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Le Jeu De Fuite
Le Jeu De Fuite
Le Jeu De Fuite
Livre électronique279 pages3 heures

Le Jeu De Fuite

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À propos de ce livre électronique

Le père de Rachel l’appelait le jeu de fuite. Compter les sorties, calculer les itinéraires et toujours être prêt à fuir. Quoi qu’il se passe... Toujours être prêt à fuir.


En apparence, Rachel n’est qu’un simple médecin. Mais elle cache un lourd secret. C’est une Télèque, recherchée par le gouvernement et les criminels des bas-fonds en raison de ses pouvoirs télékinétiques.


Charlie et son frère John sont réputés réussir l’impossible. Mais après avoir perdu sa famille, Charlie est complètement brisé et John peine à la maintenir à flot. Désespérés, ils acceptent une mission d’un baron du crime impitoyable, pour finir par découvrir que la fille est une Télèque... l’une des leurs.


Comptant sur l’aide de ses dangereux et douteux alliés, Rachel réussira-t-elle à renverser la situation et se sauver?

LangueFrançais
ÉditeurNext Chapter
Date de sortie2 oct. 2023
ISBN9798890082558
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    Aperçu du livre

    Le Jeu De Fuite - L.E. Fitzpatrick

    1

    Onze heures moins cinq.

    Rachel aurait dû finir il y a trois heures. Elle inséra sa carte de pointage dans la machine. Rien. Elle donna un coup, puis un autre, et la carte sortit, signant la fin de son service ; la nuit lui appartenait. Les vestiaires de l’hôpital étaient anormalement calmes. Il y avait une infirmière qui finissait son service et deux médecins qui commençaient le leur. Personne ne se parlait, ce n’était pas ce genre d’endroit. Saisissant son vieux manteau dans son casier, elle l’enfila sur sa blouse ; la seule barrière entre elle et la nuit d’octobre impitoyable. Elle traversa la salle d’attente des urgences, les yeux rivés sur la sortie. Il fallait ignorer tout ce désespoir. Trois heures supplémentaires après un service de douze heures, on n’avait pas d’autre choix que de faire comme si cela importait peu. Passer à côté des mères qui accompagnaient leurs enfants malades, comme s’il n’y avait qu’à poser ses mains sur eux pour que tout aille mieux. Passer à côté des ouvriers dont le sang coulait sur le sol. Pousser cette porte et sortir. Rentrer à la maison. Il le fallait. Et dans six heures, tout recommencer.

    Le premier souffle d’air froid frappa son corps endolori. Le second la fit presque revenir à l’intérieur. Elle serra son manteau, mais le vent glacial parvenait à se faufiler à travers ses gants, si fins, si lâches. Novembre serait bientôt là. Elle accéléra le rythme, essayant de semer l’hiver.

    Elle passa rapidement à côté des ruines d’une autre banque ; un vestige de l’ancien temps, avant que l’économie ne s’effondre et que le pays ne sombre en enfer. Le bâtiment inutilisé abritait désormais ceux qui avait été abandonnés dans la rue : les trop vieux, les trop jeunes, les faibles, les imbéciles. Bientôt la police viendrait, les délogerait, les pousserait d’une ombre à une autre, jusqu’à l’aube ou la mort, selon ce qui arriverait en premier. Mais pour le moment, ils étaient recroquevillés autour de bidons dans lesquels un feu crépitait, se réchauffant en silence, comme si cette flamme pouvait durer tout l’hiver. Ils ne remarquèrent pas la présence de Rachel. Même le plus mauvais des hommes, tapis au niveau de la porte, attendant qu’une pauvre âme passe pour se jeter sur elle, laissa passer la jeune docteure qui rentrait chez elle. Personne ne la voyait jamais. Du moins, ce n’était pas dans leurs habitudes.

    Trois, deux, un.

    Neuf heures moins cinq. Pile à l’heure.

    Elle avait l’impression que quelqu’un l’observait. C’était toujours le même endroit, en face de la troisième fenêtre de l’ancienne banque. Il se cachait, pas dans la banque, mais à côté. Il était si près d’elle qu’elle pouvait presque sentir son souffle sur sa nuque. Elle avait déjà été témoin d’agressions, les temps étaient difficiles et les gens prenaient ce qu’ils pouvaient quand ils pouvaient. Il y avait des viols aussi, cinq cette semaine, du moins cinq qui avaient nécessité des soins médicaux. La ville était dangereuse, et cela ne faisait qu’empirer. Mais c’était différent. Il - pour une raison quelconque, elle savait que c’était un homme - ne faisait rien. Il était là depuis une semaine, ne trahissant jamais sa position exacte ou ses intentions, mais elle pouvait sentir sa présence, et plus il attendait, plus il la tourmentait. Il savait où elle habitait, où elle travaillait, le chemin qu’elle prenait pour aller au bureau de change. Et il l’escortait jusque chez elle, chaque nuit, sans jamais se montrer. Cela n’avait aucun sens. Et cela ne faisait qu’empirer les choses.

    Elle ne se laissait pas facilement intimider ; les médecins de l’hôpital Sainte-Marie ne pouvaient se le permettre. Même si elle ne faisait qu’un mètre cinquante et qu’une bourrasque aurait pu la faire tomber à terre, elle pouvait quand même prendre soin d’elle. Mais cette traque l’avait effrayée. Et alors venaient les nuits blanches, se demandant qui il était, ce qu’il voulait. S’il le savait.

    Elle ne pouvait aller nulle part ailleurs dans la ville, n’avait nulle part où se cacher, aucune échappatoire. Si elle voulait manger, elle devait travailler, et il l’attendrait à la sortie de l’hôpital, en la regardant, sans rien faire. Elle en avait marre de ça, marre de tout, mais elle pouvait faire quelque chose. Elle pouvait y mettre un terme, d’une façon ou d’une autre. Quoi qu’il eût prévu, quoi qu’il eût souhaité faire d’elle, il devrait la regarder dans les yeux pendant qu’il le ferait, car elle en avait assez de fuir.

    Elle s’arrêta et se retourna.

    La rue était déserte. Mais elle pouvait encore sentir sa présence. Les immeubles plongeaient la rue dans la pénombre, et la faible lumière que projetaient les lampadaires grésillants permettait à peine de distinguer les dangers de la nuit. Il y avait du bruit. Il y avait toujours du bruit ; des voix, des voitures, le bourdonnement persistant de l’électricité luttant pour atteindre la périphérie de la ville. Il se passait tant de choses, et pourtant on y voyait si peu : l’endroit parfait pour se cacher.

    « D’accord, sale pervers », se murmura-t-elle. « Où te caches-tu ? »

    La rue s’étirait au loin, tel le fil d’un funambule. Elle s’approcha prudemment de la banque en ruine. Elle scruta les bâtiments autour d’elle, les fenêtres des étages, les portes du rez-de-chaussée, attendant de le voir surgir. Un pas, puis deux. Elle regarda. Rien. Elle rebroussa chemin et se dirigea vers le prochain bâtiment. Puis vers le suivant. Il avait l’air si près d’elle, pourquoi ne pouvait-elle le voir ?

    « Si tu me veux, me voilà, sale monstre. Montre-toi et viens me chercher ! »

    Elle entendit un cri en provenance de la banque. Quelqu’un courrait. Un homme. Son estomac se noua. Elle se replia sur elle-même. Dans sa fuite, il la poussa. Ce n’était pas lui.

    Elle se retourna, essayant de comprendre ce qu’elle voyait. Puis un souffle chaud lui caressa la nuque.

    « À terre ! »

    Tout devint blanc.

    Le visage collé au sol froid et sale de la rue, Rachel attendit. Le sol trembla, puis tout s’arrêta. Elle fronça les sourcils, attendant quelque chose, essayant de comprendre ce qu’elle faisait couchée dans une flaque nauséabonde sur le côté de la route. Quelqu’un la remit sur pieds. Elle se retourna vers la banque, mais il n’y avait plus rien. Des flammes jaillissaient des décombres. Des gens en sortaient en titubant, sous le choc et toussant, d’autres les yeux grands ouverts, bouche bée. Mais il n’y avait aucun bruit, juste des gestes chancelants et la chaleur grandissante. Rachel regardait la scène, la curiosité prenant le dessus sur la peur. La panique silencieuse était fascinante. Elle avança et la détonation parvint à ses oreilles. Le choc la fit tomber en arrière. Des cris, des appels au secours, les sirènes ; il en venait de tous les côtés.

    Le sol trembla à nouveau et le bâtiment explosa dans la rue, tel un feu d’artifice de mortier. Elle sentit qu’on la tirait vers l’arrière. Mais des gens venaient pour aider. Il y avait des survivants. Elle était médecin, on avait besoin d’elle.

    « Je peux aider ces gens », cria-t-elle, essayant de repousser l’homme qui la retenait.

    « C’est une bombe d’appât. » La voix était si calme qu’elle se figea. Elle regarda l’étranger et avala les quelques graviers qui se trouvaient dans sa gorge. Elle avait voulu le rencontrer en face à face, mais pas comme ça.

    Il la regardait, le regard vide. Les morts et les mourants n’étaient rien pour lui. Il était là pour elle, et uniquement pour elle. Sa main tenait toujours son épaule pour la retenir. Cette main qui l’avait mise en sécurité. Tant de questions traversaient son esprit, mais elle ne put en poser qu’une seule.

    « Une bombe d’appât ? »

    Une petite explosion qui a attiré la police, se souvint-elle rapidement. Suivie d’une plus grosse bombe qui les mettrait en pièces. Elle se retourna vers la banque, du moins là où elle aurait dû être. De plus en plus de gens venaient aider, tirant les bras et les jambes des brûlés. Avec de la chance, les corps viendraient avec.

    « Nous devons avertir... » L’homme avait disparu.

    Les sirènes se faisaient plus fort.

    Rachel reprit progressivement son souffle. Trois heures supplémentaires après un service de douze heures, on n’a pas d’autre choix que de faire comme si cela importait peu.

    Elle se mit à courir.

    2

    Charlie se réveilla en sursaut sur sa chaise, le visage en sueur. Il s’essuya le front avec sa manche. Il sentit la douleur parcourir son dos, lui rappelant son cauchemar. Celui qu’il faisait souvent, ce cauchemar du jour où tout a dégénéré. Il farfouilla dans ses poches pour trouver ses pilules. L’effet placebo fut instantané, et le soulagement survint quelque temps après. Il se frotta les yeux, puis retourna à l’appareil photo dirigé vers l’appartement se trouvant dans l’immeuble d’en face.

    Les lumières étaient allumées, les rideaux ouverts. Quelqu’un était rentré et il l’avait manqué. C’était tout ce qu’il avait à faire, et il avait foiré. Il donna un coup de pied dans la béquille qui reposait contre sa chaise et la regarda tomber à terre, hors de sa portée. Fléchissant la main, il essaya de ramener la béquille auprès de lui. Rien.

    « Merde. »

    Il se leva de sa chaise trop rapidement, et sa jambe droite céda, renversant l’appareil photo ; rien que l’objet le plus cher qu’ils possédaient. L’objectif se fissura.

    « Merde, merde, merde. » Cria-t-il, au sol. Les ondes de douleur commencèrent à se calmer. La colère et la honte menaient leur bataille habituelle, tandis que la voix dans sa tête le pressait de s’arrêter. Et, comme d’habitude, un tiraillement persistant au niveau de sa vessie le ramena à la réalité. Il portait beaucoup d’indignité sur ses épaules, la dernière chose dont il avait besoin, c’était qu’on le trouve assis dans une marre d’urine.

    Sa vie n’aurait pas dû être ainsi. Charlie Smith avait été une légende. Il était un Télèque, né avec d’incroyables pouvoirs et une arrogance qui rendait tout possible. Pensant fermement à celui qu’il était auparavant, il posa la tête sur le sol et se focalisa à nouveau sur la béquille. Les doigts tendus, il se visualisait atteindre la manchette en plastique. Il pouvait encore en sentir le poids et la texture avec ses pouvoirs, mais la déplacer demandait un effort difficile pour son esprit. Cela aurait dû être facile, mais ses pouvoirs télékinétiques lui faisaient défaut. L’appareil photo trembla, tourna sur le côté, puis s’arrêta brutalement. L’effort était fatigant et humiliant.

    Lentement, car maintenant tout devait être fait lentement, il se rapprocha se sa béquille, et, une fois prise en main, il réussit à se rendre aux toilettes. C’était une petite victoire, mais c’était presque suffisant pour le réconforter. C’était avant qu’il ne voie son reflet dans le miroir brisé accroché au-dessus du lavabo. Il avait du charisme avant. Il pouvait se sortir des problèmes avec brio. Maintenant, il avait de la chance si les gens ne changeaient pas de trottoir pour l’éviter. Les cheveux grisonnants, les yeux rouges et sans éclat, la peau pâle. Il avait trente-trois ans et en paraissait cinquante. Il ressemblait à un retraité. Le grand Télèque Charlie Smith, réduit à ça. Les choses avaient tellement changé en un an seulement. Un an, deux mois, et huit jours.

    Une clé tourna dans la serrure de la porte de derrière. Charlie défroissa ses vêtements. Tout était normal, tout allait bien. Il pouvait s’en sortir, bien sûr qu’il le pouvait. Il regarda son sourire dans le miroir et sortit des toilettes, tandis que son frère ouvrit et ferma la porte du pied, histoire de se faire comprendre.

    « Tout va bien ? » Demanda Charlie.

    Le regard de son jeune frère était si perçant, qu’il aurait pu lui traverser le crâne. Visiblement, ça n’allait pas. Mais avec John, il était impossible de savoir à quel niveau le problème se trouvait sur l’échelle du désastre. Charlie avait déjà vu ce regard perçant lorsqu’une mission avait mal tourné, et il l’avait vu lorsque quelqu’un avait renversé du café sur le costume de John.

    « Que s’est-il passé ? »

    John regardait au loin. Il était mécontent de lui, ce qui n’était jamais bon signe. Charlie s’avança vaillamment vers lui, s’appuyant sur sa béquille. Ils avaient quatre ans d’écart, et cela ne s’était jamais autant vu.

    Charlie fit signe de s’asseoir à la table rabattable qui se trouvait dans la salle à manger. La plupart du temps, John contrôlait la situation. Il lui arrivait rarement de faire des erreurs ou de se méprendre, et quand ça lui arrivait, il s’en blâmait pendant des jours. Il avait besoin de Charlie, un rateur professionnel, pour relativiser.

    « Elle m’a vu », avoua-t-il.

    « Elle t’a vu ! » Répondit Charlie, incrédule. « Tu es comme une créature de la nuit, comment diable a-t-elle pu te voir ? Mon Dieu, la plupart du temps je ne te vois même pas et je sais que tu arrives. »

    John serra les poings, puis les desserra. Il se leva pour évacuer la tension et commença à se calmer ; de petits pas rapides, faisant grincer ses chaussures en cuir contre le linoléum.

    « Il y a eu une explosion. Un salopard a laissé une bombe d’appât sur sa route. J’ai dû la tirer en arrière avant que ce maudit bâtiment ne s’écroule sur elle. »

    Charlie se pinça l’arête du nez. Même lorsque son frère foirait, il réussissait toujours à faire quelque chose de bien. « Tu veux dire que tu l’as sauvée ? »

    John le foudroya du regard. « Tu es à côté de la plaque. »

    Charlie leva les yeux au ciel. Seul John pouvait l’énerver à ce point en sauvant la vie de leur cible. « Écoute, penses-tu qu’il nous paierait s’il découvrait qu’on l’avait laissée mourir ? », dit Charlie.

    « Tu n’en sais rien. On ne sait pas du tout pourquoi il la veut ! »

    C’était vrai, ils ne le savaient pas et ça commençait à devenir énervant. Les tristement célèbres frères Smith savaient toujours quelles cartes étaient sur la table avant même que le jeu ne soit distribué. Charlie préparait les missions comme s’il écrivait un script. Personne n’avait jamais failli à sa tâche. Du moins, c’était le cas il y a un an. Un an, deux mois, et huit jours. Depuis lors, il y avait moins de missions. Ils avaient eu de la chance d’avoir le contrat Rachel Aaron, uniquement parce que l’ancien mentor de Charlie les avait recommandés. Mais la chance et le soutien d’un vieux prêtre ne rendaient pas l’inconnu moins troublant. Ils étaient dépassés, et ils manquaient encore d’informations.

    « Il souhaite peut-être sa mort », dit John.

    « S’il voulait qu’elle soit morte, il nous aurait demandé de la tuer », répondit Charlie. « Et s’il voulait qu’elle soit morte, il n’aurait pas demandé à un prêtre s’il connaissait quelqu’un qui pouvait la trouver. Il veut qu’on la trouve, John, c’est tout. »

    « Je n’aime pas ça », dit John brusquement. « Cette mission craint. »

    « Je sais. » Charlie prit une profonde inspiration, la prochaine phrase qu’il allait prononcer n’aurait pas dû le rendre nerveux, et pourtant ce fut le cas. « C’est pourquoi je vais aller moi-même sur le terrain. »

    John ne semblait jamais surpris, heureux ou tout autre chose si ce n’est un peu impatient. Mais lorsque quelque chose lui plaisait, son sourcil droit se levait toujours légèrement. Le sourcil de John levé, une sensation de culpabilité se mit à envahir Charlie : pourquoi ne l’avait-il pas dit plus tôt.

    « Je pensais que tu étais un incapable », dit John avec sarcasme.

    « C’est de la surveillance dans un hôpital, John, qui se fondra le mieux dans la masse, toi ou moi ? »

    Le sourcil de John se dressait plus haut sur son front. Il avait été patient avec Charlie, plus que Charlie ne pensait le mériter, attendant que son frère se remette au boulot au lieu de devoir se débrouiller seul. John n’avait pas perdu la main. Il n’avait pas de problème avec les escaliers. Il pouvait boire quand il le voulait. Dormir quand il en avait besoin. Il avait toutes ses capacités. Charlie les empêchait tous deux d’avancer, mais il savait que John s’accrochait toujours à l’espoir qu’un jour Charlie se rétablisse et que les choses redeviennent comme avant. Et Charlie avait trop besoin de lui pour lui dire que ce jour n’allait jamais arriver.

    « T’en es sûr ? » Demanda John.

    « On a besoin de cet argent. »

    « Et s’il veut vraiment la tuer, ou pire ? »

    Malgré ce que Charlie avait dit, c’était toujours une possibilité. Ils ne travaillaient pas pour les gentils sur ce coup, et la fille avait été difficile à trouver, même avec les pouvoirs de Charlie. Les choses allaient mal finir pour elle, et c’est peut-être pour ça que Charlie n’avait pas posé assez de questions.

    « On a besoin de cet argent », lui assura Charlie. « Ça doit être notre priorité. » Ce n’était pas lui qui parlait. Il avait bien sûr fait des choses discutables, voire mauvaises, mais il avait une certaine morale, et une petite voix dans sa tête lui criait que c’était vraiment mal.

    John fit un signe de la tête, et Charlie fut soulagé de voir qu’il partageait ses sentiments. « Bien, mais si ça doit être fait, je m’en chargerai. »

    « Non, tu n’as pas besoin de ça sur ta conscience. Je le ferai. »

    John le regarda. « On va vraiment se disputer pour savoir qui va la tuer ? »

    « Qui doit la tuer », corrigea Charlie. « Quand tu dis va la tuer, ça fait un peu et en bonus.... Et non, on ne va pas se disputer, car je vais le faire. » Il n’avait pas à dire que c’était de sa faute si tout ça était arrivé, c’était une certitude.

    John croisa les bras. « D’accord, mais c’est moi qui me débarrasserai du corps. »

    Charlie le fusilla du regard. « Tu entends quoi par me débarrasserai ? »

    Son frère prit un air narquois. Il avait un sens de l’humour unique.

    3

    Il avait fallu huit ans à l’Empire britannique pour s’effondrer.

    Tels des dominos, les principaux acteurs d’Europe et du monde occidental s’étaient écroulés, un par un. Chaque pays chutant assez fort pour assurer une réaction en chaîne cataclysmique aux quatre coins du monde. Les historiens ne sont pas d’accord sur l’origine du problème ; certains disent qu’elle remonte aussi loin que la Seconde Guerre mondiale, lorsque les puissances aux commandes ont choisi de ramasser les morceaux et de tout recoller. D’autres sont plus cyniques, clamant que l’être humain était destiné à disparaître dès l’instant où les singes primitifs avaient formé les premières communautés.

    Quelle qu’en fût la raison, les fissures se trouvaient sous la surface depuis très, très longtemps, la rendant de plus en plus fragile et instable. Le conflit interne avait laissé de nombreux pays dans une impasse. Là où la pauvreté et la guerre occupaient toujours une place centrale, les conséquences de ce qui allait se produire atteindraient à peine l’échelle de Richter. Mais dans des pays tels que les États-Unis, la France et l’Angleterre, des pays dans lesquels la paix était établie et qui étaient devenus riches grâce à leurs voisins de guerre, les troubles seraient au rendez-vous.

    C’était la crise financière qui avait frappé le premier coup. Chaque pays luttant pour équilibrer son propre bilan, faisant de plus en plus de crédits et prêtant de l’argent jusqu’à ce que la valeur de la monnaie ne chute. Lors de l’effondrement du système, le gouvernement civilisé avait commencé à s’écrouler, incapable de faire un compromis entre cupidité politique et intégrité publique. Le peuple s’était révolté, voyant les grands fauves dans les grandes villes dilapider de l’argent, alors que leurs familles mouraient de faim en banlieue. En France et en Angleterre, les émeutes avaient duré cinq ans, pour finalement se transformer en guerre civile dévastatrice. Des lieux comme Red Forest et d’autres plus au nord étaient devenus des tranchées de conflit que même la milice ne pouvait conquérir.

    Les troubles civils se sont temporairement arrêtés, lorsque la maladie a commencé à se propager dans le Yorkshire et le Lancashire. Les problèmes de malformations congénitales, de virus et de contamination avaient fini par séparer l’Angleterre en deux moitiés, et tous ceux qui le pouvaient étaient partis vers le sud, pour y échapper. Le nord de l’Angleterre avait été abandonné,

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