Les Veillées des chaumières

Un merveilleux petit-fils

Ce matin-là, lorsque le facteur lui remit son courrier, Georges fut surpris de trouver une lettre au milieu des factures habituelles. Il y avait belle lurette que plus personne ne lui écrivait. Il crut d’abord à une erreur mais c’était bien son nom et son adresse qui figuraient sur l’enveloppe. Contrairement à l’expéditeur qui avait omis d’inscrire ses coordonnées sur le rabat. Quelque peu intrigué, il s’installa dans sa chaise à bascule, sous la tonnelle ombragée, d’où il pouvait embrasser du regard la campagne printanière aux couleurs éclatantes, puis il entreprit de décacheter la missive. Son premier réflexe fut de vérifier la signature se trouvant au bas du feuillet: Judith. À la vue du prénom de sa fille, il sentit son cœur battre une folle chamade à l’intérieur de sa poitrine. Sous l’effet de la surprise, sa main se mit à trembler et la lettre lui échappa. Il y avait si longtemps qu’il n’avait plus de nouvelles d’elle.

Il se remémora avec tristesse le jour où Judith avait claqué la porte de la maison pour ne plus y remettre les pieds. Elle venait tout juste d’avoir vingt ans. Quelques semaines plus tôt, sa mère s’était éteinte après avoir lutté vaillamment contre la maladie. De son vivant, Marinette avait toujours été là pour atténuer les différends qui opposaient souvent Judith et son père. Elle avait le don de tempérer leur caractère si prompt à s’emporter, de mettre de la douceur au milieu de leurs éclats de voix.

Or, du jour au lendemain, ils avaient dû composer sans elle. Pendant un certain temps, le chagrin d’avoir perdu Marinette leur ôta la force de se quereller. Jusqu’à ce qu’une violente dispute éclate entre eux, semblable à un point de non-retour.

– De toute façon, quoi que je dise ou fasse, ça ne sera jamais assez bien pour toi ! avait explosé la jeune femme, en guise de conclusion. J’en ai assez ! Je m’en vais…

Il lui avait à peine fallu cinq minutes pour boucler sa valise et franchir le seuil de la longère. Georges n’avait pas cherché à la retenir, persuadé qu’elle reviendrait sur sa décision, une fois calmée. Seulement, la journée s’était écoulée, le soleil s’était couché et Judith n’avait pas reparu. Pas davantage le lendemain ni les jours suivants.

Préoccupé par son absence prolongée, l’espace d’un instant, il avait été sur le point de l’appeler. Cependant, au moment de contacter sa fille sur son portable, Georges s’était ravisé, son orgueil blessé de père se rappelant brusquement à lui.

– Après tout, elle est majeure ! Et puis, si quelqu’un doit faire le premier pas, ce n’est certainement pas moi ! avait-il bougonné, l’air contrarié. De toute manière, quand elle sera dans la panade, elle finira bien par revenir. Ce n’est pas avec ses petits boulots

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