Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Les Copains d'Antan
Les Copains d'Antan
Les Copains d'Antan
Livre électronique236 pages3 heures

Les Copains d'Antan

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Lorsque le moral est au plus bas, lorsque les fêtes de fin d’année qui approchent à grands pas vous font craindre le pire, l’envie de faire un plongeon dans le passé semble être un bon exutoire. Le commandant Jean Renato confronté à de graves problèmes extra-professionnels, devant la perspective de vacances bien tristes va entraîner son ami René Guangues dans un périple riche en souvenirs, mais aussi en agapes. De Besançon à Valence, en passant par Lyon, et de Valence à Biarritz, Jean Renato, le flic, et son ami Guangues, le toubib, rendront visite à des camarades d’enfance. Mais, même en congé, le métier colle à la peau. Si Renato veut oublier qu’il est policier, d’autres le lui rappelleront. Et la mort accidentelle de Michel, un ami d’enfance, les plongera dans une drôle d’enquête. Qui était réellement cet ami disparu ? Les gens, les choses sont-ils réellement ce que l’on croit ? Cette idée de revoir les copains de jeunesse était-elle aussi bonne que cela ? « D’autorité, Sophie entraîne Jean vers la véranda créant un isolement propice à la poursuite de son travail de questionnement. Elle le supplie de reprendre l’enquête menée sur la disparition de son père qui n’avait rien d’un aigrefin. Avocate zélée, elle développe ses arguments avec conviction et fougue. Voler une voiture ! Pour quoi faire ? Il en avait une ! Où cela l’aurait-il mené ? Tout cela n’a aucun sens. Un forfait aussi pitoyable ne correspondait ni à sa personnalité ni à sa situation. »
LangueFrançais
Date de sortie25 févr. 2013
ISBN9782312008400
Les Copains d'Antan

Lié à Les Copains d'Antan

Livres électroniques liés

Thriller policier pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Les Copains d'Antan

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Les Copains d'Antan - Jean-Claude René

    cover.jpg

    Les Copains d’Antan

    Jean-Claude René

    Les Copains d’Antan

    LES ÉDITIONS DU NET

    70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux

    Besançon est le berceau d’une amitié d’enfance ! Deux Bisontins s’y épanouissent jusqu’à leurs vingt-cinq ans, puis les aléas de la vie les séparent. Valence pour l’un, Biarritz pour l’autre. Le temps a passé, le progrès aussi. L’Internet, outil prodigieux, va les réunir et leur permettre de réaliser un de leurs souhaits : écrire en commun. Ce sera « Plaisanterie Fatale », un premier livre dont l’action se passe... dans la capitale de la Franche-Comté.

    Jean-Claude Mere et René Schoenauer ont récidivé et commis un second ouvrage, « Les Copains d’Antan »  qui depuis Besançon vous mènera dans la Drôme et les Pyrénées-Atlantiques.

    Du « même » auteur :

    Plaisanterie fatale – 2006

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-00840-0

    Que sont mi ami devenu

    Que j’avoie si près tenu

    Et tant amé ?

    Complainte de Rutebeuf

    Avertissement

    Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, serait pure coïncidence. Toute similitude de lieu ne pourrait qu’être le fruit du plus grand hasard.

    Quoique !

    Prologue

    Il est rentré au chaud. La tête appuyée contre la vitre, il regarde au-dehors sans rien voir ni la vaste pelouse ni l’épicéa qui en constitue le point central. Il est bien trop préoccupé par ses pensées. Elles jaillissent telle la lave d’un volcan en irruption dont on ne peut endiguer le flot.

    Comment vais-je me sentir, au moment du départ ? Décontracté ou non ? Mieux qu’aujourd’hui, j’espère. Satané passé qui me colle à la peau. Chaque fois que j’ai eu à me déplacer, j’ai toujours éprouvé une petite tension. Mais là, c’est bien particulier ! Il suffit que je prenne tout ça comme une simple balade. Lorsque tout sera terminé, cela ira mieux. Un voyage  peu ordinaire quand même. Il n’y a pas de raison que cela tourne mal, tout a été préparé avec soin. De toute façon, pourquoi revenir en arrière ? Ou ça marche sans problème, ou je sais ce qu’il me restera à faire. Il faut bien en finir un jour ou l’autre. Oui, mais quand même…

    Il s’éloigne de la fenêtre, fait quelques pas dans la pièce puis, soudain, lève vigoureusement un bras au-dessus de sa tête et dit à haute voix, comme pour se donner du courage :

    — En voiture Simone !

    Cette expression populaire, vulgaire, remontant à sa jeunesse, le fait sourire et a le don de le stimuler.

    Un joli coup quand même ! Je vais jouer à surprise-surprise, plus fort qu’à la télé. Qui aurait pu se douter ? Depuis le temps qu’ils cherchent à m’humilier, à vouloir que je disparaisse. Eh bien ! C’est l’occasion rêvée. J’ai assez avalé de couleuvres, maintenant c’est fini, fini le bon gros toutou, le pauvre type bien gentil que l’on bernait. Jamais ils ne m’auraient cru capable de cela. Il y aura des déçus, mais on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. Je sens que ça va être un exercice de haut vol, c’est le cas de le dire.

    Sans qu’il s’en rende compte, la confiance prend le dessus. Les dés sont jetés, ou presque, et le fatalisme l’emporte sur les doutes. Il ira au fond des choses, ne se dérobera pas. Les risques, s’il ne les connaît pas précisément, il les  a mûrement envisagés et il ne va pas faire échouer ce qui peut résoudre, d’une manière ou d’une autre, les problèmes qui se posent à lui.

    Allez, ne laisse pas s’échapper cette unique possibilité de tout finir en beauté ! Ta décision était prise. Pourquoi revenir sur celle-ci ?

    De quelques copains

    Ce jeudi 13 décembre 2001, le commandant de police judiciaire Jean Renato est d’humeur fort morose lorsqu’il gare sa voiture dans la cour du commissariat de Besançon à huit heures trente. Le temps plus que frais, le ciel gris qui rend tristes : gens, demeures et paysages, n’en sont pas la cause. Ce matin encore, les propos de Nadège ont confirmé que la situation n’allait pas tarder à devenir intenable. « Ce soir, il sera nécessaire que je te parle de Caro. Elle me pose un gros problème que je ne sais comment résoudre. » Il n’est pas besoin de réflexion intense pour savoir ce qui l’attend et être certain qu’aucune solution ne sera satisfaisante. Comment dénouer une situation aux liens inextricables ? Caroline – Caro pour les intimes –, douze ans, fait un rejet féroce de sa personne. Pour elle, au fil du temps, il est devenu l’usurpateur. Ce que Nadège avait pressenti dès le mois d’août dernier{1}. Cette gamine, élevée trop longtemps par ses grands-parents paternels, n’arrive pas à oublier l’image qu’elle s’est faite d’un père décédé lorsqu’elle avait deux ans, un père idéalisé, parfait et sans reproche. La grand-mère vouait un véritable culte à son fils unique, culte qu’elle a transmis à sa petite-fille. En outre, elle veut sa mère pour elle seule. Qu’un autre prenne la place, se mêle, un peu, de sa vie, elle ne le supporte pas. Le chantage est de mise. Ainsi, ce matin quel dialogue a-t-il entendu, subrepticement, entre la mère et la fille ? Des propos à tout remettre en question.

    —   Les fêtes avec ton Jean ? C’est la barbe ! Si ça continue, je retourne chez Mamy !

    — Mais, ma chérie, que lui reproches-tu ? Il est gentil avec toi, tu ne peux pas le nier.

    — Il n’a rien à faire chez nous et je n’ai rien à faire chez lui. Et encore, s’il était tout seul, mais il nous ramène ses copains de boulot, dont le grand qui est con comme c’est pas possible.

    Ce n’est pas la première fois qu’il surprend ce genre de conversation qui se termine par une bouderie de la petite, si ce n’est par des pleurs pour s’être fait reprendre sur son langage, et le chagrin, caché, de Nadège.

    Que faire ? Dans les grands moments, de découragement la réponse lui semble évidente. Tout envoyer balader et reprendre sa vie d’avant sa rencontre avec cette si jolie juge. Oublier qu’il pouvait mener une nouvelle existence avec elle, fonder un foyer et adopter cette enfant qu’il aurait aimée comme sa propre fille. Ceci, désormais, ne ressemble plus qu’à un fort joli songe qu’il a fait tout éveillé. Derrière le flic qu’il est, l’image du dur qu’il se donne, sommeille un sensible, un « gentil » comme disait sa grand-mère. Gavé dans sa jeunesse de comédies romantiques américaines et, ainsi, s’identifiant peut-être à Jack Lemmon , Cary Grant ou autre Tony Curtis charmant Audrey Hepburn, Doris Day ou Deborah Kerr, il avait rêvé que, par une douce journée d’été, un enfant s’amuse dans la piscine pendant qu’il lirait son journal, sa femme à côté de lui. Ce n’était qu’une chimère. « Elle serait capable de se noyer, rien que pour m’ennuyer ! Elle est prête à tout pour me séparer de sa mère ! » Sombres pensées d’un homme déçu que Gépé, son fidèle adjoint, ne parvient pas à distraire. Pourtant, ce dernier y met du sien en oubliant la promesse de ne plus se laisser aller à des jeux mots faciles, irritants par leur succession quasi ininterrompue et qui le font rejeter inexorablement par Caroline.

    Renato, est plongé dans ses réflexions, plus que maussades, lorsqu’il passe devant le bureau vitré de Gépé sans s’y arrêter, contrairement à l’accoutumée.

    — Alors, Jean tu sembles aussi gai qu’un pinson… sur la peau d’un brûlé au troisième degré.

    Il fait volte-face, entre d’un pas énergique dans le local où se trouve son adjoint et, négligeant les salutations convenues, s’adresse à lui sur un ton des plus inhabituels.

    — Arrête tes conneries, je te prie ! Au travail ! Où en êtes-vous Roubbi et toi ?

    — Toujours au point mort ! Les planques ne donnent rien et les témoins possibles sont aussi bavards que la grande muette. Il va falloir s’armer de patience, pour espérer une réussite. Elle est bonne celle-là, tu trouves pas ?

    — Navrante ! Continuez les filatures et n’oubliez pas d’interroger à nouveau la femme. Et surtout, ne te laisse pas encore embarquer dans une de tes histoires de nana trop jolie pour être méchante, trop souriante pour être une pute. Oublie ses yeux et ne pense à rien d’autre qu’à ton travail. Vous en faites une belle équipe ! Roubbi, qui n’est pas encore arrivé bien sûr, à ne pouvoir penser à autre chose qu’à sa Denise et toi à chercher le premier jupon qui te semble plaisant. Je vais voir ce qu’il y lieu de faire avec Forblot et il ne va pas être heureux d’apprendre que vous n’avez pas avancé d’un pas. Alors, au boulot et en vitesse. On se revoit à midi au resto d’Ernest.

    Ambiance ! Gérard Philippe, dit Gépé, son adjoint, en reste bouche bée. Il a très rarement vu son chef dans cet état de morosité.

    Bonne ou mauvaise nouvelle ? Le commissaire Forblot, son patron, indique à Renato que sa demande de congé est acceptée. Quinze jours de vacances pour se reposer, mais quinze jours à ne savoir que faire et surtout à éviter de croiser Caroline. Lui dans sa villa et Nadège dans son appartement avec sa fille, quelle vie ! Passer Noël et Nouvel An avec sa sœur et son beauf ! Une fois, ça va, deux fois bonjour les dégâts ! Et puis, il y a cet affreux clebs qui devient le véritable maître de maison, à qui il faut faire des amabilités, dire avec le sourire des « il est mignon le beau toutou » ou autres gâtismes. Tout, mais pas ça ! Il aime les chiens, mais pas ces affreux « chiens gâtés » et surtout il devient irascible envers ces maîtres qui sont en fait des esclaves de cet animal aboyeur à quatre pattes. L’idée d’un voyage ne le séduit guère. Se retrouver seul, ailleurs, en cette période de fêtes n’est pas la meilleure solution pour faire remonter un moral bien bas. Il s’imagine contraint de paraître joyeux au milieu des fêtards réunis en de grandes tablées et lui, solitaire, à une petite table certainement confinée à un angle de la pièce. De quoi rendre encore plus concret son esseulement ! Encore heureux s’il n’est pas obligé de se coiffer d’un bonnet ridicule, de souffler dans un mirliton, « Le clown triste, ce sera moi ! », et de faire danser une voisine de table qu’il voit dans la bonne soixantaine, bien dodue et passionnée de tango argentin, tout cela au milieu des serpentins et de cette joie souvent factice des réveillons. L’enfer, en un mot ! Pire que celui qu’il est en train de vivre.

    Et puis, le boulot ! Pourquoi s’acharner sur une affaire qui menace de s’éterniser en filatures, écoutes téléphoniques et auditions de gens qui n’ont qu’une envie, celle de ne rien dire ? Penser aboutir à un résultat dans les huit jours qui viennent c’est espérer faire mûrir des oranges en plein mois de janvier sur le beau sol islandais. Tout à son temps ! Pourquoi penser à tout cela quand, dans trois jours, il n’aura plus à s’en occuper. À Gépé de continuer le travail sous les ordres directs du commissaire Forblot et du juge Mauricet ! C’est dans cet état d’esprit qu’il décide de « prendre l’air ». Une petite promenade dans sa Boucle{2} si appréciée, regarder les devantures et chercher un cadeau qui pourrait plaire à Nadège, voilà un ensemble d’occupations saines et revigorantes.

    Jour de marché ! Ce n’est pas la grande foule, la bonne atmosphère joyeuse des jours de soleil. Tout est feutré, comme le temps ; ciel et humains à l’unisson dans une harmonie de gris. « Fait pas chaud aujourd’hui ! », premières paroles qui n’incitent pas à un long échange. On se hâte. Vite rejoindre son chez-soi et sa bonne chaleur, enlever gants et foulards et chausser des pantoufles bien confortables.

    Quelle idée de me promener maintenant ! Ce n’est pas tout ça qui va me remonter le moral, pense Jean qui regarde ces personnes emmitouflées dont aucune n’arbore le plus petit sourire. En temps ordinaire, il aurait remarqué cette jeune femme brune qui l’a croisé en cherchant son regard. Pas aujourd’hui ! Tout est tristesse ? Que non point, pourtant ! La Grand-rue étincelle. Les habits de fêtes sont sortis, les guirlandes égaient ce paysage tristounet et un marchand de marrons chauds y donne son petit air du passé, celui qui fait souvenir de son enfance. Rien dans les vitrines n’attire son attention. Il est des jours où rien ne va, où aucune idée originale ne jaillit, où tout semble banal. Ce foulard ? Oui, mais pourquoi une signature aussi grande ? C’est le nom qui est vendu, pas le carré de soie ! Ce n’est pas le genre de Nadège de se transformer en « homme-sandwich » et puis il fait un peu triste. Ce collier ? Elle en a déjà un à peu près semblable ! Une paire de boucles d’oreilles, pourquoi pas ? Trois spécimens en vitrine ne l’inspirent pas. Entrer et demander ? Un peu de chaleur ne fait pas de mal et la boutique bénéficie d’une excellente réputation.

    Les deux vendeuses sont occupées par des clients ce qui n’est pas pour lui déplaire, car il supporte mal, dès qu’il franchit le seuil d’un magasin, d’être immédiatement interrogé sur ses intentions par une employée, aussi mignonne soit-elle. Et puis, il ne faut pas intervertir les rôles : les interrogatoires c’est lui qui les mène habituellement, le flic c’est lui ! Il n’est pas pressé, l’attente de son tour ne le gêne nullement. La vitrine contenant les boucles d’oreilles est, pour l’instant, inaccessible et il peut, à loisir, observer les autres clients. Il esquisse un sourire lorsque, en se penchant pour mieux les regarder, un vieil homme laisse tomber son chapeau parmi les bagues. Réflexe de policier ? Il ne peut s’empêcher de penser que voilà ce qui pourrait être un moyen habile de soustraire un bijou d’une manière discrète. Le regard qu’il porte sur les autres est, trop souvent peut-être, professionnel. Ce qui lui permet de constater que pendant qu’une jeune femme est en grande discussion avec une vendeuse son compagnon met subrepticement un objet dans sa poche et balaye la pièce des yeux pour s’assurer que nul ne l’a vu. Leurs regards se croisent. Renato s’approche de l’individu et lui murmure à l’oreille :

    — Police ! Remettez ce bijou d’où il vient, sinon vous pourriez vous voir offrir, en échange, une magnifique paire de bracelets. Pas en or, mais en acier chromé.

    En d’autres circonstances, il eût interpellé l’individu. Aujourd’hui, il se sent enclin à la mansuétude et il ne lui déplaît pas de jouer le père Noël avant l’heure. Tout reprend sa place. Le bijou sur la console, Jean sa position de client potentiel. L’homme, qui vient d’échapper de peu à un petit séjour à l’ombre, et sa compagne s’en vont sans rien avoir acheté. C’est le tour du justicier. La commise a beau se montrer charmante, compétente et user des moyens habituels de persuasion, il n’y a rien à faire. Aucune boucle d’oreille ne séduit Renato qui ressort avec l’intention de pénétrer dans le Grand Magasin jouxtant la bijouterie. Cette scène a réveillé l’enquêteur puisque c’est là que travaille une des personnes mêlées à l’affaire en cours, une certaine Amélie. Il aime observer les gens sur leur lieu de travail ; certains aspects de leur personnalité s’y révèlent sans qu’ils s’en rendent compte. Il regarde une vitrine lorsqu’une voix retentit :

    — Alors, l’ami on rêve ?

    Cet homme qui vient de l’interpeller, petit et rondouillard, n’est pas un inconnu. Quant à mettre un nom sur ce visage, c’est une autre histoire ! Ces grosses lunettes perchées sur un petit nez à l’extrémité toute ronde lui font penser à quelqu’un. Mais qui diable ça peut être ? C’est pas un collègue, c’est certain. L’individu franchit vivement les deux mètres qui les séparent et les évènements s’enchaînent. Du Buster Keaton. Il heurte un piéton à qui il a coupé la route, sa serviette lui échappe et atterrit dans les jambes d’un passant pressé qui, malgré lui, la renvoie d’un coup de pied magistral. Elle finit alors son parcours sur les chaussures de Renato. L’individu se penche, la ramasse et, toujours avec ce visage hilare qu’il affiche depuis le début, s’exclame :

    — T’as la mémoire qui flanche ? On ne reconnaît plus son vieux copain Georges ?

    —  Villarnod !

    Ce nom, prononcé avec une surprise mêlée de plaisir, éveille instantanément un flot de souvenirs. Villarnod, le copain de l’école primaire puis du lycée, Villarnod le maladroit, le gaffeur ! L’affable et drolatique, malgré lui, Villarnod.

    — Eh bien ! Mon vieux Jean, si je m’attendais. Cela fait plus de trente ans et je t’ai reconnu tout de suite.

    Cette rencontre inopinée vient colorer, un peu, la journée maussade de Renato qui en oublie sa suspecte, Amélie Noblevin. Le premier café venu est investi par les deux anciens camarades. Les nouvelles s’échangent, les réminiscences se confrontent, les souvenirs s’affinent. Dans cette ambiance bruyante, chaleur et bières aidant, ils retrouvent leurs dix-huit ans, époque où l’on parlait haut et fort, avec conviction même des plus petites choses. La conversation est devenue une sorte de jeu où l’un saura se souvenir avant l’autre des faits marquants de leur vie de potache et, surtout, des bonnes blagues dont nul n’était à l’abri. Puis on se quitte avec regret et l’on se promet de se revoir. On a bien échangé adresse et numéro de téléphone, mais Jean ne pense pas qu’il puisse y avoir de suite. Rencontre d’un instant, souvenirs de jeunesse et après ? « Qu’avons-nous à nous dire ? Certainement rien que du banal et je sens que j’aurais droit à la première dent du petit-fils, à ses premiers pas et autres faits d’armes de ce qui ne peut être qu’un charmant bambin. La barbe, oui ! »

    Ainsi va la vie… ! Morose il est, morose il reste, même si cet intermède imprévu lui a été agréable. Villarnod lui a permis d’utiliser la machine à remonter le temps et de plonger un instant dans leur belle époque, là où les ennuis n’existent plus. Placebo ou analgésique ? Peu importe, il était bien ! C’est avec beaucoup plus de conviction qu’il pénètre dans le grand-magasin à la recherche du rayon où officie madame Noblevin. Derrière son comptoir ou assise sur la chaise des témoins, au commissariat, elle est la même. Un qualificatif s’impose à Renato : commune. Pas laide, mais pas belle ! Ni mal habillée, ni bien habillée. À l’école, certainement, s’il y avait eu classement, elle aurait été douzième sur

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1