose convenant dans son ensemble ou si celle-ci n’était pas l’exact reflet d’une requête. Usant et abusant du prétexte que la perfection n’était pas de ce monde, on comptait sur une compréhension bienveillante pour accepter l’avatar.

    Aux États-Unis un « à peu près ou un faisant office de », au même titre qu’une « non-conformité », étaient perçus comme un manque de professionnalisme rejeté avec fermeté et même parfois avec répugnance. L’intransigeance faisait aussi partie de la démesure présente partout dans ce pays. Un manque de précision ou d’honnêteté de la part d’un fournisseur faisait perdre définitivement respect et crédibilité à son auteur. Élliott, habitué à cette forme de rigueur dans son travail, avait fait sien cet état d’esprit et ne supportait pas que l’on essaie de lui « fourguer » une chose en échange d’une autre, à plus forte raison s’agissant d’un être humain.

    Se doutant probablement de la réaction d’Élliott, l’une d’entre elles lui tendit une lettre de la part du responsable de l’agence Française.

    Cher Élliott,

    Navré de ne pas pouvoir satisfaire votre demande quant aux modèles retenus. Certains d’entre eux ayant dépassé le temps alloué sur leurs visas, nous avons dû nous en séparer. En remplacement, nous vous adressons un panel représentatif des ethnies très appréciées actuellement sur nos podiums et en accord avec les quotas imposés par notre réglementation nationale.

    Espérant malgré tout vous satisfaire et accroître notre future collaboration, nous restons à votre disposition.

    Bien à vous.

    Furieux, il se retint d’exploser en public et demanda aux jeunes filles de le suivre d’un air maussade jusqu’à leur hôtel. Un Best Western bas de gamme devrait suffire à ces demoiselles pour une seule nuit.

    Ayant compris qu’elles n’allaient pas avoir le loisir de défaire leurs bagages et qu’Élliott leur réserverait des places sur le premier vol retour pour Paris, les mannequins stupéfaits exhibaient des yeux de pendus.

    Toutes ? Pas tout à fait, à l’exception de celle qui lui avait remis le billet et qui visiblement s’attendait à une réaction désagréable de la part du client.

    Elle intervint sous les dehors d’une créature impertinente et détestable orientant la discussion sur les thèmes favoris aux minorités victimes de discriminations en tous genres. Élliott placé devant le fait accompli et rompu au monde des affaires, n’extériorisa pas le moindre signe de révolte. Dans ce genre de situation, il savait faire comprendre à ses interlocuteurs d’un seul regard ou d’un seul mot, sa détermination à se passer de leurs services.

    La jeune femme plus provocatrice que jamais et sans doute habituée à ce qu’on lui cède, ou à ce que l’on renchérisse par des propos à caractère oppressifs, affichait un charme vêtu de duplicité. Elle exprimait la rancœur glaciale d’une femme trahie, elle accusait Elliot de despotisme, mettant en œuvre l’argumentation victimaire des ressortissants du pourtour méditerranéen.

    Elle exploitait comme un disque rayé une leçon savamment apprise par cœur en inversant avec habileté le sens des mots et des valeurs.

    Élliott, refusant de prendre part au débat haineux et mortifère de la jeune immigrée, coupa court en disant :

    « Les citoyens de ce pays estiment avoir le droit d’accepter ou de refuser qui bon leur semble sur leur sol. Aux États-Unis nous le faisons sans avoir de compte à rendre aux associations qui chez vous rendent la justice à la place de l’institution judiciaire.

    Pour l’heure c’est moi qui ai subi un préjudice. C’est moi qui suis victime de la malhonnêteté de votre employeur et à qui je compte bien faire un procès. Je vous conseille de ne plus m’agresser mademoiselle, ou je me verrai contraint de vous associer à cette démarche devant la justice américaine ».

    Élliott était un être qui haïssait la compromission. Il était venu tester le nouveau monde convaincu de pouvoir transformer les médiocrités et les pesanteurs humaines du vieux continent en un métal précieux avec lequel il forgerait des espoirs aux allures d’épopées fondatrices. Ce n’était certainement pas pour se laisser emmerder par la première belliciste venue.

    Il conduisit son petit monde dans un hébergement pour touristes populaires aux budgets limités.

    – J’espère que vous n’avez pas cru une seule seconde que je répondrais à vos provocations, mademoiselle… ?

    – Norah, Norah Al Sâlih.

    – On entre dans votre esprit mademoiselle Al Sâlih pour n’y rencontrer que du mépris, de la vulgarité et de précieux mensonges qui en Amérique ne vous permettront pas de changer l’ordre des choses. Ici le 11 Septembre est encore présent dans tous les esprits. Vous qui paraissez avoir été épargnée par les ravages de l’intelligence, apprenez que le cancer du racisme des uns, alimente systématiquement celui des autres. Il y a tout autour de nous le racisme des blancs pour les noirs, des noirs pour les blancs, du blanc pour une blanche qui va avec un noir, du noir pour un noir qui va avec une blanche, en plus du vôtre car naturellement, vous haïssez tous ceux qui ne vous ressemblent pas. Je pense que les gens comme vous ont fait perdre assez de temps à l’humanité avec leurs conneries. Gardez cette pantomime idéologique pour la France. Au sein de cette ville s’épanouissent tant bien que mal, toutes les langues, toutes les croyances, toutes les couleurs et tous les avis presque sans heurts.

    – Vous avez bien fait de quitter l’Europe, malheureusement trop peu de gens sont prêts à faire de la place aux minorités opprimées comme la mienne.

    – Vous savez qu’en disant ça vous alimentez la théorie du grand remplacement, mais il ne sert à rien de discuter avec vous, Norah. Faites entendre vos arguments à qui vous voulez, ce n’est plus mon problème et encore moins celui des gens d’ici. Je vais réserver vos vols retour et je veux que dans vingt-quatre heures vous ayez franchi l’atlantique dans l’autre sens.

    – Mais…

    – Un mot de plus et je fais un signalement aux services d’immigration qui vous assimileront à une émeutière, histoire de vous inciter à d’avantage de modération. Vous n’êtes plus en France et ici on sait comment s’y prendre avec des gens comme vous !

    Élliott récupéra leurs passeports et chercha auprès des compagnies aériennes présentes sur le site, celle qui était en mesure d’assurer séance tenante un vol retour vers Paris.

    *

    * *

    Dans les studios de la Warner, Manon supervisait d’ultimes retouches de la tenue d’un personnage de dessin animé inscrit au catalogue d’une série devant être proposée à Netflix. La montée en puissance des nouveaux média attisait la fébrilité des staff des majors d’Hollywood qui du jour au lendemain pouvaient être remplacés par une nouvelle équipe. Les professions touchant au design et à la création avaient jusque-là été épargnées.

    Chacun ici espérait obtenir une récompense sous la forme d’une statuette décernée au cours de la cérémonie des Oscars suivie par des dizaines de millions de téléspectateurs et pour laquelle le quartier historique du 7e Art à Los Angeles avait été placé en état de siège.

    Dès le début d’après-midi, les limousines avaient commencé à déverser sur le tapis rouge tout ce qu’Hollywood comptait de célèbre et de puissant dans un tourbillon de smokings et de robes du soir ornées de bijoux hors de prix. Difficile pourtant de trouver plus éloigné de cette ambiance de Buddy-Movies qu’un simple dessin animé.

    Mais l’œuvre de Manon déjà sélectionnée dix fois, régnait en maître sur les cérémonies de la saison. Elle avait été citée par les jurés des Golden Globes, en passant par ceux des Grammies Awards et des syndicats professionnels considérés ici comme des indicateurs fiables dans la course aux statuettes.

    Manon avait su recréer dans ses modèles la touche vestimentaire d’une société moderne dont elle représentait les idées et les valeurs. Les personnages de dessins animés d’aujourd’hui n’avaient plus rien à voir avec ceux de la glorieuse époque de Walt Disney. Les costumes, bien qu’ils soient portés par des illustrations allégoriques, conservaient toute leur symbolique. Les vêtements branchés ou classiques portés par une figurine en celluloïd ou habillant un dessin, demeuraient un langage muet par lequel ils indiquaient aux autres, l’âge, le sexe, la profession, la classe sociale et la nationalité.

    À l’instar de la haute couture, les personnages des success stories d’animation évoluaient en moyenne deux fois par an pour répondre à cette pulsion de parure, cet irrépressible besoin d’exister grâce au nouveau look.

    Manon avait intégré dans ses dessins toute la psychologie présente dans les affiches et les magazines allant de pair avec la dimension esthétique et les styles présents dans les campagnes publicitaires créant le besoin de changer. Elle avait franchi le stade artisanal de ses débuts dans le château des Ravalet à Tourlaville, pour tenir compte des modes de production américains, qui grâce à son inspiration pouvaient être multipliés par 2, 3 ou 10.

    À Hollywood peut-être plus que partout ailleurs, la mode était faite d’une succession de modes, comme la marée d’une succession de vagues, ou une symphonie de thèmes musicaux. Enfin, elle avait été heureuse de découvrir que sur ce nouveau continent l’âge n’avait jamais été considéré comme une garantie d’authenticité.

    Depuis leur arrivée aux États-Unis, voici déjà cinq ans, ils ne s’étaient fait que peu d’amis, Charlie Mc. Kenzie et son mari Scott. Charlie, directrice du service d’immigration de l’état Californien les avait pris pour des Écossais au moment de leur arrivée à cause de la couleur rouge de leurs cheveux. À la seconde où ils avaient posé le pied sur le sol Américain, elle s’était prise d’affection pour ce jeune couple. Charlie avait cru reconnaître en eux une partie de sa famille descendant des Highlands, de cette terre sauvage faite de côtes déchiquetées, de lochs moirés, de forteresses hantées et de Nessie.

    Originaire de l’île d’Arran, elle avait pareillement à eux le teint pâle ponctué de taches de rousseur, couronné par une crinière rousse à l’égal des bruyères de la lande brûlées par le sel des tempêtes.

    Bien qu’ayant reconnu immédiatement sa grossière erreur, elle ne s’était jamais éloignée de ses nouveaux amis Français. Dès ce jour, elle les avait accompagnés dans les démarches d’obtention de leurs visas ainsi que pour leur installation. C’était elle qui leur avait trouvé de quoi se loger provisoirement au sein de la petite communauté Écossaise.

    Aux États-Unis les gens vivaient ainsi en se regroupant par origine d’un pays, ou d’une région. Sur la côte pacifique la principale colonie de migrants était asiatique, mais il y avait également une importante communauté espagnole. À Los Angeles pas d’avantage qu’à New York, il n’y avait d’implantation ou de regroupement notable de Français. Leur légendaire individualisme les préservait de tout.

    Très vite la directrice des services d’immigration qui avait ses entrées dans le microcosme du cinéma, recommanda Manon à ses amis écossais. De Demi Moore à Kifer Sutherland, ils étaient nombreux dans la profession à être originaires des Highlands. Les studios d’Hollywood qui l’avaient invitée à faire ses preuves voici cinq ans s’apprêtaient aujourd’hui à lui attribuer une récompense.

    L’effervescence artistique créée par la cérémonie des Oscars se propageait dans tous les quartiers de la ville, à commencer par celui de West Hollywood traversé par le mythique Sunset Boulevard, trait d’union entre les légendes du passé et celles d’aujourd’hui, dont le nom suggérait à lui seul des nuits de débauches dans un USA idyllique totalement étranger à la vie quotidienne des gens dits « normaux ».

    En ville, de très nombreux dîners payants réunissant des stars, mais également des producteurs de films, des people, des écornifleurs, des directeurs de média tel qu’ABC et des politiciens en vue, étaient organisés.

    Le public venu du monde entier dans l’espoir d’obtenir un autographe ou un selfie en compagnie de Brad Pitt ou de Jennnifer Lopez, sillonnait fiévreusement la ville d’adresse en adresse participant par sa nombreuse présence à la renommée de l’événement.

    *

    * *

    Pour rejoindre Paris par un vol direct, seulement quatre compagnies aériennes internationales, assuraient cette prestation. D’une humeur exécrable, Élliott était résolu à ce que le retour en Europe de ces jeunes femmes ne puisse pas être assimilé à un voyage d’agrément. Il aurait pu se laisser aller à la facilité en prenant des billets sur Air France, British Airways ou la Lufthansa en se débarrassant de cette opération avec simplicité, mais tel n’était pas son souhait.

    L’altercation qu’il avait eue avec Norah, la plus vindicative d’entre elles, méritait une leçon de modestie agrémentée de quelques difficultés. Des nymphettes présomptueuses habituées à n’user que de passe-droit réservés aux élites avaient besoin pour une fois d’être confrontées aux dures réalités des classes laborieuses.

    Élliott repéra une mini compagnie caribéenne à bas coût, sous-traitante de Voloréal qui proposait un retour Los Angeles-Paris avec trois escales sur le territoire Américain et une correspondance en Espagne. Bien que le vol proposé n’ait lieu que dans quarante-huit heures, il opta pour cette solution. Ce périple qui durait un peu plus de vingt heures, offrait grâce à ses nombreuses étapes toutes les garanties d’égarer ses bagages en cours de route. Pour amplifier le désagrément à bord de ces vols, il n’était prévu pour tout repas que des gâteaux secs ou des sandwichs généralement rassis avec de l’eau, pour un prix exorbitant.

    Une telle épopée n’avait probablement jamais fait partie de l’ordinaire d’une « poupiche ripolinée » dont la principale source de contrariété quotidienne résidait dans le choix d’un vernis à ongles. Élliott présenta

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