Sexe, mensonges et vitraux ? En apprenant que Le Nom de la rose allait passer à la moulinette de l’auteur du Déclic, nombreux sont ceux qui anticipaient une débauche de moines fourbes et de sauvageonnes lubriques. Ceux-là vont tomber de haut. L’adaptation que Milo Manara livre du thriller érudit d’Umberto Eco est en tout point fidèle à son esprit et à sa lettre. Si l’érotisme s’y invite poliment, ce n’est que sous la forme d’enluminures grivoises, ou d’un très chaste effeuillage féminin. Le reste illustre magnifiquement l’action et le cadre du roman, en rendant hommage à ce Moyen-Âge qui n’était pas que ténèbres. Voilà près de vingt ans que le sulfureux dessinateur revisite le patrimoine historique italien. D’abord avec Borgia puis Le Caravage, son idole. Dans le monastère d’Umberto Eco, on aurait bien imaginé cet homme doux et courtois de 78 ans en moine copiste dans le scriptorium…
La plupart de vos interlocuteurs s’étonnent de faire face à un esthète cultivé plutôt qu’à un obsédé sexuel, alors que votre dernière BD érotique remonte à plus de vingt ans. Cela vous chagrine ?
Non. Dans notre société qui aime la simplification, c’est comme ça que je suis simplifié. Certes, c’est vraiment réducteur puisque que j’ai fait beaucoup d’autres choses dernièrement. Les quatres volumes sur les Borgia ? Oui, il y a de l’érotisme, mais ce n’est pas le mien. Le scénario est d’Alejandro Jodorowski. Après, j’ai réalisé la biographie du Caravage en deux tomes, dans lesquels il n’y a pas trop de nudité. Et c’est la même chose aujourd’hui avec. Mais c’est vrai que je continue à avoir une étiquette de dessinateur érotique. Bon, pour être honnête, je n’ai rien fait non plus pour l’ôter. Je n’ai pas honte d’être un dessinateur érotique et je n’ai rien contre l’érotisme. Après, soyons sérieux, j’ai 78 ans : désormais, l’érotisme, je le vis essentiellement comme quelque chose d’esthétique, de contemplatif. D’intellectuel, presque. Comme on dit en Italie, chaque saison donne ses fruits…