Un matin, une grue est tombée sur ma copine M. Elle est morte sur le coup.
Nous étions en cours de SVT, dans mon collège de la banlieue nantaise. Un jour d’automne sans couleur. Nous avons d’abord entendu des cris, pareils aux nuées d’aigus qui peuplent les cours de récréation. Puis, à travers la vitre, nous avons perçu une agitation inhabituelle du côté de la grande grille en métal bleue, celle que nous franchissions pour rejoindre le stade de la Trocardière, pour faire du sport. C’était comme si le bleu tremblait.
Il y eut une alarme, stridente.
Une sonnerie pareille à celle des exercices incendie, que d’ordinaire nous ne prenions pas au sérieux puisque le visage de l’adulte qui nous demandait de sortir en rang par deux ne l’était jamais. Mais ce jour-là, malgré ses efforts pour maîtriser la situation, grave, le prof l’était. L’alarme n’était plus une parodie : c’était une menace. On est donc sortis, plus mobilisés que d’habitude, pas complètement concernés non plus. Il était 11 heures, nos ventres commençaient à gargouiller, et cette interruption du programme nous précipitait vers le déjeuner. Alors on a bavardé, émis des hypothèses, on a sans doute ri bruyamment, un garçon en a peut-être profité pour mettre une main aux fesses d’une fille, une autre fille pour glisser un mot dans la poche d’un amoureux. Nous avons encore été insouciants, cinq, dix minutes, le temps de descendre les escaliers en nous adonnant, comme toujours, à quelques courses de vitesse et autres sauts stylisés sur les rampes, puis nous sommes arrivés dehors, et nous avons su. La flèche de la grue orange, devant le collège, s’était effondrée.
Le décor de notre enfance venait de s’écrouler. M. avait été écrasée.
M., dont encore aujourd’hui je revois le visage souriant et rouge, un visage d’enfant de 12 ans, immortalisé sur une photo de classe que je possède toujours. M., créature d’extérieur par excellence, qui triomphait en sport, et