Suspicion
Prologue
Honor appuya son front contre la vitre en fermant les yeux. Elle était lasse, si lasse ! Ce n’était pas une fatigue physique, mais quelque chose de plus profond qui la minait peu à peu.
Elle avait mis tous ses espoirs en l’homme qu’elle s’était empressée d’épouser un an plus tôt quand, la situation de ce dernier s’étant enfin améliorée, il avait songé à officialiser leur idylle. Pourtant, dans le milieu artistique qu’ils fréquentaient, leur état civil laissait la plupart des gens indifférents. On en voyait d’autres ! La bohème suscitait l’indulgence, d’autant que Simon ne manquait pas d’admirateurs sincères dus à son talent incontestable de sculpteur. Finalement, il avait réussi plus vite qu’on ne s’y attendait. La chance l’accompagnait, pensait Honor qui ne s’était réjouie de son succès que pour se demander ce qu’elle-même devenait dans l’affaire… Il ne lui laissait prendre aucune initiative et n’admettait pas qu’elle puisse donner son avis concernant les œuvres qu’il créait et les contrats qu’il signait.
Elle s’habituait à approuver chacun de ses actes d’un simple hochement de tête ; d’ailleurs, elle n’avait aucune critique à faire concernant ses réalisations. Il en était autrement de sa façon de se comporter dans la vie de tous les jours, ce que rien jusqu’ici, tant qu’ils n’avaient pas vécu ensemble, ne laissait supposer. Elle supportait de moins en moins ses colères auxquelles l’alcool contribuait largement. Était-ce là, l’homme qu’elle aimait, dont elle espérait un enfant ?
– Un enfant ? Tu n’y penses pas ! répliquait-il. N’en avons-nous pas assez bavé ? Maintenant je veux vivre, profiter du temps présent et de ma réussite ! Tu sais que j’ai créé plus d’œuvres qu’on ne m’en demandera jamais ! Je ne les ferai connaître au grand public qu’avec parcimonie. Je prépare trois expositions, une au Japon et deux autres aux États-Unis. Elles exigeront ma présence… Et toi, tu me parles de pouponner, de passer mon temps à faire « areu, areu » au-dessus d’un berceau ! Je te croyais plus intelligente, Honor, plus opportuniste surtout. Ne m’en parle plus. Plus jamais !
Honor ravalait son amertume. Les années passeraient et ensuite il serait trop tard. N’atteignait-elle pas déjà
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