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De Montbrun S.A.R.L.
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De Montbrun S.A.R.L.
Livre électronique489 pages7 heures

De Montbrun S.A.R.L.

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À propos de ce livre électronique

Lieutenant de marine marchande, Jacques de Montbrun profite d’un repos bien mérité après six mois de tramping passés au Centre et au Sud Amérique. Mais un soir, il retrouve sa petite amie d’alors assassinée et avec l’aide d’un ami d’enfance, il part sur le sentier de la guerre. L’histoire aura pour cadre Paris et Marseille où à une certaine époque, la cité phocéenne était considérée comme le centre par excellence des labos de transformation de la drogue.

A cause de circonstances fortuites, les pouvoirs publics en ont assez et décident d’agir. Pour cela, il leur faut un bouc émissaire qu’ils trouveront en la personne de Jacques de Montbrun qui se verra forcé de travailler pour un commissaire dont le marché sera clair. Turbiner pour lui ou passer quinze années derrière les barreaux.

Saura-t-il s’acquitter de sa mission ? Retrouver un labo et confronter les responsables. Et pourra-t-il retrouver une vie normale après toutes ces aventures et repartir pour une autre campagne de six mois sur les mers du globe en faisant fi du passé ?

Au-delà de l’histoire, c’est aussi la rencontre de caractères bien différents dont l’amitié sera indéfectible.
LangueFrançais
ÉditeurBookBaby
Date de sortie1 avr. 2016
ISBN9782981574909
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    Aperçu du livre

    De Montbrun S.A.R.L. - Jacques Pelerin

    49

    Il faisait un peu frisquet sur Paris, malgré le soleil d’un printemps avancé. Il est vrai qu’il n’était que huit heures du matin et que la rosée satinait l’environnement de ses fines gouttelettes. Dans une villa de la proche banlieue, un homme dans la trentaine se tenait devant la fenêtre de la cuisine, vêtu d’un pantalon de lin et d’une chemise, dégustant le premier café de la journée. Il regardait le cerisier aux feuilles d’un vert tendre, d’ailleurs le seul arbre de la propriété.

    De taille moyenne, athlétique, les traits précocement burinés de ceux habitués à vivre à l’air du large, il songeait qu’il n’avait pas entendu Juliette se lever comme chaque jour de la semaine et partir à son turbin de secrétaire. Décidément, il se faisait vieux.

    Juliette, une petite qu’il avait connue il y a environ deux mois, fraîchement débarquée de sa Bretagne natale, en quête de travail dans la grande ville. Lui-même venait de terminer son six mois de tramping comme lieutenant sur un rafiot dans le Sud Amérique et prenait des congés bien mérités. Douze ans qu’il faisait ce métier et il était content de n’avoir pas perdu toutes ces années puisqu’il avait pu se payer sa petite chaumière comme il disait en parlant de sa maison et mis assez d’argent de côté pour prendre une retraite anticipée.

    Depuis ce temps, Juliette lui tenait compagnie en attendant sa nouvelle affectation. Il lui donnerait sûrement les clés. Ce n’était pas qu’elle pouvait remplacer le Larousse, mais elle était gentille et ne posait pas de questions.

    Il consulta sa Rolex, s’éloigna de la fenêtre, posa sa tasse dans l’évier et monta au premier étage pour se changer. Il regarda d’un oeil critique le pli impeccable des falzars et les liquettes repassés à la main et choisit une tenue décontractée. Paire de pantalon de coton, chemise légère, mocassins de marche, imperméable et chapeau.

    Cinq minutes plus tard, blouson à l’épaule, il descendit au garage, sifflotant une rengaine à la mode. La M.G brillait dans la pénombre et il tapota la carrosserie, pensant qu’il était encore trop tôt pour enlever la capote protectrice en toile imperméable.

    Neuf heures sonnaient lorsqu’il se gara aux Champ Elysées, son coin préféré. Il de descendit l’avenue encombrée dans les deux sens par la circulation et arrêta son choix sur un restaurant jouxtant un cinéma où il s’assit à la terrasse et commanda un expresso. Il avait tout le temps avant son rendez-vous avec Juliette à qui il avait promis le déjeuner sur l’heure du midi. Le serveur s’annonça en traînant les pieds comme une marquise au bal des Petits Lits Blancs et posa la facture sur la table en même temps que la boisson.

    - Il est plutôt chérot dans le coin…parole, le Brésil n’a pas honoré ses contrats !

    Le vieux haussa les épaules, ramassa le billet posé sur la table ronde et s’éloigna, imperturbable à toute réflexion, laissant le client déguster le liquide brûlant à petites doses, lorsque levant la tête, ce dernier aperçut une figure de connaissance accompagnée d’une jolie frimousse. Il se leva, fit un signe.

    - Paul…ça fait des lunes ! Ils s’étreignirent de longues secondes.

    - Jacques ! Qu’est-ce que tu fous dans le coin? Puis s’adressant à la fille se tenant à ses côtés - Nadine, je te présente Jacques de Montbrun. Un type qu’on connaît et qu’on n’oublie pas de sitôt.

    - Tu en rajoutes, à ton habitude. Tu es pressé?

    - Pas du tout ! On venait faire quelques emplettes dans le coin avant d’aller croûter. On a tout notre temps.

    - Alors on pourrait y aller ensemble.

    Paul Martel. Un sacré copain. Il n’avait pas changé. Toujours aussi imposant. Bien deux ans qu’ils ne s’étaient pas vus et pour de tels amis, c’était comme si on séparait des siamois.

    La journée passa vite, trop vite à leur gré. Il était pourtant plus de minuit lorsque Jacques récupéra sa voiture sur une dernière promesse de se téléphoner dans la matinée. Il sortit du garage souterrain, se dirigea vers l’Arc de triomphe et par l’Avenue des Ternes, rejoignit les boulevards extérieurs vides de circulation. Il ne lui fallut que vingt-cinq minutes pour rallier les grilles de la maison.

    Il descendit, verrouilla les portières, traversa la rue et le jardinet, monta les quelques marches conduisant à l’entrée principale. Le parfum de Juliette flottait dans l’air. Le bureau de droite était plongé dans le noir et sur sa gauche une partie du salon s’offrit à sa vue. Il remarqua que l’écran de télé était allumé. Dans son demi-sommeil, elle aura oublié de l’éteindre. ll arriva à l’étage où l’épaisse moquette amortit les pas et se dirigea vers la chambre principale dont il ouvrit la porte avec précaution. Il parcourut la pièce, évita les obstacles, en connaissant leur emplacement exact. Il buta pourtant sur un objet et pesta en sourdine.

    Une lumière tamisée provenant d’un lampadaire extérieur taquinait l’espace, jouait avec les objets et confondait les ombres. Mais ce qu’il remarqua était le désordre des lieux. Un désordre pourtant minime aux yeux d’un profane, mais pas de Jacques qui connaissait le caractère de sa compagne et son souci de propreté. L’une des six portes de l’armoire penderie, qui tenait tout un mur, était entrouverte, de même que certains des tiroirs, le laissant perplexe.

    Il baissa les yeux sur Juliette qui lui tournait le dos et remit au matin les questions qu’il se posait. Il se déshabilla, rejoignit sa place, se pencha, et dans le mouvement de rabattre les draps, il vit qu’elle avait les yeux ouverts.

    - Je t’ai réveillée Juliette, excuse-moi ! Pas un mouvement, pas une réponse.- Tu t’amuses ou quoi? Juliette, ça suffit ! Tu me fous les jetons !

    Il la prit aux épaules, la retourna. Juliette ne pourra plus jamais lui répondre. Le couteau planté en dessous du sein gauche était là pour le lui confirmer. Il eut un mouvement de recul avant de se ressaisir et de regarder de plus près, tâchant de comprendre une situation qui lui échappait. Voyons, les deux couples avaient été au resto puis Juliette était repartie à son turbin pendant que lui même, sur les insistances de Paul, restait en leur compagnie. Alors que s’était-il passé?

    Il mata le surin, comme hypnotisé et vit que le sang n’avait que très peu coulé de la blessure et seules quelques gouttes avaient déjà séché sur les draps de soie. Sa première pensée était que des voleurs s’étaient introduits par effraction, mais que, surpris en pleine besogne, ils avaient pris peur et lui avaient réglé son compte. Il inspecta la pièce du regard, estima que le peu de désordre ne justifiait pas une telle action. D’ailleurs il n’avait rien remarqué de suspect en entrant. Il y avait autre chose, mais quoi?

    Il sortit de la chambre, descendit au salon, s’approcha du bar et se confectionna sa boisson préférée, le ponche. Il prit le temps de bien doser le mélange sirop de cane-rhum vieux, y ajouta une tranche de citron vert et deux cubes de glace, pas plus. Il mélangea le tout à l’aide d’une cuillère et but la première gorgée. Verre en main il réfléchit. Peut-être avait-elle des problèmes et il n’en savait rien…Impossible ! C’était une fille rangée, timide même.

    Il se décida et composa un numéro. A la quatrième sonnerie, il entendit un déclic et une voix familière résonna, claire, dans l’ébonite.

    - Paul?

    - Qui veux-tu que ce soit ! Et qu’est-ce qui t’arrive? Je t’avais dit de…

    - Y m’arrive une tuile, tu n’peux pas savoir !

    - Qu’est-ce que tu chantes?

    - Juliette…la môme de ce midi…clamsée…un couteau du côté du battant.

    - Attends-moi et ne touche à rien ! Je serai là dans quinze minutes.

    La ligne devint muette. Il resta de longues minutes, immobile, en proie à toutes sortes de réflexions, avant de se diriger vers l’extérieur, à temps pour voir arriver la Lancia blanche. Il s’en approcha et Paul s’enquit:

    - Alors, si tu m’expliquais !

    - Suis-moi ! A part des voleurs, je n’vois pas, et encore, je suis sceptique.

    - Si ce n’sont’est pas des truands, alors qui ! On n’vient pas chez les gens histoire de jouer du surin sur sa petite amie.

    Ils arrivèrent à la porte de la chambre.

    - Mate à ton aise avant que j’appelle les flics.

    - Un instant, les poulets, tu n’vas pas y couper, mais faut savoir quoi leur raconter.

    - Mais, la vérité. Nous avons été au resto, elle est retournée à son turbin et la nuit, à mon retour, je la trouve morte.

    - Bravo ! Y vont te croire. Tu les prends pour des capucins. Y sont pas payés pour penser ces mecs et leurs déductions s’arrêteront à un crime passionnel banal. A ton retour, vous vous vous êtes engueulés pour une raison qui restera à déterminer et tu lui plantes un couteau dans le buffet.

    - D’accord Paul. J’admets qu’il y en a, ce n’sont pas des lumières, mais y sont pas tous à mettre dans le même panier.

    - Comme tu voudras. T’as rien touché ici? Bizarre qu’il n’y ait pas plus de désordre. A moins que la petite les ait dérangés.

    Son regard se posa sur le tapis, au pied de la table de nuit. Un morceau de carton y dépassait. Il se pencha, le ramassa et le retourna entre ses doigts. Il en manquait une grande partie. De Montbrun leva un sourcil interrogateur:

    - Tu as trouvé quelque chose?

    - Je n’sais pas. Un bout de carton, oublié sans doute en faisant le ménage.

    - On dirait une pochette d’allumettes.

    - Ça y ressemble en tout cas.

    - Puisque je n’fume pas et que cette pochette n’est pas venue seule, elle doit donc appartenir à l’assassin.

    - Déduction hâtive, tu en conviendras. Et ta copine?

    - Tu parles ! Rien que la vue d’une cibiche la faisait tousser…si on descendait. Ce n’est pas qu’elle m’incommode, mais de la voir ainsi ne me remonte pas le moral.

    Paul empoigna le téléphone. Le préposé au bout du fil devait être dur d’oreille ou sur le point de s’endormir. Il lui fallut plusieurs minutes pour se faire expliquer l’adresse et de quoi il retournait. Trente autres se passèrent avant de percevoir des vrombissements de moteurs, précurseurs de ces messieurs, puis le claquement sec des portières, les coups de sonnette impératifs, les pas pesants sur le gravier et de loin, la première question:

    - C’est ici que…

    - C’est bien ici que…répliqua de Montbrun.

    Sur un signe du chef, la petite troupe s’engouffra dans la maison, vu qu’il n’y avait aucun danger. Ils étaient une demi-douzaine à fureter dans les pièces du bas, avant que le

    gradé ne désigne les escaliers.

    - Le corps est là-haut? Il distribua les tâches en parfait connaisseur.- Morin, Villeneuve, Boulier, avec moi, les autres continuent ici. Mangin, tu prends la déposition de ces messieurs, leurs coordonnées.

    Il était fier de ce qu’il représentait le poulet. Deux infirmiers firent leur entrée, portant une civière, suivis de deux civils, l’un porteur d’une sacoche volumineuse, l’autre d’appareils photos. Le premier posa la même question de savoir où se trouvait le corps et fit signe aux deux blouses blanches de le suivre.

    Le brigadier lui, redescendit bientôt avec ses trois hommes.

    - Le commissaire vous recevra ce matin à neuf heures. Je vous conseille d’être à l’heure. Il a horreur d’attendre. En attendant, vous vérifiez s’il ne manque rien. Argent, bijoux, appareil photo, radio…Il fit un signe à ses subordonnés.- Allez, on rembarque !

    Feue Juliette suivit quelques minutes plus tard, le corps recouvert d’un drap blanc immaculé.

    - Vous permettez ! Jacques souleva un coin du voile, regarda pour l’ultime fois sa petite amie.- Promis Juliette. Tes meurtriers ne vivront pas assez vieux pour raconter ce crime à leurs descendants.

    Le photographe et le légiste réapparurent et ce dernier devança la question.

    - Adressez-vous au commissariat pour les résultats de l’autopsie. Il salua les deux amis qui le suivirent à l’extérieur de la maison et s’assirent sur la première marche.

    - Nadine doit t’attendre. Tu ferais bien d’y aller.

    - Tu te figures sans doute que je vais te laisser tomber maintenant.

    - Paul, ne me fais pas regretter de t’avoir mêlé à cette histoire. Je n’veux pas t’embarquer dans mes soucis. Après tout, ce sont des voleurs qui ont fait le coup et les flics…

    - T’as pas fini avec tes vannes.

    - Désolé Paulo, mais j’y comprends rien. Je n’ suis pratiquement jamais là, tu le sais.

    - Aucune visite d’inconnus qui auraient demandé après Juliette?

    - Juliette, tu plaisantes. D’accord, y a que deux mois qu’on se connaît, depuis mon retour, mais je serais très surpris d’une double vie.

    - Elle t’a jamais paru préoccupé?

    - Au contraire. Toujours d’excellente humeur. Le genre de fille qu’un petit rien contente. T’as dû t’en apercevoir.

    - Et de ton côté? Ton travail sur les rafiots. T’as jamais eu d’embrouilles?

    - Des histoires, c’est pas ce qui manque quand tu passes pratiquement toute l’année aux antipodes, mais j’ai pas tenu de régistre. Tu devrais rentrer Paul. Je suis fatigué et mes idées s’embrouillent.

    * * * *

    - Entrez ! Fit une voix forte.

    Le civil qui les accueillit portait des lunettes démesurées qui le faisaient ressembler à un hibou. C’est ce qui frappait chez lui. Il désigna des sièges.

    - Asseyez-vous ! Sans plus attendre, il tira une chemise cartonnée d’un tiroir, prit la première feuille qu’il se mit à lire avec une fausse attention. Puis il leva la tête.

    - Monsieur Martel, qui est-ce? Je suppose que vous corroborez votre déposition.

    - Absolument ! Nous sommes des amis et il y a des années que…

    - Je vous fais grâce de vos commentaires. Lisez et signez au bas de cette page…parfait, vous pouvez sortir !

    Martel se leva nonchalamment de son siège, lança un regard amusé à son copain avant de disparaître.

    - A nous deux monsieur de Montbrun. Il est rare de rencontrer un nom à particule, du moins pas ici. C’est réservé aux beaux quartiers. Alors comme ça…

    Jacques en rajouta.- Et encore, il n’est pas complet. Jacques de Montbrun de Hauteclocque.

    Le coco gigota sur son siège.- Sensationnel ! Quand je vais raconter ça à mes petits enfants…

    - J’ose espérer que je ne suis pas venu pour disserter sur mes ancêtres.

    La réplique fit l’effet d’une douche froide sur le flic qui releva la tête et regarda son vis-à-vis, un rictus aux lèvres.

    - Qu’est-ce que vous chantez? D’abord, on dit monsieur le commissaire et vous

    parlerez lorsque je vous interrogerai. Ça vous amuserait que je vous colle le meurtre de Juliette le Barrec sur le dos. Parfaitement ! Vous voulez jouer au petit soldat. Encore un mot de travers et je vous…

    - Vous n’avez aucune preuve.

    Le flic devint cramoisi.- Faites-moi un grand plaisir. Signez votre déclaration et disparaissez ! Mais je vous promets que si l’autopsie montre que vous avez menti sur les heures, vous êtes fait. Ce sera à mon tour de rire et je m’arrangerai pour que vous écopiez d’assez d’années de taule pour en sortir avec les cheveux blancs, car je démolirai toute suggestion de crime passionnel. En attendant ce jour, je vous tiens à l’oeil. Dehors !

    * * * *

    CHAPITRE 2

    La noirceur s’installait lorsqu’ils reprirent la route pour retrouver le calme de leur maison. Deux jours avaient passé depuis leur entrevue avec le commissaire et Paul ne quittait pas son ami, lui évitant la solitude. Il leva la main.

    - Vise la fumée là-bas. On dirait que ça vient de ton secteur.

    Il amorça le dernier virage avant l’intersection et un flic leur interdit d’aller plus loin.- Messieurs, si vous habitez dans le coin, il faudra y aller à pied.

    - J’habite au vingt-six et…

    - Au vingt-six. Mais c’est là que le feu s’est déclaré.

    Jacques ouvrit sa portière et descendit.- On peut la laisser ici?

    - Oui ! J’appelle un collègue et je vous accompagne.

    Ils marchèrent vite et au coude que formait la route, ils découvrirent le désastre dans toute son étendue. Des flammes jaillissaient encore de l’étage supérieur, arrosées par les trombes d’eau qui s’abattaient en cascades sur le brasier contenu par une trentaine de pompiers servis par trois autopompes. Le macadam était trempé et il leur fallut enjamber les tuyaux d’alimentation. Les curieux formaient écran que le flic écarta de la voix et du geste. Puis, il avisa un civil, parlementa quelques instants tout en désignant Jacques, avant de revenir auprès d’eux.

    - Venez, le commissaire veut vous parler.

    - Monsieur de Montbrun !

    Le civil se retourna et dans la lumière diffuse, Jacques reconnut son interlocuteur. Sous cet angle, sa ressemblance avec un hibou était encore plus frappante. Il mâchouillait un réglisse de bois.- J’espère en apprendre davantage maintenant. Alors, on trucide sa petite amie et ensuite on fout le feu à l’endroit du drame. Vous n’ trouvez pas que ça fait beaucoup en quelques jours.

    - Vous savez bien commissaire que je n’ai rien à me reprocher. Mon copain peut en témoigner.

    Le Hibou haussa les épaules. Bien sûr qu’il le savait, mais il avait envie de jouer avec ce type, histoire de faire passer la pilule de leur premier entretien.- Vous viendrez vous confier demain matin à neuf heures. Mais je vous préviens qu’il faudra que votre histoire tienne debout si vous n’ voulez pas vous retrouver au trou…vous vous rappelez ma promesse. Elle tient toujours. Il interpella un agent posté à quelques pas.- Tu diras à Valbert de prendre les dépositions d’éventuels témoins et de préparer son rapport pour huit heures. Moi, je rentre. J’en ai ma claque.

    Il tourna le dos et rejoignit une Renault noire ornée de deux antennes, qui démarra aussitôt. Jacques était trop ému pour réagir. Les flammes avaient fait place à une fumée dans les tons gris noir sortant en volutes des décombres pour s’élever à plusieurs dizaines de mètres dans les airs. Une perte totale et les seuls vestiges étaient les murs de soutènement, l’infrastructure de ciment et la cheminée. Ainsi il devenait un sans-abri. C’était trop injuste. Une main se posa sur son épaule, une main amicale, fraternelle.

    - Je sais ce que tu ressens. J’ai l’impression que c’est à moi que ça arrive.

    - Paul ! Il reluqua son ami de toujours, les yeux durs, brillants.- T’as raison pour ce que tu m’as dit hier…pour les flingues. Faut en dénicher.

    Paul hocha la tête avant de grommeler :- Foutons le camp, y a plus rien à voir ici !

    * * * *

    Il y avait un bon deux heures qu’ils arpentaient les rues de Pigalle à la recherche d’infos. Leur troisième nuit qu’ils passaient ainsi, sans grand résultat. Et ils y allaient mollo dans leurs questions pour ne pas ameuter les indics à la solde de la maison poulaga. Des soufflants, c’était tout de même pas de la choucroute.

    Pigalle avait bien changé et les Arabes avaient remplacé les Corses et les Ritals aux postes de commande des trafics et de la prostitution. A coups de surin et de rasoirs qu’ils avaient gagné le bitume, forçant les Latins à s’expatrier vers d’autres quartiers. Il n’y avait pas si longtemps, on trouvait encore des petits restos accueillants, avec une arrière-salle transformée en théatre de quat’sous, où des jeunes en mal de talent venaient s’exhiber, une guitare sous le bras. Aux étages, c’étaient les chambrettes pour les timides. Les petites connaissaient le quartier et tout le quartier les connaissait et les confidences sur l’oreiller ne manquaient pas, puisqu’elles remplaçaient bien souvent le cureton de service là-haut sur la Butte Montmartre, et en savaient plus que lui sur les aminches du coin.

    Tout ce petit monde avait disparu pour laisser place aux Arabes. Jusqu’à Barbès que leur fief s’étendait. Même l’air qui se respirait avait changé de goût. Mélange de jasmin, de harissa et d’huile chaude. Pourtant, le Moulin Rouge était toujours là, recevant chaque soir son plein de touristes candides, venus de tous les horizons admirer la französishe Kultur et la levée de gambettes des miss du music hall.

    Ils se retrouvèrent justement sur la Place Blanche encore pleine de monde, dont les rues avoisinantes étaient encombrées d’une circulation dense. Les filles étaient vêtues légères pour montrer leur jarretières aux amateurs.

    Ils en remarquèrent une arpentant le trottoir, mains aux hanches, dans une pose qui se voulait provocante. Elle était démesurément grande avec ses talons aiguille et sentait le parfum bon marché à vingt pas. A sa frime et à son accent, on voyait tout de suite qu’elle venait pas de Menilmuche. Sa voix était rocailleuse, en désaccord avec sa maigreur. Trop de découche, de cibiches et de caouas aux petites heures.

    - Eh les mecs, on veut se payer du bon temps !

    Elle fit battre ses faux cils d’un geste d’invite. Dans la lumière des néons, son teint était blafard et la couche de fard cachait mal les cernes sous les yeux. Elle devait avoisiner les quarante carats et continuait sa diatribe sur un ton pleurnichard. Paul lui coupa la parole.

    - Ma joconde, qu’il fit.

    - Mon nom est Frida.

    - Si ça peut te faire plaisir…quoique j’en doute. Alors écoute Frida, mon copain et moi- même sommes à la recherche d’armes et…sa réaction fut plutôt inattendue.

    - Habib n’est pas loin. Alors ou vous grimpez avec moi, ou vous disparaissez ! Tenez, le voilà. Un homme s’approcha, véritable gabarit de lutteur. La fille courut vers lui, perdant un escarpin dans sa fuite. Un conciliabule s’engagea entre la prostituée et le souteneur, avant que ce dernier ne s’approchât à distance raisonnable. On ne sait jamais.

    - Paraît qu’on cherche des ennuis à ma petite fée.

    Il ne passait sûrement pas inaperçu l’Algérien avec sa chemise jaune sous un costard noir sans forme, un bitos blanc trop petit pour son crâne, des bagouzes à chaque doigt et des pompes de midinette deux tons aux pinceaux.

    - Elle t’a mal rencardé Habib. Tout ce qu’on veut, c’est trouver des armes.

    - C’est vous les deux types qui…

    - Les nouvelles vont vite dans le coin.

    Habib ignora la remarque.- Allez chercher votre camelote ailleurs et remettez jamais les pieds dans le secteur.

    - Ecoute Habib, tu peux dire à ta tribu qu’on n’vient pas en ennemis. On a des ennuis qu’on voudrait bien régler, mais pour ça, il nous faut de la marchandise.

    L’arabe se gratta l’occipital. Son ton de voix baissa.- Qui vous dit que j’ai à vendre?

    - On se renseigne. Et si tu as des possibilités, on est prêt à discuter.

    - Je vais voir ce que je peux faire. Faudra que je contacte des gens, ce qui peut prendre plusieurs jours. Donnez-moi un numéro où vous joindre. Il s’approcha, tendit une main démesurée.- Avec une avance, je commence tout de suite.

    Jacques fouilla ses poches, en retira des billets de banque qu’il compta avant de les donner avec réticence.- Inutile de te rappeler que si tu te fous de nous, le monde sera trop petit pour toi Habib.

    - Je suis sérieux en affaire. Vous aurez des nouvelles. Mais à compter de cette minute, vous évitez Pigalle. On n’tient pas à avoir les flics sur le dos, ça nous donne des migraines. Si vous restez dans le coin, je ne pourrai pas vous aider. Personne ne voudra faire affaire avec vous. On n’ vous connait pas et certains pourraient se méprendre.

    Le trio se sépara sans une poignée de main ni un regard et les deux amis s’engouffrèrent dans le premier bistrot venu à la recherche de boissons fraîches. Alors que Paul s’éloignait, Jacques de Montbrun déborda ses pensées sur sa dernière entrevue avec le commissaire.

    - Alors de Montbrun. J’espère ne pas avoir écourté votre grasse matinée, ce qui n’est pas le cas chez nous, dans la police, où l’on ne dort que d’un oeil. Il avait repris le dossier, qui depuis leur dernière entrevue, avait épaissi de quelques feuilles. Il en prit une qu’il consulta. Le rapport préliminaire d’autopsie.- Le décès remonte aux environs de vingt- trois heures quinze le jeudi dix-sept mai. Le haut de la nuque présente une ecchymose due à une pièce de bois par exemple, provoquant chez la victime une syncope prolongée. Mais ce qui lui a été fatal est bien sûr ce couteau planté près du coeur.

    - Je m’en serais douté commissaire.

    Ce dernier enleva ses verres qu’il essuya d’un geste lent, ignorant l’intervention sarcastique.- Ce n’est pas tout de Montbrun. Vous avez de drôles de lascars à vos trousses, si j’en juge par…il tapota le rapport.- Bien entendu, vous n’avez pas la moindre idée d’où vient le coup. Car votre petite amie a reçu l’injection d’une solution à base de cocaïne ou de dérivé. Le rapport définitif du labo ne saurait tarder. Racontez-moi donc vos activités monsieur de Montbrun, ce que je ne peux malheureusement pas faire avec mademoiselle le Barrec, n’est ce pas !

    Jacques ne se fit pas prier, mais répondit évasivement aux nouvelles questions, ne voulant pas servir de cible aux sautes d’humeur du coco et à son tempérament de chien de chasse. L’entretien terminé, il s’extirpa du siège, s’apprêta à sortir.

    - Saviez-vous que votre petite amie était enceinte?

    * * * *

    CHAPITRE 3

    - Mes chers amis, je vous ai convoqué pour vous annoncer la nouvelle. L’opération a débuté comme prévue.

    Les deux hommes présents dans l’immense pièce, dont les murs étaient en partie dissimulés sous les tapisseries des Gobelins, se levèrent et portèrent un toast au maître des lieux, un sexagénaire grand de taille, bien charpenté, aux cheveux gris virant au blanc sur les tempes, vêtu avec recherche, qui se tenait près de la porte-fenêtre largement ouverte sur un perron de marbre rose, et qui portait son regard vers les jardiniers s’affairant autour des pelouses.

    - Tu ne crois pas Charles qu’on en a assez fait. Nous n’avons pas besoin de cette drogue qui porte malheur.

    Le député Charles de Moranges détourna ses yeux sur Flavient Leroy, son complice de toujours.

    - Tu me déçois Flavient. Je t’ai connu en meilleure forme et j’ai la fâcheuse impression que tu vieillis. Il y a plusieurs mois que nous sommes sur le coup. Plusieurs mois de préparation et tu voudrais tout lâcher. Si ce sont les risques qui te font peur, je tiens à te rassurer. Il n’y en a aucun, tu m’entends, aucun ! Pour une fois, d’autres feront le travail à notre place. Et dans peu de temps, tu riras de tes appréhensions.

    - La drogue Charles. C’est cette foutue drogue qui me donne des ulcères. Nous n’y avons jamais trempé et je m’en porte très bien.

    - Il faut vivre avec son temps. Regarde autour de toi! Qu’est-ce que tu remarques! Des montagnes de poudre distribuées dans tous les pays par des malins qui se transforment en percepteurs et touchent des fleuves d’argent.

    - Tu as sans doute raison, mais je persiste à dire que nous pouvons nous en passer.

    - Tu es vraiment gâteux Flavient. Tout est prêt et il n’est pas question de reculer.

    Marceau Parent, jusque-là silencieux, intervint :- C’est pas fini avec vos discours ! Puisque tout est arrangé, on ferait bien de passer au rôle de chacun.

    Flavient Leroy, comptable de métier, préférant garnir son gousset que celui de l’Etat et Marceau Parent, ancien de la mondaine, tous deux au service du député de Moranges depuis la guerre d’Algérie, se dirigèrent vers la salle à manger toute proche. Leroy faisait grise mine.

    * * * *

    - La visite s’annonce.

    Une guimbarde stoppa à leur hauteur. La vitre côté chauffeur s’abaissa et un Algérien les interpella à voix feutrée. Rassuré sur leur identité, il leur passa le message:

    - De la part de Habib. Allez au restaurant le Croissant Rouge de la rue Gabrielle, près de la Place du Tertre. Demandez à voir Hamadi.

    Le tacot repartit en faisant crisser ses pneus, laissant les deux amis plantés sur le trottoir.

    - J’en ai assez Paulo. Deux jours qu’on se morfond et résultat, néant. J’ai la fâcheuse impression qu’on nous balade. Ce Habib ne perd rien pour attendre.

    - Mets-toi à leur place ! Y n’vont pas nous refiler des soufflants sans prendre certaines précautions. Tu es trop nerveux et à mon avis, tu ferais bien de te calmer. La suite en dépend.

    Il leur fallut dix minutes pour trouver le resto, qui était petit, aux murs déteints, où l’odeur d’huile chaude et les merguez frappaient les muqueuses dès l’entrée, après avoir soulevé un rideau de perles de bois. De la musique sortait de hauts parleurs invisibles et tous les regards convergèrent sur les arrivants, stoppant du même coup les conversations. Le premier geste du patron fut de mettre à bonne distance le nerf de boeuf qu’il cachait sous le comptoir. Jacques l’interpella:

    - C’est vous le patron? Ce dernier attendit la suite d’un regard de chien battu.- On vient voir Hamadi.

    A ces mots, l’atmosphère se détendit, comme si un orage venait d’éclater, et les palabres reprirent vite leur cours normal. Le patron se permit même un sourire et appela un serveur vêtu de la djellaba et du tarbouche traditionnels.

    - Ali, tu prends la caisse deux minutes, je reviens ! Il fit signe aux deux inconnus.- Suivez- moi !

    Le trio s’éclipsa derrière une tenture rouge et longea un couloir sombre dont les murs n’avaient plus de couleurs. Ils prirent un escalier, un autre couloir et le patron désigna une porte qu’il cogna doucement sur un rythme convenu. Il tourna la poignée, ouvrit, et après un geste d’invite, il rebroussa chemin, laissant les deux amis au seuil d’une pièce plongée dans la pénombre, aux dimensions confortables et qui furent étonnés du luxe de l’endroit qui jurait avec le reste.

    L’ombre qui les dévisageait était assise derrière un bureau et n’était pas seule. Trois filles vautrées dans des fauteuils lançaient un oeil critique sur les arrivants. Personne ne se leva, ni ne prononça un mot de bienvenue. Jacques se décida.- Bonsoir, qu’il fit. Nous venons de la part de Habib pour…

    L’homme leva une main, intimant le silence.- Mes petites, il est grand temps de partir. Se levant, il se dirigea vers la lourde et à chacune administra une tape affectueuse sur la croupe. Puis il referma, rejoignit un bar privé, prit le temps d’allumer une sèche avec des gestes calculés, le temps pour lui d’observer les deux inconnus.

    Grand, bronzé, habillé avec chic, il ressemblait à feue la vedette du film d’Autant en emporte le vent. Avec ça, une voix grave et un francaoui de première bourre. Sûr qu’il ne travaillait pas comme manoeuvre chez Renault. Avocat-maquereau serait plus juste.

    - Asseyez-vous ! D’abord une remarque. On ne parle jamais affaire devant ces dames. Que puis-je vous offrir? Whisky, champagne. Il versa deux chaleureuses rasades de liquide ambré qu’il tendit aux deux amis.- Pour ce qui est de votre requête, je tiens à préciser que je n’agis qu’en tant qu’observateur des deux parties, afin de s’assurer que la…transaction se fasse sans accroc et dans les meilleurs délais. Il reste cependant quelques détails à finaliser. Racontez-moi d’abord les motifs qui vous poussent à vouloir acheter des armes. Vous n’êtes pas sans ignorer qu’il est toujours délicat d’en retrouver un certain nombre en circulation. La police craint par dessus tout les groupuscules gauchistes, ou encore les terroristes en tous genres. Nous ne tenons pas du tout à être le point de mire de futures barbouzes.

    De Montbrun lui raconta ses ennuis que l’autre écouta d’une oreille attentive.

    - C’est l’unique raison de notre demande. Je veux venger la petite et ma chaumière.

    - Et votre ami?

    - Il tient absolument à ne pas me quitter.

    L’avocat tendit une main manucurée avec soin.- Donnez-moi vos papiers d’identité. Il empoigna un téléphone, composa un numéro et parla une langue que Jacques identifia pour du kabyle. Par deux fois leurs noms revinrent dans la conversation avant que le type ne raccrochât sur les nombreux souhaits en usage dans les pays orientaux.

    - L’affaire, si nous recevons le feu vert, pourra se finaliser demain soir. Je lève mon verre au succès de votre entreprise…pour autant que cela ne fasse pas trop de vagues.

    * * * *

    Ayant reçu l’appel tant espéré, les deux amis se pointèrent avec une dizaine de minutes d’avance au lieu du rendez-vous, dans les faubourgs, non loin d’Aubervilliers, en banlieue nord. La nuit, les maisons sont encore plus ternes. Vraiment pas le coin rêvé pour passer une lune de miel. C’est plutôt le paradis des petites frappes et des voleurs à la tire. Les beaux quartiers ne sont pourtant pas loin à vol d’oiseau, mais cet endroit est un autre monde. Un grattement ténu sur la vitre du conducteur les alerta. Une ombre s’annonça dans l’encadrement que Paul abaissa de quelques centimètres.

    - Hamadi m’envoie. Vos noms !

    - Paul Martel et à ma droite, mon copain, Jacques de Montbrun.

    L’autre fit un léger signe du bras et aussitôt, quatre types entourèrent la Lancia.

    - Les clés de votre voiture, vite ! Nous en prenons une autre.

    Ils reconnurent au passage la Peugeot cabossée avant d’être poussés dans l’habitacle arrière d’une camionnette. Trois sentinelles s’installèrent près d’eux, celle qui semblait être le chef se réservant la place du passager, à l’avant. Elle poussa la vitre de séparation.

    - Nous allons faire une promenade pour s’assurer de n’être pas suivis. Mettez ces cagoules et ne les enlevez que sur ordre.

    La fourgonnette tangua et tressauta à chaque cahot et à l’intérieur, la température monta de plusieurs degrés. La promenade se prolongea sans qu’aucune autre parole ne fût échangée jusqu’à l’arrêt complet du véhicule. Ils furent tirés par des bras robustes et se laissèrent conduire docilement. Ils entendirent une porte coulisser de ce qui devait être un hangar, puis leur pas résonnèrent dans une bâtisse. Une porte grinça et un escalier les accueillit. La descente s’effectua lentement, reçus par une odeur de moisi qui s’intensifia à mesure de leur progression. Ils étaient vraisemblablement sous terre, foulant un sol inégal. Bientôt, l’odeur s’atténua après avoir passé une autre porte.

    - Enlever vos cagoules !

    La lumière crue les fit cligner des yeux et ils constatèrent que c’était au tour des autres de se cacher la frime sous des masques de carnaval. Une ultime porte, automatique celle-là, et ce qu’ils découvrirent les sidérèrent. Un arsenal clandestin. De quoi équiper un bataillon au complet. Des étagères regorgeaient de matériel. Tout était proprement rangé par famille, et dans leur excitation première, ils purent reconnaître et admirer les fusils, les grenades et les mines.- Vous préparez la révolution ou quoi.

    Personne ne répondit. Ils étaient là pour vendre, pas pour écouter des vannes. L’un des masques, qui d’ailleurs s’avéra être le chef, prit un lüger d’une étagère.

    - Huit coups à répétition. Très efficace en combat rapproché. Il était devenu maquignon le type et vantait les mérites de sa marchandise. Au hasard de leur marche, ils inspectèrent des P.A, des P.M, des mitraillettes dont les fameuses tchèques à plateau, qui avaient la bonne réputation de ne pas s’enrayer quand on leur demandait du service. A leurs côtés, des Garands, fusils américains semi-automatiques à huit coups. Des mitrailleuses aussi, dont la 30mm et la 12.7 montée sur char d’assaut pour défense contre avions. Ils allaient de découvertes en étonnement. Des l.r.a.c, version améliorée du bazooka. Ils passèrent devant les mines. Depuis les grosses anti-chars jusqu’aux minis, comme l’apid ou mine antipersonnelle indétectable modèle 54, surnommée mine encrier à cause de sa forme et faite de plastique avec assez de puissance pour arracher un bras ou une jambe. Des bondissantes aussi, qui, lorsqu’un malchanceux se prenait les pieds dans le piège, recevait des shrapnels à hauteur d’estomac. Pour Jacques, ils étaient en présence d’un arsenal datant de la guerre d’Algérie. F.L.N ou O.A.S? Comment avaient-elles atterri dans cet endroit. Cette question, il ne tenait pas du tout à la poser.

    Ils arrêtèrent leur choix sur six P.A lourds à porter, mais précis, sur deux mitraillettes à plateau et sur une caisse de grenades offensives.

    - N’ayez pas peur de nous gâter en munitions. Nous en aurons besoin. Jouer les cowboys avait toujours été le rêve de Paul.

    Trois des compères s’affairèrent autour de caisses anonymes qu’ils remplirent avant de les clouer. Le chef fit le geste de l’argent et Paul mit la main à sa fouille et en tira une épaisse liasse que le type compta rapidement.

    - C’est ainsi que nous comprenons les affaires. Il ne nous reste plus qu’à repartir. Une dernière chose. Tous les numéros ont été limés pour éviter le repérage. Remettez les cagoules

    Les caisses chargées dans la camionnette donnèrent le signal du départ. Les deux amis ne

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