Les héritiers de Val-Vert

9 – RÉSUMÉ : Tombé sous le charme de Cécilia, Gabriel n’arrive pas à la quitter. Après le vernissage, il lui propose d’aller prendre un verre. Ils vont dîner dans un de ces petits restaurants lyonnais que la jeune femme aime tant. La soirée est douce, Gabriel amoureux. Mais leur différence d’âge, plus de dix ans, semble un obstacle insurmontable à Cécilia pour qu’elle envisage d’avoir une relation avec lui. Elle promet néanmoins à Gabriel de le revoir. Secrètement il espère davantage ! De retour à Val-Vert, son père Julien lui apprend que Sylvain n’est pas rentré de la nuit. (Voir Veillées n^os 3517 et suivants.)

Sylvain avait tellement changé ! Ce n’était plus le garçon insouciant qui courait avec son cousin Gabriel et René dans les prés autour de Val-Vert. En se montrant trop familière avec lui, Désirée Fortune, sa voisine du château de Font-Blanche, avait pu lui donner l’impression qu’elle le considérait uniquement comme un gamin, elle qui était plus âgée de cinq ans.

Ce soir-là, Désirée ne s’attarda pas à la fenêtre. À regret, elle tira les volets, laissa dehors le cri des chouettes, le chant des grillons, le raffut des grenouilles qui donnaient un concert dans le petit étang du parc de Font-Blanche. Entre les murs de sa chambre, elle fut alors étreinte par un affreux sentiment de solitude. Se marier ? Aucun des jeunes gens qu’elle connaissait – de vue – n’aurait pu lui convenir. D’ailleurs, elle les effrayait un peu, elle était, même sans le sou, la demoiselle du château, celle qui jouait du piano et tenait l’harmonium à l’église. Les autres ? Il s’agissait souvent des fils de parvenus, ils ne songeaient pas à courtiser une personne aussi démodée qui portait ses trente ans avec maladresse. Pour eux, elle n’était pas une célibataire mais une vieille fille comme on en trouvait autrefois, de celles qui se sacrifiaient pour leur famille.

Avec angoisse, Désirée s’examina dans la grande glace de son armoire. Pourtant, elle n’était pas vilaine, au contraire ! Elle avait un visage étroit, plaisant, hâlé par le grand air, avec quelques éphélides sur son joli nez droit. La bouche était rose comme un bouton de