INTERVIEW
Prière d’attacher sa ceinture, zone de fortes turbulences à venir. Aux dimensions exactes d’une vie, celle de Jerry Stahl. « Mon enfance a été une suite d’horreurs miniatures » — ça commence mal. Petit juif dans un environnement goy à Pittsburgh, une mère qui passe son temps allongée dans le noir tandis que la baby-sitter offre au gamin des bonbons scotchés à ses tétons. Sans oublier le rapport au père immigré devenu haut fonctionnaire d’« un fils pornographe et toxicomane ». La drogue, la grande affaire — ça ne s’arrange pas. Il faudrait même inventer pour l’auteur une nouvelle expression : le trente-septième dessous. La dope comme une chute sans fin, l’exploration d’une dimension parallèle de l’existence. L’écriture alimentaire d’articles pour les journaux (Esquire, LA Weekly, New York Times) et de séries pour la télévision (Clair de lune, Les Experts, Twin Peaks, etc.) ou le cinéma (Bad Boys), mais l’argent ne sert pas à se procurer la moindre nourriture, juste de l’hydromorphone dans un quelconque taudis. Sans jamais toucher le fond puisqu’il n’y a plus de fond. Cette autobiographie vaut tous les romans noirs réunis, par sa violence comme par ses fulgurances (). Si était une attraction, ce serait un mélange d’autos tamponneuses et de train fantôme. Ça secoue, ça fait peur, mais on en redemande.