« J’ai fait mon petit Jules Verne ! »

Passé par toutes les cases du polar, auréolé du Goncourt pour , consacré par le cinéma, Pierre Lemaitre est peut-être notre meilleur auteur de romans populaires – vous savez, ces livres pleins de personnages marquants qui embarquent le lecteur dès les premières lignes et le laissent heureux et pantelant, 600 pages plus loin, avec l’impression d’avoir traversé un continent ! Est-il en train de se muer en grand auteur populaire et de rejoindre la cour de ses idoles, Zola, Dumas et consorts, quatrième volume de sa traversée romanesque du XX siècle entamée par . Car ce mérite son titre : il nous raconte, entre autres, le destin d’une famille de bourgeois de Beyrouth à l’orée des Trente Glorieuses, le désastre de l’Indochine française, le meurtre d’une actrice soupçonnée d’adultère, un étonnant trafic international de monnaie sur lequel l’État français fermerait les yeux, les mésaventures d’un tueur en série que ses proches appellent « Bouboule », la quête d’un jeune homme pour retrouver son amant légionnaire, un certain âge d’or du journalisme parisien… Pourtant, jamais le roman ne nous perd – au contraire, on bondit d’une narration à l’autre en éprouvant des joies voisines de celles des amateurs de foot lors d’une soirée multiplex, un gros supplément d’âme littéraire en plus. Cela découle de l’écriture de Lemaitre, fluide et souvent drôle, dense mais jamais confuse. Alors, quand il nous assure que ce Grand Monde représente pour lui le livre de la on ne va pas le contredire…