Juge et partie
Sans être une grande habituée des soirées, Sophie avait quand même, à son âge, un peu roulé sa bosse dans le milieu du petit four tiède et de la sono trop forte.
Elle avait déjà expérimenté les avances relativement lourdes de garçons plus très frais et des toilettes couvertes de vomi en fin de soirée. Mais recevoir un verre de jus de fruit froid à la figure n’était pas exactement ce qu’attendait Sophie de cette soirée de réveillon à Biarritz.
C’était plus encore son moral que son maquillage ou sa robe qui en avait pris un coup. Et un moral ne se reconstruit pas aussi facilement qu’un trait de mascara. Fort heureusement, l’outrage à sa dignité n’avait eu aucun témoin et elle avait réussi à faire bonne figure de la cuisine jusqu’à la salle de bains.
Là, elle s’était assise sur le bord de la baignoire et avait laissé tout son corps trembler afin de chasser le stress qui la paralysait. Elle ne supportait plus la violence physique. Elle essaya de pleurer pour accélérer le processus d’évacuation mais n’y parvint pas. Le miroir sans états d’âme l’aida à se recomposer un visage de réveillon.
« Ce n’est pas le moment de craquer, ma fille, lui conseilla son image, tu vas souffler tes trente bougies. Tu n’es plus une gamine qui se laisse abattre à la moindre déconvenue. Ce type est un triste imbécile. Tu n’es pour rien dans toute cette histoire. Qu’il aille au diable ! »
En choisissant de faire sa vie dans la magistrature, Sophie Nazarov savait qu’elle devrait prendre la responsabilité de s’immiscer dans la vie des autres. Son père, un immigré russe, la rêvait avocate. Elle avait choisi le recul et l’objectivité. Mais être juge aux affaires familiales n’est pas vraiment une sinécure. On voit passer devant son bureau tous les problèmes du monde. Et prononcer une séparation de corps c’est souvent aussi, elle le savait, donner
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