RENDEZ-VOUS insolite
Fe m’ennuyais au bureau, malgré la présence de Bertrand, un collègue devenu ami. Hélas, ce jour-là, il n’était pas en forme et je dus répondre au téléphone.
J’ai eu une enfance privilégiée. Fils unique, adulé par mes parents qui me passaient tout, j’ai grandi sans jamais avoir à me heurter aux réalités de la vie. Mon père, écrivain très en vogue, nous assurait à ma mère et moi une existence très confortable. Je poursuivais, pour faire plaisir à ma mère, des études de musique, quand une pneumonie l’emporta. J’abandonnai aussitôt, ne me sentant pas doué. Je m’essayai alors à l’écriture, espérant réussir dans ce domaine aussi bien que mon père. Mais après la lecture de mon premier roman, celui-ci me dissuada, avec beaucoup de tact je l’avoue, de poursuivre dans cette voie.
Lorsqu’il mourut, j’avais 30 ans. C’est alors que je m’aperçus, après avoir fait diverses tentatives dans de nombreux domaines, que je n’étais doué pour rien, ou, pour être plus exact, que rien ne m’intéressait. J’avais été trop gâté, sans doute. Il me fallait pourtant travailler. Les écrits de mon père étaient passés de mode et les droits d’auteur que je touchais ne me permettaient plus de vivre correctement. Son éditeur, Jean Mayeur, qui lui devait beaucoup, se sentit alors obligé de me venir en aide et m’engagea.
Mon travail n’exige pas de grandes aptitudes, et c’est sans doute ce qui l’a déterminé à me tendre la main. Je dois lire les manuscrits envoyés par les auteurs et en faire un résumé. Mais j’y apporte en prime mon avis. Il n’est guère probable qu’il le prenne en compte, mais j’y tiens. N’avais-je pas été le premier lecteur de mon père ? Lui se fiait à mon jugement… pour faire tout le contraire. Mon intervention n’était donc pas inutile.
Je ne déteste pas mon boulot, mais je m’y ennuie.
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