Paris, septembre 2010
« Suite à une panne de signalisation, le trafic est momentanément interrompu. Il reprendra… » J’ai levé la tête pour écouter le message d’information, mais je n’y fais déjà plus attention. C’est la troisième fois cette semaine qu’une avarie se produit sur cette ligne. Les travaux de modernisation du métro parisien doivent y être pour quelque chose. A moins que ce ne soit moi qui joue de malchance. Sur le quai, le grondement de la foule mécontente s’élève pour rapidement retomber. Chacun cherchant le meilleur moyen de remédier à ce problème impromptu, afin d’arriver à l’heure au travail, ne pas manquer un rendez-vous ou rentrer plus rapidement à la maison. Aux questionnements divers qui me parviennent sur les déviations de parcours possibles, je m’aperçois que ma connaissance parfaite du réseau et du quartier me permettrait d’en rediriger plus d’un.
Cependant, si certaines personnes s’interpellent entre elles, personne ne vient solliciter mon aide. Je ne m’en étonne pas ; je suis un être transparent. L’équivalent d’un meuble défraîchi ou d’une plante verte oubliée sur un rebord de fenêtre et que l’on ne voit même plus à force de passer devant. Je ne suis pas « invisible », celui qu’on ne peut pas voir, mais « invisible » celui qu’on ne veut pas voir. C’est ainsi et je m’y suis habitué.
Je me replonge dans mon livre, nettement plus passionnant que les problèmes de trafic parisien. De toute façon, je m’en moque, je ne vais nulle part. Et les sièges en plastique orange me conviennent très bien, c’est un peu comme si j’étais dans mon salon… Sauf que je n’ai pas de salon. Ce livre est le dernier du lot que j’ai récupéré dans un carton défoncé, posé à même le trottoir. Si je ne comprends pas qu’on puisse mettre des livres au rebut, comme s’il s’agissait de vulgaires fanes de carottes, il faut avouer que cela fait mon affaire. Car si la vie m’a contraint à devenir un SDF, « sans domicile fixe », elle m’a aussi permis de développer le SDF, «
