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Le mouton noir de Roscoff: Léa Mattei, gendarme et détective - Tome 6
Le mouton noir de Roscoff: Léa Mattei, gendarme et détective - Tome 6
Le mouton noir de Roscoff: Léa Mattei, gendarme et détective - Tome 6
Livre électronique288 pages3 heures

Le mouton noir de Roscoff: Léa Mattei, gendarme et détective - Tome 6

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À propos de ce livre électronique

Un mouton noir tente d'éliminer les témoins de ses forfaits...

Rose, l’ex-compagne d’un policier véreux, Franck Koob, un énigmatique cuisinier, Ben, et une pyromane, Zoé, mais aussi Léa Mattei, technicienne en identification criminelle de la BR de Brest, en congé de maternité, séjournent à Roscoff. Coïncidence ? Léa occupe la maison d’une journaliste assassinée l’année précédente à New York. Curieux hasard, c’est Rose qui l’avait découverte mourante alors qu’elle était venue lui parler de l’affaire Koob, et qui, ayant fait la connaissance de Léa, tombe sur une photo de la victime chez l’enquêtrice. Celle-ci, pour s’occuper, se penche sur l’affaire, mais la situation se complique rapidement car un meurtre est perpétré. De tests ADN en confessions posthumes, Léa peine à remonter le fil de cette histoire ancienne, tandis qu’un mouton noir tente d’éliminer les témoins de ses forfaits...

Découvrez le tome 6 des enquêtes de Léa Mattei, un roman policier qui vous happera dès la première page et vous plongera dans une enquête où les fils et les secrets s'entremêlent.

EXTRAIT

Ses larmes se mêlaient aux gifles de pluie. Rose était bouleversée. Son passé venait de remonter à la surface comme une bulle nauséabonde éclatant à la surface d’un marécage. À six mille kilomètres de la France, il plantait encore ses crocs dans sa nuque.
Pourrait-elle un jour l’oublier ? Elle était aussi terrorisée par la tempête. Perdue dans ses pensées, à la sortie du restaurant, elle avait erré dans Central Park, tout proche, ignorant les nuées menaçantes. Maintenant, elle hâtait le pas, consciente de son imprudence. Ses Converse gorgées d’eau faisaient un bruit de succion à chaque pas. Il n’y avait plus âme qui vive dehors.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Éditions Bargain, le succès du polar breton. - Ouest France

À PROPOS DE L'AUTEUR

Née à Cherbourg, Martine Le Pensec vit et travaille à Toulon. D’origine bretonne et normande, elle puise son inspiration dans l’Ouest et le domaine médical dans lequel elle a travaillé plusieurs années. Elle signe, avec Le Mouton Noir de Roscoff, son treizième roman policier.
LangueFrançais
Date de sortie5 janv. 2018
ISBN9782355505492
Le mouton noir de Roscoff: Léa Mattei, gendarme et détective - Tome 6

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    Aperçu du livre

    Le mouton noir de Roscoff - Martine Le Pensec

    I

    Manhattan

    Cette fin d’après-midi était plus sombre que le cœur de la nuit. New York faisait le gros dos sous la poussée des éléments déchaînés. Chassées par des vents colossaux, les masses d’eau de la tempête Sandy commençaient à s’abattre sur Manhattan. Aveuglée par les trombes d’eau qui la giflaient sans relâche, et glacée jusqu’aux os, Rose Neuville avançait mécaniquement. Un pas, puis un autre. Sortir de ce cauchemar. Son sac fourre-tout pesait une tonne sur son épaule. Elle avait raté le dernier train pour Long Island. New York venait de plonger dans le noir. Rares étaient les immeubles munis de groupes électrogènes qui fonctionnaient encore. Lueurs de vie au cœur du néant énergétique qu’était devenue la ville en quelques heures. Tous les transports s’étaient arrêtés en attendant l’œil du cyclone.

    Ses larmes se mêlaient aux gifles de pluie. Rose était bouleversée. Son passé venait de remonter à la surface comme une bulle nauséabonde éclatant à la surface d’un marécage. À six mille kilomètres de la France, il plantait encore ses crocs dans sa nuque. Pourrait-elle un jour l’oublier ?

    Elle était aussi terrorisée par la tempête. Perdue dans ses pensées, à la sortie du restaurant, elle avait erré dans Central Park, tout proche, ignorant les nuées menaçantes. Maintenant, elle hâtait le pas, consciente de son imprudence. Ses Converse gorgées d’eau faisaient un bruit de succion à chaque pas. Il n’y avait plus âme qui vive dehors. Les rares passants fuyaient la tempête en rasant les murs. Le réseau téléphonique était hors service et elle ne pouvait même pas joindre les Collins, ses employeurs, pour les rassurer. Elle avait pris son jour de liberté et n’était pas attendue avant demain matin par eux. Pour le lever des filles et leur petit-déjeuner. Rose était jeune fille au pair chez ce couple aisé de Long Island, rencontré à Paris, depuis deux ans. Un emploi et une expatriation tombés à point.

    Exceptionnellement, dans la ville qui ne dort jamais, les commerces avaient déjà baissé leur rideau de fer. Elle comprenait que son inattention allait lui coûter une nuit d’enfer, ne sachant où s’abriter.

    Un pas devant l’autre.

    Elle descendait Manhattan machinalement. Times Square avait cessé de clignoter violemment. La 6e Avenue était vide et sombre. Elle manqua de se faire écraser par un taxi jaune qui rentrait s’abriter et les injures du conducteur se perdirent dans une bourrasque. Une gerbe d’eau glaciale acheva de la tremper. Derrière le rideau de pluie, elle aperçut les toilettes de Bryant Park, à l’angle de la 42e et de la 6e avenue. Elle claquait des dents en abordant le trottoir. Le refuge était à portée. Les branches des arbres du parc penchaient dangereusement dans le sifflement ininterrompu du cyclone. Elle s’engouffra dans l’entrée. Une forme sombre la heurta violemment, l’envoyant valdinguer sur le mur. Ses protestations se perdirent dans le vent tandis que l’obscurité avalait l’impoli. Elle n’avait pas pu distinguer si c’était un homme ou une femme.

    L’eau commençait à rentrer dans le couloir. Une fine pellicule frémissante qui augurait de la suite. Malgré tout, l’endroit lui paraissait accueillant, l’abritant du vent démentiel et des trombes d’eau. Au fond du couloir, le magnifique pot de fleurs artificielles qui décorait l’endroit lui parut en désordre. Comme s’il avait été bousculé, lui aussi, et des traces rouges maculaient son bord. Les plantes lui parurent légèrement de travers. Elle prit l’entrée de gauche, celle des toilettes des dames. La préposée, peu commode en temps ordinaire, avait déserté le poste, elle aussi. Elle posa son sac détrempé sur un lavabo et s’observa dans le miroir. Il lui sembla qu’elle avait pris dix ans depuis le moment où elle avait quitté le confortable appartement des Collins. Ses cheveux bruns, collés par l’averse, pendaient lamentablement en s’égouttant dans son cou. Visage blême. Cernes noirs. Elle ouvrit son sac à la recherche d’un linge pour s’essuyer. Tout était humide à l’intérieur, mais elle trouva tout de même un mouchoir propre dans une pochette hermétique.

    Rose frotta vigoureusement sa chevelure et démêla ses mèches trempées à la brosse. Elle frissonna. Le vent qui s’engouffrait fit claquer une des portes des toilettes. Celle-ci rebondit deux fois sur le mur. Agacée, elle se dirigea vers elle pour la fermer. Il lui sembla percevoir un gémissement autre que celui de la tempête. Tandis que sa main attrapait la poignée, son cerveau enregistrait le spectacle qui s’offrait à elle. Une flaque de sang finissait de s’écouler devant une femme. Posée sur le siège fermé des toilettes, elle s’était affaissée sur sa gauche. Ses yeux grands ouverts, écarquillés de surprise et de terreur, se ternissaient tandis que les dernières gouttes de l’hémorragie coagulaient. Rose la vit tenter de tendre une main vers elle. Une bulle sanglante explosa au bord de ses lèvres.

    Tranchée d’un bord à l’autre, sa gorge béait d’un horrible sourire. Rose marqua un temps d’arrêt avant de pousser un hurlement strident.

    II

    Roscoff

    Rose Neuville gara sa petite voiture sur le parking en épi, face à la mer, de la rue Édouard Corbière. Son seul luxe car ses finances n’étaient pas au mieux de leur forme. À donner des cours de rattrapage à droite et à gauche, elle peinait à joindre les deux bouts. Ses yeux glissèrent sur la mer. Un vent sec avait dégagé les nuées de la veille et faisait claquer les crêtes blanches sur la grève. L’île de Batz se découpait à portée de regard.

    Sa voiture était vieille, cent dix mille kilomètres au compteur, et la fermeture centralisée ne fonctionnait plus, mais elle lui permettait de travailler et c’était là l’essentiel. C’était tout ce qu’elle avait pu s’offrir en rentrant en France. D’un pas décidé, elle traversa la rue et poussa la porte d’une maison en pierre. Comme toutes celles de la rue, sa toiture était faite de fines ardoises. Elle croisa le regard d’un homme âgé, accoudé à la fenêtre du bas.

    — Bonjour Paulin, on prend le frais ?

    La réponse de l’homme se perdit dans le vent.

    Rose traversa le couloir sombre et prit l’escalier. Elle occupait deux pièces à l’étage, face à la mer. Une belle pièce d’une quinzaine de mètres carrés qui lui servait aussi de salon et une cuisine d’environ cinq mètres carrés, accolée à une petite salle d’eau.

    C’était Paulin Levasseur, soixante-douze ans, qui lui louait l’étage de sa maison. Il avait ainsi trouvé le moyen d’arrondir sa retraite de marin pêcheur. Cela le sortait aussi de son isolement car sa femme Bleuette, ancienne sage-femme, était gravement malade. Le vieil homme au visage cuit par les embruns semblait apprécier la jeune femme discrète qu’était Rose. Elle posa ses clefs sur la petite commode près de la porte de son appartement et ouvrit la fenêtre pour laisser entrer les effluves d’iode. Dans l’ouverture, elle respira à pleins poumons avant de refermer. Son regard croisa son image dans le miroir et elle fit une grimace. En peu de temps, sa chevelure s’était émaillée de fils gris. Même sa frange brune s’était éclaircie d’une mèche argentée. Pourtant, Rose n’avait que vingt-huit ans.

    Le front appuyé sur la vitre fraîche, les yeux dans le vague, elle songeait. La vie ne l’avait pas épargnée ces cinq dernières années…

    Cela faisait quelques mois qu’elle était revenue de Manhattan et tentait de se recréer une nouvelle vie. Le meurtre découvert en pleine tempête Sandy, dans les toilettes de Bryant Park, resterait à jamais gravé dans sa mémoire.

    Surmontant le choc, après avoir pris la main de la victime et reçu son dernier soupir, elle était ressortie des toilettes publiques. La tempête faisait rage, lui coupant le souffle. À l’angle de la 42e rue et de la 3e avenue, elle avait pris la direction du Sud. Le siège de NYPD¹ se trouvait 1, Police Plazza Path, à proximité du Pont de Brooklyn. Des dizaines de rues à descendre dans une atmosphère de fin du monde. Plus elle descendait et plus l’eau envahissait Manhattan, mais elle avançait. Son arrivée au siège de la police new-yorkaise avait fait taire le brouhaha.

    Telle une apparition fantomatique, blême et échevelée, elle s’était laissée glisser à terre, épuisée. Le reste demeurait flou dans sa mémoire. Des bras qui la soulevaient, un café brûlant, ses dents qui claquaient sans pouvoir s’arrêter.

    Elle avait fini par dire l’innommable. Séchée par une policière elle avait pris place à l’arrière d’un véhicule et accompagné les forces de l’ordre. Rien n’avait bougé pendant sa descente à Lower Manhattan. Un peu plus d’eau était rentrée dans le local, mais le cauchemar n’avait pas disparu. La femme égorgée gisait toujours dans les toilettes. Avant qu’on la raccompagne à Long Island, Rose avait dit ce qu’elle savait. Cette femme se trouvait à sa table, dans un sushi de la 56e rue. Elles ne se connaissaient pas mais avaient mangé ensemble et parlé tandis que le cuisinier faisait son show. Elles avaient échangé leurs prénoms. La victime s’appelait Marine.

    Rose n’avait pas tout dit.


    1 NYPD : New York Police Department.

    III

    Un bloc de haine.

    La jeune femme au visage farouche se serra dans sa veste noire comme ses cheveux aile de corbeau.

    Tout en elle n’était que contraste. Visage de craie, cheveux de nuit, amour, haine, lucidité, folie, fragilité, violence.

    Trente ans, mais elle paraissait à la fois jeune et vieille. Au premier regard, on pensait voir une ado boudeuse. Au deuxième, d’infimes traces du temps, et d’autres choses, laissaient deviner une certaine usure. Malgré la silhouette juvénile, on sentait la fraîcheur envolée depuis longtemps.

    Un quelque chose de fané.

    Elle huma l’air quelques secondes et prit la direction de Pontigou. Le quartier comptait des immeubles et le sien subissait, comme les autres, les affres du temps. Le petit immeuble de trois étages aurait eu bien besoin d’un ravalement de façade. Des traînées de rouille avaient coulé sous les balcons. Nombre d’entre eux étaient fermés par des vérandas vitrées. L’appartement de Zoé Foucher, au dernier étage, en faisait partie. Elle poussa la porte d’entrée, ouvrit sa boîte aux lettres, compulsa les courriers et entama la montée des étages, un pli amer à la bouche. Une journée de plus sans nouvelles, songeait-elle. Ça la rongeait.

    Elle posa son pain dans la cuisine, ôta ses chaussures qui restèrent là où elle les avait quittées. Tout en avançant vers la salle d’eau, elle dispersait ses vêtements. Le pull tomba sur le dossier d’un petit canapé. Le jeans abandonné au pied du lavabo ne formait plus qu’un petit tas noir et informe. Slip et soutien-gorge traversèrent le minuscule local et glissèrent le long de la porte jusqu’au sol.

    Zoé ouvrit l’eau. Elle poussa un soupir de détente en sentant la chaleur du jet sur son corps. C’était un comble, elle qui appliquait des douches au jet aux curistes de la thalasso locale, attendait la sienne avec impatience. C’était le moment où elle débranchait, se détendait un peu. Ses épaules durcies par la tension nerveuse se relâchèrent peu à peu. La buée chaude avait rempli la petite pièce et Zoé laissait s’écouler l’eau et le temps. Au bout d’un long moment, elle s’obligea à couper le jet. À regret.

    Revenir au présent et à l’infernal questionnement.

    Pourquoi ?

    *

    Rose rêvassait sur son lit tandis que la lumière baissait. Enfin, « rêvassait » c’est un grand mot. Elle remuait plutôt de sombres souvenirs et un passé nauséabond. Elle avait eu de la chance de s’en tirer à bon compte et qu’on ne lui colle pas de la complicité sur le dos…

    À vingt ans, Rose vivait à Paris et préparait, mollement, une licence de Lettres. Elle était née à Roscoff d’où était originaire sa mère puis, jusqu’à ses dix-huit ans, elle avait vécu à Versailles, fille unique d’un couple qui s’était séparé après son bac. Famille éclatée. Sa mère avait suivi un nouveau compagnon aux Pays-Bas et son père avait choisi l’Amérique du Sud pour refaire sa vie. Un grand écart qui reflétait bien leurs dissensions.

    Rose avait opté pour une vie indépendante, toujours à Paris. Elle s’était inscrite en Fac et travaillait dans un fast-food près de Montparnasse, plusieurs soirs par semaine. C’était là qu’elle avait rencontré Franck Koob. Le policier, né en France mais d’origine belge, avait du charme et de l’assurance. De douze ans son aîné, il menait un train de vie qui l’avait conquise. Aurait-elle dû être plus méfiante ? Avec Franck, c’était la grande vie. Grands restaurants, voyages, vêtements griffés… elle avait quitté sa chambre universitaire pour partager son très bel appartement dans le 15e arrondissement.

    Si elle avait été moins naïve, elle aurait deviné que Franck était un ripou, un policier qui « faisait des ménages », comme on dit chez eux. Il prenait sa dîme sur les saisies, arrangeait le coup pour certains gangsters… Mais il avait aussi franchi un cap décisif en s’associant avec des dealers. Elle avait noté sa nervosité les derniers temps, son regard durci, plus affûté. Il disparaissait des nuits entières. Sa vie avec Franck avait duré quatre ans. Et puis, un matin à l’aube, d’autres policiers avaient enfoncé la porte de leur domicile. Avec l’arrestation d’un dealer, l’organisation de Franck s’était écroulée. Dans ses yeux, elle avait perçu une lueur inquiétante, une petite flamme de folie. Le lieutenant avait tenté de s’échapper. Il était violent. Mais ses collègues, nombreux, avaient eu raison de lui. Rose était tétanisée. Juste avant qu’ils ne l’emmènent, Franck avait défait sa montre de son poignet.

    — Tiens, garde-la pour moi. Où je vais, on va me l’enlever de toute façon !

    Elle avait saisi la lourde Rolex qui gardait encore la chaleur du poignet de son compagnon. Le juge l’avait reçue par la suite, mais aucune charge n’avait été retenue contre elle. Franck payait tout. Rose n’avait que son livret d’épargne maigrement pourvu par ses salaires du fast-food, qu’elle avait économisés avant de quitter cet emploi pour vivre avec le policier.

    Elle avait mis six mois à accepter de vivre complètement avec lui et, pendant cette période, il l’entretenait déjà. Elle avait trois mille euros à elle. Pas de quoi fouetter un chat.

    Franck avait été incarcéré. Plus on fouillait, plus on trouvait de crimes et délits. L’ancien policier ne s’était pas gêné pour faire le ménage autour de ses affaires. Trois hommes en avaient fait les frais.

    De celui d’un ripou, le dossier était passé à celui d’un criminel. Incarcéré à Fresnes en attendant son procès, Franck Koob s’était montré difficile et violent, multipliant les descentes en cellule d’isolement. Jusqu’au jour où il avait éventré un autre détenu dans les douches, dans une crise de violence paroxystique.

    Son profil psychiatrique avait conduit l’ancien compagnon de Rose en UMD (Unité de Malades Difficiles) à Plouguernével dans les Côtes-d’Armor. Son transfert de la prison vers l’asile psychiatrique s’était fait en vertu de l’article D-398 du Code de Procédure Pénale. Internement d’urgence signé par le préfet.

    Rose ne l’avait plus revu après son arrestation. N’étant pas mariée ni pacsée, son avocat lui avait conseillé de couper court à toute relation avec lui. Ce qu’elle avait fait, épouvantée par l’homme qu’elle avait découvert depuis l’arrestation. Par la suite, l’avocat lui avait fait part de son internement.

    Quelques semaines après cette arrestation mouvementée, Rose, qui avait repris un emploi de serveuse dans une brasserie, avait sympathisé avec les Collins, venus visiter Paris avec leurs deux filles. Le courant était si bien passé entre eux qu’ils lui avaient proposé une place de jeune fille au pair, chez eux, aux USA. C’était inespéré pour tourner la page. À la fin de cette année-là, Rose s’envolait pour Long Island et oubliait Franck.

    IV

    Léa Mattei fronçait les sourcils en observant le paysage.

    — Tu es sûr, tenta-t-elle…

    — Ah non, coupa Marc Guillerm, tu ne vas pas recommencer ! On en a déjà parlé. Il faut que tu te reposes et, à la BR, tu sais bien que c’est impossible. Tu ne débranches jamais, et je te connais, dès que tu me sens sur la brèche, tu ne dors plus.

    Léa soupira. La jeune femme savait que son compagnon avait raison. Marc Guillerm était le patron de la Brigade de Recherches de Brest. Commandant de gendarmerie. Et elle était son adjudant-chef. TIC, technicienne en Identification Criminelle. Mais aussi, accessoirement, sa compagne depuis l’année passée. Une relation sentimentale qui avait fini par s’installer après bien des péripéties. Pour l’un comme pour l’autre.¹ Lui, Marc, après un bref mariage avec Magali, avait trouvé le bonheur auprès de Claire. Un bonheur éphémère, brisé net en quelques semaines. Sa compagne avait été emportée par une leucémie fulgurante.

    Elle, Léa, avait commencé sa carrière dans le Sud. En Corse d’où elle était originaire, puis à Marseille. Elle avait vécu là un amour passionnel et destructeur avec Gilles, son supérieur. Léa avait choisi de le fuir et demandé une affectation à Brest pour mettre de la distance entre eux. Elle connaissait déjà Marc Guillerm qu’elle appréciait. Sa présence avait orienté son choix. Mais Gilles n’avait pas lâché prise et l’histoire avait repris malgré tout. Jusqu’au drame pour tous les deux. La femme de Gilles s’était suicidée au moment de leur divorce et Léa avait perdu le bébé qu’elle attendait. Fin de l’histoire. Petit à petit, les deux collègues de travail s’étaient rapprochés et désormais aucun doute n’était plus permis. Car…

    — Être enceinte, ce n’est pas une maladie ! ronchonna Léa.

    Marc lui jeta un regard en coin avant de répondre :

    — Ma chérie, dois-je te rappeler que tu as trente-sept ans et, surtout, que cet enfant est miraculeux, après la fausse couche tardive que tu as faite il y a deux ans ?

    Malgré elle, Léa devait en convenir cette grossesse était tout simplement miraculeuse. D’ailleurs, elle ne s’y attendait pas du tout, persuadée d’être désormais stérile.

    — Le médecin a été très clair, de la détente et du repos. Aucune tension nerveuse. À six mois passés, ce serait dommage de revivre le même drame, tu ne crois pas ?

    Léa hocha la tête. L’inactivité lui était difficile à accepter, mais Marc avait raison. Cet enfant non planifié était leur dernière chance d’être parents. Ni lui ni elle n’avaient d’ailleurs voulu connaître le sexe du bébé lors de l’échographie des quatre mois et demi. Peur de s’attacher, de trop idéaliser ce petit bout ? Les deux gendarmes étaient prudents.

    — Tu devrais être contente, ton amie Laure t’a déniché une petite maison face à la mer, où tu seras très bien.

    La jeune femme sourit. C’était vrai que Laure, dite LSD², une journaliste connue qu’elle appréciait, s’était mise en quatre pour elle. Elle avait battu le rappel de ses connaissances et l’une d’elles, s’absentant quelque temps, ne demandait pas mieux que de lui laisser la jouissance de son domicile contre… l’arrosage des plantes et surtout la garde du chat. Un pépère de huit ans indéracinable. Bicolore, blanc et gris foncé, Lulu ne connaissait que son coin de Roscoff. Une fois, emmené en vacances à quelques kilomètres de là, il s’était empressé de revenir à son domicile, sans compas ni boussole, mais avec son seul instinct. Depuis, il était surnommé GPS !

    Donc pas question d’emmener Lulu ailleurs et Léa tombait à point nommé pour occuper les lieux et nourrir le matou.

    — Et puis tu sais, je te rejoindrai chaque fois que le boulot m’en laissera l’occasion.

    — Donc pas souvent, conclut Léa avec fatalisme.

    Marc soupira. Léa avait du caractère.


    1 Voir Le Cobra de Brest, du même auteur aux Éditions Alain Bargain.

    2 Voir Masques de terreur à Lanmeur, de Michel Courat, même collection.

    V

    Paulin Levasseur souleva le couvercle de sa marmite et huma le fumet qui en sortait. Un copain venait de lui amener une paire de langoustes et le retraité se réjouissait de ce repas amélioré.

    Il entendit un bruit léger dans le couloir et leva la tête. Rose rentrait. Il se hâta de l’intercepter avant qu’elle ne monte à l’étage. Elle lui jeta un regard fatigué. C’était fou le charme qu’elle avait, se dit-il.

    — Fatiguée,

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