Une femme brisée
Annabelle remontait le canal de l’Ourcq comme elle l’avait si souvent fait quand elle était mariée avec Philippe. Chaque dimanche soir, ils empruntaient ce chemin pour se rendre au cinéma, en face du bassin de la Villette. Elle regarda autour d’elle. Rien n’avait changé. C’était la même et longue balade sableuse, jalonnée çà et là par des bancs. Elle gravit le pont qui surplombait l’eau, rue de l’Ourcq, et rejoignit l’autre quai. Et refaisant ce chemin tant de fois répété pendant leurs vingt-cinq ans de vie commune, elle sentit son cœur se serrer. Elle pressa le pas. Elle devait visiter dans moins de dix minutes un appartement rue Pierre-Reverdy.
Philippe l’avait quittée un an plus tôt. Il avait prétexté un transfert professionnel pour partir au Canada. Pour lui, il était impensable que toute la famille l’accompagne. Sa décision était prise, avait-il dit avant de disparaître de manière définitive sans se soucier d’Annabelle, ni de ses trois filles.
Pensive, elle releva machinalement ses longs cheveux en un lourd chignon au-dessus de sa nuque et regarda la foule des Parisiens qui profitait de cette belle journée d’avril.
Certains étaient allongés sur des chaises longues. D’autres jouaient à la pétanque ou se promenaient en famille, tandis que les péniches remontaient paisiblement le canal. Cela lui faisait presque mal de voir tous ces gens qui souriaient.
Depuis trois mois, Annabelle visitait des appartements dans un état second. Quand Philippe était parti, il avait vidé les comptes bancaires et elle n’avait plus réussi à payer le loyer de leur maison. En attendant de trouver un appartement, sa meilleure amie et son compagnon lui avaient proposé de les héberger. Mais elle ne pouvait pas rester indéfiniment chez Amélie et Cédric : ils attendaient des jumeaux. Annabelle s’arrêta un instant, essoufflée, au niveau du bar Ourcq. Une queue s’était formée devant l’établissement. Les gens venaient se ravitailler en bières fraîches ou rapporter leur verre consigné. C’est ce qu’elle faisait
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