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Anges Gaiens, livre 1: La Toile de l'Eveil
Anges Gaiens, livre 1: La Toile de l'Eveil
Anges Gaiens, livre 1: La Toile de l'Eveil
Livre électronique517 pages11 heures

Anges Gaiens, livre 1: La Toile de l'Eveil

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À propos de ce livre électronique

Nous scrutons les étoiles à la recherche de visiteurs, mais s’ils étaient déjà parmi nous ?
S’ils attendaient simplement de s’éveiller ?
Et si... vous en faisiez partie ?

Arcadia quitte sa Cité Sylvestre idyllique pour rejoindre sur Terre l'équipe d'éclaireurs chargée de secourir l'humanité, menacée d’extinction. Elle s’incarne alors dans la peau de l'auteur, qui passe notre société au crible de son regard décalé. Or cette lutte spirituelle à travers le temps et les dimensions a des répercussions inattendues...
Qui tire vraiment les ficelles ?
Peut-être les Akashas, ces entités angéliques, mais quel est leur véritable but ?
L’humanité survivra-t-elle ? La Conscience risque-t-elle de disparaître... ou de ne jamais voir le jour ?

Cette "enquête initiatique" repousse les frontières de la réalité, jusqu’à fusionner le fantastique et l’histoire vraie !
Plus qu'une mise en garde sur l'avenir stérile que se construit le genre humain, le Cycle des Anges Gaïens est une réponse originale à l'éternelle question : quel est le sens de l'existence ?

Ce premier livre peut se lire indépendamment de la trilogie. Existe aussi en version papier.

LangueFrançais
ÉditeurIom Kosta
Date de sortie28 juin 2013
ISBN9781301898299
Anges Gaiens, livre 1: La Toile de l'Eveil
Auteur

Iom Kosta

Tel l'Alchimiste, j'ai finalement déterré le trésor enfoui dans mon propre jardin.Après avoir exploré différents médiums artistiques, j'ai donc décidé de revenir à l'écriture, ma première passion, qui reste le moyen le plus simple de transmettre un message.Car il ne s'agit pour moi que de cela : transmettre un message.Si je soigne la forme, c'est pour valoriser le fond. Je ne me définirais pas comme un écrivain, mais plutôt comme un médiateur chargé d'une requête urgente :« Éveillez-vous ! Il est minuit moins une. »

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    Aperçu du livre

    Anges Gaiens, livre 1 - Iom Kosta

    Anges Gaïens, livre 1 : La Toile de l’Éveil

    by Iom Kosta

    Smashwords Edition

    Copyright 2011 Iom Kosta

    ISBN 9781301898299 (ePub)

    Smashwords Edition, License Notes

    This eBook is licensed for your personal enjoyment only. This eBook may not be resold or given away to other people.

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    Droits d’auteur

    Tous droits réservés - Iom Kosta 2011

    Cet eBook est réservé pour votre usage personnel. Cet eBook ne peut être revendu ou donné à d’autres personnes. Merci de respecter le travail de l'auteur.

    Table des matières

    Le Cycle des Anges Gaïens

    Préface

    Prologue

    Episode 1 : Semaille

    Chapitre 1 - Départ pour les Enfers

    Chapitre 2 - Entremonde

    Chapitre 3 - Dessein biotique

    Chapitre 4 - Si t’es d’or

    Chapitre 5 - Le paradoxe incarné

    Chapitre 6 - Des illusions

    Episode 2 : Germination

    Chapitre 7 - La liane des Esprits

    Chapitre 8 - Considérations

    Chapitre 9 - La fin des cycles

    Chapitre 10 - Le bruit du bang

    Chapitre 11 - Des équilibres

    Chapitre 12 - Au commencement des étoiles

    Episode 3 : Pousse

    Chapitre 13 - Chaîne élémentaire

    Chapitre 14 - Le Médiateur

    Chapitre 15 - La planète des Sages

    Chapitre 16 - Tel est guidé

    Chapitre 17 - Comme un poison dans l’eau

    Chapitre 18 - Baptême de l’air

    Épilogue

    Fin

    Postface

    Index des références

    Mentions légales

    Le Cycle des Anges Gaïens :

    Livre 1 - La Toile de l’Éveil

    1 : Semaille

    2 : Germination

    3 : Pousse

    Livre 2 - La Voix des Guerriers

    4 : Prolifération

    5 : Bourgeonnement

    6 : Floraison

    Livre 3 - La Lumière des Guides

    7 : Mûrissement

    8 : Récolte

    9 : Semailles

    Tous les livres,

    au format papier ou numérique :

    www.anges-gaiens.com

    Rejoignez les Anges Gaïens :

    www.facebook.com/anges.gaiens

    IOM KOSTA

    La Toile de l’Éveil

    *

    Le Cycle des Anges Gaïens

    Livre 1

    À l’ensemble des Tisseurs,

    aux générations de spiders.

    Merci d’avoir patiemment filé la toile

    qu’il nous appartient de tendre.

    À toi,

    qui m’as reconstruit

    quand j’étais en miettes,

    qui m’as donné la force

    de me coucher sur le papier.

    Nous avons tous une place réservée,

    alors ne précipitons pas le départ.

    Car si je m’en étais allé avec ce train,

    nous ne nous serions pas rencontrés

    et je n’aurais jamais su ce que je perdais...

    « Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle.

    Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don »

    Albert Einstein

    Préface

    Vous êtes-vous jamais senti différent(e) ?

    Oui certainement, mais à quel point l’êtes-vous vraiment ?

    Peut-être tout simplement n'êtes-vous pas d'ici ?

    Seulement voilà : je ne vous parle pas d'un autre milieu, d'une autre culture, d’un autre pays, ni même d'un autre continent : je vous parle d'un autre monde !

    Le simple fait que la curiosité vous amène à parcourir ces lignes suggère que vos préoccupations dépassent le simple stade matériel. Vous voulez comprendre, ou peut-être tout simplement vous souvenir de ce que vous savez déjà en votre for intérieur.

    Et si vous ne lisiez pas ce texte par hasard ? Si c’était lui qui vous avait trouvé ?

    Peut-être êtes-vous un Éveillé, ou êtes-vous en passe de le devenir ?

    Le cas échéant peut-être en avez-vous déjà rencontré, peut-être ont-ils déjà croisé votre chemin ?

    Cet artiste dont l’inspiration semble venir d’ailleurs, cet ami que vous avez du mal à comprendre, votre propre enfant dont l'avenir vous préoccupe, tellement il refuse de s'adapter au système qu'on lui impose… et s'ils s’étaient incarnés sur Terre dans le but de transmettre un message, pour nous montrer une autre façon d’agir, de nous comporter ? S’ils étaient venus nous apprendre que la voie que nous empruntons n’est pas le seul chemin possible, et certainement pas le meilleur ?

    Voici l’histoire de l’un d’entre eux, mon histoire, telle que je l’ai vécue, et telle que je l’ai rêvée. Voici l’histoire d’un indigo dingo, rendu malade par ce monde aliéné. Voici l’histoire d’un fou ou d’un sage… à vous d’en décider.

    Prologue

    Je me suis trompé.

    J’ai froid. Je suis transi. Je suis blessé. Je suis épuisé. Je vais mourir ici.

    Il n’y a rien de plus en cette vie que la cruelle matérialité. Il était vain de croire.

    Je voulais tant savoir… me voilà fixé.

    Je m’enroule sur moi-même pour essayer de contenir la dernière once de chaleur qui parcourt mon corps, celle qui me maintient en vie. Mais je suis vidé. Je ne tiendrai plus longtemps.

    Si je reste immobile, je crois que mes membres vont geler. Cela fait déjà longtemps que mes orteils sont insensibles. Pourtant je n’ai même plus la force de trembler.

    Je hurle à la lune, encore une fois, mais même les chiens ne me répondent plus. La forêt se referme sur moi et me lacère en silence sous ses griffes de glace.

    Il n’y a plus d’espoir. Je suis allé jusqu’au bout, et j’ai échoué.

    Il n’y a pas d’Esprits, pas de quête, pas de signes.

    Il n’y a jamais eu de messages, de paradoxes temporels, d’Êtres interdimensionnels et omniscients pour me guider. S’il y en a jamais eu, ils m’ont abandonné. Les voix qui résonnaient dans mon crâne se sont tues. Les coïncidences qui m’ont mené jusqu’ici n’étaient finalement que le fruit du hasard.

    Peu importe. Si la vie est vaine, je la quitte sans regret.

    C’est quand même dommage. J’ai tant voulu y croire. J’ai tout misé sur cette révélation.

    Je suis allé plus loin que je ne m’en serais jamais cru capable pour découvrir la Vérité, mais je dois me rendre à l’évidence : tout cela n’a servi à rien. Le destin s’est joué de moi. J’ai été abusé par mes sens. Je vais mourir ici.

    Personne ne sera sauvé. Ni moi, ni personne. Car les humains sont livrés à eux-mêmes. Et livrés à eux-mêmes, ils ne sont capables que du pire.

    Pourtant… ce qui m’est arrivé, toutes ces choses incroyables… pour finir ici ?

    Non, je ne veux pas le croire. Ce n’est pas la fin. Pas encore. Je n’en ai pas terminé.

    Alors c’est votre dernier mot ? Voici donc la sentence ?

    La réponse à cette éternelle question : l’existence a-t-elle un sens ?

    Si mon rôle sur cette Terre n’est pas accompli, alors vous n’avez plus d’autre choix… il vous faut produire ce miracle que j’ai recherché jusqu’à l’agonie !

    1 - Semaille

    I - Départ pour les Enfers

    Vint le temps où les humains, ayant assimilé la science plus vite que la sagesse, allaient commettre l’irréparable.

    Alors des multitudes d’Anges se coupèrent les ailes et descendirent parmi eux pour les guider sur un autre chemin.

    On les appela les Émissaires de la Conscience.

    Mais privés de leurs ailes, ces Anges étaient condamnés à marcher…

    Transcrit de la Mémoire Akashique

    par Arcadia de la Cité Sylvestre

    Le crépuscule s’annonçait.

    L’Astre du Jour déclinait lentement, irisant le ciel d’un magnifique dégradé d’ocres et de mauves. Les oiseaux cessaient peu à peu de chanter, laissant place au silence de la nuit. Comme par magie, une musique épurée et intemporelle monta de l’obscurité naissante pour prendre leur suite.

    Le son provenait d’une flûte de pan dans laquelle soufflait une jeune fille à la peau brune et aux yeux noirs, très belle, assise au bord d’une rivière, sous une cascade. La mélodie de l’instrument se mêlait au coulis de l’eau et aux chants des derniers oiseaux avec une harmonie irréelle. On ressentait en l’écoutant une admiration profonde devant la beauté du couchant, teintée d’une mélancolie qui évoquait un adieu, comme si la jeune fille rendait un dernier hommage à ce lieu qu’elle aimait tant avant de le quitter pour toujours.

    Des lucioles voletaient autour de son visage, surgies de la verdure environnante. Les éclairs que lançaient ces bestioles au rythme de la musique se reflétaient sur le crâne rasé de la musicienne, coiffure minimaliste qui n’altérait en rien sa beauté et qu’elle arborait depuis une dizaine de jours, depuis qu’elle avait définitivement pris sa décision. Depuis qu’elle avait choisi la Voie du Guerrier.

    Elle était vêtue d’une tunique de lin immaculée et ne portait pas le moindre collier, ni bracelet. Ce dépouillement symbolique avait pour but de préparer son entourage à son départ imminent, tous comprenant ainsi au premier regard qu’elle allait bientôt quitter ce monde pour les Terres Infernales. Sur ses pommettes, un trait de peinture vertical surmonté d’un trait horizontal tracés à l’argile rouge montraient qu’elle arrivait à un carrefour de l’existence et qu’elle prenait le sentier de la guerre.

    Le Grand Départ.

    Sur son front un troisième œil peint à l’argile verte, centre de trois branches évoquant une flamme, indiquait que ses intentions étaient pacifiques, que la guerre serait spirituelle et qu’elle venait avec le noble but d’apporter aux humains l’étincelle de la Conscience et non pour les soumettre d’une quelconque manière.

    Les lucioles ondulaient en suivant les harmoniques de sa flûte, improvisant un fabuleux ballet aérien, comme si, complices des pensées de la jeune fille, elles communiaient avec elle dans un spectacle improvisé de son et de lumière tamisée.

    Le clapotis de la cascade participait lui aussi à la cérémonie intime et magique d’autant plus qu’il semblait amplifier à mesure que la nuit tombait. L’Astre de la Nuit venait se refléter dans l’eau scintillante, qui conservait ainsi une transparence immatérielle dans l’obscurité. Des vapeurs translucides s’élevaient du sol et baignaient la scène de senteurs d’humus aux effluves évanescentes.

    La jeune fille, centre de ce tableau onirique, paraissait habituée à ce que la nature lui rende ainsi hommage, puisque cet hommage était réciproque. En fait, ces spectacles idylliques étaient courants en Aden.

    Une autre musique s’éleva doucement du haut de la cascade et joignit son chant à celui de la jeune fille, les deux sons se mélangeant pour en suggérer un troisième, né des vibrations conjuguées des deux premiers. Puis les deux musiciens improvisèrent une sorte de question/réponse, l’un entamant une phrase musicale qu’il laissait en suspens et que l’autre achevait.

    Ils continuèrent ainsi un long moment, comme s’ils conversaient à travers les notes, les silences et les harmoniques mieux qu’avec des mots. Pendant un instant tous deux se turent, laissant le clapotis de l’eau emplir tout l’espace sonore. Puis ils reprirent le même thème simultanément, et les deux instruments en simulèrent de nouveau un troisième né de leurs vibrations conjuguées.

    Alors le mystérieux musicien juché au sommet de la cascade se jeta dans la rivière en émettant dans sa chute une distorsion de notes suraiguës. Il creva la surface en éclaboussant la jeune fille qui resta assise sans ciller, esquissant seulement un sourire qui illumina l’ovale de son visage. Le musicien émergea de l’eau en riant. Il s’approcha d’elle, et l’embrassa.

    Ils restèrent ainsi un temps, unis comme un seul corps, puis se séparèrent doucement, comme à regret. Ils se regardèrent longuement, plongeant leurs yeux dans les abîmes sans fond de leurs pensées…

    Le garçon était coiffé d’une façon plus élaborée : des motifs, dessinés par ses cheveux taillés à différentes longueurs, donnaient l’illusion que son crâne était orné d’un tatouage tribal représentant une sorte de labyrinthe, et des tresses africaines jaillissaient du sommet de sa tête.

    Ses traits étaient métissés à tel point qu’il était impossible de dire si le type dominant était plutôt africain, asiatique ou caucasien : les yeux bleus légèrement étirés en amande, les pommettes hautes, les lèvres pleines, le nez droit, la peau dorée. Contrairement à sa compagne, il portait des boucles d’oreilles et de nombreux bijoux, notamment des colliers de pierres translucides.

    — Je vois ta tristesse, même si tu ne la laisses pas paraître, lui souffla-t-elle.

    — Et que vois-tu d’autre ?

    — Je perçois ton respect pour ma décision, même si elle te peine, répondit-elle. J’entends que tu comprends la nécessité de mon départ. J’aperçois l’avenir qui nous réunit de nouveau, en d’autres temps et d’autres lieux. Je perçois ton soutien. Je sais que si tu ne me l’accordais pas, je serais incapable de seulement envisager ce que je m’apprête à faire. Je crois en toi, tu seras mon Gardien, le meilleur que je puisse avoir.

    Ils parlaient une langue mystérieuse aux accents incroyablement mélodiques, surgie d’un rêve du fond des âges. Les mots vibraient de tout leur sens quand ils les prononçaient et s’adressaient directement à la psyché de l’interlocuteur.

    Le jeune homme sourit mais son visage se fit plus ferme quand il répondit :

    — Je ferai tout pour te protéger. Nous ferons tous de notre mieux, tu le sais. Mais la Terre Infernale est un endroit périlleux pour toutes les âmes. Tu manqueras d’amour et de reconnaissance, tu seras incomprise et enviée, jalousée et maudite. Les humains ont peu de pitié, et le peu qu’ils ont, ils se le gardent. Ils prennent plaisir à voir et à faire souffrir les autres. Ils sont aveuglés par la peur. Tu seras tellement affectée par leur manque de bon sens, leur égoïsme et leur mauvaise volonté que tu finiras par penser comme eux. Tu perdras ta synchronicité et ton empathie. Tu souhaiteras n’être jamais venue au monde. Tu oublieras jusqu’à ton nom.

    Elle s’était éloignée doucement pendant qu’il lui lançait cet avertissement, et à présent elle longeait le bord de la rivière, effleurant des plantes de la main sans jamais les toucher, comme si elle ressentait leur aura dans l’air. Et en réalité, c’était exactement ce qu’elle faisait.

    Elle répondit tout en caressant à distance une plante grasse, formée d’une rosette de feuilles vertes surmontée de fleurs présentant un dégradé rouge et jaune :

    — J‘envisage ce voyage depuis très longtemps. J’ai conscience de tout cela. Je m’y suis préparée. J’ai été entraînée. Et je me sens prête. Il ne faut pas t’inquiéter.

    — Aucun entraînement ne peut nous garantir que tout ira bien là-bas, mais j’ai confiance en toi et en tes talents. Ce que j’ai dit devait être dit. Je n’aurais pas pu te laisser partir sans l’avoir formulé à voix haute. Mais pas un mot aux Anciens, n’est-ce pas ? Je ne veux pas qu’ils sachent à quel point j’ai une piètre opinion des humains…

    — Azulàn, tu sais bien qu’ils le savent de toute façon, se moqua-t-elle en éclatant de rire. Masquer tes pensées n’est pas ton fort. Ton esprit hurle en ce moment même, et je suis persuadée qu’on t’entend depuis la Cité !

    Il la regarda, rayonnant :

    — Et que crie donc mon esprit en ce moment, chère experte en empathie et en télépathie ?

    Il fit mine de bloquer le flux de ses pensées en pressant ses mains contre ses tempes et en plissant les yeux le plus fort possible. Elle s’amusa de ces gamineries et rit de nouveau, avant de redevenir plus sérieuse.

    — Ton esprit me le dit mais je n’ai pas besoin de lire en lui ! Cela s’entendait dans l’intonation de ta voix à l’instant, je le perçois dans l’air par la discrète odeur des phéromones que tu dégages, je le lis dans ton regard et dans les mouvements de ton corps par rapport au mien, je le vois à la couleur de ton aura qui s’intensifie…

    — Et que lis-tu dans tout cela ? coupa-t-il en se rapprochant doucement d’elle.

    — De tout ton cœur, de tout ton corps et de toute ton âme, tu dis…

    — Oui, je t’aime, Arcadia !

    Ils s’embrassèrent de nouveau pendant un long moment, avec passion. Les lucioles lançaient des arcs électriques autour de leurs visages.

    Une nuée d’oiseaux décolla en chantant des contreforts de la chute d’eau, dessinant dans le ciel une double hélice aux ondulations croisées évoquant une spirale démesurée, en équilibre instable, s’élevant vers l’infini. Ce phénomène attira leurs regards jusqu’à ce que les volatiles se soient dispersés.

    — C’est un présage, souffla Arcadia, songeuse.

    — Je crois aussi, répondit Azulàn, les yeux toujours fixés sur le ciel qui se remplissait d’étoiles, mais je ne suis pas certain de pouvoir l’interpréter. Pourtant ce ballet en apesanteur m’évoque une citation…

    — Laquelle ?

    — « Il n’y a pas de secret à garder l’équilibre, il suffit de sentir les vagues. »¹

    — C’est d’une vérité absolue. Et c’est magnifique. Qui a dit cela ?

    — Un écrivain de la Terre. Je ferai en sorte que tu le lises le moment venu. Si ses livres sont parus, bien sûr. Tu vois, j’ai quand même de l’estime pour la littérature humaine, dit-il en lui adressant un clin d’œil.

    — Ta soif d’érudition est telle que tu passerais ta vie à consulter la Mémoire Akashique si tu le pouvais, répondit-elle en souriant.

    — Mais je préfère de loin ta compagnie…

    Il la saisit par la taille dans un mouvement vif et plongea souplement dans la rivière en l’entraînant avec lui. Leurs visages émergèrent de l’eau en s’embrassant de nouveau, mais cette fois le baiser s’étendit à leurs corps en suspension dans l’eau cristalline, et dura indéfiniment.

    L’aube se levait quand ils repartirent vers la Cité. Ils quittèrent leur lieu de retraite paisible à contrecœur, cheminant rapidement à travers la forêt dense.

    À leur démarche souple, on devinait qu’ils connaissaient la nature vierge depuis leur plus tendre enfance : ils ne cherchaient pas à franchir les obstacles, un sixième sens semblait les pousser à les éviter presque inconsciemment. Ils paraissaient glisser tels des esprits de la forêt, leurs pieds nus effleurant à peine le sol, l’humus frémissant sous leurs pas.

    Si les premiers instants d’éveil de la nature sont magiques sur tous les mondes, la jungle d’Aden semble enchantée quand elle ouvre ses ramures aux premières lueurs.

    Les sens des créatures diurnes entraient doucement en alerte, et des bruissements divers emplissaient l’espace de verdure de toutes parts alors que les premiers rayons de lumière perforaient au hasard le plafond végétal. Des oiseaux-mouches surgissaient parfois des frondaisons, suivant les amants dans leur course pendant quelques instants, puis retournaient butiner une fleur, la fécondant au passage avec le nectar extrait de la précédente.

    Soudain, Arcadia sembla discerner dans les feuillages une silhouette qui n’avait rien d’un colibri : c’était un Être Humain ! Un Être Humain à l’aura éblouissante, qui la fixait de ses yeux pénétrants, comme s’il sondait son âme. Elle ne parvint pas à discerner les traits de l’inconnu, captivée par son regard intense et incompréhensiblement familier.

    Il avait disparu la seconde suivante et elle se demanda si elle ne l’avait pas imaginé. Peut-être était-ce une vision ? Elle pensa que son départ imminent lui apportait son lot de signes et que cette apparition devait en faire partie, même si elle était pour l’instant incapable d’interpréter ce message.

    Puis elle se retourna, et à l’expression troublée d’Azulàn elle comprit qu’il avait également aperçu la silhouette au regard si pénétrant. Une vision collective ? Peu probable.

    Alors l’inconnu était bien réel… Qui pouvait-il être ?

    Elle ne percevait plus d’autre présence que la leur aux alentours.

    Disparu.

    Ils reprirent donc leur course, s’interrogeant sur le phénomène. Le sentiment laissé par l’apparition était perturbant : il s’agissait d’un étranger, pourtant ils avaient eu l’impression de le connaître parfaitement, à l’instant même où il s’était montré.

    Les éléments pour comprendre à quel point la réponse à cette énigme était simple et évidente, si proche et pourtant complètement inaccessible, n’étaient pas encore à leur portée. Ils allongèrent donc leurs foulées et se focalisèrent sur le parcours.

    Ils progressaient en utilisant toujours l’élan du pas précédent, et semblaient ainsi rebondir continuellement. Ils étaient capables, en utilisant cette force d’inertie, de couvrir rapidement de longues distances sans se fatiguer, même après une nuit blanche.

    Ils arrivèrent donc en vue de la Cité Sylvestre avant que l‘Astre du Jour ne soit au zénith. Bien avant de pénétrer son enceinte, ils ressentirent l’agitation qui y régnait, car c’était un jour de Grand Départ, un jour de fête. Mais alors qu’ils traversaient la Cité pour rejoindre le Sanctuaire, les murmures s’amplifièrent à leur passage, leur indiquant qu’un bruit devait courir, dont ils n’avaient pas encore été avertis.

    Tous se retournaient en effet vers Arcadia, la dévisageant avec un profond respect et un grand amour. Elle tâchait de leur accorder à chacun un bref regard en les croisant, hommes, femmes, enfants de tous âges aux tenues bariolées et aux coiffures hétéroclites, mais cela devenait de plus en plus difficile, car la foule se faisait plus dense à mesure qu’ils approchaient du Sanctuaire de l’Arbre de la Boddhi, le Grand Arbre de Vie.

    — À en juger par la façon dont ils te regardent, lui souffla Azulàn, les Anciens ont dû parler.

    — Je le pense aussi. D’après les vibrations que je ressens, il semble que mon souhait ait été entendu…

    — Tu vas bientôt être fixée, Maître Alsim vient à notre rencontre.

    En effet, un homme âgé, au corps noueux mais souple, fermement campé sur ses jambes, avançait vers eux d’un pas énergique. Il souriait quand il déclara d’une voix forte, pour que chacun puisse entendre :

    — Arcadia, mon enfant, tu es la dernière à l’apprendre. La joie nous a incités à partager la nouvelle alors que tu séjournais encore dans ta retraite. Nous avons rendu visite aux Akashas, et c’est un très grand honneur qui t’est fait. Sache que ton vœu va être exaucé. Tu pars pour la Terre Infernale, en pleine période Apocalyptique ! Tu assisteras à la création du réseau de l’infosphère ! Tu participeras aux Inframondes Galactiques et Universels ! Tu vivras la Transition.

    Tandis que la foule poussait des exclamations, il baissa la voix et s’adressa à elle sur le ton de la confidence :

    — Ton Éveil sera facilité par tes prédécesseurs qui ont patiemment tissé la toile qui vous permettra d’agir et les humains éveillés qui ont disposé les jalons permettant de mener à bien l’Éveil Planétaire. Tu seras toi aussi une pionnière, les renforts arriveront seulement au cours des décennies suivantes. Vous serez donc peu nombreux dans les premiers temps, mais nous veillerons sur toi. Garde à l’esprit que même si tu descends sur Terre à l’époque où la plupart d’entre nous ferons de même, il aura fallu nombre d’Émissaires pour façonner l’Histoire et amener l’humanité à ce degré de connaissance, afin de la sortir autant que possible de la barbarie. Mais le résultat est encore très loin d’être satisfaisant, malgré tous nos efforts.

    « Sois vigilante. C’est l’âge le plus dangereux pour les humains : ils viennent d’acquérir la technologie mais la sagesse leur est étrangère. La loi qui les gouverne est celle du profit personnel immédiat. Bien qu’ils aient appris à exploiter les pouvoirs de l’atome, ils n’envisagent jamais les conséquences de leurs actes au-delà de deux générations. Tu as cependant la chance d’intervenir à la période-clé, l’aboutissement d’un travail de fond mené sans relâche pour amener une espèce primitive à la Conscience. Sois-en digne. Tu es peut-être celle qui fera la différence, la plume qui fera pencher la balance de l’autre côté, la goutte d’eau qui fera déborder l’océan, celle qui fera des humains… des Êtres Humains ! »

    Arcadia était émerveillée. Ainsi elle allait devenir un élément-clé du Plan de la Conscience Universelle. Elle partait pour un voyage à l’époque-charnière de l’Histoire terrestre ! Elle était peut-être Celle Qu’On Attend, même si elle ne voulait pas laisser cette idée l’effleurer, son humilité étant bien trop développée pour lui permettre un tel sentiment de vanité. Cependant elle devait admettre que c’était une possibilité, une sur des milliards…

    La responsabilité qui lui incombait lui parut soudain écrasante. Elle avait été choisie pour intervenir à un point extrêmement délicat du développement d’une civilisation, et des générations entières des siens, ceux que l’on appelait les Tisseurs, avaient travaillé sans relâche dans l’ombre et parfois dans la souffrance pour préparer cette intervention. Pensait-elle pouvoir faire mieux ? Était-elle tout simplement à la hauteur ?

    Elle se sentit soudain honteuse d’avoir eu cette ambition de descendre sur Terre dans les Temps Apocalyptiques. C’était comme si elle arrivait pour s’installer dans un palais que d’autres avaient passé toute leur vie à bâtir, tout en sachant pertinemment qu’ils ne pourraient jamais y résider.

    Puis elle relativisa en se rappelant qu’un très grand nombre des siens allaient descendre la rejoindre pour participer à l’Éveil. C’était le moment de l’Histoire terrestre qui nécessitait le plus d’Émissaires de la Conscience. Sans quoi il n’y aurait plus de Terre. Son envoi à cette période était donc une conséquence logique du Plan de l’Évolution… Mais faire partie des précurseurs de l’Apocalypse était quand même un grand honneur, et la réalisation de son vœu le plus cher : devenir actrice de l’Éveil Terrestre.

    Elle avait regardé passer toutes ses pensées avec détachement, comme le passager d’un avion contemple les nuages qui défilent au-dessous. Elle savait maîtriser ses émotions par un état semi-méditatif constant, même en pleine action, et en réalité les sentiments qui venaient de l’envahir tour à tour, y compris le doute et la honte, n’avaient fait qu’effleurer sa sérénité pour ne laisser que de la joie en elle. La joie de faire don de soi pour quelque chose de noble, d’ineffable et d’infini.

    Tels étaient les habitants d’Aden : leur plus grande satisfaction résidait dans ce qu’ils pouvaient apporter aux autres, sans attendre de retour. Comme ils pensaient tous ainsi, ce retour venait d’ailleurs naturellement, parfois d’une autre personne que celle à qui on avait apporté quelque chose, parfois de la vie elle-même. Parfois il ne venait pas, mais les Adéniens n’en étaient pas affectés car ils ne considéraient pas le retour comme un dû, mais comme un hypothétique cadeau que finirait immanquablement par leur faire un jour le Karma, dans cette existence ou dans une autre, parfois sous une forme surprenante.

    Arcadia était donc heureuse d’être un rouage de la grande mécanique universelle. Elle allait certes voyager vers une période-clé, mais elle n’était pas pour autant plus importante que ses prédécesseurs. On lui confiait simplement une tâche particulière à accomplir, ni plus noble ni plus vile que la leur. Elle avait depuis longtemps appris que chacun avait un rôle à jouer dans le grand opéra cosmique, et que chaque rôle était important.

    La diversité est indispensable : la tête semble supérieure car elle commande aux pieds, mais sans eux le corps ne pourrait pas se déplacer. Et si les pieds sont meurtris par manque d’attention, ils renvoient des messages nerveux si agressifs que la douleur empêche toute concentration, et la tête n’est alors plus bonne à rien. Tout doit fonctionner en interaction et en harmonie. Chacun doit faire sa part, ce pour quoi il croit être doué.

    Une cellule doit même savoir mourir quand l’organisme le lui demande, car cette mort permet à ce dernier d’en fabriquer de nouvelles pour se régénérer. Si la cellule résiste et veut vivre à tout prix aux dépens de l’organisme qui l’héberge, elle va générer un cancer qui au final rongera les cellules saines, puis le corps entier.

    Il était temps pour Arcadia d’accomplir son devoir de cellule, selon ce que sa conscience lui commandait. Pour elle, il ne s’agissait pas d’un sacrifice. Personne ne lui avait demandé de partir pour les Enfers. Chacun était libre en Aden. Certains comme Azulàn pensaient même que les humains étaient irrécupérables, et elle respectait cette conviction. Mais elle ne la partageait pas. Peut-être qu’on ne pouvait rien faire pour eux… mais elle devait essayer. C’était son but dans l’existence.

    Son empathie était trop développée pour qu’elle puisse laisser les humains se fourvoyer et s’autodétruire, elle ne pouvait plus se contenter de les regarder s’enliser dans leur monde infernal. Elle devait agir. Et elle allait en avoir la possibilité, au-delà de ses espérances. Elle était comblée.

    La foule se rassembla au Sanctuaire de la Boddhi. Au milieu de nombreux temples, dont les formes géométriques variées permettaient de canaliser différents courants de forces telluriques, se dressait un arbre millénaire gigantesque. Ses racines démesurées émergeaient de la terre comme les tentacules d’un mythique Léviathan, son tronc était d’un diamètre si imposant qu’il fallait plus d’un millier de personnes pour l’entourer en se tenant par les mains, et son sommet invisible se perdait dans les cieux.

    L’Arbre de la Boddhi. Le Grand Arbre de Vie. L’Axe du Monde. Le Cosmos vivant. Un lien entre les dimensions de l’Univers. Une source inépuisable de la Mémoire Akashique. Un moyen privilégié d’atteindre l’Unité originelle et de voyager entre les mondes.

    Toute la population de la Cité Sylvestre était réunie au Sanctuaire pour assister au Grand Départ. Arcadia connaissait chacun d’entre eux, au moins de vue. Avec Azulàn, ils avaient grandi à la Cité Sylvestre et ils avaient eu l’occasion de croiser chacun de ses nombreux habitants à plusieurs reprises durant leur existence.

    Pourtant, alors que des convives s’affairaient encore aux ultimes préparatifs tandis que d’autres entamaient les festivités ou commençaient à exécuter des danses rituelles, ils remarquèrent un très jeune couple qui semblait les observer, et qu’ils n’avaient jamais vu auparavant. Ou plutôt si. Ils avaient en fait croisé l’un des deux inconnus très récemment : le garçon. C’était lui l’apparition dans la forêt, quelques heures plus tôt !

    Le vénérable Alsim, qui intercepta leur jeu de regards, semblait amusé quand il demanda justement à ce jeune couple de le rejoindre, pour le présenter à Azulàn et Arcadia. Les deux inconnus s’avancèrent. Ils n’étaient vraiment pas vieux, ils pouvaient avoir seize ans tout au plus.

    Maître Alsim désigna les nouveaux-venus et prit la parole, un sourire en coin :

    — Voici Arkadiel et Azùla. Ils ont effectué un très long voyage : ils sont venus spécialement de la Cité Maritime pour faire partie de tes Gardiens, Arcadia. Leur présence nous honore.

    Le garçon appelé Arkadiel était bien celui aperçu dans la forêt. Il avait la peau très mate, mais ses cheveux ébouriffés étaient étrangement blonds, presque blancs, et ses yeux verts. De nombreux colliers et bracelets de coquillages, en plus des pierres traditionnelles des habitants d’Aden, attestaient qu’il était originaire de la côte.

    Son amie Azùla avait également le teint hâlé et portait elle aussi des coquillages. Elle était de type eurasien mais ses yeux étaient d’un bleu limpide, presque cyan, et ses cheveux châtain. Leurs auras étaient resplendissantes. Mais, plus extraordinaire, la fille leur semblait également familière alors qu’ils la voyaient elle aussi pour la première fois. Et ces noms qui ressemblaient tellement aux leurs… Arkadiel et Azùla… étaient-ils des parents éloignés ?

    Pourtant ni Arcadia ni Azulàn n’avaient à leur connaissance de parents originaires de la Cité-sœur de la côte. Pourquoi ces Fils de l’Eau étaient-ils venus de si loin pour assister Arcadia qu’ils ne connaissaient même pas ? Le voyage depuis la Cité Maritime avait dû leur prendre au moins deux cycles de l’Astre de la Nuit. Qui étaient ces deux jeunes gens ? Quel était leur but ?

    Azulàn prit la parole :

    — Au nom de tous les habitants de la Cité des Arbres je vous souhaite la bienvenue, Enfants de l’Eau. Je me nomme Azulàn et voici mon amie Arcadia. J’ai la troublante impression de vous connaître, bien que je ne parvienne pas à me l’expliquer… Cette similitude entre nos noms apparaît également comme une coïncidence bien étrange. Aurions-nous un lien de parenté, nous connaissons-nous ?

    — Érudit Azulàn, répondit la jeune fille nommée Azùla en imitant les mimiques de son interlocuteur, nous te remercions pour ton accueil, mais la véritable question serait plutôt : te connais-tu toi-même ?

    — Ta répartie est clairement empreinte de sagesse, mais je dois admettre que je ne saisis pas sa pertinence pour l’instant. Je m’emploierai à méditer sur ton énigme.

    — Disons simplement que nous, nous vous connaissons, intervint le dénommé Arkadiel, l’apparition de la forêt. Cela répond-t-il à ta question, Fils de l’Arbre ?

    — Je crois que je vais devoir me contenter de ces demi-révélations pour l’instant, jeune sage. Néanmoins selon Maître Alsim vous êtes venus jusqu’ici pour assister Arcadia en tant que Gardiens. Vous complèterez donc l’équipe de quatre avec le vénérable Alsim et moi. Alsim étant vétéran et moi-même novice dans cette expérience, je pensais que nous aurions besoin de Gardiens plus expérimentés. Arcadia est mon amie vous comprenez, et je veux la meilleure équipe possible pour prendre soin d’elle. Je ne mets pas en doute vos capacités, vous paraissez tous deux extrêmement qualifiés, mais justement votre très jeune âge…

    — Azulàn, intervint Maître Alsim, je te certifie qu’avec ces jeunes gens pour nous assister, Arcadia ne pourra pas être en de meilleures mains ! Cela, je puis te l’assurer, ajouta-t-il en retenant un fou-rire.

    — Oui Maître, répondit Azulàn sans faire cas de l’espièglerie coutumière d’Alsim.

    Il se tourna de nouveau vers les étrangers :

    — Je vous prie de m’excuser, je sais pourtant qu’on ne doit pas juger un livre à sa couverture…

    — Je suis ravie que vous soyez là pour me soutenir, déclara alors Arcadia. Merci d’avoir fait ce long voyage depuis la Mer pour assister à mon départ. Je vous suis très reconnaissante à tous les deux. Je crois en vos pouvoirs. S’il suffisait de prendre de l’âge pour acquérir de la sagesse, Alsim en serait le premier informé, ajouta-t-elle d’un air innocent.

    Le vieux Sage la gratifia d’une grimace simiesque, elle lui tira la langue, et tous éclatèrent de rire.

    Le reste de la journée passa très vite. Un repas de fête avait été préparé et disposé sur une sorte de buffet. Chacun venait se servir de temps à autre puis participait à diverses activités : quelques-uns se peignaient le corps avec des pigments d’un bleu profond, certains dansaient au son de la musique harmonique jouée par d’autres, les enfants couraient ou méditaient.

    De nombreux groupes de discussion se formaient, se désagrégeaient, puis se recomposaient avec d’autres participants. On exécutait des acrobaties pour amuser l’assemblée. Toutes sortes d’activités étaient pratiquées, et la plupart s’improvisaient spontanément. Chacun semblait faire ce qui lui plaisait, et tous paraissaient très heureux.

    Quand la nuit commença à tomber, on alluma des feux de camp et les danses rituelles s’intensifièrent, alors que la musique jouée laissait davantage la place aux percussions et moins à la mélodie. Les participants semblaient vouloir entrer en transe en agitant spasmodiquement leur corps au rythme des tambours et des vibrations graves et envoûtantes produites par de longs tubes de bois creux rappelant les didgeridoos² des Aborigènes australiens. Les danseurs sautaient au-dessus du feu en poussant des cris joyeux et traversaient les flammes qui défiaient les premières étoiles.

    Arcadia et les autres voyageurs étaient très sollicités : chacun voulait leur apporter sa bénédiction avant le Départ, leur donner un conseil, les encourager, leur dire qu’il les rejoindrait bientôt, ou tout simplement leur souhaiter bonne chance. Azulàn et Arcadia réussirent finalement à s’isoler une dernière fois. Ils se regardèrent longuement, s’embrassèrent intensément et parlèrent peu.

    — Tu es certaine de vouloir partir ?

    — Plus que jamais.

    — Si quelque chose de grave devait t’arriver, je viendrai te rejoindre.

    — Tu ne dois pas faire cela, Azulàn !

    — Tu vas me manquer…

    — Je sais… À moi aussi tu vas me manquer. Mais nous sommes liés, nous nous reverrons.

    — Tu peux y compter.

    — … et puis à présent, je sais que je ne quitte pas vraiment cet endroit… je peux partir tranquille !

    — Que veux-tu dire exactement ?

    — Tu n’as pas encore compris ? Ah, ces intellectuels… Tu verras, la réponse viendra en temps utile. Au fond de toi tu la connais déjà, mais le soleil de ta raison t’empêche de voir la lueur de la bougie que tu tiens dans ta main…

    — Toi aussi maintenant tu parles par énigmes ?

    — C’est mon cadeau d’adieu, Azulàn. Je t’aime.

    — Je t’aime aussi. Fais attention à toi.

    — Toi aussi, fais attention à moi, dit-elle avec un sourire mutin.

    Il lui rendit son sourire. Mais au fond de lui son cœur se serra.

    Alors que la nuit avançait, tous les Êtres Humains réunis en ce lieu semblaient entrer dans une sorte d’état second. Leurs yeux paraissaient leur révéler des phénomènes qui seraient restés invisibles au commun des mortels. Ils abandonnèrent leurs activités et se rassemblèrent tranquillement autour de l’Arbre de la Boddhi en émettant un « Om » profond évoquant les chants de gorge diphoniques des moines tibétains : les sons de basse qu’ils émettaient entraient en résonnance les uns avec les autres et provoquaient une vibration incroyable qui semblait monter des entrailles de la terre depuis les racines du Grand Arbre pour s’élever jusqu’aux cieux.

    Tous les animaux nocturnes, intrigués par ce grondement sourd, se taisaient et venaient assister à cette cérémonie étrange : une foule innombrable entourait l’arbre gigantesque et venait le toucher pour s’harmoniser avec la fréquence vibratoire, en émettant des sons graves amplifiés par les temples disposés aux alentours. En effet la position de ces constructions de pierres dans l’espace, ainsi que leur architecture, faisaient résonner le bruit par une réverbération naturelle, comme l’aurait fait une arène de l’antiquité romaine.

    Le sol se mit à résonner lui aussi, et l’Arbre gigantesque commença à vibrer. Tous pouvaient le sentir car ils le touchaient du plat de la main droite, la main du don en ce qui concerne les flux d’énergie. Tous les habitants de la Cité Sylvestre transmettaient par cette apposition leur fluide à l’Arbre, qui devenait un canal intensément vivant les reliant tous entre eux, au ciel et à

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