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La Chute d'un flic Poitevin: Polar
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La Chute d'un flic Poitevin: Polar
Livre électronique372 pages4 heures

La Chute d'un flic Poitevin: Polar

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À propos de ce livre électronique

Découvrez la suite des péripéties étranges et inquiétantes du Commandant Venturini dans la ville de Poitiers !

La suite des aventures du Commandant Venturini. Après Vouneuil-sous-Biard, c'est au tour de la ville de Poitiers de vivre des moments étranges et inquiétants… Un vent de panique s'empare de cette ville d'ordinaire si tranquille. Le destin de jeunes femmes à qui la vie souriait, bascule brusquement dans le drame. Sur les pas du commandant Venturini, de nouveau en première ligne, on suit pas à pas cette nouvelle enquête qui impliquera l'un de ses adjoints. Les raisonnements scientifiques ne servent apparemment à rien pour s'efforcer de résoudre l'affaire, va-t-il falloir que le commandant d'ordinaire si cartésien se tourne vers la philosophie pour trouver la clé de l'énigme et à aller au-delà de ses certitudes ? Un polar haletant où il ne faut jamais se fier aux apparences…

Un polar haletant dans lequel le destin de jeunes femmes tourne subitement au drame.

EXTRAIT

La résolution des crimes de Vouneuil avait resserré les liens dans l’équipe. Le commandant Venturini, toujours aussi énigmatique, savait se mettre dans la poche ses subordonnés sans mots superflus. La plupart du temps un regard bienveillant suffisait. Il avait fini par obtenir un peu de renfort pour étoffer ses troupes. Un nouveau major, Alexandre Bonnin, trentenaire, taillé dans la masse avait intégré le groupe. Chalais émettait des réserves sur sa sincérité, le trouvant faussement à l’aise et lui reprochant de jouer un personnage à la Rambo dont la police n’avait aucun besoin.
— Je ne le sens pas, avait-il dit un jour à son chef, entre deux portes.
Ils étaient sans doute un peu trop dissemblables pour qu’il n’y ait pas très vite des frictions entre eux.
Daisy Gobert, suite à un stage particulièrement prometteur, était revenue au commissariat, ayant réussi ses examens de gardienne de la paix. Venturini avait su jouer de son influence pour l’intégrer à son équipe.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Luc Loiret qui a travaillé auprès des sourds et sourds-aveugles, a déjà publié sept ouvrages dont quatre romans policiers. Passionné de polars, ce vendéen de naissance, habite une belle commune de la Vienne, Vouneuil-sous-Biard. Depuis plus de quarante ans, il fait de fréquents séjours en Creuse, dans la maison natale de son épouse.
LangueFrançais
Date de sortie4 avr. 2019
ISBN9791035304508
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    Aperçu du livre

    La Chute d'un flic Poitevin - Jean-Luc-Loiret

    La chute d’un flic poitevin

    Collection dirigée par Thierry Lucas.

    ISBN : 978-2-84561-624-0 – LUP 826

    © 2010 – – 79260 La Crèche

    Tous droits réservés pour tous pays

    www.gesteditions.com

    Jean-Luc Loiret

    La chute d’un flic poitevin

    Si l’action se déroule à Poitiers et dans ses environs, les personnages de ce roman policier sont sortis tout droit de mon imagination. Vous ne les croiserez donc pas dans les rues de la cité pictave. Je ne suis pas familier des rouages de la justice, n’essayez pas de voir dans cette fiction une transcription fidèle de la réalité judiciaire. Il s’agit d’une œuvre romanesque et non d’un documentaire. J’y décris des policiers non comme des spécialistes des faits divers mais avant tout comme des êtres humains avec leurs passions et leurs soucis. Mon unique motivation est de faire vivre des personnages, même ceux pour lesquels le destin se montrera tragique et par la même occasion vous emmener avec eux dans un monde, que j’espère totalement virtuel.

    – 1 –

    Chalais broie du noir

    « Qui cherche la vérité de l’homme doit s’emparer de sa douleur. »

    Georges Bernanos

    C’est le monde à l’envers. En ce mardi matin d’un avril plutôt frais, le lieutenant de police Bruno Chalais se débattait en pleine tourmente, en quelques heures il était devenu méconnaissable. Habituellement, se fiant à son instinct, il allait de l’avant sans se poser de questions, quitte à se heurter de front à la réalité dans ce qu’elle a de plus cruel, puis au vu des résultats obtenus, il s’adaptait en s’accordant tout au plus quelques minutes de réflexion. Pour l’heure, c’était tout le contraire. Après une courte nuit où le sommeil l’avait fui, il était sorti sur son balcon, pour fixer, l’œil éteint, les rives du Clain. La rivière serpentait au milieu d’une vallée qui prenait ses premières teintes de vert. Comme chaque année, tous ceux qui n’avaient rien d’intéressant à dire trouvaient que le printemps était une fois de plus précoce. Ce devait être les réminiscences d’un rite pascal ancestral. Le remarquable panorama qui s’étendait de la promenade des Cours jusqu’à Saint-Benoît, enveloppé d’un léger voile de brume, aurait dû le combler, mais non, il n’était pas fait pour lui. Le policier prenait conscience qu’il était avant tout un enfant de la ville que la nature mettait mal à l’aise. Il avait besoin du béton, de la foule, de l’agitation et même d’un zeste de pollution. Il ne se sentait pas fait pour les magnifiques paysages, les vastes espaces, les vallées verdoyantes, les cieux ensoleillés. Peut-être est-ce pour cela qu’il était aussi à l’aise dans les fonds sous-marins.

    Il en venait à regretter son déménagement récent pour cet appartement moderne situé dans un immeuble panoramique de l’avenue de la Libération, du moins pour ceux qui avaient la chance d’habiter à l’arrière du bâtiment, ce qui était son cas. Depuis quelque temps, il désirait quitter son ancien logement qui n’offrait comme perspective que les fenêtres d’une construction vétuste située en face, de l’autre côté de la rue Jean-Jaurès, voie particulièrement bruyante à toute heure du jour et de la nuit. Le soleil était quasiment absent de ce secteur, mais finalement, il ne lui avait jamais manqué. Il s’était laissé convaincre par un agent immobilier de ses relations. Celui-ci l’avait assuré que jamais il ne retrouverait une pareille occasion. Comme à son habitude, il s’était décidé dans la minute, après une visite sommaire des lieux. Il avait écouté d’une oreille distraite les explications enthousiastes du professionnel capable de vendre avec la même faconde une maison délabrée, qu’il pouvait sans la moindre gêne faire passer pour une demeure de caractère. Le besoin de changement avait été le plus fort. Il ne se souvenait même pas avoir observé la confluence de la nature et de la ville à travers les vastes baies vitrées, lors de la présentation de l’appartement.

    Lorsque le policier avait invité quelques amis à inaugurer sa nouvelle habitation, ceux-ci n’avaient pas tari d’éloges sur son choix et la qualité de la vue. Ils l’enviaient et Chalais ne parvenait pas à comprendre pourquoi. Comme si la vue suffisait ! Fidèle à son côté paradoxal, il se serait sans doute senti mieux dans un appartement donnant à l’opposé, sur une des avenues les plus passagères de la cité.

    Toujours appuyé à son balcon, continuant de regarder le paysage, les yeux dans le vague, il ne cessait de décortiquer le coup pris sur la tête, la veille. Il ne savait pas quoi en penser, il se sentait complètement désemparé devant cet événement, comme un enfant qui a perdu sa mère dans une grande surface. Il n’avait pas voulu en parler au commandant Venturini, son chef direct au commissariat de Poitiers, mais celui-ci, d’un œil à demi ouvert, avait senti qu’il se passait quelque chose d’inhabituel dans le comportement de son adjoint. Il était difficile de cacher longtemps ses états d’âme au policier philosophe qu’il se plaisait à surnommer ACS¹. Le commandant n’avait rien dit, semblant attendre son heure.

    Ces lieux ne convenaient pas non plus à ses amours passagères et risquaient tout au contraire de lui attirer des attachements pesants. Déjà ses dernières conquêtes avaient eu du mal à comprendre qu’avec lui, il ne fallait pas compter sur la durée. Il était un partisan farouche de l’éphémère, de la rencontre fougueuse certes, mais furtive qui évitait l’attachement et permettait à chacun de retrouver très vite sa liberté. Dans des moments de lucidité, il reconnaissait que c’était lui qui refusait les attaches. D’ailleurs pouvait-on parler de liberté ? Il devait se reprendre et ne pas se laisser abattre par les coups durs, mais celui qu’il venait d’encaisser ne manquerait pas de laisser des traces.

    Il y a plus d’un an déjà, il avait failli tomber amoureux pour de bon, au moment de l’affaire de Vouneuil² qui l’avait tout particulièrement marqué. Sa compagne d’alors, une superbe rousse aux yeux verts, prénommée Charline, était restée près de quatre semaines dans son appartement sans qu’il réagisse le moins du monde. Les habituels signaux d’alerte n’avaient pas fonctionné. Il s’en était fallu de peu qu’il ne se laisse piéger. L’accord était trop parfait entre leurs deux corps faits manifestement l’un pour l’autre et qui n’en finissaient pas de se découvrir.

    Un matin, à la fois émerveillé par ce constat et épouvanté par un avenir à deux qu’il n’envisageait aucunement, il avait fait comprendre à sa compagne qu’il voulait en rester là et il l’avait priée, sans ménagement, de regagner son propre appartement. Après un regard incrédule, la fille avait immédiatement compris que l’aventure avait pris fin et avec une classe infinie, elle avait quitté les lieux, sans manifester la moindre agressivité. Cependant, il avait lu au fond de ses yeux clairs une profonde détresse et entrevu quelques larmes vite refoulées. Il s’était montré un parfait salaud et n’arrivait pas à s’en vouloir. Il était temps de rompre des liens qui avaient acquis une solidité inhabituelle et risquaient de l’enchaîner pour longtemps. Dans les jours suivants, il s’était jeté à corps perdu dans le travail, sans sa décontraction habituelle, au grand étonnement de ses collègues. Il avait enchaîné les séances de gymnastique et les week-ends au bord de la mer pour faire de la plongée, une de ses passions. Il rentrait tard chez lui pour éviter un coup de fil qui aurait pu annihiler ses bonnes intentions. Il avait retrouvé ses habitudes dans les cafés branchés de Poitiers où il aimait s’attarder le soir, à la recherche d’une éventuelle aventure d’une nuit.

    Par la suite, il avait revu Charline à plusieurs reprises et ils s’étaient salués comme de vagues connaissances, mais le magnifique regard de son ancienne amie traduisait ses regrets. Ne jamais s’attacher, et pourtant il lui en coûtait parfois. Pourrait-il tenir longtemps à ce petit jeu, quand les années allaient s’accumuler ? La solitude, quand la trentaine était juste entamée, ne faisait pas partie de ses préoccupations du moment.

    Les liaisons s’étaient succédé frénétiquement, aussi torrides que brèves. Il n’avait pas hésité à entraîner dans son lit des femmes mariées qu’il avait tenues à distance soigneusement jusqu’alors, tant il voulait éviter les complications inutiles. Mais après tout, il n’était pas responsable de leurs insatisfactions. Le lieutenant n’avait rien perdu de sa beauté virile, au contraire, il avait gagné en séduction, teintée d’une once de sauvagerie qui semblait attirer encore davantage les femmes. Mais ce matin tout était différent. Son aisance coutumière ne lui était d’aucun secours. Bien qu’il n’ait rien à se reprocher, ce qu’il avait vu il y a moins de vingt-quatre heures remettait toutes ses certitudes en cause.

    Pourtant, jusqu’à présent, il avait aimé sa vie de policier, s’y donnant avec une fougue qui le faisait apprécier de ses collègues. Même ses excès faisaient partie intégrante de son personnage.

    La résolution des crimes de Vouneuil avait resserré les liens dans l’équipe. Le commandant Venturini, toujours aussi énigmatique, savait se mettre dans la poche ses subordonnés sans mots superflus. La plupart du temps un regard bienveillant suffisait. Il avait fini par obtenir un peu de renfort pour étoffer ses troupes. Un nouveau major, Alexandre Bonnin, trentenaire, taillé dans la masse avait intégré le groupe. Chalais émettait des réserves sur sa sincérité, le trouvant faussement à l’aise et lui reprochant de jouer un personnage à la Rambo dont la police n’avait aucun besoin.

    — Je ne le sens pas, avait-il dit un jour à son chef, entre deux portes.

    Ils étaient sans doute un peu trop dissemblables pour qu’il n’y ait pas très vite des frictions entre eux.

    Daisy Gobert, suite à un stage particulièrement prometteur, était revenue au commissariat, ayant réussi ses examens de gardienne de la paix. Venturini avait su jouer de son influence pour l’intégrer à son équipe.

    Les escarmouches de Chalais avec le lieutenant Isabelle Pontreau, sa collègue, faisaient partie des traditions de la maison et n’altéraient en rien la cordialité de leurs relations. Entre eux commençait même à poindre un début de complicité, à la grande satisfaction du commandant. La policière avait été absente trois mois, au milieu de l’année passée, pour donner naissance à une petite fille. Toujours aussi discrète sur sa vie privée, elle n’avait pas placé le moindre cadre sur son bureau et n’avait toléré qu’une fête des plus modestes à son retour. Ceux qui la connaissaient bien trouvaient qu’elle avait acquis une forme nouvelle de sérénité et une assurance tranquille, très utile dans les cas les plus complexes. Malgré les ricanements de Chalais, elle continuait de privilégier le psychologique, comme elle disait, dans ses relations avec les suspects. C’était devenu un jeu entre eux car sa collègue ne doutait pas de l’efficacité d’une attitude plus douce dans certaines circonstances uniquement. Il sourit à demi en pensant que la situation dans laquelle il se trouvait allait nécessiter une approche subtile, s’il ne voulait pas se laisser emporter dans les tourbillons d’une affaire inquiétante.

    Venturini avait poussé sa collaboratrice directe, sans succès pour l’heure, à se présenter au concours de commandant. Il ne désespérait pas de la convaincre, mais il ne savait pas très bien comment s’y prendre, tout en redoutant de devoir s’en séparer en cas de succès. Le commissaire Paul Despond, le patron, traînait sa carcasse souriante dans les couloirs sans trop harceler ses équipes. Il ne voulait pas, selon ses dires, se mêler du quotidien afin de prendre de la hauteur. Les méchantes langues disaient plutôt qu’il cherchait à éviter les ennuis. À force d’intrigues, il venait d’apprendre de façon officieuse que la promotion tant attendue allait être annoncée avant l’été. Le retour dans la capitale qui lui manquait le comblait et d’ici là il fallait surtout ne pas faire de vagues, au risque de tout compromettre.

    La fraîcheur matinale fit enfin sortir Chalais de sa torpeur. Il regagna sa salle de bains pour une douche rapide. Il ne s’attarda pas davantage devant son petit déjeuner. Il avait hâte de regagner le commissariat de la rue des Écossais et de prendre connaissance des dernières informations qui pouvaient tout autant le libérer de ses angoisses que l’attirer vers un avenir sinon cruel, du moins plein de risques.

    – 2 –


    1. ACS pour André Comte-Sponville, un des philosophes préférés de Venturini.

    2. Voir le polar On ne meurt jamais par hasard chez Le Geste noir.

    Promenade mouvementée au bord du Clain

    « Tu ne luttes pas contre la mort en ensevelissant les cadavres. »

    Antoine de Saint-Exupéry

    Tout avait commencé la veille, un lundi matin. Comme l’air matinal d’avril était plutôt frisquet et les lourds nuages gris menaçants, Alexandre Larive et son épouse Ginette s’étaient couverts plus chaudement que nécessaire. Tous les jours, quel que soit le temps, aux environs de huit heures, ils quittaient leur petit appartement afin de faire prendre l’air à leur caniche blanc, Bubulle, nom ridicule pour Alexandre, mais il n’avait pas eu à donner son avis. Pour rien au monde, ils ne se seraient privés de ce plaisir journalier d’autant que les beaux jours allaient arriver. D’ailleurs leur chien se chargeait de les rappeler à leurs obligations en sautant sur leur lit, dès sept heures du matin, sans qu’ils trouvent à y redire.

    Il y a près d’un an qu’ils avaient vendu leur maison de Saint-Benoît, bien trop grande pour eux, même s’ils avaient conservé beaucoup de vitalité à l’aube de leurs quatre-vingts ans. Ils avaient acheté un petit appartement au rez-de-chaussée d’un immeuble de deux étages, au 9 bis, rue du Faubourg-du-Pont-Neuf. Le plus compliqué était de traverser la route où, dès le matin, des véhicules collés les uns aux autres essayaient de pénétrer dans une ville déjà saturée. Souvent ils étaient obligés de remonter jusqu’aux feux pour se sentir un peu en sécurité, du moins quand les voitures débouchant à vive allure des voies adjacentes daignaient leur laisser le passage, ce qui n’était pas souvent le cas.

    Leur parcours était toujours identique. Ils déambulaient le long du Clain après avoir descendu un plan incliné un peu rude, aux abords du Pont-Neuf, mais l’un et l’autre se refusaient à se servir d’une canne. Ils auraient le temps d’y penser. Ils n’avaient jamais utilisé l’escalier hors d’âge aux vingt-quatre marches usées par le temps qui représentait une trop grande épreuve physique, même dans la descente. Bubulle appréciait ces instants où il pouvait gambader en toute liberté, débarrassé de sa laisse. La plupart du temps ils étaient seuls. Parfois un joggeur courageux ou un employé pressé empruntaient ce chemin piétonnier qui reliait le Pont-Neuf au pont Saint-Cyprien. Les bruits provenant de l’hôpital Pasteur, tout proche, étaient atténués par une végétation généreuse où les bourgeons commençaient à éclater. Le Clain, très calme à cet endroit, leur apportait une grande sérénité. Ils n’éprouvaient pas le besoin de parler. Plus de cinquante ans de vie commune avaient soudé leur couple à tel point qu’un regard leur suffisait le plus souvent pour se comprendre.

    Bubulle, qui venait de s’approcher de la rivière, s’arrêta brusquement. Sans doute venait-il d’apercevoir un canard. Alexandre et son épouse s’approchèrent d’un pas tranquille pour partager la découverte de leur chien. Ils se figèrent à leur tour. En un instant ils réalisèrent qu’un corps flottait dans la rivière, bloqué dans un petit renfoncement où le courant était inexistant et l’eau peu profonde.

    — Oh ça alors, un noyé !

    — Plutôt une noyée, répliqua Ginette.

    Il s’agissait manifestement d’une femme dont on n’apercevait que le dos. Elle était vêtue d’un jean, d’un gros pull de laine beige et était chaussée de baskets vertes qui détonnaient dans cet environnement.

    — Encore une suicidée !

    — Ça m’étonnerait, regarde elle a les mains attachées dans le dos.

    En effet, un large ruban adhésif emprisonnait les poignets et les chevilles de la victime. Il était évident qu’on ne lui avait pas demandé son avis.

    — Tu crois qu’elle est encore vivante ?

    — Mais non, voyons, elle est bien morte !

    Cependant, Alexandre s’empara d’une branche traînant sur la pelouse et tenta vainement de ramener le corps vers lui, au risque de glisser.

    — Mais tu vas tomber dans l’eau !

    Il n’insista pas. Il y avait assez d’un cadavre. Après être resté quelques instants indécis, et n’apercevant personne dans les environs, il dit à sa femme :

    — Va téléphoner, moi je reste à surveiller le corps.

    Il lui montra la boulangerie Le Fournil, de l’autre côté du pont Saint-Cyprien où ils allaient souvent acheter leur baguette. Il sourit en pensant à sa réflexion, la noyée ne risquait pas de se sauver s’il la laissait sans surveillance. Tandis que Ginette trottinait le plus vite qu’elle pouvait en direction de la boutique, Alexandre se dit qu’un téléphone portable pouvait parfois être utile, mais chassa bien vite cette idée.

    Ginette pénétra dans la boulangerie en essayant de reprendre son souffle. Elle prit soudain conscience que les quelques clients présents la regardaient très surpris de sa brusque irruption dans la boutique.

    — Il… il y a une noyée dans le Clain.

    Bégayant à moitié, elle finit par se faire comprendre. La boulangère se précipita sur le téléphone pendant qu’une vendeuse apportait une chaise à Mme Larive qui tremblait de tous ses membres après le choc ressenti et l’effort fourni. Elle fut gênée de l’attention dont elle était l’objet, elle avait horreur de se faire remarquer.

    Les pompiers furent rapidement sur les lieux, arrivant toutes sirènes hurlantes depuis le boulevard de Pont-Achard. M. Larive qui s’était assis sur un banc proche se dit qu’il n’était pas nécessaire d’en faire tant mais sans doute voulaient-ils souligner leur importance. L’un des deux véhicules franchit le trottoir et s’engagea sans trop ralentir sur le chemin piétonnier où il laissa de larges empreintes de son passage. Il avait beaucoup plu ces derniers jours et le sol était détrempé.

    Alors qu’Alexandre se levait, deux hommes jaillirent du camion. Il leur indiqua d’un geste l’endroit où il avait découvert la noyée. Les pompiers pénétrèrent dans l’eau, sans hésiter, et dans un mouvement coordonné, ils soulevèrent le cadavre et le déposèrent sur la rive. Ils eurent vite fait de constater qu’ils ne pouvaient plus rien pour la femme dont le corps présentait la raideur caractéristique d’une mort déjà ancienne. Ils restèrent là presque hébétés comme s’ils ne se réalisaient pleinement que dans l’action. Ils allaient devoir laisser la place à la police plus tôt que prévu. Ils firent signe à leurs collègues arrivés dans le second camion qu’ils pouvaient retourner à la caserne.

    Annoncé par une sirène plus discrète, le véhicule de la police stoppa au bord du trottoir, à l’entrée du sentier. Le major René Aubert, alerte quinquagénaire, responsable des premiers secours, était accompagné comme à son habitude des gardiens de la paix Philippe Duchâteau et Muriel Vergneau. Malheureusement ses deux adjoints ne lui étaient pas d’un grand secours tant ils rechignaient à prendre la moindre initiative. Le commissaire Despond était resté sourd à ses multiples demandes pour avoir enfin des collaborateurs plus efficaces. Il est vrai qu’il ne voyait pas où ces deux-là pourraient être utiles, ils resteraient un poids à traîner. D’un coup d’œil, il se rendit compte de l’étendue du désastre. Comme à leur habitude, les pompiers avaient foncé sans s’inquiéter le moins du monde de faire disparaître des indices. Ils n’hésitaient pas à utiliser les tronçonneuses plus que de raison dès qu’un obstacle se présentait ou à s’approcher au plus près avec leurs lourds véhicules.

    Il constata que les traces éventuelles seraient difficiles à repérer.

    — Il n’était pas nécessaire de sortir le corps.

    Il avait parlé d’une voix douce jugeant inutile de dire ce qu’il avait vraiment sur le cœur.

    — Mais on pouvait peut-être la sauver !

    — Vous le croyez vraiment ?

    Le major se fit préciser la position du corps dans l’eau et prit le relais des pompiers qui repartirent par le même chemin creusant un peu plus les ornières qu’ils avaient faites lors de leur premier passage.

    — Vous me bloquez les deux entrées. Je ne veux voir personne sur le chemin. Faites reculer tous les curieux.

    D’un geste, le major montra à Philippe Duchâteau le Pont-Neuf et à Muriel Vergneau le pont Saint-Cyprien. Ils s’y rendirent sans accélérer le pas ce qui eut le don d’énerver leur supérieur.

    Il se dirigea vers Alexandre Larive toujours assis sur un banc et son épouse qui venait de le rejoindre encore tout essoufflée. Ils avaient remis la laisse au caniche et manifestement Bubulle n’appréciait pas cette restriction à sa liberté de circuler à sa guise.

    — C’est vous qui avez trouvé la victime ?

    — Oui.

    Alexandre lui fit un récit succinct de sa découverte. Le major se rendit très vite compte qu’il ne lui serait pas d’un grand secours.

    — Connaissez-vous la victime ?

    — Non, vous savez on ne connaît pas grand monde dans le coin.

    — Je vous demande de rester jusqu’à l’arrivée de mes collègues.

    — Bien sûr.

    Alexandre et sa femme n’avaient rien prévu dans la matinée aussi acceptèrent-ils de bon cœur. D’ailleurs leurs journées étaient bien longues, même s’ils avaient la chance de vivre à deux.

    Le major se concentra alors sur le cadavre que les pompiers avaient abandonné allongé sur le dos. Le corps reposant sur les deux bras ramenés en arrière était légèrement incliné sur la gauche. Il s’agissait d’une jeune femme de taille moyenne, d’une trentaine d’années. Elle portait une tenue décontractée et il nota que les tennis vertes qu’elle avait aux pieds donnaient une touche insolite à la scène. C’était comme inconvenant. Il remarqua qu’elle avait des épaules plutôt musclées. Il y avait tout lieu de croire qu’il s’agissait d’une sportive. Son visage bien que marqué par son séjour dans l’eau apparaissait bien proportionné et serein, les yeux étaient à demi ouverts, il ne put en déterminer la couleur. Les deux incisives supérieures légèrement avancées apportaient une note curieuse à l’ensemble. Il ne constata pas de blessures apparentes mais il était clair qu’il ne s’agissait pas d’un suicide. Aussi sans toucher au corps, il lança la procédure habituelle.

    René Aubert eut rapidement en ligne le commandant Venturini qui se chargerait d’avertir la police scientifique, le médecin légiste et les autorités. Celui-ci lui indiqua qu’il serait là dans moins de dix minutes avec les lieutenants Bruno Chalais et Isabelle Pontreau. Quant à lui, il allait inspecter les environs pour voir si, malgré les dégâts occasionnés par le passage en force des pompiers, il pouvait déjà relever quelques indices.

    Il remarqua de nombreux badauds sur le pont Saint-Cyprien. Les nouvelles allaient vite. On n’avait pas tous les jours l’occasion d’être les témoins d’un drame.

    Le courant étant peu important à cet endroit, le corps pouvait avoir été jeté dans la rivière à proximité, peut-être à partir du pont situé à trois cents mètres. Il n’avait pas dû dériver très longtemps. La victime immobilisée par des liens était peut-être morte avant que l’assassin ne s’en soit débarrassé, mais il ne pouvait le déterminer.

    À une centaine de mètres du pont, il remarqua que l’herbe avait été écrasée en deux larges sillons. Cela correspondait à des traces de roues qui se perdaient sous les empreintes laissées par le camion des pompiers. Cela pouvait être un bon début. Satisfait, il s’avança vers le pont pour accueillir son supérieur qui allait arriver d’un instant à l’autre.

    – 3 –

    Un cadavre discret

    « Toutes les eaux sont couleur de noyade. »

    Emil Cioran

    Mario Venturini contemplait les eaux du Clain, perdu dans ses pensées. Il lui était arrivé à plusieurs reprises de repêcher le corps d’une désespérée dans un étang ou une simple mare. Il savait d’expérience que les femmes préfèrent la noyade à la corde pour se suicider. Sans doute cet élément apporte-t-il le calme nécessaire avant le grand passage. L’eau s’écarte délicatement quand on s’y aventure et en même temps elle entoure et engloutit sans violence. Elle a sûrement quelque chose de féminin. Pourtant ce matin, la personne que le commandant pouvait observer, quand il

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