L’affaire du mont Janot
Six mois après la sortie de son livre, Mont-Janot, qui narrait les aventures rocambolesques d’un professeur à la retraite, Lucien Piévert était devenu une véritable célébrité. Les habitants de Trécy étaient fiers de raconter à qui voulait les entendre que leur paisible village au pied du Jura abritait un homme qui avait décroché l’un des prix littéraires les plus prestigieux de la rentrée et dont l’ouvrage était en tête des ventes dans toutes les librairies de France. Quant à Lucien Piévert lui-même, professeur retraité comme son héros, c’était un original qui passait le plus clair de son temps dans la montagne, récoltant des minéraux ou des plantes pour alimenter ses nombreuses collections, ou observant les astres à l’aide de la lunette télescopique qui ne le quittait jamais. Le succès ne lui avait pas fait changer ses habitudes, loin de là! Plus le temps passait, plus les exemplaires de son livre s’écoulaient, et moins on avait l’occasion de le croiser dans les rues de Trécy. Ceux qui venaient tenter leur chance pour une interview, une dédicace ou une photo, avaient vite compris qu’il était inutile de frapper à sa porte à l’improviste. En dehors, peut-être, du miaulement d’un chat, personne ne répondrait.
Le journaliste déconfit n’avait plus, alors, qu’à se replier à l’auberge du Lac, où il sirotait un petit verre de vin blanc près de la fenêtre tout en surveillant la route qui conduisait à la maison de l’écrivain. Parfois, il retrouvait un confrère, venu lui aussi tenter sa chance, et à deux le temps passait plus vite. Ils partageaient un bon dîner, des astuces plus ou moins efficaces pour faire parler les gens, ou les débusquer chez eux. Personne ne leur prêtait attention, même s’ils s’attardaient jusqu’à la nuit. On avait l’habitude des journalistes, à Trécy, depuis le temps.
En effet, environ un an avant la publication de et tout ce qui s’était ensuivi, un événement d’une autre sorte avait ébranlé la routine des habitants de Trécy. Il se trouvait que le village abritait une autre personnalité, elle aussi à la retraite, une cantatrice venue chercher, dans ce petit bourg du Jura, la tranquillité et le silence auxquels elle aspirait après une carrière mouvementée. Elsa Cantinelli avait jeté son dévolu sur une bâtisse de pierre juchée sur les hauteurs, à l’écart des rues de Trécy, lesquelles étaient pourtant peu animées – sauf peut-être quand c’était jour de marché, et encore ! Marché
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