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L'Imposture des Sens
L'Imposture des Sens
L'Imposture des Sens
Livre électronique288 pages4 heures

L'Imposture des Sens

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À propos de ce livre électronique

Ce récit se propose de redessiner avec des mots les contours du monde, de ses névroses et de la folie qui l’accompagne comme une sœur siamoise. De nouvelles valeurs nous plongent peu à peu dans ce qui ressemble au scénario d’un roman noir. Tout est usé de nos jours, même le malheur semble englué dans la médiocrité. Ces pages nous plongent dans la pratique pathologique d’échanges érotiques de marginaux passés de l’autre côté du miroir en ayant besoin de transcender l’érotisme de leurs échanges par des pratiques charnelles dénaturées, souvent cruelles. Pour les êtres diaboliques le temps n’existe pas, le mal est un présent perpétuel. Ce livre choquant nous invite à découvrir les multiples extravagances dont l’amour se pare, se vit, se prouve et pour finir s’étiole, jusqu’à s’éteindre.
LangueFrançais
Date de sortie18 juil. 2023
ISBN9782312135007
L'Imposture des Sens

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    Aperçu du livre

    L'Imposture des Sens - Hilaire De L'Orne

    cover.jpg

    L’Imposture des Sens

    Hilaire De L’Orne

    L’Imposture des Sens

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Du même auteur

    L’Exilé Volontaire Tome I, ou « Convictions et circonstances »

    L’Exilé Volontaire Tome II, ou « les fiancées du ministre ».

    L’Exilé Volontaire Tome III, OU « la résurrection du réel ».

    Les Colères d’Hippocrate.

    Taïnos.

    Confessions Impures. ½

    Hier n’est pas fini. 2/2

    L’Albinos du Cap.

    L’Imposture des Sens.

    © Les Éditions du Net, 2023

    ISBN : 978-2-312-13500-7

    À ma petite Grenouille

    « En ouvrant un livre, on pénètre dans un autre monde où le temps tombe en poussière. Il y a tant de choses dans un livre et si peu de gens pour les aimer. La postérité me rendra peut-être justice d’avoir sacrifié mes forces par passion à des choses inutiles mais si étonnantes, invitant chacun de nous à découvrir des sentiments nouveaux.

    Un rêve qui nous est propre avec ses mots à lui, ce rêve en nous, c’est souvent son cri à lui. »

    Hilaire de l’Orne.

    Avertissement

    Ce roman est une œuvre d’imagination qui ne saurait être considérée comme une source d’informations infaillibles.

    Tous les lieux cités dans cet ouvrage sont réels, certaines situations et événements le sont également bien qu’ils paraissent d’une authenticité forte et parfois cruelle. Les personnages choisis dans cette intrigue demeurent en grande partie fictifs. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait naturellement que pure coïncidence.

    Avant-propos

    Sur les rives du vide.

    Assis face à ma page blanche tel que devant un miroir, je me trouve dans l’incapacité d’imaginer en me souvenant. Mes pensées s’égarent sur les rives du vide. Mon reflet me regarde et de longues minutes de conversation muette s’engagent entre le paraître et le réel. S’engagent entre ce que je pense être et ce que je suis, entre ce que les autres pensent de moi et ce que j’imagine qu’ils connaissent de ma personnalité. Ainsi naît ma peur bien réelle d’avoir déplu ou de déplaire au cours de mes récits, cette peur de passer pour un être superficiel et verbeux me paralyse. Suis-je un bon auteur, un écrivain, ou seulement un pédant qui s’ignore ? Le doute est présent à chaque instant, là, juste sous la surface des mots, bien caché derrière ma confiance en moi.

    De bonne foi et avec la plus grande sincérité.

    Hilaire de l’Orne.

    Les Personnages et leur décor

    J’ai pris le risque de rendre ce livre actuel et le lecteur pourra vérifier ce vieil adage qui nous rappelle que bien souvent, la réalité dépasse la fiction. Je vous propose de redessiner avec des mots les contours du monde, de ses névroses et de la folie qui l’accompagne comme une sœur siamoise.

    Tout est usé de nos jours, même le malheur semble englué dans la médiocrité. Ces pages nous invitent à plonger dans la pratique pathologique d’échanges érotiques de marginaux passés de l’autre côté du miroir en ayant besoin de transcender l’érotisme de leurs échanges par des pratiques charnelles dénaturées, souvent cruelles.

    H. De L’Orne

    Chapitre I

    – Vous avez trouvé facilement ?

    – Le plus difficile à Saint-Mandrier c’est de se perdre. Votre propriété doit être la plus importante du village.

    – L’espace est devenu un luxe inestimable. Les Pipady ne comptent pas moins de treize pièces.

    – Pour un homme seul c’est démesuré, non ?. J’imagine que ce n’est pas vous qui faites le ménage.

    – J’ai du personnel qui s’occupe de ça.

    – Vous avez de la chance. À la maison c’est moi qui me tape tout le boulot, cuisine, ménage, lessives, tout le toutime.

    – C’est bientôt fini, vous allez redevenir un prince de la littérature. Je vous garantis que vous n’aurez plus à faire le ménage, d’abord parce que vous n’allez plus avoir le temps et ensuite parce que vous aurez à nouveau les moyens de le faire faire par quelqu’un d’autre.

    – Si vous pouviez dire vrai…

    – En racontant mon histoire, Jean, vous allez plonger dans l’univers d’une Agata Christie qui se serait égarée entre les pages du Kamasutra.

    – C’est une plaisanterie ?

    – Pas le moins du monde. Je tenais à vous faire part de cette remarque. Je me limiterai au cours de ce premier entretien à des généralités concernant le contenu de l’histoire. Je préfère mettre tout de suite l’accent sur le caractère des personnages dont vous allez raconter les aventures.

    Vous en voulez une ?

    – Non merci, je ne fume pas. Vous permettez que nous enregistrions ce premier rendez-vous ?

    – Enregistrez si ça vous semble utile. Il est rare d’offrir à ses lecteurs une scrupuleuse vérité et cet enregistrement vous servira éventuellement de preuve. Ce que nous allons nous dire pourrait paraître très exagéré à des oreilles trop sages. Il ne sera pas facile pour vous de composer un texte concernant un sujet érotique tout en tenant pour proscrite une imagination réclamant sa part d’absolu. Je veux dire qu’en traitant ce genre de sujet, les phantasmes des écrivains ont tendance à prendre les commandes. Il ne sera pas facile pour moi non plus de prêter à la critique l’histoire de ma vie avec ce que ça comporte de bon, d’abusif, d’épouvantable, ou de jubilatoire. Aujourd’hui il ne me reste plus aucun rôle à tenir, je ne joue plus qu’avec des fantômes qui sont les seuls, sans doute comme vous, à croire que l’amour est éternel.

    – Vous versez dans le mélodramatique, j’espère qu’il y aura un peu d’action dans votre récit.

    – Vous n’en manquerez pas monsieur Strether, rassurez-vous, mais il ne pourra jamais être question entre nous de réhabiliter la moindre morale, encore moins de mea-culpa de ma part. Le texte que vous allez rédiger ne devra subir aucune modification des sentiments que je vous confierai au prétexte qu’ils seraient indécents ou odieux. L’essentiel ne se trouve pas dans les descriptions des scènes si horribles soient elles, non, l’essentiel c’est ce qui se passe dans nos têtes au moment des faits. C’est ensuite à l’écrivain que vous êtes de retranscrire avec talent les situations faites du sang de vos mots, autant qu’avec celui des victimes.

    – Vous vous exprimez avec aisance, je vois mal pourquoi vous faites appel à quelqu’un d’autre pour écrire ce livre.

    – Voyez-vous Jean, vous permettez que je vous appelle Jean ? Mon goût pour les livres et la littérature n’est apparu chez moi que très tard. Adolescent, j’étais un pur produit de ma génération, celle de ceux que vous appelez les « boomeurs ». Fils unique, je me rangeais dans la catégorie des enfants solitaires, à la fois très occupé à ne rien faire pour aider les autres et très centré sur ma petite personne. Mes jeux n’étaient qu’une suite d’inconséquences jusqu’au jour où je découvris les plaisirs offerts par la différence entre un garçon et une fille. Pour ajouter à cet élan de sincérité, j’étais d’une si grande avarice qu’ayant perdu mon âme à de nombreuses reprises, je n’ai jamais jugé bon de la racheter.

    – Vous exagérez.

    – Même pas. Je me suis toujours senti singulier comme vous pouvez le constater, ce qui a grandement facilité mon égoïsme. Je pense pouvoir dire que je me suis fait tout seul dans la plus grande indifférence, jusqu’à ce que cette histoire éclate dans nos vies.

    – Lorsque vous dites « Nos vies », c’est votre vie de couple que vous me demandez d’écrire ?

    – Oui, notre vie est devenue un désert. Heureusement qu’il nous reste cette mémoire évitant aux jours de ressembler à une succession de dates inutiles, mais pour combien de temps ? La maladie chronique, les absences de plus en plus fréquentes…

    – Arrivé à un certain âge il est normal de se poser des questions à propos de son passé ? En souffrir, le fuir, s’y replonger en le partageant avec l’entourage ? Mais de là à en faire un roman…

    – J’ai fait appel à vous pour mettre ces étapes en perspective, loin des stéréotypes accompagnant habituellement les vieillards et raconter la période excitante de nos relations tumultueuses. Nous ignorons où vont les mots que nous n’utilisons pas. Ils partent à la dérive pour finalement échouer dans une histoire sans intérêt. Pourquoi dans le déroulé de cette histoire, le sang versé fût le plus souvent érigé en actions de gloire ? Était-ce uniquement par vengeance ? C’est aussi pour m’aider à répondre à toutes ces interrogations que vous êtes ici.

    – Je vous demande pardon ?

    – Je dis que notre vie est un combat qui nous porte à croire que la suite de nos lendemains est infinie, alors qu’elle se passe à errer autour de notre tombe. Nos maladies sont des souffles qui nous font dériver jusqu’à l’entrée du port.

    – Vous devenez lyrique, vous savez que c’est un genre littéraire complètement obsolète et mal vu par les éditeurs.

    – Ce qui importe, Jean, c’est le ton que je souhaite donner à l’œuvre. Nous jugeons rarement convenable de parler de notre anéantissement. Lorsqu’il se présente, nous refusons de le reconnaître alors qu’il nous oblige à réaliser combien le passé d’un homme est étroit et court.

    Toujours pas de cigarette ?

    – Vous fumez trop. Non, je ne fume toujours pas.

    – Après avoir abandonné tous mes vices, il ne me reste que celui-là pour m’aider à tenir.

    – Vous… vous êtes malade ?

    – Ce récit sera celui d’un vieux voyageur.

    – Je vous le répète, il y a trop d’emphase dans votre discours, on est plus au dix-huitième siècle, faut vous réveiller.

    – Cher Jean, Je suis un homme du vingtième siècle. Mes modèles sont ceux sur quoi les « belles lettres » reposent. Le charabia inclusif moderne ou de style télégraphique, c’est bon pour les SMS ou les bulles de vos BD. Je ne pense pas que la philosophie ni le bonheur puissent être le fruit d’une machine, le désir ni l’intuition non plus.

    – C’est vrai, mais cette manière de voir les choses date un peu.

    – Reprenons le sujet qui nous occupe. Le libertinage est un mal nécessaire aux hommes qui protège souvent leurs rêves. Personnellement j’ai toujours refusé de devenir l’esclave de ma libido ou d’une idée prenant la place de mes sentiments. Pascale, elle, réussissait à faire jaillir le désir, l’ivresse, l’extase du néant sur lequel par la suite il sera possible de mettre un nom.

    – Vous introduisez un nouveau personnage dans la saga ?

    – C’est elle, le personnage principal de ce récit. Pascale c’est l’enfant naturel d’une cigale et d’un rossignol, en plus d’être coiffeuse et gérante du salon de ce village. Néanmoins, nous lui attribuerons un pseudo afin de conserver son anonymat et sa sécurité, car certains jours la folie et la jalousie ont accompagné nos passions. Le désir de s’abandonner sans avoir à en assumer les conséquences trouve chez les libertins un écho élogieux, vous ne trouvez-pas ?

    – Vous me faites peur.

    – Jusqu’ici j’ai survécu aux remords en les considérant comme un penchant absurde destiné aux esprits faibles. En publiant ces confidences, vous allez me débarrasser du poids d’une montagne et une fois le premier aveu livré rien ne me coûtera plus. Si je m’en réfère à vos dernières publications, vous ne rencontrerez aucune difficulté à écrire cette histoire.

    – Merci pour la confiance.

    – J’aime bien ce que vous faites, Jean. J’ai apprécié votre dernier ouvrage même s’il date un peu. À ce sujet, votre éditeur avec qui je me suis entendu sur le montant de votre prestation est impatient de publier quelque chose de votre main. Vous allez récompenser son attente en lui proposant ce manuscrit.

    – Je devine qu’il s’agit de mettre en scène vos frasques dans les pages d’un roman « borderline ». Je ne vous cache pas que suis furieux d’apprendre que mon éditeur négocie directement avec un client le montant de mes prestations.

    – Vous lui devez certainement pas mal d’argent. Votre tignasse auburn me rappelle celle de mon adolescence. Méfiez-vous de votre jeune âge, Jean, qui emporte avec lui l’envie d’être poli et qui pourrait passer pour de l’arrogance vis-à-vis de ceux dont vous dépendez.

    – À un certain âge, on peut tout se permettre ?

    – L’âge n’est qu’un chiffre, vous savez ça comme moi. Il s’accompagne souvent des regrets d’avoir perdu toutes ses illusions. On ne rêve plus de s’épuiser dans un regard qui ne viendra malheureusement jamais. Avec l’âge nous avons enfin admis que cette félicité n’était qu’imaginaire, sans plus de plaisirs que ceux provoqués par l’excitation de nos organes.

    – Comment voyez-vous l’écriture de cette histoire ? Sous la forme d’un recueil d’aventures libidineuses ou d’un récit autobiographique ? Avez-vous une préférence pour un type roman ? J’attire votre attention sur le fait que je ne rédige pas de texte pouvant nous conduire devant un tribunal. Je n’ai pas pour habitude non plus de remplir mon stylo avec du sang ou du sperme, Monsieur Tournon.

    – Jean, contentez-vous de Frédéric, monsieur Tournon fait trop protocolaire. Laissons les chichis de côté. À propos, nous dissimulerons Pascale sous le pseudo de Meredith. Je n’ai aucune préférence sur le style littéraire que vous adopterez, j’aime bien ce que vous avez déjà publié. Vous devrez cependant respecter l’ordre chronologique des faits. Pour ce qui est de se préserver d’éventuelles plaintes pour diffamation, rassurez-vous, les protagonistes ont tous disparu. Pour les fluides avec lesquels vous remplissez habituellement votre stylo, permettez-moi de vous dire que si vous n’avez rien publié depuis de nombreuses années, vous le devez en grande partie à votre prudence, pour ne pas dire à votre puritanisme.

    – Les textes qui osent s’émanciper sont systématiquement censurés ou boycottés. Vous prenez le risque de finir au pilon avant d’arriver chez un libraire.

    – Dans le domaine littéraire comme dans la vraie vie, les trains n’existent que lorsqu’ils déraillent et au plus il y a de victimes, au plus ces trains s’inscrivent dans le réel. Les voitures ont pour destin de percuter des platanes et seuls les navires en mesure de s’offrir la légende du Titanic se distinguent de la beauté tragique des paquebots ordinaires.

    Jean, ce n’est pas à vous que je vais apprendre que derrière un événement il faut un scandale, une fissure, un danger. La vie n’est palpitante qu’en présence de crises ou de cataclysmes à la hauteur du courage nécessaire aux hommes pour les surmonter. Dès lors, seul le malheur fait recette et le bonheur vous fait passer pour « un ravi de la crèche » à qui pas un éditorialiste n’a envie de donner sa chance.

    – Vous êtes certain de ne pas confondre le journalisme avec la littérature ?

    – Le drame est un pacte magique, une pulsion qui attise l’intérêt. Trop de bienveillances font des récits insipides. Enfin la différence à mes yeux entre une bonne fiction et un article de presse est la même qu’entre Vivre et Exister. Vous saisissez la nuance ?

    La « roussoyante » Meredith doit aussi apparaître comme le décor obscur d’un fond marin terrifiant.

    – Vous êtes incorrigible, je n’écrirai jamais une ligne en utilisant votre vocabulaire.

    – Notre accord financier doit pouvoir faire taire vos derniers scrupules tout en couvrant vos frais de copiste et de mise en forme de cette histoire. Votre éditeur pense comme moi que cette somme doit pouvoir faire entendre raison à vos reliquats de pudeur.

    – Après tout, c’est votre histoire, y a pas de raison de ne pas vous donner satisfaction, même si ça doit passer directement des rotatives au pilon.

    – Vous serez surpris de découvrir que l’on peut éprouver d’ineffables délices aux côtés d’un cadavre fraîchement expiré.

    – Si vous le dites.

    – La violence trouve souvent sa justification dans la vengeance de certains crimes. Violence et vengeance sont elles aussi des pulsions qui cachent bien leur jeu et pour lesquelles il arrive que nous éprouvions certaines jouissances.

    – Ce n’est pas l’autobiographie d’un assassin et de sa complice que vous me demandez d’écrire ? J’espère que vous n’êtes pas mêlés à des histoires de meurtres ? Habituellement les êtres maléfiques ayant pris part à des atrocités ne s’en vantent pas.

    – Jean, qui selon vous, se trouve dans la normalité en faisant passer de faux sentiments pour de vraies émotions ? J’ai partagé la vie de Meredith en marge de la société avec des doutes mais jamais en occupant le rôle d’un imposteur.

    – Vous faites allusion à des scènes de viol, de meurtre ?

    – Meredith aimait l’ambiance des lieux oubliés. Elle subissait d’abord, puis elle devenait consentante et demandeuse de charmes et d’outrances. Nul ne sait ce qu’elle percevait dans les contours sordides de ses hallucinations, qu’il s’agisse des émois de sa chair ou de son esprit. Elle poussait le plaisir lié au mal jusqu’à la transe associée à certains orgasmes.

    – C’était elle, ou vous, qui teniez le rôle d’appât ?

    – J’incarnais le passeur entre deux mondes, celui des morts et des vivants, mais aussi celui du témoin.

    – Vous étiez probablement drogués avant de pratiquer ces orgies macabres ?

    – Pas de stupéfiant, rien de tout ça. Nous n’avions pas de règle, pas de scénarios favoris, pas de rituel précis. L’imagination se suffisait à elle-même. Les pulsions libidineuses des hommes que nous rencontrions nous offraient souvent un mode opératoire différent. On avait beau savoir que les phantasmes et le réel menaient des vies séparées, il était difficile de ne pas se laisser prendre.

    – Vous avez rencontré toute la misère sexuelle de ce pays.

    – Ils succombaient tous en s’appropriant son sourire et auraient vendu l’éternité pour une de ses caresses. Je ne vous apprends rien, à chaque fois qu’un homme désire une femme il convoite une forme animale d’absolu.

    – Vous partagiez la souffrance des agressions déclarées et vécues par Meredith comme un voyeur.

    – À la suite de chaque crime, nous assistions à l’éclosion d’une nouvelle expérience sans nous soucier de ce qui venait de se produire.

    Nous étions devenus addicts à ce mode de fonctionnement comme de la jouissance qui en résultait. Meredith n’avait jamais pu se passer de l’orage des corps et des étapes de violence en guise de préliminaires pour accéder à des jouissances excessives.

    – Vous attendiez de la visite ?

    – Nous allons devoir écourter cet entretien, c’est l’heure de mes soins, ce sont mes reins qui ne fonctionnent plus tout à fait normalement, une polykystose.

    – Elle est plutôt mignonne.

    – Effectivement, Rachel est ravissante, néanmoins cette femme encore jeune pourrait avoir un garçon de votre âge. Je vous conseille de garder vos distances.

    – Bien sûr, ce n’était qu’un compliment sans arrière-pensée.

    – Je vous ferai signe par SMS pour notre première séance d’enregistrement, d’ici là vous aurez eu le temps de mettre les choses au point avec votre éditeur. Merci de vous être déplacé et à très bientôt, Jean.

    ***

    La maison d’édition de La Parabole dirigée par Serge Armada se trouvait à une dizaine de kilomètres. À la contrariété que Jean venait d’éprouver s’ajoutait un climat d’écœurement. Serge n’avait pas jugé bon de le prévenir de la teneur du contrat négocié en son nom, ni de la personnalité de celui dont il aurait à écrire la bio.

    Lilly son épouse qui assurait la comptabilité de la maison d’édition ne semblait pas non plus au courant de cet engagement. Certes son couple connaissait des difficultés financières mais ce n’était pas une raison pour tout accepter, ni pour brader ses talents d’auteur en le rabaissant au rang de plumitif ou de « pisse-copie ».

    Le petit immeuble qui abritait les éditions de La Parabole à mi-chemin entre Toulon et le Mont Faron dominait la baie qui conviait tous les sens à l’admirer ainsi que ses installations portuaires.

    À la réception qu’occupait une énième stagiaire, Jean ne s’annonça pas et gravit quatre à quatre la volée de marches qui le séparaient de l’espace administratif.

    Depuis le bureau de Lilly, on apercevait le village de La Seyne-Sur-Mer et tout au fond du golfe, la plage des Sablettes s’étirant jusqu’au bourg de Saint Mandrier.

    Absorbée par ses livres de comptes, drapée dans une robe de lin blanc boutonnée sur de longues jambes, elle offrait un sourire qui se refermait rarement. Ses lèvres peintes donnaient la réplique à un regard vert et malicieux paraissant ne jamais faire de pause. On disait d’elle qu’elle était d’une beauté lui économisant l’embarras d’avoir à séduire en affichant une gaieté toute simple assumée avec naturel. Elle accaparait les rayons du soleil pour dorer son teint provençal escorté par un accent dénué d’artifice.

    Une rose fraîche pour la soulager de l’austérité des comptes et apporter une touche féminine ornait quotidiennement son bureau. Rassemblées en queue de cheval, ses mèches d’un blond argenté témoignaient d’une volonté d’être plus efficace que tentatrice. À la vue de Jean faisant irruption dans son bureau, elle abandonna momentanément son clavier.

    – T’étais au courant du motif de mon rendez-vous de ce matin avec un soi-disant mécène ? Un taré qui espère me donner à écrire la biographie sadomasochiste d’un couple pervers.

    – À quoi est-ce qu’il ressemble ?

    – À un vieux beau libidineux en fin de carrière qui confond publi-reportage avec littérature. Si c’est tout ce que Serge a trouvé pour me redonner le goût d’écrire, il se fourre le doigt dans l’œil.

    – Peut-être, mais au moins ça rapporte.

    – Écrire, c’est une vocation ma chérie que l’on désigne le plus souvent comme de l’inspiration, ça ne se décrète pas. C’est la révélation de nos conflits internes.

    – Internes et domestiques comme à la maison.

    – L’écrivain se distingue par sa capacité à exalter l’ordinaire des choses.

    – Malheureusement, ton génie créatif et les contingences matérielles ne se nourrissent pas des mêmes substances. Les idées ne se cuisinent ni à l’huile d’olive ni au beurre Breton. Nous avons de la chance de pouvoir nous en sortir parce que j’ai un vrai boulot qui nous permet de faire les courses et qui paye les factures. Arrange-toi pour que cette commande serve d’exutoire à tes frustrations. Pour une fois, tu seras payé sans avoir à attendre que ton livre ait du succès. Ça ne calmera sans doute pas l’appétit de ton égo, mais fais-lui savoir qu’il peut être plus utile financièrement de recopier les idées des autres, que de cultiver le narcissisme stérile d’un écrivain maudit.

    Chapitre II

    Depuis sa villa surplombant la baie du Lazaret, Frédéric observait l’entrée du navire « Océan Viking ». Les criques de la presqu’île inanimées en

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