Histoires de famille

Madame Houot signalait çà et là des changements dans le paysage qu’elle avait remarqués quand elle venait au cimetière. Daniel serra plus fort la main de sa marraine quand ils s’engagèrent dans le petit chemin qui menait à la maisonnette, comme s’il pressentait qu’ils en approchaient.

La maison n’avait apparemment pas été relouée depuis la mort d’Adélie. Les volets étaient fermés et les ronces envahissaient le terrain. Sans rien demander, Daniel s’échappa en direction du portillon qu’il poussa. Il fit en courant le tour de la bâtisse.

– Papa ne serait pas content de voir son jardin dans un état pareil ! dit-il en rejoignant les deux femmes… Alors, c’est là que je suis né ? demanda-t-il en hochant la tête d’un air solennel.

– Oui, répondit madame Houot, dans cette pièce, plus précisément, ajouta-t-elle en montrant une fenêtre à l’étage, dans la chambre de tes parents.

Daniel, le nez en l’air, affichait un air songeur, tandis que sa marraine tentait de l’entraîner dans un autre coin, par crainte qu’il ne pose des questions sur sa naissance. Comment aurait-elle pu lui dire que sa mère avait mis beaucoup de temps à l’accepter ?

Heureusement, Daniel se dirigea vers la remise, dont il souleva sans difficulté le loquet rouillé. L’odeur de renfermé, de sciure de bois et de ferraille, le prit aux narines. Il restait là, dans la pénombre, comme saisi. Il connaissait cette odeur, il était sans doute venu ici avec son père. Cette découverte le remplit de joie, comme s’il franchissait subitement, miraculeusement, une tranche de temps qui le ramenait à l’époque où il n’était pas cet orphelin trop gros qui subissait son existence plus qu’il ne la vivait.

Il sortit de l’appentis, un grand sourire aux lèvres, mais ne révéla rien de sa découverte aux deux femmes. Madame Houot remarqua juste qu’il avait déchiré son pantalon du dimanche… Alors il voulut explorer les alentours où, sans doute, il s’était promené étant petit,