Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Confessions Impures
Confessions Impures
Confessions Impures
Livre électronique310 pages4 heures

Confessions Impures

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Les maris violents se sentent portés par un sentiment de supériorité, qui ne connaît pas de limite, sur les êtres placés sous leur protection. « L’autorité » parentale est dévoyée en une sorte d’autorisation à dominer par la force ceux qui vivent sous leur toit. Comme pour l’ensemble de mes précédents romans, j’ai utilisé des faits d’actualité pour amener mes lecteurs à réaliser qu’en dépit des évidences, il se pouvait qu’avec un éclairage différent on puisse être amené à changer d’avis sans renier pour autant ce que nous sommes. Je traite au fil des pages de ce livre des violences faites aux femmes, mais aussi de sujets tabous comme de l’adultère ou des amours interdites pouvant naître au sein d’une famille. Il arrive que le reflet des choses, ou qu’un éclairage trop cru, masque une réalité ou nous la révèle très différente. Ce sixième roman est avant tout un plaidoyer pour les femmes, toutes les femmes qui en ces temps de violences ont besoin de se sentir soutenues, aimées et ont grandement mérité de décider elles-mêmes de la nature de leurs envies.
LangueFrançais
Date de sortie3 juil. 2020
ISBN9782312074306
Confessions Impures

En savoir plus sur Hilaire De L'orne

Auteurs associés

Lié à Confessions Impures

Livres électroniques liés

Fiction générale pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Confessions Impures

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Confessions Impures - Hilaire De L'Orne

    cover.jpg

    Confessions Impures

    Hilaire de l’Orne

    Confessions Impures

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Du même auteur aux Éditions du Net

    L’Exilé Volontaire tome I, « Convictions & Circonstances ».

    L’Exilé Volontaire tome II, « Les Fiancées du Ministre ».

    L’Exilé Volontaire tome III, « La résurrection du Réel ».

    Les Baladines Malgaches.

    Les Colères d’Hippocrate.

    Taïnos

    © Les Éditions du Net, 2020

    ISBN : 978-2-312-07430-6

    Avertissement

    Ce roman est une œuvre d’imagination, qui ne saurait être considérée comme une source d’informations infaillibles. Tous les lieux décrits dans cet ouvrage sont réels, certaines situations et événements le sont aussi. Les personnages choisis dans cette intrigue demeurent néanmoins fictifs. Toute ressemblance avec des personnes réelles, existantes, ou ayant existé, ne serait bien sûr, que pure coïncidence.

    H. De L’O.

    Introduction

    L’auteur traite au fil des pages de ce livre des violences faites aux femmes, mais aussi de sujets tabous comme l’adultère ou les amours interdites pouvant naître au sein d’une famille. Il arrive que le reflet des choses, ou qu’un éclairage trop cru, masque une réalité ou nous la révèle très différente.

    Ce sixième roman est avant tout un plaidoyer pour les femmes, toutes les femmes qui en ces temps de violences ont besoin de se sentir soutenues, aimées et ont grandement mérité de décider elles-mêmes de la nature de leurs envies.

    Hilaire De L’Orne

    Chapitre 1

    Ici, les esprits n’avaient pas le loisir de s’engourdir sous les effets de la canicule. Cherbourg, capitale des parapluies, ne laissait à aucune autre le soin de lui ravir le titre de métropole la plus humide de l’hexagone.

    Ce fut sans surprise et avec le renoncement caractéristique des habitants de cette région qu’Antoinette rentra chez elle sous les morsures d’un crachin glacial.

    Madame le procureur Antoinette Denis, aimait exagérer à l’excès certains traits de son caractère. Elle se réfugiait derrière l’épaisse carapace d’un corps qui vieillissait sans elle, la rendant insupportable. Elle avait naturellement un avis sur tout et le donnait avec assurance sans même qu’il ait été sollicité. En un mot comme en cent, Antoinette était une emmerdeuse.

    Le sobriquet de « Botero » lui ayant été attribué autant par les prévenus que par ses collègues magistrats, laissait peu de place aux fantasmes masculins. On ne marchait pas à côté mais autour d’elle. Les mauvaises langues disaient même qu’elle était si lourde, qu’un jour son ombre avait écrasé un chien. La cinquantaine maussade, les joues et les ailes du nez marqués par la couperose, laissaient imaginer un excès de consommation alcoolique alors qu’elle ne buvait que de l’eau gazeuse.

    Elle ne supportait aucune addiction mis à part celle de son mari, collectionneur de timbres-poste. Sa démarche pesante offrait aux regards l’élégance des phoques gris échoués sur le sable de la baie de Somme. Ses bourrelets recouvraient non seulement son corps mais aussi ses rêves, ses désirs et ses dernières illusions. Lorsque quelque chose n’allait pas, elle avait pris l’habitude de mettre en cause sa silhouette avant de se ruer sur des pâtisseries.

    Ce soir-là, le poste de télévision transmettait à son habitude un débat pour lui-même. Georges, affairé en cuisine, laissait souvent le brouhaha soporifique des diffusions emplir les pièces de l’appartement pour lui tenir compagnie.

    Antoinette passant devant le récepteur cru bon de s’immiscer dans la discussion en arguant que les principales erreurs de nos politiciens étaient d’ignorer les jugements des habitants de ce pays. Ces gens-là n’étant le plus souvent que des profiteurs élitistes d’un système corrompu.

    Les gens de peu, les sans dents, ceux qui dans les dernières déclarations présidentielles n’étaient bons à rien, avaient de bonnes raisons de vivre dans le ressentiment. La marchandisation des êtres humains comme la location du ventre des femmes, ne changerait rien à leur quotidien. Antoinette côtoyait suffisamment de misère sociale à longueur de journée pour estimer son opinion crédible. Elle était contre la PMA et la GPA et elle osait en faire part autour d’elle.

    Elle avait été une ardente féministe et avec l’âge s’était assagie pour finalement passer dans le camp des conservateurs. Au début de leur mariage, désirant accueillir un enfant, ils avaient tenté le parcours de la fécondation in vitro. À la suite de multiples échecs, de fausses couches en fausses couches, elle s’était finalement rangée à l’avis de Georges en optant pour l’adoption.

    Pour Antoinette la filiation passait avant tout par l’amour, mais certainement pas par la science.

    L’arrivée du petit Elliott, aujourd’hui âgé de presque dix-huit ans avait apporté à leur famille de grandes joies. Ils savaient tous les deux combien il fallait être patient pour créer un attachement qui liait pour la vie. L’attitude de Lilou avait varié au fil des années en éprouvant le besoin aux différents stades de son âge de tester l’amour de ses parents adoptifs.

    Accueillir un enfant au sein d’une famille manquant de ressource financière et ce en dépit de qualités humaines incontestables comme l’abnégation et l’altruisme, était un gage d’échec assuré. Antoinette voyait également défiler dans son tribunal des exemples de cas sociaux manquant d’équilibre psychologique, formant un frein réel au développement de leur progéniture.

    Bien souvent, sans pour autant que ce soit une règle absolue, la pauvreté entraînait l’alcoolisme, les incestes et les mauvais traitements. Élever une famille c’était autre chose que de nourrir une portée de chatons, même lorsque grâce aux aides sociales l’on n’avait pas à se préoccuper du prix des croquettes.

    – Allez chérie, range ta banderole et viens manger, c’est prêt.

    – Non mais tu entends ça ! Au siècle prochain, n’importe quel couple, formé avec qui on voudra pourra choisir de se faire livrer par Amazon un gosse sélectionné sur catalogue. Si les parents éprouvent un certain goût pour l’exotisme, ils pourront le faire venir de Chine, en choisissant la couleur du ventre d’hébergement de leur fœtus. On se dirige tout droit vers une forme d’eugénisme social. C’est devenu la règle, les gens n’achètent plus ce dont ils ont besoin, mais d’abord ce qui leur procure du plaisir. Ce monde est devenu fou Georges ! Après avoir réclamé dans les années soixante la jouissance sans procréation grâce à la pilule, les femmes aujourd’hui militent pour une procréation sans jouissance ! Elles marchent sur la tête.

    – C’est l’évolution. À chaque génération appartient une nouvelle philosophie de la vie.

    – Nous avons souvent choisi de nier le réel des situations familiales en imposant seulement nos désirs. Il serait bon de restaurer les valeurs du mariage Homme-Femme.

    – Il est trop tard pour ce choix de société, Antoinette les jeunes d’aujourd’hui sont déjà passés à autre chose.

    Voyant que Georges ne souhaitait pas croiser le fer sur le sujet, elle changea de chaîne pour suivre sa série favorite. Georges était un homme qui laissait aux autres la liberté de ne pas être d’accord avec lui sans pour autant se sentir menacé. Antoinette aurait pourtant souhaité trouver ce soir-là une oreille attentive pour lui confier le déroulement de sa journée, mais depuis quelques années, ils ne partageaient plus le même enthousiasme pour ce qui se passait chez eux, ni dans le prétoire.

    Georges, bâtonnier au barreau de Cherbourg, selon un rituel bien établi, préparait ses plaidoiries dans le bureau du rez-de-chaussée. Il rangeait ses timbres, vérifiait le carnet de correspondance de Lilou et jouait quelques airs au piano du salon qui servait aussi de salle d’attente du cabinet avant de rejoindre leur chambre.

    C’était l’année du bac pour leur fils. Après avoir redoublé sa sixième et sa seconde, ils se désespéraient de le voir si peu assidu. Ils avaient rêvé pour lui d’une voie passant par khâgne et hypokhâgne en vue de devenir lui aussi magistrat, ou simplement prof de lettres, mais à l’évidence, Lilou préférait courir les filles. Contrairement à ses parents adoptifs, il était grand, mince, d’un blond auburn aux reflets roux, ses yeux reflétaient l’émeraude des lacs de montagne. Son regard recélait toute l’impertinence des jouvenceaux de son âge : « il ne pensait qu’à ça ! ».

    Elles avaient beau être informées et même pour certaines intelligentes, ces considérations n’entraient pas en ligne de compte face à la virtuosité verbale du séducteur. Pour Lilou, rien n’était plus valorisant que de triompher de la résistance d’une belle, rien de plus grisant que d’apprivoiser « une vraie Femme », la trentenaire épanouie, débarrassée de la fausse pudeur des gamines, avouant aimer le sexe pour le sexe, ne mêlant plus l’affectif des grands sentiments aux plaisirs de la chair.

    Ainsi avait-il tenté de séduire Cathy sa prof de maths chez qui il prenait des cours de soutien, mais elle avait adroitement repoussé ses timides avances en lui conseillant de revoir ses exercices sur les probabilités.

    Il lui arrivait fréquemment de se rendre sur le port Chantereyne après les cours et malgré le temps maussade, d’y rêver en regardant les pavillons des navires étrangers évoquant des destinations lointaines. C’était également caché dans les lieux d’aisance de ce port qu’il avait perdu sa virginité en échange de quelques €uros.

    Il aimait écouter le son des drisses animées par le vent battre la cadence sur les mâts des voiliers. De retour chez lui le soir il recherchait à quel pays un drapeau inconnu faisait référence, mais en réalité il les connaissait tous.

    La grande jetée face à la rade accueillait d’éternels pêcheurs à la ligne. Les plus démunis d’entre eux, en dépit de la couleur huileuse peu engageante de l’eau, espéraient améliorer l’ordinaire de leur repas d’un poisson aux arômes de gasoil.

    Les jeunes gens, intrépides, aimaient se servir de cette jetée pour étrenner leurs rollers, leurs skates ou tout autre engin à roulettes entre les jambes des badauds effrayés.

    Au large, le fort du Homet comme celui de l’île Pelée, formaient d’Est en Ouest la plus grande rade artificielle du monde, forgeant ainsi le destin maritime et militaire de cette ville.

    La gare maritime imposait son architecture de style Empire qui avait vu passer les vagues migratoires à l’origine de la révolution industrielle des États-Unis, ainsi que le Titanic lors de son dernier voyage.

    Aujourd’hui, réaménagé en cité de la mer, l’édifice attirait entre ses murs des touristes toujours plus pressés de repartir pour renouer avec le beau temps.

    Le week-end avant de regagner le domicile familial, vers vingt et une heures, Elliott avait obtenu de ses parents l’autorisation de faire un tour au café du théâtre, un bar branché où la jeunesse dorée de la ville avait ses quartiers.

    Sa table d’élection se trouvait au fond de la salle à l’abri du va-et-vient des serveurs. Par le jeu des miroirs disposés sur le mur, il pouvait observer tout un côté du bar sans être vu. Il aimait sentir le regard des femmes s’attarder sur lui pendant qu’il faisait semblant d’être connecté sur sa tablette avec le reste du monde.

    Contrairement aux garçons de son âge, éprouver une sorte d’appartenance au milieu bourgeois de la ville ne lui déplaisait plus. Jadis, la profession de ses parents avait été un fardeau, comme pour le fils du percepteur, du commissaire de police ou de l’inspecteur d’académie, enfin pour tous les enfants dont les parents exerçaient un métier ayant pour vocation de compliquer l’existence du plus grand nombre.

    Les quolibets et les insultes du collège avaient fait place au lycée à l’envie et à la jalousie de ses camarades. En prépa ou en Fac, Elliott savait qu’il pourrait compter sur la haine ou le respect, la malveillance étant un sentiment universel. Le lundi matin, il déjeunait généralement seul, ses parents étant tous deux levés aux aurores pour réviser leurs dossiers.

    Il croisait au cours de son petit déjeuner leur vieille bonne qu’enfant il avait surnommée Grannie-Poussières invariablement affairée à dénicher des miettes de gâteaux ou des restes imaginaires.

    Puis chevauchant son vélo électrique, il se rendait à Victor Grignard, son lycée encore pour un an.

    Le proviseur, un camarade de promotion de sa mère, avait reçu pour instruction de la part de celle-ci, de faire preuve à son égard d’autorité, mais Elliott s’ennuyait en cours, jugeant le programme trop conventionnel, pas assez libre. Il aurait bien aimé préparer l’entrée à l’école Navale pour un jour s’évader sur le dos des océans, mais compte tenu de son faible niveau dans le domaine scientifique, le conseil d’orientation l’avait dirigé vers les lettres classiques auxquelles il ne trouvait aucun attrait.

    Habituellement, à l’heure où ses parents décidaient de la vie des autres dans la sincérité de leur conscience, il s’interrogeait sur la priorité à accorder à la brune ou à la blonde qui jouaient de leurs charmes espérant obtenir les faveurs du CPE.

    Ce jour-là, dans l’hémicycle du tribunal correctionnel, Antoinette, fidèle à sa réputation d’intransigeance avec les hommes violents s’adressa au juge en espérant que ses mots auraient pour effet de n’accorder aucun sursis au prévenu multirécidiviste. Puis elle poussa un profond soupir avant d’entrer dans un degré de transition colérique exceptionnel.

    – Les types aux multiples similitudes comme les vôtres monsieur, nous font regretter les méthodes en usage au moyen âge comme l’utilisation de la roue, ou celle du pilori.

    Vous ne méritez pas d’être traité avec les égards de nos lois, mais d’avantage avec la brutalité de ceux qui n’ont jamais entendu parler des bienfaits de notre civilisation. Vous n’êtes monsieur, qu’une brute épaisse indigne des sentiments qui animent habituellement cette cour.

    Je demande en riposte à vos turpitudes, une condamnation exemplaire au maximum prévue par le code incluant l’incompressibilité à votre séjour derrière les murs de la honte. Pour parfaire cette sentence, vous ferez l’objet d’un suivi médical et psychologique, même si vous ne méritez pas que le contribuable prenne à sa charge les frais de votre récupération.

    La sauvagerie qui vous tient lieu d’art de vivre et dont vous avez fait preuve à l’encontre de votre femme n’est en aucun cas récupérable. Seul et sans certitude, le dressage pourrait avoir raison des instincts qui animent les gens de votre espèce.

    Je demande à votre encontre monsieur, 10 ans de réclusion et 150 000 €uros d’amande comme prévu aux articles 222-7, 222-9 et suivants du code pénal.

    À voix basse pour elle-même, elle ne put s’empêcher d’ajouter : « quand je pense qu’en plus, ces types ont la capacité de se multiplier à la vitesse des Grimlins, ça fait peur pour l’avenir de notre pays ».

    Le bougre ne chercha pas à se défendre ni tenter de minimiser son geste, ce qui aurait eu pour effet de décupler la colère des magistrats, comme celle du président. Il se laissa menotter sans un mot et conduire en attendant le verdict dans les locaux pénitentiaires qui jouxtaient les salles d’audiences.

    Quelques longues minutes plus tard, on fit réapparaître le prévenu pour lui signifier sa peine. Tel un mantra, pour persuader l’auditoire du bien-fondé de sa décision, le président qui avait hâte de remiser sa robe rouge pour la journée, déclara le prévenu coupable en requérant le maximum.

    Antoinette sortit un petit carnet noir dans lequel elle notait les commentaires à l’issue de chaque procès qu’elle estimait avoir remporté et comptabilisait le nombre d’années de prison offert à ses « clients ».

    Elle fut ravie de noter cette remarque :

    « Certains hommes violentent leur femme juste par sadisme. D’autres pour jouir de cette force physique qui est leur unique moyen d’apparaître supérieur.

    Enfin de rares spécimens comme celui-là, ajoutent le vice au sadisme en s’acharnant sur leur victime par pur mépris de nos valeurs communautaires ».

    Puis elle se dirigea vers le greffe pour y déposer une pièce de procès, avant de s’éclipser chez Yvard, place de la Fontaine, pour déguster un chocolat chaud agrémenté de quelques pâtisseries avant de rentrer.

    Elle se passionnait pour ce salon de thé, tant par gourmandise que parce qu’elle aimait papoter avec Isabelle la maîtresse des lieux. Concernant la provenance du chocolat, Antoinette s’amusait à varier les origines de cette boisson, son péché mignon se nommait l’automnal. Sa pâtisserie préférée se composait d’un biscuit moelleux à la pomme, accompagnée d’une mousse caramel, dont elle reprenait souvent une seconde et même une troisième fois certains jours de grande lassitude.

    Puis en empruntant les rues piétonnes elle faisait quelques courses dans l’épicerie fine des Trois Marches, ainsi que chez le torréfacteur juste en face. Elle s’arrêtait de temps à autre à la maison de la presse pour voir si le magazine philatélique de son mari était paru.

    Ce jour-là, Antoinette rentra chez elle par le quai Alexandre III pour apercevoir l’Hermione du marquis de La Fayette, amarrée au bassin du commerce. Quelques animations étaient en place sur la berge pour attirer les habitants et les rares touristes, quant au stationnement pour les riverains, il paraissait encore plus problématique que d’habitude.

    Dans le cabinet de son mari, elle trouva Georges en compagnie de son fils à la recherche de timbres et de vignettes commémorant ce qui se rapportait à cette frégate et à son épopée maritime. Ils en avaient fait de même pour le Belem l’année précédente.

    En apercevant l’air radieux de sa mère, Lilou sût qu’elle avait remporté son procès et renforcé son autorité au sein du parquet en contribuant à expédier « au trou » un pervers ou une brute.

    – J’ai aperçu ta robe et ta valise dans l’entrée, tu plaides à Coutances ces jours-ci ?

    – Dans la housse ce n’est pas ma robe mais un peu de linge et je ne pars pas pour plaider mais pour assister au week-end de clôture du festival de jazz sous les pommiers. T’avais oublié ?

    – Oui totalement, mais ça n’a aucune importance. T’es descendu où ?

    – À Coutances comme à Agon, les quatre hôtels étaient pleins.

    – Ça, fallait s’en douter.

    – Je me suis rabattu sur « la Marine » à Carteret, il n’y a que là que j’ai pu trouver de la place. Mais dans l’ambiance d’un festival on n’a pas beaucoup l’occasion de dormir.

    – C’est bien pour ça qu’ils ne m’attirent plus, c’était bon lorsque nous étions encore en Fac mon chéri, mais j’ai passé l’âge d’assister à ce genre de phénomène, c’est vrai aussi pour les manifs.

    – À bientôt cinquante ans, j’estime que je ne suis pas encore bon pour l’Ehpad, toi non plus du reste.

    – T’as raison, mais je fatigue de plus en plus vite à présent.

    Georges était un habitué du festival de jazz sous les pommiers à Coutances. Musicien classique à ses heures, il appréciait celui de la Roque d’Anthéron, mais il aimait également le jazz et pour rien au monde il n’aurait raté cette manifestation.

    Certains artistes se produisaient dans les lieux exigus qu’ils n’avaient pas l’habitude de fréquenter, comme la cave des Unelles, le minuscule théâtre de la ville, ou dans la salle des fêtes Marcel Hélie. Cette promiscuité entre le public et les artistes, conférait au spectacle de cette petite ville de province une chaleur particulière.

    Chapitre 2

    Au volant Georges considérait distraitement sa vie de couple sans souhaiter se lancer dans une introspection profonde de ses relations conjugales. Cette respiration musicale en célibataire produisait néanmoins sur lui l’effet d’un air vivifiant.

    Avec l’arrivée d’Elliott, le couple parental avait pris le pas sur le couple conjugal. Georges avait l’impression que cela ne s’arrangeait pas avec les années. Ils avaient du mal à présent à donner du temps à leurs envies ou à leur vie amoureuse, au début par peur de passer pour de mauvais parents et ensuite par pure fainéantise.

    Antoinette et lui avaient pris l’habitude de vivre seuls à côté de leur fils en compagnie de leurs pensées et de leurs sentiments élimés. Les autres, les amis, pouvaient à l’occasion faire semblant de partager leurs vies ou leurs opinions, mais personne d’autre n’aurait pu vivre cette solitude en commun, quand bien même ces pseudos « Amis » auraient pu terminer leurs phrases.

    Pourtant Georges n’avait pas l’impression de baisser les bras au risque de chercher des émotions ailleurs, ni de quoi redorer l’idéalisation de leurs premiers émois éclos sur les bancs de la Fac.

    Lorsqu’il arriva à l’hôtel de la Marine, il laissa au concierge le soin de s’occuper de son bagage. En attendant l’heure du repas, il se décida pour une promenade le long de la digue jusqu’à la plage. Chemin faisant, il escalada le muret de granit menant au phare mordu par le fer rouillé des anneaux d’amarrage. Face au large, il s’amusait à prendre de profondes inspirations afin de sentir l’air iodé pénétrer ses poumons jusqu’à son esprit.

    Il venait tout juste d’avoir quarante-huit ans et c’était sans doute une étape, un cap difficile à passer, enfin c’était la première fois qu’il se posait ce genre de question. On lui servait encore du « mon cher Maître » à toutes les sauces mais ça ne l’amusait plus autant qu’avant. Georges avait le sentiment d’arriver au seuil de la décennie de la dernière chance. Il n’avait plus envie de perdre son temps à faire croire qu’il était celui dont il s’efforçait par le passé de donner une image qui en réalité ne lui ressemblait pas.

    Depuis la digue, il admira les villas à l’architecture Normande perchées sur leur promontoire, qui telles des sentinelles scrutaient l’horizon de leur orgueil austère, pour déjouer une ultime offensive de la perfide Albion. Les Normands aimaient croire à la mémoire de leurs pierres.

    Il poussa la flânerie jusqu’à la crique où se nichait la Potinière en récupérant dans ses chaussures assez de sable pour faire des pâtés dans sa chambre d’hôtel. Le vent de terre poussait l’ombre des nuages qui s’ouvrait et se refermait à la surface des vagues. Une barque échouée sur la berge laissait pendre ses rames épuisées jusque dans la vase. Le jour s’endormait, accordant à la lueur des lampadaires de rôder le long du quai. De fiers goélands perchés sur leur cime s’invectivaient bruyamment avant que la nuit ne leur ordonne de se taire.

    De retour dans la chambre, il se fit servir un repas constitué de fruits de mer accompagné d’un Pécharmant sec et frais, avant de se glisser dans un bain aux sels parfumés. Plus tard, il consulta sa montre et appela Antoinette pour prendre des nouvelles de leur fils et lui souhaiter une bonne nuit. Avant de s’endormir, il songea avec plaisir au programme du festival qui débutait par la prestation de Thomas Dutronc, s’illustrant habituellement dans le style du swing manouche.

    Devant une salle pleine, le guitariste accompagné de cinq musiciens fit son entrée. À son habitude, le parterre les reçut dans le tohu-bohu des cris et des sifflets en forme d’ovation. Derrière ses indispensables lunettes noires, il débuta son récital par sa chanson fétiche « comme un manouche sans guitare » et enchaîna avec des titres donnant au concert une ambiance plus intime dans laquelle le jazz occupait une place prépondérante.

    Dès la quatrième chanson, il s’accapara de la complicité des spectateurs qui n’attendaient que ça. Le son de l’instrument entre ses mains était chaud et les solos joués de manière sublime, sans avoir besoin du secours de l’électronique en usage chez les médiocres.

    Il avait la virtuosité d’un Django Reinhardt, que ce soit au travers du blues, d’airs tsiganes endiablés ou d’improvisations. Ce jeune Dutronc était incontestablement l’un des meilleurs de sa génération. Cette musique était hors catégorie sociale et réunissait autour d’elle tous les âges. Il y eut au cours du concert une sorte de match musical entre guitaristes, un bœuf qui fit

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1