L’outsider
D’un geste maladroit, Pierre Rouvel fouilla une nouvelle fois ses poches. En vain. – Voilà, cette fois je n’ai vraiment plus rien, se désola-t-il dans un soupir. D’un pas incertain, le petit homme mal rasé, à la mise négligée, franchit le seuil du café, en titubant légèrement. L’air hagard, il resta planté au beau milieu du trottoir, ignorant les remarques désobligeantes et les bousculades de la foule pressée qui ne cessait d’affluer autour de lui. Une seule pensée l’obnubilait : il avait bu son ultime billet de dix euros, jusqu’au dernier centime. Mais les verres ingurgités les uns après les autres n’avaient pas suffi à alléger les maux innombrables qui lestaient son cœur.
A présent, il avait même le sentiment qu’un gouffre vertigineux s’ouvrait sous ses pieds, une bouche béante et menaçante, près de l’engloutir entièrement.
Un violent coup de coude dans les côtes le ramena brusquement à la réalité.
– Mais tu vois pas que tu gênes, espèce de crétin ! rugit un jeune homme en se frayant en toute hâte un chemin à travers les passants. Pour toute réponse, le pauvre Pierre enfonça davantage la tête dans ses épaules, comme s’il avait l’intention de la faire disparaître. Il se réfugia sous le porche le plus proche.
La porte contre laquelle il venait de s’adosser s’ouvrit vivement. Un vide soudain le happa et il tomba. Son dos heurta violemment le sol pavé d’une cour intérieure.
Des taches sombres, semblables à des mouches, voletèrent devant ses yeux, l’espace d’une seconde.
Encore sous le choc, il se redressa avec difficulté.
Une voix lointaine de femme se mêla au roulis qui berçait ses pensées confuses :
– Incroyable ! Voilà qu’on retrouve des clochards jusque sur le pas de la porte ! Elle va m’entendre la concierge !
L’élégante offusquée posa un regard condescendant sur Pierre Rouvel, puis ses doigts lourds de bagues aux chatons rutilants farfouillèrent dans son sac à main. Ils finirent par en retirer une pièce de
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits