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Meurtres à l'abbaye
Meurtres à l'abbaye
Meurtres à l'abbaye
Livre électronique384 pages10 heures

Meurtres à l'abbaye

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À propos de ce livre électronique

Quand un moine est retrouvé mort au Prieuré de Sainte Emma, le chef de la police, ami du Prieur, insiste pour que l'enquête soit menée par Andy Ross et son équipe. L'affaire s'avère être plus compliquée qu'ils ne avaient imaginé. 

Lorsqu'une deuxième victime est découverte, le corps transpercé par une fourche, Ross doit se rendre à l'évidence: il se voit dans l'obligation de rouvrir un dossier classé non élucidé et de se pencher sur une affaire qui remonte à quelques années.

Mais quand les meurtres se trouvent liés à l'ancienne police secrète est-allemande, la Stasi, Ross comprend que l'enquête sur les meurtres de l'abbaye ne ressemble pas du tout pas à ses enquêtes précédentes...

LangueFrançais
ÉditeurNext Chapter
Date de sortie2 juin 2020
ISBN9781071549773
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    Aperçu du livre

    Meurtres à l'abbaye - Brian L. Porter

    A la mémoire de Leslie et Enid Porter. Papa, Maman, que vous puissiez dormir d’un profond sommeil.

    Prologue

    Abbaye Saint Basile, 1912-1992

    Frère Charles, l’Abbé de l’église Saint Basile, était assis dans son bureau qui n’était guère plus grand qu’un placard à balais, occupé à dresser les états financiers du mois qui venait de s’écouler. Faisant autrefois partie d’un prestigieux ensemble de bâtiments, l’abbaye avait quasiment été détruite au XVIème siècle sous Henry VIII, en application du décret qui ordonnait la dissolution des abbayes. C’est entre autres ainsi qu’il se vengea de l’Eglise catholique romaine et du Pape qui avait refusé le divorce d’avec sa femme, Catherine d’Aragon, celle-ci n’ayant pu lui donner d’héritier mâle. L’Acte de Suprématie adopté en 1534 (bien mal en prit à tout noble anglais qui serait allé contre les ordres du roi), allait être à l’origine de la Réforme et voir la création de l’Eglise anglicane avec à sa tête, le roi en personne. 

    L’abbaye bénédictine autrefois grandiose, comprenait à une certaine époque, une église, un dortoir, un cloître, un réfectoire, une magnifique bibliothèque et même une école où les moines enseignaient quelques rudiments à un groupe d’enfants des environs, uniquement des garçons, il va de soi. Au Moyen-Âge, on considérait que les filles n’avaient pas besoin d’aller à l’école. Leur apprentissage qui pouvait consister à apprendre à lire, à coudre et, pour celles qui avaient la chance de vivre dans des familles aisées, à écrire, se faisait à la maison. Après la dissolution, il ne restait des bâtiments d’origine que la carcasse de l’église et quelques murs en ruine.

    Il aura fallu attendre le XIXème siècle pour que l’église soit rénovée, qu’un nouveau dortoir soit construit et qu’une nouvelle communauté de moines bénédictins, bien que réduite, vienne s’installer à Saint Basile. Elevée sur un terrain vague à quelques miles de la ville moderne de Liverpool, la nouvelle abbaye n’avait rien à voir avec celle d’origine qui ne se situait qu’à une centaine de mètres alors que le bourg (qui devint une ville en 1880) n’avait principalement que des ouvriers agricoles pour habitants.

    C’est ainsi qu’au début du XXème siècle, Saint Basile, en partie reconstruite accueillit à nouveau les enfants du coin pour leur faire classe et les moines qui n’avaient besoin que de peu de choses, vivaient en autarcie essentiellement de la vente de leurs produits, légumes et fruits cultivés dans leurs propres jardins.

    L’église, ouverte à tous, attirait généralement beaucoup de monde et les moines de Saint Basile étaient bien connus dans la banlieue moderne de Grassendale qui devint peu à peu une localité aisée très appréciée des membres fortunés de la population locale pour y faire construire leurs manoirs et leurs imposantes villas.

    Les yeux de frère Charles commençèrent à fatiguer. Il décida finalement qu’il était préférable de continuer à s’occuper des finances à la lumière du jour plutôt que de se pencher sur son bureau à la lumière d’une bougie. A soixante-quinze ans, sa vue n’était plus celle qu’elle était. Il quitta le bois dur de sa chaise droite et se leva pour s’étirer. La pendule sur le mur d’en face indiquait qu’il était presque vingt-et-une heure et qu’il était temps pour lui de ranger papiers et livres pour aller se coucher. Il classa ses registres et ses factures pendant quelques instants encore, prêt à reprendre son travail le lendemain matin. 

    La journée commençait tôt pour Charles et les douze moines de la petite communauté qui vivaient, travaillaient et partageaient leurs vies avec lui au sein de leur petite communauté religieuse. La journée débutait à cinq heures, tous les jours, et c’est pourquoi tous les autres frères de la communauté dormaient déjà dans leurs cellules. Heureux de ne constater aucun problème, Charles se dirigea vers la porte et ressentit soudain une douleur terrible dans sa poitrine suivie d’autres douleurs qui semblaient partir de son cou et s’étendre jusqu’à son bras gauche.

    Charles poussa un cri mais personne ne l’entendit à part Dieu qui s’empressa de rappeler l’âme de son fidèle serviteur. Alors que Frère Charles rendit son dernier soupir et que l’obscurité arriva d’un coup pour couvrir ses derniers instants sur terre, il n’eut pas conscience qu’en tombant et en gesticulant, son bras avait heurté la bougie allumée sur son bureau.

    La petite flamme de la bougie finit par enflammer la pile de factures soigneusement posée sur le bureau. En moins d’une minute, les flammes s’étaient propagées, consumaient tout ce qui était à leur portée et finirent par embraser le corps du fidèle serviteur de Dieu.

    Malheureusement, le dortoir qui était à l’arrière de l’église où dormaient les autres membres de la communauté, était trop loin pour que quelqu’un puisse entendre ou voir l’incendie jusqu’à ce que les flammes, attisées par le vent, ne pénètrent au travers du toit en proie aux flammes. Rapidement, elles se propagèrent jusqu’aux bâtiments adjacents pour bientôt envahir chaque bâtiment qui se trouvait à proximité.

    Quand l’un des frères fut réveillé par le terrible bruit du toit de l’église qui s’effondrait sur lui-même, seul subsistait le petit bâtiment qui abritait l’école, avec le dortoir. La brigade des pompiers du secteur, si on peut appeler cela une brigade, composée essentiellement de pompiers volontaires de la région, était petite et inefficace. Leurs équipements étaient vétustes et ils ne pouvaient rien faire si ce n’est arroser les restes des bâtiments recouverts de cendres dans l’espoir d’empêcher que la moindre étincelle ne propage les flammes aux autres bâtiments.

    Peu de temps après l’incendie, Saint Basile se retrouva dévasté, sinistré et demeura ainsi à l’abandon durant presque un siècle avant que cette abbaye délaissée ne reprenne vie. En 1992, une nouvelle communauté religieuse, le Prieuré de Sainte Emma naquit des cendres tel un phénix, restauré avec une église reconstruite à l’apparence encore plus gothique que la précédente où s’installa une petite communauté mixte de moines et de nonnes, fait inhabituel mais pas nouveau parmi les Bénédictins.

    C’est par un travail acharné mené d’une main de maître par le nouveau Prieur, Frère Gerontius que le prieuré prit rapidement de l’ampleur. Les drames du passé qui hantaient les murs de Saint Basile n’étaient plus que d’anciens souvenirs. Mille ans s’écoulèrent et la petite communauté se développa et fit rapidement partie intégrante de la communauté de Grassendale, une enclave huppée dans la banlieue du Liverpool d’aujourd’hui. Les bonnes œuvres de la communauté des moines et des nonnes qui contribuaient au développement de la communauté religieuse les rendaient populaires auprès de la population locale et du monde extérieur. Le Prieuré de Sainte Emma, que les gens d’ici continuaient d’appeler l’Abbaye par habitude, donnait l’impression d’une communauté en paix avec elle-même et avec le monde. Par conséquent, les événements qui s’y produisirent en 2006 furent d’autant plus difficiles à croire.

    Chapitre 1

    Le Prieuré de Sainte Emma, avril 2005.

    Le printemps était précoce, du moins c’est ce que se disaient les membres de la communauté de Sainte Emma. La première semaine d’avril avait débuté avec une douceur tout à fait inhabituelle pour la saison avec des températures au-dessus de la moyenne pour l’époque.

    Le week-end précédent, les pendules avaient été avancées d’une heure en raison de l’heure d’été du Royaume-Uni. Frère Ignatius et Sœur Paulette profitaient donc des soirées plus claires pour planter des graines de légumes dans le jardin potager. Il y avait tout autour des jonquilles, jaunes pour la plupart mais sur certaines, les bords du pétale étaient d’un blanc inhabituel teinté de rose. Ces bordures décoratives servaient aussi à protéger les jeunes pousses naissantes en les préservant des vents violents qui venaient de la côte. Les tulipes dont Ignatius avaient planté les bulbes trois ans auparavant allaient bientôt remplacer les jonquilles. Elles sortaient de terre chaque année et ainsi le jardin potager gardait en permanence une touche de couleur. A intervalles réguliers se dressaient des rosiers, dénudés pour le moment, mais laissant déjà apparaître quelques boutons qui donneraient des quantités de fleurs magnifiques lorsque le printemps céderait sa place à l’été. Les bordures de fleurs composées de pensées et de violacées aux teintes variées illuminaient de couleurs éclatantes le jardin potager, tiré au cordeau.

    Mais pour l’heure, il fallait s’occuper des choux et des choux-fleurs. Le vieux moine et la nonne, qui était un peu plus jeune que lui, étaient engagés dans une conversation amicale tout en travaillant non sans avoir pris soin de protéger leurs genoux avec des agenouilloirs.

    -  J’aime beaucoup l’idée de planter ces petites graines insignifiantes et de les voir ensuite devenir des plantes adultes en l’espace de quelques mois, pas vous ? demanda Sœur Paulette à son compagnon tout en tapant la terre pour y semer un rang de graines de choux supplémentaire.

    -  Vous avez raison, ma Sœur, répondit Frère Ignatius.  Avant de rentrer dans les ordres, j’étais jardinier de profession et j’ai toujours été fasciné de voir la nature à l’oeuvre.

    - Je me suis toujours demandé si vous aviez des compétences particulières en matière de jardinage, dit la petite nonne qui ne mesurait pas plus d’un mètre cinquante. Vous donnez toujours l’impression de tout savoir sur la meilleure façon de planter et de cultiver les récoltes sur pied.

    - Ce que vous dites me touche, dit-il en ouvrant un autre paquet de graines. Frère Gerontius m’a rapidement nommé responsable du jardin potager dès qu’il a pris connaissance de ma vie passée.

    - Vous lui avez dit que vous étiez jardinier ?

    - Oh non, ma Sœur, je ne me serais pas permis. Il l’a découvert en lisant mon dossier personnel lorsqu’il est arrivé et j’ai accepté cette responsabilité avec plaisir quand il me l’a proposée. Je suis beaucoup plus productif ici, à travailler la terre que je ne pourrais l’être, par exemple, en étant aux fourneaux. Il s’en faudrait de peu pour que celui à qui je prépare un repas équilibré ne finisse empoisonné.

    Tous les deux se mirent à rire.

    -  Mais c’est vrai que Frère Gerontius n’a pas son pareil pour donner à chacun la tâche qui lui convient ici, au prieuré, non ? demanda Paulette.

    - Effectivement, répondit le moine, mais c’est aussi je suppose pour cette raison qu’on l’a nommé responsable des lieux, après tout. Que faisiez-vous avant de prendre le voile, ma Sœur ? Pardon de vous dire cela mais vous êtes très jeune. 

    Paulette sourit et eut même un petit rire en entendant cette remarque.

    - A mon avis, je suis plus vieille que vous ne le pensez, mon Frère, ajouta- t-elle dans un large sourire. En vérité, j’ai vingt-quatre ans mais j’ai toujours fait plus jeune que mon âge. Quoiqu’il en soit, j’ai toujours voulu être nonne mais quand j’ai quitté l’école, on m’a dit qu’il fallait avoir dix-huit ans pour commencer ma formation. Alors, pour être sûre de me rendre utile une fois que j’aurais pris le voile, j’ai suivi des cours d’horticulture à l’université pendant deux ans.

    - Ah, voilà pourquoi vous vous retrouvez ici à planter des graines avec moi, dit Ignatius.

    - Je suppose. Frère Gerontius m’a dit que je pourrais être très utile pour aider aux jardins et, il faut dire ce qui est, j’adore ça. Je me sens proche de la nature et de la création de Dieu sur terre. 

    Ils continuèrent à discuter pendant environ dix minutes encore jusqu’à ce que toutes les graines du plateau de semis d’Ignatius soient plantées. Ignatius leva la tête et vit les derniers rayons de soleil disparaître dans l’horizon lointain. La nuit était tombée et le travail attendrait le lendemain où ils pourraient s’affairer à la préparation du prochain semis.

    -  Il est temps de s’arrêter là pour aujourd’hui, je pense, dit le moine en se relevant, les mains sur les hanches et en étirant les muscles de son dos pour en faire disparaître la raideur.

    Sœur Paulette rassembla les quelques outils de jardinage qu’elle avait et les plaça dans un vieux panier d’osier. Les deux jardiniers prirent le chemin du réfectoire où ils prendraient le repas du soir, avant de prier et de se retirer dans leurs chambres ou plutôt leurs cellules pour la nuit et où ils y resteraient normalement jusqu’au matin.    

    Le prieuré correspondait en tous points à l’agencement classique d’une abbaye bénédictine dont le bâtiment principal se trouvait dans un cloître ou une cour que tous devaient emprunter pour se rendre aux autres points du prieuré.  L’église reconstruite se trouvait sur la partie nord du cloître, orientée à l’est, condition importante afin d’éviter que l’église ne fasse trop d’ombre à la cour. A côté de l’église se trouvait la sacristie et la salle capitulaire où se réunissaient les moines et les nonnes. Une différence de taille par rapport à l’agencement traditionnel : les dortoirs. Celui des moines et celui des nonnes, se trouvaient du même côté et les latrines, pour des raisons évidentes, étaient à proximité. A l’exception de l’église, les bâtiments restants avaient un aspect plus moderne car ils avaient été construits non pas dans un souci d’esthétisme mais de commodité et d’une façon générale, l’ensemble du site avait été conçu en forme de L.

    Le jardin potager était à l’écart des bâtiments principaux du prieuré. Afin de rejoindre le réfectoire, Frère Ignatius et Sœur Paulette devaient remonter le chemin au bord duquel ils travaillaient pour sortir du jardin, tourner directement à gauche jusqu’à une autre allée de graviers menant à une barrière qui donnait sur la cour après être passé sous une voute de lierre ornementale. 

    Alors qu’ils contournaient le chemin d’un pas lent tout en admirant le ciel que le soleil couchant avait teinté de rose, ils distinguèrent une forme allongée sur le chemin à une vingtaine de mètres devant eux. Alors qu’ils s’approchaient, ils virent clairement qu’il s’agissait d’une silhouette d’homme. Ils accélérèrent le pas, inquiets à l’idée qu’un des frères aurait pu faire une chute et se blesser.

    - Bonsoir, tout va bien ? Il y a un problème ? cria Frère Ignatius alors qu’ils s’approchaient.

    Ils s’aperçurent qu’il s’agissait bien d’un des membres de l’ordre ou du moins d’un homme qui portait les vêtements de l’ordre. L’homme était face contre terre et son corps était recroquevillé en position fœtale. Craignant le pire, qu’un des frères ait fait une chute et se soit blessé ou pire encore, ait eu une crise cardiaque, Ignatius posa sa main sur l’épaule de Sœur Paulette et lui ordonna de rester sur place pendant qu’il allait d’abord vérifier.

    Paulette s’exécuta et resta à environ cinq mètres de la silhouette couchée sur le ventre et joignit ses mains pour prier tandis que son compagnon arriva près de l’individu recroquevillé et s’agenouilla. Il le retourna lentement. Un seul coup d’œil lui suffit et Ignatius replaça le corps dans sa position d’origine, fit le signe de croix et murmura une courte prière avant de se tourner vers la jeune sœur.

    -Je vous en prie, ma Sœur, allez chercher le Prieur. Nous avons là une urgence. 

    Ne pouvant s’en empêcher, la nonne tenta de s’approcher du corps étendu au sol, mais Frère Ignatius l’incita à rester à l’écart.

    -  Qui est-ce ? demanda-t-elle. S’il vous plaît, je dois le voir.

    -  Je vous en prie, ma Sœur, non.

    - J’ai déjà vu des morts, mon Frère, vous savez, dit-elle en se libérant du bras de Frère Ignatius et en s’avançant vers l’avant du corps. Elle ne s’était pourtant pas préparée à une telle vision et poussa un cri de surprise. « Frère Bernard » furent les seuls mots qu’elle put prononcer en reconnaissant l’homme. On pouvait lire sur le visage de l’homme une expression de terreur absolue comme figée à l’instant de la mort. Ce regard ! Comme s’il avait vu le Diable en personne.

    - Je vous en prie, ma Sœur, il n’y a plus rien à faire. Rentrez vite, s’il vous plaît, et allez chercher Frère Gerontius.

    - Oui, oui, bien sûr, dit Paulette en se hâtant pour aller chercher le chef de la communauté.

    Cinq minutes plus tard, elle revint accompagnée du Prieur. Frère Ignatius était toujours en train de prier à genoux à côté du corps de leur Frère. Il se leva à leur approche.

    - Laissez-moi voir ce qui est arrivé à notre Frère, je vous en prie, dit Gerontius d’une voix douce mais autoritaire.

    Frère Ignatius céda sa place au Prieur qui examina le moine. Il lui suffit d’un seul regard pour prendre une décision importante. Les terribles souffrances endurées par Frère Bernard dans ses derniers instants sur terre en tant que serviteur de Dieu ne laissèrent à Gerontius aucune alternative.

    - Ignatius, pourriez-vous avoir la gentillesse d’aller jusqu’au bureau, de composer le numéro des services de police. Ce qui a pu se passer ici n’est, à mon avis, pas dû à des causes naturelles. Je ne crois pas me tromper en disant que c’est bien là l’œuvre du Diable. Frère Bernard, notre Frère, si simple, si gentil, si aimant...a été assassiné ! 

    Chapitre 2

    L’appel.

    Comme tous les soirs, Andy Ross faisait le tour de la maison afin de s’assurer que les fenêtres étaient bien fermées et que les portes, à l’avant et à l’arrière de la maison, avaient bien été verrouillées, prêt à rejoindre sa femme Maria qui l’attendait patiemment dans le lit. Elle portait une chemise de nuit moulante en satin bleu marine qui lui descendait aux genoux et rien d’autre.

    Le couple avait tranquillement profité d’un repas romantique préparé par Maria. Pour l’entrée, c’était une salade de crevettes classique avec laquelle ils se sont tous les deux régalés. Puis, ils avaient savouré de la longe de porc grillée accompagnée d’une compotée de pommes servie avec des pommes de terre sautées et des haricots verts. Pour terminer Maria avait servi son dessert : une simple mais délicieuse coupe de glace à la vanille et à la cerise.

    Une fois le repas terminé et une fois avoir mis la vaisselle dans le nouveau lave-vaisselle que Maria désirait depuis si longtemps, la dernière acquisition de la maison, ils étaient restés, pelotonnés l’un contre l’autre sur le canapé, à écouter des CD de standards romantiques, sous une lumière tamisée. Ils s’étaient suffisamment détendus et étaient prêts à se jeter dans le lit pour, ils l’espéraient, une nuit d’amour torride. Maria avait laissé Andy faire ses vérifications du soir pendant qu’elle montait à l’étage.

    Une fois le rituel accompli, Ross poussa un soupir de satisfaction et s’apprêtait à monter quand son téléphone sonna. Il prit le téléphone du vestiaire de l’entrée où il l’avait laissé toute la soirée, en maugréant et jeta un œil à l’écran. La sonnerie indiquait que c’était un appel professionnel et il fut stupéfait de voir le nom et le numéro du commissaire divisionnaire, Sarah Hollingsworth s’afficher.

    - Mince ! Quoi encore ? demanda-t-il tout haut en se disant qu’il aurait mieux fait d’ignorer cette sonnerie tout en sachant très bien, au fond de lui, qu’il n’aurait pu faire une chose pareille. Il appuya sur le bouton « répondre ». Le seul mot qu’il trouva à dire sur le moment fut : « Madame ».

    - Inspecteur, je suis navrée de vous déranger chez vous. J’espère que vous n’étiez pas occupé à quelque chose d’important.

    Repensant à Maria, étendue sur le lit, à l’étage, apprêtée, dans l’attente de cette nuit torride, que pouvait-il dire répondre d’autre que :

    - Oh non, rien d’important, madame. Que puis-je faire pour vous ? 

    - C’est moi qui vous appelle car l’Inspecteur en chef Agostini a pris quelques jours de vacances jusqu’à demain, comme vous le savez. C’est une affaire qui demande la plus grande attention et pour laquelle, nous avons résolument besoin du travail de votre équipe. 

    - Andy, tout va bien ? lui cria Maria depuis la chambre.

    - Tout va bien, ma chérie, juste un souci au travail, lui répondit-il en reprenant sa conversation.

    - Désolé, ma femme se demandait qui m’appelait.

    - Pas de problème. Mais j’insiste. Il s’agit d’une affaire très sensible et qui s’annonce délicate. Avez-vous entendu parler du Prieuré Sainte Emma ?  En se creusant la cervelle, Ross fut obligé de répondre : non, madame, je ne crois pas.

    - Et bien, vous allez vite apprendre à le connaître ce prieuré. Il semble qu’un meurtre y ait été commis. Un des moines, apparemment.

    - Des moines ? répondit-il, un peu long à la détente.

    - Oui, Inspecteur, des moines. Vous voyez, les robes, les tonsures, les sandales, tout ça quoi.

    - Excusez-moi, madame, mais je sais ce qu’est un moine. C’est juste que je ne savais pas qu’il y en avait dans le coin.

    - Voilà, maintenant vous le savez. Le prieuré se trouve à l’emplacement de l’ancienne Abbaye Saint Basile. Deux des membres ont découvert le corps de l’un de leurs confrères sur un chemin du domaine, il y a une ou deux heures de cela. La police a donné suite à leur appel et a trouvé le corps à l’endroit même où il a été découvert. Les soupçons d’acte criminel ont été confirmés et la police judiciaire a été saisie. Pendant tout ce temps, le Prieur Frère Gerontius, apparemment un ami du Chief Constable, a appelé et ce que je sais, c’est qu’ensuite j’ai reçu un appel me demandant expressément de mettre ma meilleure équipe sur l’affaire. En l’occurrence, vous et votre équipe, Inspecteur Ross. Vraiment, veuillez encore m’excuser si jamais vous aviez prévu quelque chose mais j’espère que vous comprenez ma situation.

    C’était comme si le commissaire divisionnaire savait exactement ce qu’Andy et Maria avait prévu de faire pendant l’heure ou plutôt les heures qui allaient suivre. Mais il serra les dents et répondit poliment :

    - Entendu, madame. J’appelle l’Inspecteur Drake pour lui demander de me rejoindre sur place immédiatement. Savez-vous si la police scientifique a déjà été contactée ?

    - Oui. D’après ce que j’ai compris, la police judiciaire a demandé des renforts aussitôt et Docteur Nugent était en route quand je les eus au téléphone. Vous le verrez sur place.

    - Très bien. J’appelle Izzie Drake et je pars, répondit Ross alors que dans le même temps, il se demandait ce qu’il allait pouvoir dire à sa collègue qui comptait passer la soirée avec Peter, son mari, et qui serait, du même coup, furieuse de voir sa soirée interrompue par un appel.

    - Juste une question, madame.

    - Oui ?

    - Heu...C’est où, Sainte Emma ? 

    - Le nom juste c’est le Prieuré Sainte Emma mais je suppose que Sainte Emma fera l’affaire. C’est plus court, comme ça. Il se trouve à Grassendale. C’est facile à trouver. C’est bien indiqué, paraît-il. 

    - Merci. Bon, il faut que j’y aille. Il faut s’attendre à ce que Docteur Nugent soit déjà sur place et il va se faire un plaisir de me tirer les oreilles si jamais je suis en retard.

    En fait, le commissaire divisionnaire gloussa discrètement en entendant cette remarque et dans les souvenirs de Ross, c’était bien la première fois.

    - On fait le point demain, annonça Hollingsworth. J’ai conscience que vous avez déjà beaucoup à faire. Je n’attends donc pas de rapport demain matin. Appelez-moi demain après-midi et tenez-moi au courant de l’évolution, d’accord ?

    - Pas de problème, répondit Ross, tenant toujours le téléphone alors qu’Hollingsworth avait raccroché. Prenons les choses dans l’ordre.

    Ross monta l’escalier et passa la tête par la porte de la chambre d’un air penaud. Maria était assise, adossée aux oreillers, l’air résigné.

    - Si je comprends bien, on peut faire une croix sur la nuit de folie.

    - J’en ai bien peur, oui. C’était le commissaire divisionnaire Hollingsworth. Oscar est en congé et c’est elle qui est en charge de l’équipe. Apparemment, le chef de la police connait des gens qui résident en lieux saints. 

    Il prit une grande bouffée d’air et sourit d’un air malheureux.

    - Un meurtre a été commis à Grassendale, à un endroit qui s’appelle Sainte Emma. Faut que j’y aille maintenant. Le Prieur, à la tête du Prieuré est un pote du Chief Constable et il a demandé que l’on dépêche les meilleurs d’entre nous qui seraient disponibles.

    - Et je suppose que toi et ton équipe, vous en faites partie.

    Il acquiesça d’un air triste.

    - Le mieux c’est quoi, une épée à double tranchant, c’est ça ? Maria arborait un large sourire, à présent. Monsieur est une star au boulot mais chez lui, il commet une faute impardonnable : responsable d’un coitus interruptus. Et, au fait, Andy, ça s’appelle le Prieuré de Sainte Emma.

    - Tu ne vas pas t’y mettre aussi, dit-il et ajouta « Laisse tomber » voyant que Maria était sur le point de lui demander de s’expliquer.

    Ross enfila rapidement des vêtements plus appropriés tout en appelant sa collègue, Inspecteur Izzie Drake sur son téléphone mains libres. Sa réponse était prévisible.

    - ...Oh, merde, patron. Juste au moment où on allait...

    - Ne me dites rien. S’il s’agit de quelque chose qui ressemble à ce que Maria et moi étions sur le point de faire, je peux comprendre votre frustration. Celle de Peter aussi.

    - En fait, la soirée est tellement belle qu’on s’apprêtait à sortir pour faire une balade nocturne au clair de lune..., dit-elle en riant.

    - Ah ok, dit Ross. Très romantique.

    - Ca aurait pu l’être », répliqua Drake d’un ton bourru.

    - Désolé, Izzie.

    - Vous en faites pas, patron. Je vous rejoins où ?

    Après avoir donné à Drake la direction pour aller au prieuré, Ross embrassa Maria rapidement, la tint dans ses bras amoureusement et sortit. Le trajet de son domicile à Prescot jusqu’au prieuré à Grassendale prendrait vingt minutes pour une distance d’environ vingt kilomètres.

    Il n’avait jamais visité de prieuré auparavant et de ce fait, il ne savait pas à quoi s’attendre quand il arriva mais pendant le trajet, il se disait qu’un meurtre était un meurtre, peu importe l’endroit, et son travail était toujours le même : découvrir et appréhender un tueur. Le fait que cette fois, le meurtre avait été commis sur ce qui, techniquement, était la propriété de Dieu, pouvait un peu compliquer les choses. Il n’avait qu’à attendre et juger sur place.

    Tout en conduisant, il passa un appel au Sergent Sofie Meyer et aux enquêteurs Derek McLennan et Nick Dodds. Il n’allait pas déranger les autres membres de l’équipe qui dormaient mais ils pourraient bien être convoqués le lendemain matin. En réfléchissant à tout cela, il passa un autre appel. Il se souvenait que le détective Sam Gable avait reçu une éducation catholique et que ses connaissances en matière de religion pourraient être utiles pour commencer. Gable n’était pas encore couchée et profitait d’une soirée avec son petit ami, Ian Gilligin, sergent à la Police du Grand Manchester. Elle était plutôt contente de voir qu’on ait fait appel à elle. Cela faisait partie du métier quand on travaillait à la Police du Merseyside et qui plus est, quand on faisait partie de l’équipe en charge des affaire criminelles.

    Ross eut un petit sourire quand il se rendit compte que les seuls officiers restés à leurs domiciles étaient le Sergent Paul Ferris, le geek de l’équipe et le dernier arrivé, le commissaire divisionnaire Gary Devenish dit « Rouquin » à cause de sa chevelure flamboyante. Au moins, ils seraient en pleine forme et frais et dispos demain matin, eux et l’assistante administrative, Kat Bellamy.

    La commissaire divisionnaire avait dit vrai. Alors qu’il traversait la riche et verte banlieue de Grassendale, Ross se rendit compte que le Prieuré de Sainte Emma était bien indiqué par des panneaux. Ross fut impressionné par le nombre de grandes villas et de propriétés construites dans ce coin paisible de Liverpool. Il franchit l’entrée où deux énormes piliers en pierre supportaient un vieux portail en fer forgé, vieux mais toujours en état d’usage, peint en vert foncé. Au-dessus de chaque pilier, deux anges en béton priaient à genoux. Un panneau en bois près du portail, perdu dans l’herbe sur le bas-côté, indiquait l’entrée du Prieuré Sainte Emma.

    Ce qu’on remarquait aussitôt, éclairé par le clair de lune, c’était sans aucun doute la longue flèche de l’église reconstruite. Les bâtisseurs avaient réussi à lui redonner son aspect gothique d’origine. La lune éclairait l’arrière du bâtiment d’une manière presque incandescente et Ross pensa que cela donnait au bâtiment un air sombre et menaçant. Les quelques bâtiments regroupés autour d’une espèce de cour ressemblaient à des bâtiments improbables, semblables à ceux d’une caserne, dignes d’un ancien établissement militaire dont on aurait fait fi des normes d’architecture militaire.

    Il s’arrêta, descendit de la voiture et jeta un rapide coup d’œil aux alentours. C’est tout ce qu’il pouvait faire en l’absence d’éclairage. Par chance, la lumière était allumée dans chaque bâtiment et au moment où il en prit conscience, il remarqua la lumière de phares

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