Un parfum d’éternité
Cannes, ce matin-là…
Goujat !
L’individu, affublé d’un costume trop étroit pour lui que rendait plus horrible encore une cravate bariolée, ne parut pas entendre le reproche qu’on lui adressait. Continuant de jouer des coudes au milieu de la foule qui déambulait sur la Croisette, il parvint à s’installer à la terrasse du Vesuvio et commanda un double bourbon. Dans l’attente d’être servi, il tapa sur son smartphone ces quelques mots laconiques :
Malade en clinique. Intervention prévue pour ce soir.
Certain qu’à réception Masty Power ne pourrait qu’en être satisfait, il esquissa un sourire ironique, puis il consulta la carte et s’offrit un excellent déjeuner.
L’après-midi, il le passa sur la plage publique, mais il n’alla pas pour autant se baigner, préférant surveiller ses vêtements qu’il avait déposés sur le sable. Un bref instant, le soleil avait fait briller la crosse d’un neuf-millimètres, au moment où il l’avait dissimulé dans la poche intérieure de sa veste. Comme la chaleur, ardente ce jour-là, commençait à faire rougir sa peau laiteuse de rouquin, il s’arracha à la torpeur dans laquelle il avait paru se plonger. Aussitôt, il retrouva les gestes précis qui le caractérisaient. Il lui fallut peu de temps pour se rhabiller, à la suite de quoi il se dirigea vers la rue d’Antibes où il récupéra sa voiture, à la hauteur de la rue du Commandant-André.
Il démarra sur les chapeaux de roues. Même lorsqu’on lui recommandait la plus parfaite discrétion, il aimait se faire remarquer. La conduite de son véhicule – il possédait une voiture des plus sophistiquées – mettait en valeur son goût du risque et lui donnait envie de briller, moins à ses propres yeux qu’aux yeux du monde. Il tirait un naïf orgueil des regards irrités qu’on lui lançait quand il faisait crisser les pneus à la manière des champions, au tournant d’une rue où la circulation déjà difficile ne permettait guère des fantaisies
