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Une vraie jeune fille: Nouvelles suivies de Trois contes pour aujourd’hui
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Livre électronique155 pages1 heure

Une vraie jeune fille: Nouvelles suivies de Trois contes pour aujourd’hui

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À propos de ce livre électronique

Sept nouvelles et trois contes. Un nouveau décalogue signé Michel Host

D’un étrange château des Hautes Fagnes au Pompidolium parisien et d’un séduisant oncle Mike de Bruxelles à une improbable Marylin d’autoroute…

Dix récits drolatiques qui promènent le lecteur dans les coulisses surréelles de notre humaine condition.

Récits de vies caustiques dans les vallées wallonnes

EXTRAIT

Miss Atta n’est pas anglaise. Pourtant elle ne vous répondrait pas si vous l’appeliez mademoiselle, car elle n’obéit qu’à son père, le baron Juste, lequel l’appela « sa petite miss » au jour de ses huit ans. C’est d’ailleurs une très, très jolie petite miss.

On ne sait quelle mouche piqua le baron en la circonstance ni à quelle fantaisie il se soumit, car, c’est un fait, il devait par la suite desserrer ses liens familiaux. De lui on sait qu’il est parti et n’est jamais revenu. Est-il décédé ? Le reverrons-nous dans nos Hautes Fagnes ? Nul ne pourrait l’affirmer. La seule certitude est qu’il s’est rendu invisible, à nos yeux du moins, et que la toute jeune Marie-Ange, seconde baronne Atta, dès l’enfance se sentit heureuse et flattée d’être ainsi distinguée par ce père qu’elle aimait et admirait.

CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE

- « Michel Host, génie subtil, fait des contes dans le genre nouvelle et ses nouvelles se lisent comme des contes. Il rallonge le court. Il coupe court toute longueur. Ce n’est pas du mélange des genres : c’est l’explosion des formats convenus qui, ici, éclairent le grand style. Conjugueur et coloriste, Michel Host ne cède jamais aux facilités de l’écriture. Comment diable parvient-il à marier le Lâcher-prise (tout apparent en surface) et l’exigence aiguisée de la plume (trait qui lui est aussi cher qu’à Flaubert) ? Host ? Un classique très actuel. » Didier Bazy, Le Salon littéraire

- « Une vraie jeune fille… L’étrange atmosphère de conte mythologique contemporain imprégnant la nouvelle qui ouvre ce recueil, lui donne son nom et le ton des autres histoires, surprend, amuse, envoûte. Ces histoires de jeunes filles sont fantasques, sulfureuses, irrésistibles et drôles. Le livre de Michel Host est tout entier une fête éclairée de sources multiples, lettres, journaux intimes, carnet de notes, déclarations de témoin au tribunal et séances de traduction latine animées. » Sylvie Lansade, Encres Vagabondes

A PROPOS DE L’AUTEUR

Prix Goncourt pour son roman Valet de nuit paru chez Grasset, Michel Host (Furnes, 1942) est l’auteur d’une œuvre littéraire importante. Agrégé d’espagnol, il est également le traducteur de nombreuses œuvres des domaines hispanophone, lusophone et grec ancien. Né en Flandre de parents français et ayant vécu l’essentiel de son jeune âge à Bruxelles et en Wallonie, ce Parisien se revendique « Franco-Belge de nationalité ».
LangueFrançais
ÉditeurWeyrich
Date de sortie7 janv. 2016
ISBN9782874893650
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    Aperçu du livre

    Une vraie jeune fille - Michel Host

    UNE VRAIE JEUNE FILLE

    « Imbéciles mortels ! vous croyez être maîtres d’éteindre les passions que la nature a mises dans vous : elles sont l’ouvrage de Dieu. »

    Jean-Baptiste de BOYER d’ARGENS,

    Thérèse philosophe.

    I. L’enquêteur : une enfant abandonnée

    Miss Atta n’est pas anglaise. Pourtant elle ne vous répondrait pas si vous l’appeliez mademoiselle, car elle n’obéit qu’à son père, le baron Juste, lequel l’appela « sa petite miss » au jour de ses huit ans. C’est d’ailleurs une très, très jolie petite miss.

    On ne sait quelle mouche piqua le baron en la circonstance ni à quelle fantaisie il se soumit, car, c’est un fait, il devait par la suite desserrer ses liens familiaux. De lui on sait qu’il est parti et n’est jamais revenu. Est-il décédé ? Le reverrons-nous dans nos Hautes Fagnes ? Nul ne pourrait l’affirmer. La seule certitude est qu’il s’est rendu invisible, à nos yeux du moins, et que la toute jeune Marie-Ange, seconde baronne Atta, dès l’enfance se sentit heureuse et flattée d’être ainsi distinguée par ce père qu’elle aimait et admirait. Est-ce à dire que ses sentiments pour lui auraient changé ? Nous n’en savons pas davantage. Plusieurs spécialistes, des psychologues, des criminologues habitués des plateaux de télévision, longtemps après la tragédie bien entendu, prétendirent que la jeune fille n’avait agi comme elle l’avait fait que par dépit amoureux à l’égard d’un père qui, d’une certaine façon, l’avait abandonnée ; mais d’autres soutinrent la thèse de l’apparition chez elle d’un sentiment de toute-puissance et d’impunité attribuable à ce même abandon, dont la première conséquence fut une perte de tous ses « repères » : c’est ainsi que l’on nomme aujourd’hui les antiques vertus dans notre monde de la marchandise, de la prostitution et de la finance. Quant aux sentiments, ils appartiennent aux espaces intérieurs de chaque être et restent insaisissables. Toujours est-il qu’une fois jetée la dernière pelletée de terre et parti le dernier accompagnateur du convoi funèbre, nous n’en savions guère plus et l’expérience des choses humaines nous apportait cette seconde certitude que nous n’en saurions jamais plus et que cette histoire, comme tant d’autres, finirait par tomber dans l’oubli.

    II. L’enquêteur : un père voyageur

    Revenant à la période qui précéda les faits, il a été consigné que de sentiments interprétables – celles et ceux qui ont eu le privilège de rencontrer la demoiselle l’ont tous relevé –, elle n’en avait jamais manifesté que pour son père. Le baron méritait-il d’être ainsi idolâtré ? Le personnage était certes hors du commun. On s’en convainc aisément si l’on sait que trois ans après le décès de son épouse, la baronne Odile-Jeanne, il abandonna le château, sa fille et la domesticité. Le temps passa. Livrée par un jet privé puis par taxi, une gerbe d’orchidées arrivait le 21 janvier de chaque année de l’un ou l’autre lieu du monde avec la recommandation d’en fleurir la tombe de la baronne. Cette sépulture, monument d’un goût discutable il est vrai, le baron Atta avait obtenu par dérogation exceptionnelle qu’elle fût édifiée au fond du parc et non dans le cimetière communal. Un myélome multiple non décelé ayant engendré une anémie sévère avait eu raison de la malheureuse baronne, emportée dans sa trente-deuxième année. Le chagrin avait alors envahi tous les cœurs au château. Le baron se montra inconsolable, selon la formule en usage, et son départ fut attribué à la peine qu’il éprouva en cette circonstance. Il partit donc, et selon toute vraisemblance il parcourut le monde, informant un jour de sa présence à Philadelphie, un autre de l’heureuse conclusion d’une affaire à Bangkok, un autre encore de sa traversée de la cordillère des Andes en compagnie d’une troupe de rebelles. Nul ne sut à quels commerces, à quelles activités troubles et multiples il se livra au cours de ces années-là. Non seulement des fleurs arrivaient au château, mais aussi, très régulièrement, des sommes qui permettaient à ses occupants de faire face aux dépenses les plus diverses.

    Chaque 22 janvier, date du décès de la baronne, quel que soit le temps, la petite miss, suivie d’Holopherne et de Sylvia, la gouvernante, se rendent en procession sur la tombe de Madame. Ils la débarrassent des feuilles noircies par le gel et des herbes brunes recroquevillées de l’automne. Les orchidées qu’ils y déposent alors offrent leurs pétales charnellement dissymétriques, les fins dégradés de leurs érubescences à la mémoire de la jeune morte. On sait qu’elle avait été d’une beauté si parfaite que, parmi ses premiers prétendants, beaucoup, estimant leurs chances négligeables, se retirèrent de la compétition qui s’était instaurée pour la conquérir. Deux ou trois, dit-on, se suicidèrent. Le baron vit ainsi ses entreprises facilitées. Le bouquet de fleurs exotiques, au milieu de la végétation hivernale, est chaque année comme le cœur rouge ou mauve d’une bête que déchirent les chiens après qu’a sonné l’hallali et que la lame du grand veneur a brillé dans l’air. À la fin de la cérémonie, on voit Holopherne, un géant peu sentimental, essuyer sur sa joue une larme discrète. Quant à la miss, avant de reprendre le chemin du château, elle ne manque pas de s’agenouiller pour baiser la pierre sous laquelle dort sa mère. Il n’a évidemment été donné à personne de prendre un cliché de cette scène d’un autre temps et, pour tout dire, d’un style notoirement romantique. Certains journalistes, plusieurs écrivains frustrés ou animés d’un esprit antiaristocratique mal dissimulé, l’évoquèrent, la relatèrent, la décrivirent, l’inventèrent par conséquent selon les a priori de leur imagination, pour déclarer, unanimes, et comme s’ils en avaient été les témoins véritables, qu’elle était d’un kitch aussi intolérable que ridicule. Moi, qui ne suis qu’enquêteur à titre privé, ayant eu la chance exceptionnelle de m’entretenir avec l’ex-gouvernante du château avant sa comparution devant le tribunal de Liège, je me garderai bien de porter un jugement esthétique aussi défavorable.

    III. De fidèles serviteurs

    (Extrait du carnet personnel du gendarme Laclos de Saint-Marin, aujourd’hui décédé.)

    Miss Atta vit à l’écart du monde, au cœur de la propriété, dans la double compagnie de la gouvernante et d’Holopherne. (Nous tenons ce témoignage de la gouvernante elle-même, Sylvia Méline, récemment élargie de la prison pour femmes de N. Nous la traduisons et la ramenons à l’essentiel pour les lecteurs encore curieux de cette histoire dont le souvenir a commencé de s’estomper.) Holopherne voue un culte exclusif à celle qu’il voit comme sa protégée, culte manifesté de deux façons : lorsqu’il n’est pas requis par quelque tâche d’entretien des bâtiments ou par ses entrevues avec les fournisseurs, il suit la jeune baronne partout où elle l’emmène, et singulièrement lors de parties de chasse qu’elle organise plusieurs fois et selon des modalités différentes au cours de chaque saison. Hormis cette ponctualité cynégétique, chaque soir, à l’heure du coucher, il accompagne la jeune miss jusque dans sa chambre d’où il se retire après avoir vérifié que meubles et objets y sont disposés de la manière la plus confortable et habituelle. Ensuite, il ne déroge jamais à l’habitude de rester quelques minutes derrière la porte pour regarder, par la serrure, la jeune fille se déshabiller et passer ses vêtements de nuit. Elle, se plaçant dans un angle précis, toujours le même, se laisse regarder. Il n’est personne ici pour comprendre ces pratiques sans doute innocentes autant que curieuses, et moins encore pour en juger, aussi n’en jugerons-nous pas. Une fois jouée cette scène d’un étrange théâtre, Holopherne se retire dans la chambre qu’il occupe non loin, à l’étage au-dessus et à portée d’oreille. Il aurait confié à Sylvia qu’avant de s’endormir, heureux, souvent il se laissait emporter par des songes. La gouvernante, nourrie des confidences de l’homme à tout faire, n’ignorait rien de ces cérémonies discrètes et en sourit encore volontiers. Elle connaissait les penchants de chacun au château sans y attacher plus d’importance que cela. Il lui arrivait de penser que mademoiselle Marie-Ange (qu’elle était la seule à appeler par son prénom de baptême) surpassait en élégance et en perfection des formes humaines toutes les jeunes filles qu’elle avait pu rencontrer au cours de sa déjà longue existence. Quant à « la petite miss », en effet, ses dix-sept ans, lorsqu’elle les atteignit, ainsi que les modifications naturelles alors apparues dans son corps, lui furent l’occasion d’une troublante perplexité.

    IV. Premières déclarations de Sylvia Méline à la barre du tribunal de Liège où elle comparut à titre de simple témoin

    Le président. – Mademoiselle… mademoiselle comment, s’il vous plaît ?

    Méline. – Méline, monsieur le président.

    Le président. – Mademoiselle Méline, donc… Je me suis plongé dans la lecture de votre déposition auprès de la gendarmerie, et j’avoue qu’elle me surprend de plusieurs façons. Par sa forme, en premier lieu, laquelle me paraît extraordinairement littéraire…

    Méline. – Extraordinairement ? Je ne comprends pas, Monsieur le président.

    Le président. – Au sens le plus propre qui soit, je veux dire hors de l’ordinaire. Parliez-vous de cette façon dans la vie quotidienne ?

    Méline. – Dans la vie quotidienne, au château, je ne parlais pas, ou très peu. J’ai fait de mon mieux pour répondre clairement aux questions qui me furent posées à la gendarmerie, où mon interrogateur, un homme fort distingué, s’exprimait lui-même dans un langage châtié qui m’incita à lui emboîter le pas, quoique la vulgarité ne soit nullement dans mes habitudes.

    Le président. – Je vous en félicite, mademoiselle. Un autre fait m’étonne, c’est que vos fonctions dans cette grande demeure ne soient nulle part mentionnées, de sorte que je ne sais ce que vous y faisiez ces dernières années. Pouvez-vous m’apporter quelques précisions à ce sujet ?

    Méline. – Des fonctions, monsieur le président, voilà un bien grand mot… Dès après le décès de Madame, monsieur le baron m’avait engagée, officiellement pour gouverner l’économie de la maison et veiller sur les allées et venues étrangères qui furent nombreuses durant cette période. Il tenait particulièrement à ce que je garde les yeux ouverts sur les déplacements et les rencontres de mademoiselle Marie-Ange…

    Le président. – Officiellement, m’avez-vous dit… Aviez-vous donc des fonctions officieuses ?

    Méline. – Certainement, monsieur. Mais elles ont pris effet bien plus tard, et je n’y étais nullement préparée.

    Le juge. – Lesquelles, je vous prie ?

    Méline – Je préfèrerais rester discrète sur cette question.

    Le président – Je n’en vois

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