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Les Démons de Jaheem T1: Doglaroth
Les Démons de Jaheem T1: Doglaroth
Les Démons de Jaheem T1: Doglaroth
Livre électronique462 pages5 heures

Les Démons de Jaheem T1: Doglaroth

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À propos de ce livre électronique

Quand quelque chose vous appelle, vous devez répondre présent

Tola, jeune artiste est terrorisé par des cauchemars récurrents et le sentiment d'être suivi. Son imagination fertile lui joue-t-elle des tours ? Pourquoi se retrouve-t-il perpétuellement cerné par les ténèbres, des Valkyries et des Pégases ? Que viennent faire un clan de Furies et un Ange Déchu dans sa vie ?

Lorsqu'il attire l'œil du dangereux démon de l'orage, Doglaroth, il se pose la question suivante : cette créature sera-t-elle son salut ou sa damnation ?

LangueFrançais
ÉditeurOpal
Date de sortie5 août 2021
ISBN9781005690540
Les Démons de Jaheem T1: Doglaroth

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    Aperçu du livre

    Les Démons de Jaheem T1 - BL Opal

    RÉSUMÉ

    Quand quelque chose vous appelle, vous devez répondre présent.

    Tola, jeune artiste est terrorisé par des cauchemars récurrents et le sentiment d'être suivi. Son imagination fertile lui joue-t-elle des tours ? Pourquoi se retrouve-t-il perpétuellement cerné par les ténèbres, des Valkyries et des Pégases ? Que viennent faire un clan de Furies et un Ange Déchu dans sa vie ?

    Lorsqu'il attire l'œil du dangereux démon de l'orage, Doglaroth, il se pose la question suivante : cette créature sera-t-elle son salut ou sa damnation ?

    SOMMAIRE

    RÉSUMÉ

    PROLOGUE

    CHAPITRE 1

    CHAPITRE 2

    CHAPITRE 3

    CHAPITRE 4

    CHAPITRE 5

    CHAPITRE 6

    CHAPITRE 7

    CHAPITRE 8

    CHAPITRE 9

    CHAPITRE 10

    CHAPITRE 11

    CHAPITRE 12

    CHAPITRE 13

    CHAPITRE 14

    CHAPITRE 15

    CHAPITRE 16

    PROCHAINEMENT

    PROLOGUE

    Le démon Doglaroth dominait les corps des deux hommes qui l’avaient délivré après mille cinq cents ans de solitude et de bannissement. En guise de remerciement sincère, leurs morts avaient été rapides et indolores.

    Il essuya sa queue fourchue et jeta un bref coup d’œil à la pièce dans laquelle il se trouvait. Il s’agissait d’une sorte de motel puisqu’il y avait un lit, une porte menant à une salle de bain, une table dans un coin, mais pas de chaise. Il se rendit dans la pièce adjacente afin d’effacer toute trace de son forfait. Il mit un certain temps pour tenter de comprendre à quoi servaient tous ces boutons, puis il profita d’une douche brûlante pendant une vingtaine de minutes, s’émerveillant devant la plomberie moderne. Ce qui le fascinait le plus était l’interrupteur : jour, nuit, jour, nuit...

    Il s’approcha ensuite de la fenêtre, observant les quelques passants qui s’empressaient de rentrer chez eux. Personne ne flânait à cette heure tardive, puisqu’il était près de minuit. Il remarqua tout de même que l’hôtel paraissait bourdonner d’activité entre les fréquentes entrées et sorties de prostituées avec leurs clients et diverses personnes douteuses du même acabit. Il aperçut une taverne de l’autre côté de la route, remplie de consommateurs bruyants et d’une musique encore plus forte. Ce qui l’étonna le plus était tous ces chariots de métal qui ne requéraient aucun cheval ni cocher.

    — Fascinant, ronronna-t-il.

    Sa longue queue s’enroula autour de sa jambe et il inclina la tête. Les habits étaient également très différents de ceux qu’il avait l’habitude de voir auparavant. Il se tourna vers les deux humains qu’il venait de tuer. Eh bien, ils n’auraient plus besoin de leurs vêtements désormais.

    Il retira sa vieille robe sale qu’il jeta sur le sol. Aucune de ses victimes n’était aussi grande que lui, le pantalon était donc très moulant et il n’arriva pas à fermer la chemise en flanelle, mais le tee-shirt de l’autre type couvrait sa poitrine, bien que de manière très serrée. Au moins, il avait l’air attirant, vêtu ainsi. Il prit un instant pour brosser sa longue crinière noire comme de l’ébène, avec quelques éclats bleutés, avant de la réunir en un vague chignon. Par contre, il lui fallut un bon moment pour enrouler sa queue autour de sa taille afin de la dissimuler sous ses différentes couches de vêtements.

    Il contempla son reflet. Sous son aspect naturel, sa peau était grise et il arborait deux immenses cornes torsadées, recourbées vers l’arrière. Il inclina la tête et soupesa ses options. Se pavaner dans la rue sans se déguiser dans ce monde des mortels avait précisément été la raison de son bannissement. Il ferma les paupières, fit appel à sa magie longtemps négligée et se jeta un sort pour que sa véritable forme disparaisse, laissant place à celle d’un homme de grande taille, tout à fait normal.

    Après s’être emparé de tout l’argent, des bijoux et des montres de ces ridicules adeptes en démonologie, il sortit de la chambre. Le couloir dégageait une odeur abominable, un savoureux mélange de relents de fumée, de mauvaise bière et de pisse. Il en traversa plusieurs, écoutant aux portes, s’arrêtant quand des gens passaient devant lui et le contemplaient les yeux écarquillés en restant bouche bée. Il grogna en direction d’un couple trop insistant avant de poursuivre son chemin jusqu’à ce qu’il trouve des escaliers. Il descendit dans la rue et se figea.

    Le monde autour de lui était tellement différent. Il avait l’impression de renaître. C’était sa seconde chance sur terre.

    Et il y avait tellement de gens à tuer.

    CHAPITRE 1

    Cinq ans plus tard

    Ce fut le grondement du tonnerre après de violents éclairs qui tira Tola Staeinsson de son cauchemar. Il resta allongé dans son lit, écoutant la pluie qui frappait sa fenêtre et le vent qui hurlait dans les branches des arbres situés plus bas dans la rue. Encore à moitié endormi et effrayé par son rêve, il se leva pour se rendre d’un pas hésitant à la salle de bain attenante. Après avoir soulagé sa vessie, il traversa le petit couloir menant à la cuisine. Il se versa un grand verre d’eau et vérifia l’heure.

    Un peu plus de trois heures. Il recula pour s’adosser à l’évier, regardant le déluge tambouriner à la fenêtre. Il pouvait à peine distinguer les immeubles de l’autre côté de la rue ou les lumières de la ville. La vitre trembla lorsque le tonnerre retentit de nouveau. Des éclairs surgirent brusquement, éclairant un visage qui fixait Tola depuis l’extérieur. Il sursauta, bondit en arrière, laissant tomber son verre qui explosa sur le sol, tandis que de l’eau se déversait partout.

    — C’est quoi ce bordel ? haleta-t-il, une main posée sur son cœur qui battait la chamade.

    Il s’approcha lentement en plissant les yeux. Évidemment, il n’y avait strictement rien devant sa fenêtre. Il habitait au cinquième étage et la vitre donnait sur la rue en contrebas. Il attrapa un torchon pour nettoyer, laissa les débris de verre dans l’évier, puis retourna dans sa chambre. Il referma soigneusement la porte derrière lui… juste au cas où.

    Il se frotta les yeux emplis de sommeil et glissa une main dans ses cheveux noirs et bouclés. Il s’effondra sur son lit où il s’enfouit sous les draps. On était en août, mais il avait dépensé tout l’argent qu’il avait gagné de sa dernière commission dans un climatiseur qui bourdonnait depuis le coin du mur, soufflant un air glacial. Si dormir dans une pièce fraîche sous des couvertures impliquait une facture d’électricité plus élevée, Tola serait heureux de la payer.

    Il ferma les yeux et repensa au visage qu’il avait entraperçu à la fenêtre, il l’imagina planer au-dessus de lui. Il soupira, se tourna sur le côté, et enfonça sa tête dans l’oreiller. Il s’était sans doute trompé, il n’avait rien vu. Il inventait sûrement des choses. Dehors, l’orage tonna et quelque chose grinça contre le verre. Tola l’ignora, roula de nouveau et tira résolument l’édredon par-dessus son crâne.

    Le matin arriva trop rapidement quand résonna l’alarme de son téléphone. Il s’assit brusquement en haletant, faisant voler ses draps dans tous les sens, jusqu’à ce qu’il appuie sur le bouton de son portable pour couper la sonnerie et ne garder que la vibration. Il l’attrapa et vérifia le volume. Il avait le sommeil léger, il n’avait donc pas besoin de mettre le son au maximum.

    Il balança ses jambes sur le côté du lit et se prit la tête entre les mains. Il était six heures du matin. Inutile de se battre contre cette triste réalité. Tola se leva et se dirigea vers la cuisine pour allumer la cafetière. Puis, il retourna dans la salle de bain afin de se doucher.

    Comme d’habitude, ses cheveux étaient un véritable désastre. Franchement ! Qui a inventé les boucles ? Il se sécha, fit ce qu’il pouvait avant de revenir dans sa chambre pour trouver une tenue à enfiler. Ce n’était pas comme s’il possédait grand-chose ni s’il allait sortir pour retrouver quelqu’un. Il saisit un jean délavé et un tee-shirt bleu avec un « 3 » jaune inscrit sur le torse. À présent, l’odeur du café remplissait le petit appartement et l’attirait irrésistiblement. Il s’en versa une grande tasse.

    Le ciel était parsemé de gros nuages et l’asphalte était encore mouillé après l’orage de la veille. Il avait espéré que le temps se soit rafraîchi, mais il découvrit rapidement que l’air était toujours aussi suffocant et humide. Il sortit dans la rue et se dirigea vers sa vieille jeep, garée le long du trottoir, car le bâtiment qu’il habitait ne possédait pas de parking.

    Tola alluma la radio et s’engagea dans le trafic. Il se rendait chaque matin dans une galerie d’art appartenant à un ami de la famille qui avait accepté de lui louer le grenier dont il n’avait aucune utilité. Son propre appartement était trop petit pour entasser toutes ses fournitures, de plus c’était agréable d’avoir un endroit calme et tranquille pour s’immerger dans son travail, sans avoir à s’inquiéter si des gouttes de peinture tombaient sur le sol. Sans oublier de mentionner que la pièce possédait d’immenses baies vitrées offrant une vue incroyable sur la rivière et le cœur de la ville.

    Il se gara dans l’allée à l’arrière l’immeuble et sortit son trousseau contenant deux clefs. Il utilisa la première pour déverrouiller la porte de derrière. Il avait deux choix à partir de là : soit, il ouvrait celle de gauche donnant sur un escalier étroit ou la plus grande, sur sa droite, protégée par un système de sécurité haute technologie qui le mènerait à la galerie. Il ne possédait que celle du grenier, il choisit donc la gauche et grimpa les marches. Arrivé sur le palier, il se trouva face à une nouvelle porte qui ne nécessitait pas de clef.

    L’exposition accueillait du public uniquement les après-midis et il n’avait pas vu la voiture du propriétaire à l’extérieur. Il posa son sac sur une chaise et commença à réunir ses fournitures. Dans un coin, un énorme chevalet contenait une toile montrant un arbre à moitié fini, dominant un paysage sombre, traversé par un éclair de lumière blanche. Avant de s’installer, il ajusta l’éclairage et lança ses musiques préférées. Puisque personne d’autre ne se trouvait dans le bâtiment, il ne prit pas la peine de poser son casque sur ses oreilles.

    Le son de guitares électriques, de voix rocailleuses et de cornemuses emplit la petite pièce. Il était attiré par le folk metal depuis l’année dernière et avait compilé une longue liste des chansons qu’il adorait. La plupart d’entre elles n’étaient pas en anglais, et même celles qui l’étaient, s’avéraient difficiles à comprendre. Il y avait beaucoup de bruits gutturaux et encore plus de hurlements.

    Tola ne parvenait pas à expliquer pourquoi, mais il en appréciait chaque putain de note.

    Cela faisait presque trois heures qu’il peignait quand il entendit la porte derrière lui se refermer. Il se retourna, étonné, s’attendant à voir Theliel, le propriétaire de la galerie, mais ne trouva personne.

    Il fronça les sourcils, posa sa palette et son pinceau avant de se diriger vers l’entrée.

    Pas une seule âme en vue.

    La porte du bas se bloquait automatiquement derrière lui et personne d’autre ne possédait la clef. Il descendit l’escalier afin de la déverrouiller, au moment même où quelqu’un l’ouvrait à la volée. Un homme de haute taille pénétra dans le couloir.

    Ils sursautèrent tous deux de surprise. Tola s’appuya contre le montant, ricanant tandis qu’il dévisageait Theliel. Le grand noir chauve d’un mètre quatre-vingt-quinze posa une main sur son cœur et s’adossa contre la porte.

    Tola ne put s’empêcher d’éclater de rire.

    — T’aurais-je fait peur ?

    — Au moins, je suis réveillé maintenant ! grogna-t-il.

    Il tenait un thermos entre ses doigts et une mallette sous son aisselle. Il tendit un bras et retira une goutte de bleu des cheveux bouclés de Tola.

    — Tu es arrivé de bonne heure.

    — Je me suis levé avec une brusque envie de peindre, expliqua-t-il.

    — Quelque chose de bon ? demanda Theliel avec un sourire.

    Il entra le code de sécurité et Tola le suivit à l’intérieur. Ils se dirigèrent vers le bureau.

    — Cela dépend de ce que tu entends par là, grommela-t-il.

    — Tout ce que tu fais est excellent, Tolly.

    Ce dernier s’appuya contre le mur, les bras croisés.

    — Peut-être. Tu es matinal. Que se passe-t-il ?

    — Une nouvelle cliente, expliqua-t-il, fouillant un peu partout dans la pièce. Elle n’est disponible qu’aujourd’hui.

    Il hocha la tête.

    — Je vais te laisser, alors. À plus tard.

    — Je tiens à voir cette peinture quand tu auras terminé, lança Theliel derrière lui.

    De retour dans le grenier, devant son chevalet, il n’éprouva plus aucune envie de continuer. Il poussa un long soupir et jeta un coup d’œil par la fenêtre. Toujours aucun visage. Personne ne l’espionnait depuis l’escalier de secours. Alors, pourquoi avait-il l’impression que quelqu’un l’observait ?

    Il secoua la tête et commença à ranger ses affaires.

    Le temps s’était amélioré quand il sortit dans la rue. Le soleil et les températures estivales avaient chassé les nuages. Assis dans sa voiture, il n’arrivait pas à décider ce qu’il devait faire pour le déjeuner. Rentrer à la maison ? Trouver un restaurant dans ses moyens ? Revenir à l’appartement pour avaler un bol de céréales ou des ramens serait le plus logique. Et le moins cher. Il tourna son attention vers son téléphone lorsqu’il se mit à biper.

    Astrid : On mange quelque part ?

    Le seul point négatif au fait de déjeuner avec Astrid était qu’elle désirait toujours savourer un repas dans un bon restaurant, ou plutôt, pour la citer « pas dans une saloperie de fast-food ». Il ouvrit son portefeuille et répondit :

    Tola : Je ne roule pas sur l’or.

    Astrid : Tu es vraiment pénible. Que dirais-tu du Thorill’s Diner ?

    Il réfléchit. C’était un petit bistrot sans prétention où tout était fait-maison. Il accepta et engagea la voiture sur l’artère principale.

    Le trajet fut court. Il se gara à côté de la Lexus jaune d’Astrid avant d’entrer. L’intérieur dégageait une douce odeur de hamburgers, de tartes à la pomme et possédait autrefois un thème rappelant les années 50. Récemment, les propriétaires avaient refait la décoration, annulant tout son charme précédent, ayant adopté des tons magenta et turquoise pour les murs avec un sol noir et blanc. Il s’arrêta sur le seuil, momentanément distrait par l’agression des couleurs et les néons qui brillaient au-dessus du comptoir quand il entendit quelqu’un crier son nom.

    — Tolly ! Par ici.

    Il pivota et aperçut la jeune femme dans la trentaine, assise sur une banquette qui tentait d’attirer son attention. Sa peau était d’un brun foncé et ses cheveux noirs et frisés étaient retenus par un bandana. Elle lui adressa un dernier grand geste avant de disparaître dans le box. Il s’installa en face d’elle quelques secondes plus tard.

    — Salut, Astrid. Tu ne travailles pas aujourd’hui ? ajouta-t-il après avoir jeté un coup d’œil à sa tenue décontractée.

    — J’ai demandé au patron si je pouvais prendre quelques heures de congé, plaisanta-t-elle.

    — C’est toi, le boss.

    — Raison pour laquelle il a accepté, rétorqua-t-elle avec un grand sourire.

    Son nez se plissait et ses yeux brillaient lorsqu’elle se réjouissait ainsi. Tola adorait cela chez elle, c’est pourquoi elle était également son modèle préféré quand il peignait.

    — Je constate que tu étais fort occupé ce matin.

    Tola fronça les sourcils avant de baisser son regard vers ses mains. Elles étaient couvertes de traces de peinture sèches. Il jura.

    — Je vais me laver rapidement. Je reviens tout de suite.

    — Ringard !

    Il se dirigea vers les toilettes pour hommes et alla droit vers le lavabo pour effacer les taches de peinture sur ses doigts et avant-bras.

    — Theliel a raison, je suis vraiment bordélique, grommela-t-il dans sa barbe.

    Il vérifia ses cheveux pour voir s’ils contenaient d’autres gouttes et remarqua un trait bleu sur son sourcil. Après s’être arrangé, il revint dans la salle. Astrid parcourait le menu en sirotant un coca, un verre de thé glacé était posé de son côté de la table.

    — Merci, dit-il en prenant une gorgée avant d’ouvrir la carte.

    Il y avait des « offres du jour » séparées, il les étudia en premier. Il sentit les prunelles sombres d’Astrid fixées sur lui et résista à son envie de relever la tête.

    — Désolé, je ne peux pas me permettre le homard ni le steak, Miss Avocate de Grand Renom.

    Elle ricana.

    — Ils n’en servent pas ici, petit génie !

    — Très bien, les crevettes si tu préfères.

    — Je suis allergique, je pourrais mourir.

    — Sans oublier de mentionner que ce ne sont que de grosses punaises marines.

    Elle gloussa.

    — Alors, que peins-tu ?

    Tola tira son portable de sa poche et afficha la photo qu’il avait prise avant de partir. Il la lui montra.

    — Je fais un rêve récurrent dernièrement. J’ai pensé que si je le dessinais, il me sortirait du crâne.

    Elle hocha la tête.

    — Et cela fonctionne ?

    — Non, pas vraiment. Il s’est juste transformé en cauchemar.

    Astrid tapotait son menton de son index alors que la serveuse enregistrait leurs commandes. Alors qu’ils patientaient, la conversation se poursuivit.

    — Quel genre ? Si je peux demander…

    Tola s’adossa à son siège.

    — C’est compliqué. Il y a un visage dans les ténèbres, des éclairs illuminent un arbre très vieux et toutes sortes d’ombres dans le ciel. Elles ne possèdent pas d’ailes, donc ce ne sont pas des anges.

    — Qu’est-ce que c’est à ton avis ? s’enquit-elle.

    ***

    Il n’existait pas beaucoup d’endroits plus crasseux et violents que les bars tenus par des Otherkin. Au moins ici, Doglaroth n’avait pas à se cacher derrière un masque. Il dissipa le voile invisible et détacha sa queue avant de la faire claquer comme un fouet. Le pub, de bien des façons, n’était pas tellement différent de n’importe quel autre. Sa seule distinction consistait dans le fait qu’aucun des clients ou des membres du personnel n’était humain. Et que les murs et les portes étaient bardés de sortilèges magiques pour empêcher les mortels d’entrer et les créatures belliqueuses de sortir.

    Il jeta un rapide coup d’œil à la salle. Il repéra un groupe de Harpies à une table, hurlant de rire et buvant une sorte de gelée rose. Au comptoir, il y avait deux démons. Quant au barman, c’était un énorme Berseker avec une crête orange sur la tête, et assise seule dans son coin, il y avait une Valkyrie.

    Il fronça les sourcils. Inutile de chercher des noises aux filles de Freyja. Elles étaient dotées d’une beauté incomparable, mais étaient également de véritables machines à tuer et chacune d’elle possédait un don spécifique provenant de leur déesse-mère. Une fois, il en avait vu une capable de bouger des montagnes d’une simple torsion du poignet et une autre avait fait fondre la peau d’un type qui avait osé la mettre en colère.

    Depuis, il les évitait comme la peste.

    Quand il s’approcha du comptoir, les deux démons lui jetèrent un bref coup d’œil. Deux femelles. Une avait le cuir rouge avec une couronne de cornes autour de la tête, et la seconde était d’un gris charbonneux avec des ailes repliées dans son dos. Elles le dévisageaient avec un mélange d’intérêt et de prudence.

    — Qu’est-ce que ce sera ? demanda le Berseker en s’approchant.

    — La merde la plus forte que tu as en stock.

    Le barman ricana. Il remplit un énorme gobelet d’une sorte de bière noire avec un reflet doré.

    — Doglaroth, c’est ça ?

    Ses oreilles frémirent.

    — Cela dépend.

    Le serveur sourit, montrant une rangée de dents jaunes et acérées. Il posa le verre devant lui.

    — J’ai entendu une rumeur comme quoi tu te trouvais en ville.

    Doglaroth hocha la tête en buvant une grande gorgée. La bière, mélangée avec de l’ambroisie était amère et forte. Cela faisait désormais cinq ans qu’il avait été libéré de sa prison et depuis, il avait voyagé un peu partout à travers le monde, se créant par inadvertance une réputation. Or, il s’avérait qu’à cette époque moderne et bardée de technologies de pointe, les rumeurs se répandaient vite. Il s’était juste confronté à quelques ennemis et leur avait arraché la tête. Depuis lors, il savait que les gens avaient tendance à murmurer dans son dos. Ce n’était pas si mal, cela signifiait simplement qu’on ne l’approchait pas facilement et qu’on restait à distance respectueuse. Par contre, certains démons ou autres monstres avaient tenté de le défier et chaque fois, il avait accepté le duel avec enthousiasme.

    Son désir pour le sang était presque aussi insatiable que celui pour le sexe.

    — Alors, qu’est-ce qui t’amène ici ? reprit le barman.

    Doglaroth était conscient que les démones tendaient l’oreille. Il haussa les épaules.

    — J’ai capté une odeur.

    — Proie ou plaisir ?

    — Je ne sais pas encore. Toutefois, je cherche les deux.

    Il pivota vers les femelles et les détailla sans vergogne. Oh ! Elles étaient intéressées. Il avait eu un mâle la veille, mais il ne refuserait pas un trio.

    Tout à coup, il y eut une décharge d’énergie à l’intérieur du bar et ils se tournèrent tous vers la table désormais vide. La Valkyrie était partie.

    — On n’en voit pas souvent, commenta-t-il.

    Le serveur acquiesça.

    — Une petite guerre entre elles et le clan local de Furies.

    — Merde ! cracha-t-il en avalant le reste de sa boisson.

    Les Valkyries étaient déjà suffisamment difficiles à vaincre, mais les Furies ? Elles collectionnaient les têtes de démons, comme les humains le faisaient avec des cartes sportives.

    D’autres clients entrèrent, si bien que Doglaroth se retrouva seul, perdu dans ses pensées. Il s’était montré honnête quand il avait déclaré s’être arrêté dans cette ville parce qu’il avait intercepté une odeur, néanmoins, c’était plus que ça. Il avait l’impression d’agir tel un poisson gobant un appât sur un hameçon. Quelque chose tentait de l’attirer à Ironwood depuis cinq ans. Il avait essayé d’ignorer ce sentiment, poursuivant des ennemis et réchauffant son lit avec des amants de passage, toutefois, son désir de venir dans cette ville n’avait jamais diminué.

    Il fit claquer sa queue. Quoi qu’il y ait ici, quelle que soit la raison de sa distraction depuis des années, il allait la trouver et s’en débarrasser rapidement.

    CHAPITRE 2

    Le restaurant était plus bondé que d’habitude. Tola se faufilait entre les tables, prenant des commandes, livrant des plats, s’arrêtant de temps en temps pour répondre à des questions stupides et déposer les additions. Ce n’était pas rare pour cette sorte d’auberge qui proposait une cuisine française, de faire salle comble, au point d’assurer plusieurs services les uns après les autres, mais à ce niveau, cela frisait le ridicule. De plus, aujourd’hui, il avait été forcé d’accepter les clients d’un collègue quand il avait dû partir en urgence afin de récupérer sa fille malade chez la baby-sitter. À vrai dire, Tola ne comprit pas comment il parvint à tout assumer sans que sa tête n’explose.

    Le soir connut une nouvelle période de pointe, si bien qu’il n’eut pas le temps de profiter d’une pause pour dîner. Il ne réussit à grappiller que quelques secondes pour soulager sa vessie lors d’une bienheureuse accalmie.

    À l’intérieur des toilettes, il faisait chaud et humide à cause de la température extérieure, ce qui rendait ses cheveux encore plus bouclés, devenant pratiquement crépus. Il expira bruyamment en contemplant son reflet alors qu’il se lavait les mains. Il transpirait abondamment, ses joues étaient empourprées et il paraissait épuisé. Pourtant, il lui restait trois heures à tenir et il devait déjà reprendre son service. Il s’aspergea le visage, redressa son tablier et sa cravate, puis se dirigea vers la salle.

    Après le départ du dernier client, il ne sentait plus ses membres. Il avait mal aux pieds et souffrait d’une migraine carabinée. Tola souhaita une bonne nuit à ses collègues avant de s’éclipser par la porte de derrière, donnant sur le parking réservé aux employés. Le temps était toujours atrocement moite et même si quelques nuages paresseux passaient devant la lune, il ne perçut pas le moindre petit signe indiquant qu’il allait pleuvoir. Il sortit du bâtiment et s’engagea dans l’obscurité. Il leva la tête en fronçant les sourcils, remarquant que le lampadaire ne fonctionnait pas. En fait, pas une seule ampoule n’éclairait cette zone.

    — Vraiment bizarre, dit-il en se dirigeant vers sa voiture.

    Soudain, il se figea : quelqu’un était appuyé contre la carrosserie. Tola demeura parfaitement immobile, ses doigts agrippant fermement les bretelles de son sac à dos. Il n’y voyait pas grand-chose à cause de la pénombre, néanmoins, il sentait qu’un homme se trouvait là. Portait-il un long manteau ? Avec un temps pareil ? Lorsqu’il cligna des yeux, l’apparition s’était évanouie.

    Il se renfrogna. Venait-il de se faire avoir par quelqu’un ou avait-il eu une hallucination ? Il s’approcha lentement de la jeep et observa attentivement les environs… et sous son véhicule. Devant lui se dressait une énorme zone boisée qu’il fouilla du regard. Des branches craquaient sous l’effet d’une petite brise et les feuilles frémissaient. Rien d’inhabituel.

    — Il n’y a personne, murmura-t-il, tirant son porte-clefs de sa poche.

    Néanmoins, il déverrouilla sa voiture, bondit à l’intérieur, lança son sac à dos sur la banquette arrière, avant de claquer bruyamment la portière. Il enclenchait la fermeture automatique quand il aperçut trois de ses collègues quitter le restaurant.

    Étrangement, il n’y avait plus la moindre ombre sur le parking désormais bien éclairé. Tola poussa un soupir de soulagement.

    — C’est sûrement parce que je ne dors pas assez, tenta-t-il de se convaincre, prenant la direction de son appartement.

    C’était exact… à cause des cauchemars. Ils le secouaient toujours jusqu’au plus profond de son âme. De plus, récemment, ils s’étaient intensifiés. Alors, normal qu’avec le peu de sommeil réparateur dont il profitait, son imagination fertile avait tendance à élucubrer et inventer des choses.

    Ce fut l’explication dont il tenta de se persuader alors qu’il rentrait chez lui et allait directement se coucher. Son corps était tout à fait d’accord avec ce plan, contrairement à son cerveau. Il prit donc une douche, avala un bol de ramens, puis se retrouva assis devant le bureau du salon, griffonnant furieusement dans son carnet à croquis. Des arbres sombres, sa jeep garée sur le parking et un homme calé contre le parechoc. Il s’adossa à sa chaise et fronça les sourcils. Il avait dessiné l’individu de manière très détaillée alors qu’il ne l’avait pas réellement vu. Sa tête était baissée, mais il n’avait pas de visage. Il portait juste un long manteau et une sorte de borsalino.

    — Je deviens taré, dit-il en bâillant.

    Il se tourna vers le réveil. Deux heures trente-sept.

    — Merde !

    ***

    Tola se réveilla en sursaut au son d’un tapotement. Il se redressa, clignant des paupières et se frottant les yeux. Il jeta un bref coup d’œil autour de lui, essayant de situer d’où provenait le bruit. Un ventilateur bourdonnait dans un coin et l’air conditionné s’échappait de la machine installée au mur. Il se tourna vers la fenêtre. Les rideaux n’étaient pas fermés afin de ne pas obstruer la circulation de l’air frais dans la pièce.

    — Tu habites au cinquième étage, espèce d’idiot ! lança-t-il. Personne ne peut monter jusqu’ici.

    Tap, tap, tap, tap…

    Il vérifia une nouvelle fois l’heure et grogna, irrité. Il était un peu plus de quatre heures. Il avait besoin de se rendormir. Toutefois, le tapotement commençait à le rendre fou. Il se leva du lit et se dirigea vers la vitre. Il se rappela à nouveau qu’il n’y avait rien entre le verre et la rue, bien plus bas. Personne ne pouvait se cacher dehors. Il n’y aurait pas de visage ni quoi que ce soit d’autre. Il écarta le coin du rideau.

    Rien.

    Tola s’en trouva plus ennuyé que soulagé. Il avait vraiment l’impression que quelqu’un se jouait de lui, mais qui ? Il devait simplement s’agir d’un oiseau, voire d’une

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