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Livre électronique219 pages2 heures

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À propos de ce livre électronique

« Par la vitre du TGV qui l’emporte vers Marseille, Bernard regarde sans le voir, le paysage qui défile à vive allure dans la grisaille bas de plafond de l’Yonne. Comment pouvait-on passer ainsi, en seulement quelques instants, d’un bonheur parfait à … "ça" ? Il n’arrive pas à le comprendre. Tout avait pourtant été organisé avec le plus grand soin… Il regarde dans sa main crispée, les deux billets de train. Deux billets et, maintenant, un seul voyageur. Immobile, il regarde cette même main qui, quelques heures plus tôt, avait brandi ce pistolet. Un pistolet ridiculement petit et pourtant assez puissant pour la tuer ». Avec ce second roman, J.N. Thibault vous propose une promenade dans les codes gris des intrigues dites convenues, pour mieux les faire voler en éclats. Révélant les âmes sombres des gens ordinaires, il vous entraînera dans une spirale vertigineuse, une descente en vrille allant du polar addictif aux abysses d’un roman noir-foncé.
LangueFrançais
Date de sortie17 févr. 2015
ISBN9782312033211
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    Aperçu du livre

    Stella - Jean-Noël Thibault

    cover.jpg

    Stella

    Jean-Noël Thibault

    Stella

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2015

    ISBN : 978-2-312-03321-1

    À Coralie.

    Introduction

    Lundi 10 juin 2013, 10:30.

    Bernard Dupuy a cinquante-et-un ans, cinquante hivers et un printemps et si quelqu’un lui avait dit un jour que son nom figurerait dans la première phrase d’un roman, il aurait sûrement été pris de doutes quant à la santé mentale de son interlocuteur. Il faut dire qu’il est l’incarnation parfaite du quidam, un être transparent dont l’éventuelle profondeur est masquée par un cruel manque d’épaisseur, un de ces innombrables inconnus qui vivotent des existences monochromes sans que jamais personne n’y prête la moindre attention. Non, rien n’avait jamais été vraiment digne d’intérêt dans son jardin infra-ordinaire.

    Pendant de longues années, il était resté prisonnier dans la toile d’une culpabilité soigneusement tissée par une mère trop présente et n’avait pas pu vivre sa vie. Conditionné dès l’enfance, il s’était voué à elle, prenant soin de ses simagrées hypocondriaques avec la bienveillance d’un fils modèle, sans jamais se rebeller, jour après jour, année après année, jusqu’à ce que finalement, elle parte pour le grand voyage et le laisse seul et désœuvré. C’était l’année dernière et depuis, la vie de Bernard semblait promise au silence d’une solitude implacable. Chaque jour s’entassait sur l’ennui du précédent, dans une interminable succession de vides, un mille-feuille de papier sans rien écrit dessus.

    Et puis, surgie de nulle part, Stella était entrée dans sa vie. Un ilot inespéré dans cet océan gris, un si beau rivage que Bernard ne pouvait croire à sa chance. En à peine quelques mois, il était passé du vide absolu à la plus brulante des passions, de la solitude d’un silence assourdissant au fol espoir d’une vie heureuse… Et tout ça pour finir ce matin, anéanti en à peine quelques instants.

    Par la vitre du TGV qui l’emporte vers Marseille, Bernard regarde sans le voir, le paysage qui défile à vive allure dans la grisaille bas de plafond de l’Yonne. Tout en lui n’est que souffrance. Comment pouvait-on passer ainsi, en seulement quelques instants, d’un bonheur parfait à… ça ? Il n’arrive pas à le comprendre.

    Pourtant, tout avait été organisé avec le plus grand soin. Il avait vidé son compte bancaire, acheté les billets de train et de ferry pour Stella et pour lui, avant de partir la rejoindre chez elle. Ce matin, ils avaient prévu de fuir ensemble pour toujours, partir vivre leur amour, ne pas tourner la page, non, mais l’arracher avec force du livre de leurs vies, disparaitre par surprise et repartir à zéro. Au port de Bonifacio, son voilier était prêt à les emporter vers des horizons lointains, rien qu’elle et lui et assez d’argent pour la vie simple à laquelle ils aspiraient tous les deux.

    Il regarde dans sa main crispée, les deux billets de train. Deux billets et, maintenant, un seul voyageur. Immobile, il regarde cette même main qui, quelques heures plus tôt, avait brandi ce pistolet… Un pistolet ridiculement petit et pourtant assez puissant pour la tuer. Il revoit, contrastant avec la blancheur du tapis, cette immense flaque de sang, si rouge, jailli de ce même corps qu’il avait tant de fois caressé, embrassé et serré contre lui. Oui, en cette journée funeste, le destin les avait rattrapés et maintenant, s’il ne voulait pas finir en prison, il devait fuir au plus vite. Marseille et puis la Corse, disparaitre à jamais, comme ils avaient prévu de le faire, mais sans elle, laissant derrière lui cette vie qui était redevenue sombre ce matin, un peu avant sept heures.

    Chapitre 1

    06:58, le même jour.

    Encore un matin, un matin pour rien…

    Brice Paulard n’a pas d’âge, du moins en apparence. Pour ceux qu’il croise, il n’est plus assez jeune pour être jeune et pas encore assez vieux pour l’être non plus. A tout le moins, il est à l’âge où l’on sait enfin que les jours sont comptés et qu’il ne faut plus laisser passer le temps sans le regarder en face. Ce matin encore, Goldman s’est invité dans sa tête avant même qu’il n’ait ouvert les yeux. Juste les deux premiers vers de la chanson qui tournent en boucle dans son crâne comme un mantra et, comme s’il s’agissait d’une mauvaise haleine qu’il aurait trainé avec lui depuis trop longtemps, Brice aurait bien aimé qu’il existe des brosses à cerveau… Un nouveau genre de balai à chiottes, se dit-il en soulevant péniblement les stores grinçants de ses paupières.

    Assis sur son lit, il tient dans ses mains son réveil et le regarde, comme toujours, juste avant qu’il ne sonne : 06:59… et dès qu’il se déclenche, il lui met une petite tape sur la tête pour le faire taire, avant de le reposer soigneusement à sa place, sur la table de nuit. Il jette un rapide regard à sa chambre, à peine éclairée par le jour qui s’est levé avant lui et pointe le bout de son nez entre les doubles rideaux volontairement mal fermés. Les bibelots démodés sont soigneusement alignés, comme autant de témoins de la maniaquerie de leur propriétaire, sur les meubles de style héritage. Seul un peu de courrier posé négligemment sur le secrétaire semble prendre en défaut ce lieu suspendu hors du temps.

    Brice se lève, s’étire, enfile ses chaussons posés toujours à la même place, sur la carpette en fausse laine beige qui borde le lit et trainant un peu des pieds, s’avance jusqu’à la cuisine, allume la cafetière préparée de la veille, puis glisse à travers le couloir jusqu’à la salle d’eau, se fait couler un bain avant de retourner dans sa chambre.

    Après s’être lavé, il remet méticuleusement la couette en place sur le lit, prend dans l’armoire un autre polo à crocodile, identique à celui qu’il portait la veille, une paire de chaussettes et un slip noirs qu’il enfile sans y prêter attention. Un rapide coup d’œil sur le pantalon d’hier lui confirme que ça fera encore l’affaire aujourd’hui.

    Brice approche le bol fumant de son visage et souffle doucement. Il boit, le regard perdu dans le silence de sa cuisine puis il lave son bol dans l’évier et le replace sur l’égouttoir, où il le reprendra demain matin.

    Sa petite routine matinale est terminée et il est prêt à partir au boulot. Il jette un œil à l’horloge du four qui indique 07:30, comme tous les matins, retourne dans l’entrée, attrape le holster en cuir marron qu’il fixe à sa ceinture, y enfourne son 38 spécial après avoir machinalement vérifié le contenu du barillet, seulement cinq balles et la chambre vide en face du percuteur, enfile son vieux blouson et s’en va travailler.

    C’est un de ces rares moments que Brice affectionne. Les rues ne sont pas encore pleines de bruit et les gens qu’il croise ont davantage une mine endormie que cet air ronchon tellement caractéristique des Parisiens. Il fait encore frais, le ciel est parfaitement bleu-ciel. Une belle journée, quoi…

    Machinalement il sifflote la chanson de Goldman.

    – Et merde ! Va falloir que ça me sorte de la tête maintenant.

    Avant d’être mis à l’écart, Brice consacrait toute son énergie mentale à son travail mais maintenant, son cerveau lui joue du Goldman… C’est tout ce qui lui reste. Ça et cette routine administrative sans intérêt dans laquelle on l’a cantonné pour le punir. Avec une profonde amertume, il repense à toutes ces années passées au 36, à la brigade criminelle, où il était apprécié pour son flair.

    Perdu dans sa nostalgie, il tourne au coin de la rue La Condamine, enjambe les quelques mètres qui restent de la rue Truffaut et s’engouffre dans le commissariat du XVIIème arrondissement.

    Il dit bonjour, parce qu’on dit bonjour quand on est bien élevé et Franck, à l’accueil, lui répond d’un clin d’œil et d’un signe de main amical, puis réexplique au jeune homme énervé qui lui fait face, vêtu comme un champion de poker (sweater à capuche, lunettes noires et gros casque audio parce qu’il faut bien avoir un truc gros pour faire plaisir à tonton Sigmund) qu’il ne prendra pas sa plainte pour ce soi-disant vol de téléphone portable qu’il vient de subir.

    Brice descend les quelques marches qui mènent au sous-sol, arpente le couloir enguirlandé de néons partiellement défectueux, dont la lumière fatiguée s’étale sur les murs gris, passe devant les cellules de garde à vue et entre dans ce merveilleux local qui, avant de devenir son bureau, était un cagibi encombré d’archives poussiéreuses.

    Il s’assied à sa place, allume son vieux PC hors d’âge et regarde, l’air rêveur, le vasistas rectangulaire, seule ouverture sur le monde extérieur en haut du mur jauni.

    Il boit doucement son tafé. Du tafé… C’est comme ça qu’il appelle son long sans sucre, parce que c’est du café pour taffer et comme c’est presque aussi peu fort que du thé, il appelle ça du tafé. Lui, ça l’amuse et après tout, cette blague est un peu à l’image de ce qu’est devenue sa vie, vraiment pas de quoi en faire un plat.

    La torpeur matinale de Brice est interrompue par l’arrivée d’un homme relativement jeune qui se tient immobile au seuil de la porte et s’exclame d’un ton narquois :

    – Slalom !

    Brice sursaute et lève les yeux en affichant une mimique quelque peu inhospitalière.

    – Quoi ?

    – Slalom, j’ai dit.

    Brice fait une moue exprimant une incompréhension entachée de mépris qui pousse son visiteur à préciser :

    – C’est un mélange de Salâm et Shalom.

    Brice soupire.

    – Ça va pas mieux, mon pauvre Hadrien. C’est la nouvelle mode au 36 ?

    – Non, j’ai trouvé ça tout seul ce matin, précise Hadrien, fièrement. Je mets la Charia avant l’Hébreu, ajoute-t-il, ne pouvant s’empêcher de rire de sa propre blague.

    Brice sourit.

    – Pas mal, celle-là. Tu as fait des progrès, côté vannes. Qu’est-ce qui t’amène dans mon placard ?

    – On m’a confié une affaire, une scène de crime dans le quartier et Morisset m’a dit de te prendre pour me seconder.

    En d’autres circonstances, l’idée qu’on lui demande de faire équipe avec un bleu comme Hadrien lui aurait été insupportable mais ce matin, Brice ne boude pas sa joie. Son regard s’allume.

    – Génial !

    – Ouais. Il a peut-être pensé qu’il était temps de te redonner ta chance.

    – C’est une bonne nouvelle, ça. Alors, de quoi s’agit-il ?

    – Un double homicide. Police Secours a été alerté vers sept heures ce matin et les blancs sont sur les lieux.

    – Tu as des infos sur les victimes ?

    – Eh bien, d’après les premières infos qu’on a, c’est une arpenteuse et son barbichon. Le mac est refroidi et elle, apparemment, elle n’est pas près de retourner courir l’aiguillette, d’après ce qu’on m’a dit. Il parait qu’elle est en train de calancher.

    – Hébé, tu regardes trop de vieux films, Hadrien, ça fait du tort à ton vocabulaire. On a autre chose ? demande Brice en se levant de sa chaise.

    Hadrien regarde son Smartphone, à la recherche d’informations et finit par répondre :

    – Non, je n’ai pas encore reçu les pédigrées. On y va ?

    Sans rien répondre, Brice part en direction de la sortie.

    Dehors, les deux hommes partent à l’aventure dans la vieille Clio banalisée qui est garée sur une place réservée, juste devant la porte du commissariat.

    – On va où ? demande Brice.

    – Pas loin, rue de Clichy.

    Chapitre 2

    09:10.

    Après un bref séjour dans un ascenseur périmé et poussif, les deux hommes atterrissent sur le palier du deuxième étage où se font face deux appartements barrés par ces portes d’entrée lourdes et prétentieuses, caractéristiques des grandes exigences de la petite bourgeoisie. L’une d’entre-elles, gardée par un policier en uniforme, est ouverte en grand et laisse passer le bruit d’une agitation caractéristique que Brice connait bien. Les globules blancs - c’est comme cela qu’Hadrien appelle les techniciens de l’INPS à cause de leur accoutrement - sont déjà à l’œuvre et relèvent tous les indices possibles sur la scène de crime. Brice s’approche et montre sa carte au jeune factionnaire qui ne le connait pas encore. Puis, il s’équipe d’une paire de gants, de chaussons pris dans la boite, sur le palier et frappe lourdement à la porte du revers de la main. Au bout de quelques longues secondes, un homme hermétiquement recouvert d’une combinaison s’approche et, à travers le masque chirurgical qu’il porte, s’adresse à Brice :

    – Tiens ! Salut Brice. Ça fait plaisir de te revoir sur le terrain. Ça fait un bail. Alors, ça y est ? Ils ont fini par te réintégrer ?

    – Salut Philippe. Oui, ils m’ont demandé de chaperonner Hadrien, dit-il en faisant un petit mouvement de menton en direction de ce dernier. A croire qu’ils manquent d’effectifs. Ça va comme tu veux ?

    Philippe écarte prudemment ses lunettes de protection et son masque chirurgical.

    – J’ai chaud, mais ça va.

    – On peut entrer ?

    – Bien sûr, approchez. Ça se passe dans la pièce de droite, je vais vous montrer. On a quasiment terminé, alors ce serait bien que vous jetiez un œil avant qu’on retourne le corps.

    – Et le procureur ? demande Brice machinalement.

    – Boitel… Pas encore arrivé… Les bouchons… Devrait plus tarder maintenant, précise Philippe d’un ton évasif.

    – C’est bon, on y va ? demande-t-il à Hadrien qui, en équilibre instable, acquiesce en finissant d’enfiler ses chaussons.

    Ils pénètrent dans l’appartement. A environ un mètre à l’intérieur, en plein milieu de l’entrée, Philippe désigne une flaque et une forme humaine tracée au sol.

    – On a deux victimes. Un qui est encore à côté, dans le salon et ça… c’est la fille : Estelle Rousseau, trente ans. Je ne sais pas si on vous l’a dit mais, elle est encore vivante.

    – Oui, oui, on est au courant, dit Hadrien, pour montrer qu’il gère la situation.

    – Enfin, vivante, faut voir ! En tout cas, elle l’était quand ils l’ont embarquée d’ici tout à l’heure, mais elle s’est pris une balle dans la tête…

    – Dans la tête ? s’étonne Hadrien, surpris qu’on puisse survivre à une chose pareille.

    – Ouais, en général, ça ne pardonne pas, mais… Apparemment, c’était du petit calibre et elle avait une serviette entortillée sur la tête, ça a peut-être aidé… Mais quand même, c’est pas bon pour la santé ce genre de trucs.

    Philippe se place entre l’entrée et le salon. Avec son pouce et son index, il imite un pistolet.

    – A priori, le tireur se tenait par ici.

    Il pointe vers le salon, mime un coup de feu et dit mollement.

    – Paf…

    Puis, il pointe vers l’entrée et mime un autre coup de feu.

    – Et re-paf. La demoiselle était tournée vers la sortie et a pris le projectile en plein dans l’arrière du crâne. On peut donc supposer qu’elle essayait de se barrer quand elle s’est fait poinçonner.

    Il leur fait signe d’approcher du salon. C’est haut de plafond, peinture laquée impeccable, belles moulures finissant de donner cet aspect rupin, un peu m’as-tu-vu, que l’on rencontre

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