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Anges Gaiens, livre 2: La Voix des Guerriers
Anges Gaiens, livre 2: La Voix des Guerriers
Anges Gaiens, livre 2: La Voix des Guerriers
Livre électronique506 pages10 heures

Anges Gaiens, livre 2: La Voix des Guerriers

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À propos de ce livre électronique

Nous scrutons les étoiles à la recherche de visiteurs, mais s’ils étaient déjà parmi nous ?
S’ils attendaient simplement de s’éveiller ?
Et si... vous en faisiez partie ?

La guerre fait rage en Aden. Les Êtres Humains doivent redoubler d’astuce, mais comment combattre l’oppresseur quand on s’interdit de donner la mort ? Ils pourraient bien succomber à leurs faiblesses...
Geb remonte alors vers la Source, nous dévoilant les Hautes Sphères, royaume des Akashas... ainsi que de leur propre divinité.
Toujours en quête de l’âme d’Arcadia, Azulàn se réincarne quant à lui au fil d’une Histoire terrestre alternative, explorant des pans méconnus du passé de l’humanité qui éclairent son devenir.
Et de nos jours, Guillaume se trouve confronté à la violence passive de l’écrasante machine psychiatrique, dont les rouages menacent de le broyer. Alors même que s’amoncellent les nuages de l’Apocalypse !
Tout Guerrier de la Lumière doit un jour franchir la vallée de l’ombre...

Cette "enquête initiatique" repousse les frontières de la réalité, jusqu’à fusionner le fantastique et l’histoire vraie !
Plus qu'une mise en garde sur l'avenir stérile que se construit le genre humain, le Cycle des Anges Gaïens est une réponse originale à l'éternelle question : quel est le sens de l'existence ?

Le deuxième livre du Cycle des Anges Gaïens vous emmène deux fois plus loin que le premier, sur tous les plans.
Davantage d'action, de suspense, de mystères et de révélations...
Si vous avez aimé le Livre 1, vous adorerez le Livre 2 !

LangueFrançais
ÉditeurIom Kosta
Date de sortie1 juil. 2013
ISBN9781301956395
Anges Gaiens, livre 2: La Voix des Guerriers
Auteur

Iom Kosta

Tel l'Alchimiste, j'ai finalement déterré le trésor enfoui dans mon propre jardin.Après avoir exploré différents médiums artistiques, j'ai donc décidé de revenir à l'écriture, ma première passion, qui reste le moyen le plus simple de transmettre un message.Car il ne s'agit pour moi que de cela : transmettre un message.Si je soigne la forme, c'est pour valoriser le fond. Je ne me définirais pas comme un écrivain, mais plutôt comme un médiateur chargé d'une requête urgente :« Éveillez-vous ! Il est minuit moins une. »

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    Aperçu du livre

    Anges Gaiens, livre 2 - Iom Kosta

    Livre 1 - La Toile de l’Éveil

    1 : Semaille

    2 : Germination

    3 : Pousse

    Livre 2 - La Voix des Guerriers

    4 : Prolifération

    5 : Bourgeonnement

    6 : Floraison

    Livre 3 - La Lumière des Guides

    (Titre provisoire – à paraître)

    7 : Mûrissement

    8 : Récolte

    9 : Semailles

    Tous les livres,

    au format papier ou numérique :

    www.anges-gaiens.com

    Rejoignez les Anges Gaïens :

    www.facebook.com/anges.gaiens

    À ceux qui ont choisi la voie

    du guerrier pacifique,

    à la génération indigo.

    Gare au double tranchant de l’âme

    quand se déchire le voile,

    car l’Apocalypse, c’est nous.

    Aux prisonniers

    des couloirs de l’oubli,

    puissent vos âmes

    retrouver le chemin de la liberté.

    Ils peuvent enfermer nos corps,

    mais ils n’auront jamais notre esprit.

    À toi petite sœur, authentique guerrière.

    Pardon de t’avoir mis dans cette situation.

    « Quiconque prétend s'ériger en juge de la vérité et du savoir s'expose à périr sous les éclats de rire des dieux puisque nous ignorons comment sont réellement les choses et que nous n'en connaissons que la représentation que nous en faisons. »

    Albert Einstein

    « L’erreur ne devient pas vérité

    parce qu’elle se propage et se multiplie ;

    la vérité ne devient pas erreur

    parce que nul ne la voit. »

    Gandhi

    Préface

    Vous êtes-vous jamais senti différent(e) ?

    Oui certainement, mais à quel point l’êtes-vous vraiment ?

    Peut-être tout simplement n'êtes-vous pas d'ici ?

    Seulement voilà : je ne vous parle pas d'un autre milieu, d'une autre culture, d’un autre pays, ni même d'un autre continent : je vous parle d'un autre monde !

    Le simple fait que la curiosité vous amène à parcourir ces lignes suggère que vos préoccupations dépassent le simple stade matériel. Vous voulez comprendre, ou peut-être tout simplement vous souvenir de ce que vous savez déjà en votre for intérieur.

    Et si vous ne lisiez pas ce texte par hasard ? Si c’était lui qui vous avait trouvé ?

    Peut-être êtes-vous un Éveillé, ou êtes-vous en passe de le devenir ?

    Le cas échéant peut-être en avez-vous déjà rencontré, peut-être ont-ils déjà croisé votre chemin ?

    Cet artiste dont l’inspiration semble venir d’ailleurs, cet ami que vous avez du mal à comprendre, votre propre enfant dont l'avenir vous préoccupe, tellement il refuse de s'adapter au système qu'on lui impose… et s'ils s’étaient incarnés sur Terre dans le but de transmettre un message, pour nous montrer une autre façon d’agir, de nous comporter ? S’ils étaient venus nous apprendre que la voie que nous empruntons n’est pas le seul chemin possible, et certainement pas le meilleur ?

    Voici l’histoire de l’un d’entre eux, mon histoire, telle que je l’ai vécue, et telle que je l’ai rêvée. Voici l’histoire d’un indigo dingo, rendu malade par ce monde aliéné. Voici l’histoire d’un fou ou d’un sage… à vous d’en décider.

    Prologue

    Noir.

    Le soleil est noir.

    Telle est sa vraie couleur, je le sais à présent.

    Mes yeux me brûlent.

    Ils ne pleurent plus, asséchés par les faisceaux de feu.

    Je sens ma cornée se calciner sous la convergence des rayons mais je continue de fixer l’Astre du Jour, tout à ma transe chamanique, en exécutant frénétiquement une danse du feu extatique.

    Je ne dois pas détourner le regard.

    Il est midi, pourtant le rideau de la nuit tombe. Devant mes seuls yeux.

    L’éclipse totale, pour un seul homme.

    L’éclipse : cet instant magique au croisement des polarités, quand se superposent l’ombre et la lumière, le féminin et le masculin, le yin et le yang.

    Peut-on vraiment invoquer l’état androgyne de la connaissance universelle ?

    Je veux comprendre. Je veux savoir. Je veux oublier. Je veux me souvenir. Je veux être ébloui. Alors je regarde la vérité en face, en pleine lumière, quitte à finir aveugle. En cet instant, je suis prêt à payer ce prix : la cécité contre le savoir.

    Mes orbites ne sont plus que deux braises scintillant sous la morsure flamboyante. Je souffre, pourtant mes pupilles restent braquées vers le tison de la torture comme des morceaux de graisse fondue soudés à une grille de cuisson.

    Le feu qui s’engouffre par ces portes béantes vient directement frapper mon cerveau, me procurant une sensation de plénitude absolue. Je touche l’infinie lumière, je mords dans ce fruit acide pour y découvrir le noyau de l’ombre.

    Le sort d’Icare : voilà ce qui attend ceux qui s’approchent trop du soleil.

    Mais peu importe la chute. Je veux crever ces yeux salis de tout ce qu’ils ont pu voir, je vais purifier par le feu la corruption dont ils ont été témoins, je viens les offrir sur l’autel du sacrifice pour me racheter d’avoir contemplé la folie des hommes sans avoir su m’y opposer.

    La chute m’attend, au fond du précipice de ma propre folie. Tel est le sort de ceux qui ont voulu approcher les dieux. Mais auparavant j’aurais vu… la part d’ombre du soleil.

    Le voile se lève sur la nature des ténèbres : ils se cachent en pleine lumière.

    Alors que je perds la vue tout en forçant mes yeux à s’ouvrir, je comprends enfin le sens de cette phrase, qui m’appelait comme une révélation : « l’Apocalypse, c’est toi. »

    Je danse de plus belle, criant et riant malgré mes yeux brulés.

    Car voici venir… mon Apocalypse !

    4 - Prolifération

    I - Ficher le camp

    Nous avons toujours redouté l’inconnu.

    C’est ce que nous ne comprenons pas qui nous effraie le plus, alors on le détruit avant d’apprendre à le connaître, pour ne plus être inquiété par le mystère.

    Transcrit de la Mémoire Akashique

    par Azùla de la Cité Maritime

    La nuit était tombée sur Aden. Une nuit de nouvelle lune, sans la moindre étoile, d’une obscurité totale. Une nuit parfaite… pour passer à l’action.

    Quatre ombres furtives rampaient vers le campement humain, dissimulées par les hautes herbes. Ces silhouettes appartenaient aux quatre Adéniens qui avaient laissé la Cité Maritime loin derrière eux pour longer la Mer. Parvenus au point d’accostage des humains ils y avaient retrouvé des embarcations grossièrement dissimulées sous quelques branchages.

    Ils avaient alors obliqué pour traverser la lande puis s’enfoncer dans la forêt en direction des points lumineux aperçus au loin. Mus par un sentiment d’invulnérabilité ou par une négligence affligeante, les assaillants de la Cité Maritime avaient en effet allumé de grands feux qui signalaient leur position à la ronde.

    Le vent côtier, d’ordinaire violent, semblait s’être calmé. Comme s’il était de connivence avec nos amis. Toutefois ces derniers n’avaient pas présumé de leur chance : ils s’étaient enduits de vase, ne laissant aucune parcelle de peau à l’air libre, et ils avaient soigneusement choisi leur angle d’approche de sorte que leur odeur ne les trahisse pas.

    Ils semblaient avoir émergé du règne minéral, curieuses roches friables se déplaçant tels d’antiques lézards approchant furtivement leur proie afin de l’observer fixement, statues parfaites, avant de bondir.

    Ils contournèrent le grand feu autour duquel la plupart des humains s’étaient rassemblés, festoyant bruyamment, pour se diriger vers leur objectif : l’enclos des prisonniers Adéniens.

    Les captifs étaient entassés par grappes dans des cages insalubres.

    Des excréments jonchaient le sol aux alentours, répandant leur pestilence dans l’air nauséabond. Arkadiel et Azùla pensèrent d’abord que les prisonniers n’avaient pas d’autre choix que de se soulager sur place, mais Ezéquiel leur apprit d’une pensée concise que les détenus essayaient autant que possible d’enterrer leurs propres déjections. Ceux qui souillaient ainsi le sol étaient en fait les humains, qui, pour incommoder et humilier les Adéniens, utilisaient les buissons entourant la prison comme latrines.

    Seuls les plus vigoureux des habitants de la Cité Maritime avaient survécu, ainsi que les plus aptes à contrôler leur métabolisme, mais tous avaient à présent le même air maladif. Leurs os saillaient sous la peau, et si ces Adéniens n’avaient pas été rompus au jeûne intensif, tous seraient probablement déjà morts. Seule semblait les maintenir en vie cette étincelle dans le regard, cette infime braise qui à elle seule réchauffait et animait encore les cadavres ambulants que leurs corps étaient devenus.

    Le spectacle était difficilement supportable, mais nos amis avaient découvert bien pire quelques jours plus tôt : ils avaient retrouvés la quasi-totalité des habitants de la Cité Maritime empoisonnés, le crâne ouvert. Les rares survivants de ce massacre étaient les malheureux qu’ils apercevaient à la lueur des torches, ainsi qu’Ezéquiel, celui qui les avait rejoints pour mener l’assaut sur ce campement humain dont il était parvenu à s’échapper.

    —  Pourquoi les humains les gardent-ils en vie ? demanda Arkadiel par télépathie, afin de ne pas trahir leur présence. Ne meurent-ils pas d’envie de leur ouvrir le crâne pour dévorer leurs épiphyses ?

    — Ils sont intrigués, répondit Ezéquiel sur le même mode. Ils se demandent comment nous avons pu survivre au poison qu’ils avaient répandu dans le réseau d’eau potable de la Cité Maritime. Alors ils étudient notre résistance à différentes toxines.

    — C’est pourquoi aucun des prisonniers n’a répondu à mon appel de détresse, lorsque nous étions emmurés dans le temple sous-marin, remarqua Geb en fronçant les sourcils. Ils étaient bien trop affaiblis et leurs organismes trop corrompus pour pouvoir utiliser la voix de l’esprit.

    Si Arkadiel, Azùla et Ezéquiel correspondaient à l’image qu’ils donnaient d’un couple d’une vingtaine d’années et d’un homme dans la force de l’âge, il ne fallait pas se fier aux apparences en ce qui concernait Gabriel, que l’on appelait plus communément Geb.

    Ce curieux personnage avait en effet l’apparence d’un enfant, mais il n’en était pas moins le Père de la Mémoire de la Cité Sylvestre. Vieux de plusieurs siècles, c’était, de très loin, le plus expérimenté et le plus sage du petit groupe.

    — Certains d’entre nous ont perçu ton appel mais il était très diffus, comme l’écho d’un écho, expliqua Ezéquiel. Comme nous ne parvenions pas à réunir les ressources suffisantes pour répondre, nous avons décidé de venir à votre rencontre. J’ai été choisi car j’étais alors le plus vif ; les autres m’ont aidé à m’échapper.

    — Je savais que ne t’avions pas croisé par hasard dans les ruelles désertes de la Cité Maritime, conclut Azùla en essayant d’esquisser un sourire.

    Ils s’immobilisèrent soudain, retenant leur respiration et mettant fin à leur bavardage télépathique dans un réflexe superflu : deux gardes venaient d’apparaître, traînant un prisonnier vers l’enclos. Les humains étaient incapables de percevoir les conversations mentales et ce mutisme cérébral était inutile, mais nos amis focalisaient à présent toute leur attention sur la scène qui se jouait devant eux.

    Les deux hommes jetèrent le corps du malheureux à terre, le harcelant de questions :

    — Comment fais-tu ? Comment peux-tu encore respirer ?

    — Réponds, saleté d’angelure ! Nous épargnerons ce qui te reste de vie si tu nous apprends.

    — Je ne pourrais pas vous enseigner cela, même si ma vie en dépendait… ce qui d’ailleurs semble être le cas, protesta l’Adénien.

    — Et pourquoi ? Nous crois-tu si stupides ?

    — Ce n’est pas que vous ne comprendriez pas, c’est que vous ne pourriez pas y parvenir.

    — Nous sommes plus forts que vous. Si votre corps peut résister, le nôtre aussi.

    — Vous vous trompez. Cette force nous vient de l’esprit. Et vos esprits sont faibles, car ils sont contaminés par la peur et consumés par la haine.

    — Assez ! lança l’un des hommes en lui décochant un violent coup de pied dans la mâchoire. Surveille tes paroles, ou tu ne pourras plus rien articuler !

    Les tortionnaires ouvrirent la porte d’une cage et y attachèrent leur captif, l’abandonnant au seuil de l’inconscience.

    Azùla avait eu du mal à se contenir durant cet échange. Si elle n’avait pas risqué de mettre en péril leur plan d’évasion et la vie de ses compagnons en agissant impulsivement, elle serait probablement intervenue.

    Geb s’en était rendu compte et il avait répandu des ondes apaisantes, l’exhortant à attendre l’instant propice pour agir, car leur avantage sur les humain ne résidait ni dans le nombre ni dans la force, mais dans la patience et dans l’esprit. La main d’Arkadiel s’était doucement posée sur la sarbacane que la jeune fille venait de porter à ses lèvres, et les doigts d’Azùla s’étaient décrispés, relâchant lentement leur étreinte autour du roseau taillé :

    — Pas encore, Azùla. Il y a d’autres patrouilles humaines aux alentours. Nous devons attendre le moment propice.

    — Ils ne soupçonnent pas notre présence, confirma Ezéquiel. Ils vous croient morts dans le temple inondé. Heureusement qu’ils avaient depuis longtemps quitté la Cité Maritime quand vous y avez incendié le charnier ; je suis le seul à avoir aperçu la colonne de fumée qui m’a guidé jusqu’à vous. Nous avons l’avantage de la surprise, utilisons-le à bon escient… Nous devons commencer par avertir les survivants.

    — Je m’acquitte de cette tâche, signala Geb qui rampait déjà vers l’une des cages. Soyez prêts à me couvrir si je suis repéré.

    Il se faufila vers l’enclos tel un lézard furtif.

    Les arbres se faisaient plus clairsemés à mesure qu’il progressait dans la clairière, et les derniers pas qui le séparaient du groupe d’Adéniens le plus proche l’exposeraient complètement à la vue d’une patrouille. Il attendit donc patiemment qu’une ronde passe, puis une autre, et quand il eut estimé l’intervalle de temps entre deux patrouilles il se risqua à ramper vers la cage.

    Il s’apprêtait à signaler sa présence aux prisonniers quand un rire se fit entendre, puis des pas lourds, irréguliers : un humain approchait.

    Geb se figea, espérant sans doute que l’obscurité et son camouflage de boue le dissimuleraient assez longtemps pour permettre à ses compagnons de neutraliser l’adversaire. L’homme s’approchait dangereusement, et vint se planter juste devant lui.

    Il était débusqué, immanquablement.

    Dissimulés dans les fourrés, Azùla, Arkadiel et Ezéquiel allaient intervenir, s’apprêtant à entamer un concerto pour sarbacane, quand Geb les arrêta d’une émission télépathique :

    — Attendez ! Ne bougez pas !

    — Qu’est ce qui te prend ? demanda Arkadiel. Nous devons intervenir avant que cet humain ne donne l’alarme… Tu es repéré !

    — Non, écoute ! intervint Ezéquiel.

    L’homme s’était mis à siffler.

    Mais pas du sifflement strident qui permet d’appeler de l’aide ; il s’agissait plutôt d’un sifflotement, comme s’il fredonnait un air. Puis le son fut peu à peu recouvert par le bruit d’un jet liquide, et ils comprirent que l’homme qui se découpait à contre-jour de la lueur des torches… était en fait venu uriner !

    Geb restait tapi dans l’ombre, complètement immobile. Son odorat sensible avait détecté l’odeur de l’alcool, et l’humain titubait : il était ivre. C’est sans doute l’unique raison pour laquelle il ne vit pas le Père de la Mémoire.

    Quand l’homme eut fini, il se tourna vers la cage en émettant quelques borborygmes incompréhensibles, mais Geb saisit l’idée générale : il pissait sur les Adéniens. L’ivrogne repartit ensuite vers le feu de camp principal en chancelant.

    Geb attendit que l’intrus ait disparu pour empoigner sa sarbacane et souffler un projectile en direction du prisonnier le plus proche. L’Adénien touché se retourna, scrutant l’obscurité, se demandant d’où pouvait provenir ce caillou qui avait heurté son épaule. Il croisa le regard de Geb, et le fixa intensément.

    Envoyer le Père de la Mémoire en éclaireur se révélait judicieux : non seulement sa petite taille lui permettait de se dissimuler facilement, mais surtout il était le plus habile dans le domaine de la transmission de pensées. Les prisonniers voyaient en effet leurs facultés diminuées par la fatigue et l’empoisonnement, et la seule solution pour parvenir à un échange télépathique clair dans ces conditions était le lien direct, la croisée des regards.

    À moindre degré, cette technique permettait aux Émissaires envoyés en mission sur Terre de se reconnaître : un Éveillé savait, en fixant les gens droit dans les yeux, retrouver les siens. En Aden on n’avait jamais eu besoin de procéder ainsi jusqu’à maintenant, puisque tous les habitants de ce paradis vierge étaient des Éveillés. Mais à présent que de simples humains avaient ressurgi de l’oubli pour se venger des Êtres Humains, cette méthode d’identification se révélait utile.

    Le prisonnier comprit donc que Geb était son allié dès que leurs regards se croisèrent. Cependant ils n’étaient pas des Émissaires incarnés sur Terre et amputés de leur mémoire ; ils étaient des Adéniens pleinement conscients de leur potentiel, et il savait que cet échange pouvait lui apporter bien plus. Il ouvrit donc son esprit à l’écoute et, malgré les interférences engendrées par l’insalubrité sanitaire, ils parvinrent à communiquer par le pont virtuel ainsi formé entre leurs pupilles.

    Le contact ne dura pas plus de quelques instants, mais cela suffit pour cristalliser un complexe partage de données.

    L’utilisation de mots n’est en effet qu’une façon très limitée d’utiliser la télépathie, généralement destinée à ceux qui ne sont pas accoutumés à ce mode de communication et à qui la transmission conceptuelle directe donne le vertige. Ce n’est qu’une vulgarisation, adaptée aux capacités de ceux dont l’esprit est encore limité par le besoin de tout désigner.

    Le langage façonne le cerveau, c’est pourquoi les enfants ont davantage de facilités à apprendre une langue étrangère que les adultes. Passé un certain âge il devient difficile de se détacher de cette première approche, qui structure irrémédiablement le mode de pensée, pour s’ouvrir à d’autres dimensions linguistiques. Et plus encore de parvenir à faire abstraction de ces étiquettes que l’on a collées sur les choses, et qui cloisonnent insidieusement le raisonnement à notre insu.

    Cela donne lieu sur Terre à des stéréotypes culturels saisissants, entre les idéogrammes asiatiques et l’alphabet occidental par exemple : les premiers forment une pensée symbolique imagée, quand le second structure une logique de classification sémantique qui tend plus à catégoriser les éléments qu’à les réunir. On pourrait presque comparer ces parties opposées du globe aux deux hémisphères du cerveau humain : l’un préférant imaginer et le second quantifier.¹

    Même les Akashas, ces Êtres immatériels qui ne s’exprimaient que par concepts, devaient parfois se résoudre à s’adresser à un sub-esprit dans le langage qui lui était le plus intelligible, quitte à perdre grandement en nuances, en particulier lorsqu’ils exerçaient une influence médiumnique sur les Terriens.

    Or les Adéniens savaient jongler avec les images-pensées. Dès leur plus jeune âge ils s’essayaient à la télépathie et la plupart d’entre eux la maîtrisaient comme une seconde langue, une langue qui permettait de se passer des mots pour communiquer directement des idées, des sensations, des souvenirs et des projections complexes.

    Dans ce langage direct le mensonge n’existait pas, les choses n’avaient pas de noms mais une substance, elles n’étaient pas classifiées par catégories mais par analogies, et le raisonnement n’était limité ni par le temps ni par le vocabulaire. C’était un partage direct, une connexion instantanée, une communion des esprits.

    Geb parvint même à transmettre de l’énergie au prisonnier par le magnétisme de son regard, lui donnant la force nécessaire en vue du plan qu’il préparait. L’Adénien lui signifia qu’il avait bien compris le plan et lui exprima sa reconnaissance, puis l’air de rien il s’en retourna vers ses congénères.

    Quand s’annonça la patrouille suivante Geb avait disparu, sa mission accomplie. Le plan allait maintenant circuler parmi les prisonniers le long d’une chaîne destinée à briser celles qui les entravaient. La mèche était allumée, et se consumait pour amener le feu aux poudres. Plus rien ne pouvait empêcher l’explosion.

    — Prise de contact réussie, annonça Geb en retournant auprès de ses compagnons.

    — Bravo Maître, la phase deux peut commencer, se réjouit Arkadiel en puisant des ustensiles dans sa sacoche pour les distribuer à ses amis. Attention, le mélange est extrêmement concentré !

    — Les sachets sont prêts, signala Azùla. Nous n’avons plus qu’à attendre que la plupart des humains soient ivres ou endormis.

    — Nous y avons plutôt intérêt, nous ne sommes que quatre et eux plus d’une centaine ; et ils ne sont pas tendres, vous pouvez me croire, avertit Ezéquiel. Je vais en profiter pour préparer la cache.

    — Ne vous inquiétez pas, nous avons l’avantage d’une ombre, plaisanta Geb. Vous les avez entendus ? Ils veulent à tout prix savoir comment nous résistons aux poisons. La théorie c’est très bien, mais je crois que rien ne vaut une bonne démonstration pratique…

    **

    Les flammes se reflétaient dans les yeux rougis de Tarok, le chef des humains.

    Ces yeux qui réclamaient vengeance, il les tenait de son père. C’était son héritage.

    Le vieux lui avait maintes fois parlé des Adéniens lors des veillées, auprès de feux aussi grands que celui-ci. Il lui avait raconté ces Êtres Humains si supérieurs, qui avaient autrefois accueilli en leur communauté ses aïeux, les ancêtres de son clan, et les avaient méprisés, les jugeant indignes de leur paradis, refusant de partager avec eux leur savoir. Alors les fiers humains étaient partis.

    Ils avaient pris le large et beaucoup des leurs avaient péri au cours de la traversée. Ils avaient fini par débarquer sur une terre vierge où le gibier était abondant, mais hostile. Ils avaient dû s’endurcir, encore et encore, pour parvenir à prospérer dans cet enfer sauvage. Tarok eut une pensée pour sa mère dévorée par un fauve lors d’une battue, mais il ne voulait pas la pleurer : elle avait été faible.

    Son vieux lui répétait : « un jour Tarok, nous serons assez nombreux. Nous pourrons revenir anéantir les Adéniens, reconquérir ces terres accueillantes et notre héritage ». Mais à la mort de son père, Tarok n’avait plus voulu attendre. De toute façon, il ne pouvait plus repousser l’échéance ; leur île ne parvenait plus à tous les nourrir.

    Enfant, il avait suivi l'enseignement du sorcier et il avait appris à lire, à déchiffrer les glyphes utilisés par les Adéniens. Ce savoir avait été transmis de génération en génération, et Tarok savait que pour espérer venir à bout d'un ennemi, il fallait d'abord le connaître. Il avait donc appris tout ce qu'il pouvait sur les anciennes légendes.

    Grâce à ces connaissances, il avait exhumé du temple englouti le poison qui lui avait permis de prendre la Cité Maritime sans perdre un seul de ses hommes. Il avait appris la vérité cachée sur ce paradis qu’était Aden et qui leur revenait de droit, le droit de propriété. Mais surtout il avait découvert un ultime secret, qui dépassait ses espérances les plus folles : il connaissait à présent le summum de l'Art Obscur, la destination de la Voie du Sang.

    Le sorcier lui avait enseigné le pouvoir du Sang, riche enseignement. Il lui avait appris quelles capacités il pouvait retirer de chaque organe d'un être vivant, comment aspirer la force vitale, comment sucer la moelle de son adversaire par le rituel du sacrifice. Pourtant même le vieux maître de l’Art Obscur ignorait comment s'approprier les pouvoirs spirituels des Adéniens.

    Lui, Tarok, connaissait à présent ce secret.

    La source de l'ultime pouvoir ne résidait ni dans les yeux, ni dans le foie, ni dans les organes reproducteurs, ni même dans le cœur. Ce trésor n'était pas apparent ; il était caché, dissimulé au sein de la boîte crânienne. Il prenait la forme d'une petite glande évoquant une pomme minuscule, logée derrière le front. C'était le troisième œil des Êtres Humains.

    Pourquoi travailler sur soi-même, essayer de développer ses capacités, alors qu'il suffisait de se servir sur ceux qui les possédaient déjà ?

    Tarok sentait sa force croître depuis qu'il avait commencé à absorber les glandes pinéales des Adéniens. Le monde lui apparaissait sous un nouveau jour.

    Il avait défié le scribe Gardien du temple englouti. Il lui avait demandé comment son Karma, auquel les Êtres Humains accordaient tant d'importance, avait pu le mener dans les bras de son bourreau. Le Gardien n'avait pas su répondre. Alors Tarok lui avait ouvert le crâne. Il en avait extirpé la précieuse pépite organique de la glaise gélatineuse de la cervelle, et il avait dévoré son épiphyse.

    Tarok avait amorcé sa transformation. Il s'était aussitôt senti différent, plus alerte. Son instinct animal avait rugi de plaisir, lui en demandant plus. Il avait récupéré les glandes pinéales sur les cerveaux des cadavres après avoir anéanti la Cité Maritime. Il avait alors assouvi ce besoin, ne partageant son butin qu'avec ses plus fidèles lieutenants.

    Les Êtres Humains ne leur étaient pas supérieurs.

    Ses aïeux avaient développé un sentiment d'infériorité issu de ces légendes qui attribuaient à leurs ennemis de nombreux pouvoirs, comme celui de se comprendre sans se parler. Son vieux et le sorcier l'avaient mis en garde contre leurs capacités surnaturelles. Pourtant, malgré leurs dons si particuliers, les Adéniens étaient faibles. Le scribe avait à peine essayé de se défendre, et les habitants de la Cité Maritime s'étaient regroupés dans le grand temple pour y mourir, sans même combattre.

    Seuls quelques-uns s'étaient battus. Mais pas contre les humains, non : contre le poison.

    Ils avaient réussi à se maintenir en vie ; contre toute logique, ils avaient résisté au poison mortel.

    Tarok devait apprendre leur secret, mais les prisonniers ne lui révélaient rien de concret ; ils essayaient sans doute de gagner du temps. Il était pourtant vital de comprendre d'où leur venait ce pouvoir avant de s'attaquer aux autres Cités. Les renforts arrivaient au compte-goutte à travers l’océan, et ses troupes étaient encore inférieures en nombre. Or depuis l’attaque de la Cité Maritime elles ne disposaient plus de l'effet de surprise, comme l'attestait la présence de ces intrus que Goriath avait emmurés dans le temple englouti.

    Le regard du chef humain s'égarait dans les flammes. Il imaginait déjà ces langues de feu pourléchant l’Arbre Millénaire de la Cité Sylvestre. Il entendait le crépitement des huttes arboricoles rongées par les cendres. Il sentait le goût du sang mêlé à l'odeur des excréments jaillissants des tripes éventrées ; le doux parfum de la vengeance.

    Il eut alors une inspiration qui lui coupa le souffle : il fallait exécuter les prisonniers !

    Il avait compliqué la situation, alors que la solution était évidente, depuis le départ. Il avait voulu forcer les captifs à parler. Il les avait soumis à de multiples tests, éprouvant leur résistance à de nombreuses substances toxiques. Et s'ils étaient tous mal-en-point, aucun n’avait encore succombé.

    Mais pourquoi demander quand il suffisait de prendre ?

    Il se reprocha de ne pas y avoir pensé plus tôt. Il avait voulu cerner le problème au lieu de l'attaquer de front. Cela l'inquiéta quelque peu et le ravit à la fois : peut-être commençait-il à penser comme un Être Humain.

    Il se tourna vers son premier lieutenant :

    — Prépare tes gars, Goriath mon goret. Nous allons égorger de l’ange.

    — Enfin ! Je me demandais quand tu allais te décider. Tu prendras l’aile ou la cuisse ?

    — Je me contenterai de la tête.

    — On peut savoir ce qui t’a fait changer d'avis ? demanda son bras droit en s'enfilant une rasade d’ambroisie. Redouterais-tu une attaque ?

    — Non, répondit Tarok en explosant d'un rire sonore. Les Adéniens ne sont que des cueilleurs, alors que nous sommes des chasseurs. Mais leur plus grande faiblesse, c'est d'aller à l'encontre de leur nature animale. Ces raclures se prennent pour des anges. Ces « angelures » croient qu'elles peuvent survivre sans donner la mort. Elles refusent de tuer d’autres créatures vivantes, même s'il s'agit d'ennemis mortels ; nous n'avons rien à craindre d'une confrontation directe.

    — Quoi alors ? Tu en as assez de les nourrir ?

    — Pour ce qu'on leur donne… Non, je sais comment percer le secret de leur immunité au poison, et je vais leur arracher la réponse !

    — En les tuant ? Dis voir ? protesta Goriath en dévisageant son chef d'un air soupçonneux.

    — En gobant leur troisième œil de mutants.

    — Ça ne nous a pas aidés pour l'instant…

    — Réfléchis, si les glandes que nous avons mangées ne nous ont rien appris là-dessus, c'est justement parce que leurs propriétaires sont morts à cause de l'empoisonnement ! Il nous faut manger celle des survivants, de ceux qui sont capables de contrer le poison. C'est ainsi que nous pourrons comprendre d'où leur vient cette résistance, et l'acquérir à notre tour !

    Goriath contempla son chef comme s'il s'était agi d'une divinité :

    — C’est foutrement intelligent. Quand veux-tu exécuter le rituel ?

    — Je n'aurai pas la patience d'attendre jusqu'au matin. Prenons un groupe d'hommes et allons amputer le camp de ces angelures sans plus tarder !

    **

    Uriel sentait de nouveau la vie couler en lui. L’énergie que Geb lui avait transmise réchauffait son corps, le ramenant à la Conscience et à la Vie. Elle lui avait rendu les forces dont il était vidé, et il allait en avoir besoin.

    Il essaya de détendre les liens qui entravaient ses poignets, mais il ne parvint qu'à resserrer davantage l’étau des lanières contondantes. Il réussit toutefois à agripper l’avant-bras de son compagnon le plus proche et lui transféra l’énergie de Geb, pour qu’il la fasse à son tour circuler parmi les prisonniers.

    Les humains avaient une fâcheuse tendance à aspirer la force vitale des autres pour se l'approprier. Si ce comportement vampirique était évident chez Tarok et les siens, puisqu'ils suçaient littéralement jusqu'à la moelle de leurs victimes, il en allait de même pour tous les humains.

    Chez les Terriens ce vol d'énergie prenait une forme plus subtile et souvent il s'effectuait de manière inconsciente, en reproduisant le mécanisme qui avait le mieux fonctionné au cours de l'enfance. Celui-ci consistait immanquablement à attirer l'attention, soit d'une façon tyrannique, en intimidant les autres, soit par des méthodes plus subtiles d'interrogation, d’indifférence, ou à défaut de victimisation. Chaque Terrien développait son propre mode de vol d'énergie et l'adaptait à son entourage en utilisant une de ces méthodes ou en les combinant.

    Or, si les humains aspiraient la force vitale des autres pour se l’approprier, les Êtres Humains fonctionnaient différemment. Ceux-ci avaient au contraire la capacité, par une émulation permanente, un jeu de miroir entre leurs Consciences, de se renvoyer cette énergie pour en augmenter la puissance. Aucun d'entre eux n'essayait de se l'approprier, ils la laissaient au contraire circuler librement et s'enrichir au contact de chacun.

    Les Adéniens n'essayaient jamais d’accaparer l'attention, ni de dominer. Quand l'un d'entre eux prenait la parole, il était respectueusement écouté, encouragé et soutenu. Les interventions des autres avaient pour but d'enrichir son raisonnement ou de le remettre en question pour l’améliorer, mais jamais de le démolir. L'image renvoyée par le groupe était donc toujours positive. Le meilleur de chacun était mis en valeur, et ce qui ne l’était pas, encouragé à le devenir. Personne n’essayait jamais de garder pour lui l'énergie, mais s'efforçait au contraire de la transmettre en l'enrichissant, pour le bien du groupe comme de l'individu.

    Plutôt que de pratiquer la guerre du feu² pour s’accaparer des étincelles de vie comme le faisaient les humains depuis la Nuit des Temps, les Êtres Humains soufflaient ensemble sur les braises jusqu'à obtenir une flamme. Parce qu'ils savaient que l'énergie ne s’enferme pas mais circule librement, qu’elle n’est pas la propriété d’un individu mais du Tout auquel elle finit toujours par revenir, que si elle est volée elle finit par s’éteindre, alors qu’elle se renforce par le partage, quand la communauté toute entière attise son foyer et la catalyse.

    Les camarades d’Uriel revenaient à la vie les uns après les autres, se demandant d’où pouvait bien provenir cette extraordinaire force vitale qui circulait à présent parmi eux.

    Ils le pressaient de questions :

    — Combien sont-ils ?

    — Quatre.

    — Seulement quatre ?

    — Ezéquiel est revenu. Avec Arkadiel et Azùla.

    — Les enfants prodigues sont de retour ? s'étonnèrent ses compagnons. Ils n'ont pas choisi le meilleur moment pour rentrer au pays…

    — Qui est le quatrième ?

    — Vous n'allez pas le croire ; le quatrième est le Père de la Mémoire de la Cité Sylvestre.

    — Tu as vu leur Père de la Mémoire ?

    — Gabriel ? Celui que l’on surnomme Geb ?

    — En personne. C'est lui qui m'a averti de leur présence.

    — Bien des bruits courent à son sujet…

    — À quoi ressemble-t-il ?

    — À un enfant. C'est pourtant bien le Père de la Mémoire, je l'ai lu dans ses yeux. Il n'y a aucun doute possible.

    — Alors ce serait vrai ? On dit qu'il a transcendé le temps, qu'il est parvenu à inverser le cours de son vieillissement…

    — Eh bien, il semble que la rumeur soit fondée.

    — On raconte que ce serait un Akasha incarné parmi les Êtres Humains…

    — Je n'en sais rien, il m'a simplement fait part de leur plan.

    — Si le Père de la Mémoire est avec eux, ils peuvent réussir ; il a plusieurs siècles d'expérience.

    — De plus les humains ont relâché leur attention. Il y a tout de même un bon côté à l'attaque de la Cité Maritime : les tonneaux d'alcool qu'ils ont dérobés. Ils n'ont pas l'habitude de boire, et ils sont incapables de le faire avec modération.

    — C'est juste. Ils sont ivres morts pour la moitié d'entre eux. Écoutez-moi attentivement, je vais vous expliquer le plan. Passez-vous le mot.

    Uriel exposa étape par étape le plan d’évasion.

    Il avait presque terminé quand il ressentit une agitation anormale du côté des humains. Quelques instants plus tard, un groupe d'hommes armés de lames tranchantes se dirigeait vers l’enclos. Tarok, le chef des humains, était à leur tête, accompagné de Goriath, son bras droit.

    — Ils savent ? s’inquiéta un Adénien.

    — Non, j’en doute, répliqua Uriel. Gardons notre calme.

    Les soldats encerclèrent les Adéniens et Goriath désigna à ses hommes la cage d’Uriel :

    — Sortez-moi ceux-là. Ils m'ont l'air en meilleure forme que les autres.

    — À tes ordres, Gogo, ricana un humain, qui avait visiblement trop bu, en s’exécutant.

    Ils s'emparèrent des prisonniers et les agenouillèrent devant une souche d'arbre qui ferait office de billot, pendant que le chef psalmodiait des incantations sans doute destinées à ensorceler sa lame pour le sacrifice. Il passa plusieurs fois sa tranchante dans la flamme d’une torche, et se tourna vers ses victimes.

    — Bien, gronda Tarok. Vous m'avez assez fait perdre mon temps. Savez-vous ce qui se passe quand on coupe la tête d'une volaille ? Non, bien sûr, vous n'en savez rien. Vous ne seriez pas foutus d’abattre un misérable volatile, même si vous creviez de faim. Et bien le corps continue à courir, sans la tête. Oh pas longtemps, mais juste assez pour que ce soit drôle. Je me demandais ce qui se passerait si je décapitais un ange… Le corps va-t-il se raidir comme celui d'un homme ou détaler comme celui d'un poulet ? Vous savez quoi ? Si l'un d'entre vous nous divertit en courant à plus de dix pas sans sa tête, j'épargnerai les autres. Qui se dévoue pour essayer de sauver ses camarades ?

    — Je relève ton défi, clama Uriel.

    — Que fais-tu ? lui chuchota son voisin d’infortune. C’est un fou sanguinaire, il va vraiment te trancher le cou !

    — À tous les coups, répondit Uriel sur le même ton, mais nous devons gagner du temps…

    — Fais attention…

    — Je voudrais simplement faire remarquer à l’estimé Tarok, reprit Uriel à voix haute, que ces machettes proviennent de la Cité Maritime, puisque vous n’êtes pas doués pour travailler le métal…

    — J'apprendrai tout ce que je voudrais de la fabrication des armes grâce à vos archives du temple englouti. Si tu penses pouvoir monnayer ta vie avec ce savoir, tu te trompes.

    — Loin de moi cette idée, puissant Tarok, mais séparer la tête d’un Être Humain de son corps peut se révéler fastidieux. C’est autre chose que de sectionner le cou d’une volaille ! Si tu veux me voir courir sans la tête, il faut qu’elle soit tranchée net, d’un coup sec, placé au bon endroit.

    — Dis plutôt que tu crains de souffrir !

    — Certes, je l’avoue… mais ce réflexe de motricité morbide qui t’amuse tant chez les gallinacés provient de leur moelle épinière. Si la mise à mort prend trop de temps le cerveau reptilien ne pourra pas déclencher ces spasmes qui t’amu…

    — Ça va, j'ai compris, coupa Tarok. Je vais trancher net, arrête de gigoter.

    — Nous aussi nous possédons une moelle épinière tu sais, d’ailleurs la tienne est surdéveloppée. Tellement qu’elle semble dominer ton cerveau… En fait tu nous lances un défi que tu relèves toi-même brillamment : comment un décérébré tel que toi peut-il se mouvoir ? De surcroît, avec une telle coordination ? Tu es une énigme de la nature, Tarok !

    — Chef, je crois qu’il se moque de toi, là…

    — Plus pour longtemps, rugit Tarok en élevant sa lame pour l’abattre sur la nuque de l’Adénien téméraire.

    Il y eut alors un bruit infernal, suivi de plusieurs détonations.

    Tarok sentit un dard s’enfoncer au niveau de son cou. Il lâcha sa lame sous l’effet de la surprise pour palper sa jugulaire à la recherche de l’insecte qui l’avait piqué, mais il n’eut pas le loisir de l’inspecter plus longtemps : un essaim d’énormes frelons surgi de nulle part venait de s’abattre sur lui.

    Les monstrueux insectes perforaient sa peau. Des cloques apparaissaient le long de ses bras et de ses cuisses. Il roula à terre sous le feu de la morsure, se grattant frénétiquement, en proie à d’intenses démangeaisons.

    Il entrevoyait à travers ses larmes ses hommes qui le regardaient, incrédules, se demandant ce qui lui arrivait. Comment était-il possible qu’ils ne soient pas eux aussi attaqués par les bestioles ?

    Il vit une épaisse fumée se propager à travers le camp, mais elle ne dispersa pas le nuage d’insectes qui s’acharnaient sur lui. Les frelons n’attaquent jamais de nuit, se dit-il, et il ne s’agit pas de simples moustiques… Il perçut un mouvement de foule chez les prisonniers et il entendit un murmure qui montait : « le signal » !

    Alors il comprit, mais trop tard.

    Il voulut crier pour avertir ses hommes, mais sa langue avait tellement enflé qu’elle restait paralysée, engourdie, plaquée contre son palais. Il ne pouvait que contempler la scène, scrutant l’obscurité à la recherche d’un ennemi invisible. Certains se roulaient déjà à terre à ses côtés, gémissants, en proie à d’intenses convulsions, tandis que le brouillard les recouvrait tous.

    Il vit Uriel, l’Adénien qui l’avait défié, se pencher à ses côtés, s’emparer de la lame du sacrifice, et la brandir entre ses mains liées.

    Tarok crut que sa dernière heure était venue.

    Il essaya de ramper frénétiquement, redoutant de recevoir d’un instant à l’autre le coup mortel, mais l’Être Humain se contenta de sectionner la liane qui entravait ses propres chevilles, et l’empêchait de courir. Uriel se tourna ensuite vers ses congénères pour trancher leurs liens et disparaitre avec eux dans le brouillard, après s’être penché pour murmurer d’une voix lointaine à l’oreille de Tarok :

    — En ce qui te concerne, le secret pour résister au poison, c’est le vaccin. Tout est dans le dosage… Mais si tu veux être certain de ne pas en mourir, il faut avant tout éviter d’y être exposé !

    Le chef humain sentit un filet de sueur glacé lui parcourir l’échine.

    II - L’interne ment

    Si l’on ne peut pas détruire ce qui nous dérange ou ce qui nous effraie, on l’enferme à double tour et on s’efforce d’oublier son existence.

    Transcrit de la Mémoire Akashique

    par Arkadiel

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