Un parfum de terre mouillée

RÉSUMÉ : Charles Fréchin passe l’essentiel de son temps dans son carré de jardin, magnifique et sauvage. Il y trouve le réconfort nécessaire à sa vie solitaire. Sa mère, Marguerite Fréchin, est morte en le mettant au monde. Ses trois frères aînés ont quitté la maison familiale depuis longtemps déjà et Charles continue de vivre avec son père et la vieille Victorine, leur servante. Tous deux lui font porter le poids de cette disparition. C’est la rencontre avec la petite Claire Davout qui va peu à peu ensoleiller ses journées. Elle vient l’aider tous les jours au jardin, ravie d’apprendre, de se rendre utile. Tous deux partagent des moments de grande complicité. Et quand la jeune fille doit repartir en ville pendant l’hiver, Charles se prend à l’attendre. Sous un pâle soleil de mars, Claire réapparaît sans prévenir, métamorphosée. (Voir Veillées n^o 3537.)

Charles retint un cri de surprise et s’efforça de saluer Claire le plus courtoisement du monde. Elle lui tendit la main, ce qu’elle n’avait jamais fait l’été précédent. Il la refusa, prétextant sa saleté et courut se rafraîchir à la pompe.

Lorsqu’ils se retrouvèrent face à face, ce fut elle qui lança, dans un éclat de rire :

– Eh bien? On ne reconnaît plus ses amis?

– Si, bien sûr.

Non… le mélange d’adolescente et de femme faite qu’il avait sous les yeux le médusait. Elle semblait ne pas avoir conscience de sa mue et parcourut, ravie, les allées et massifs, comme s’étonnant de ne pas les retrouver comme elle les avait quittés. Sa naïve remarque eut l’avantage de remettre en place l’esprit un tantinet ébranlé de Charles, qui éclata de rire.

– Ce n’est que le début du printemps ! Mais regarde, il y a quand même des narcisses, des jonquilles, remarqua-t-il, ému et amusé.

Il lui fit avec délices les honneurs de « leur » jardin. Ici, bientôt, éclateraient les bourgeons du pommier du Japon, là, pointeraient du sol les premières pivoines. Il remarqua qu’elle ne sautillait plus comme auparavant dans les allées, mais les enjambait d’un pas ample et lent. La rondeur de ses mollets apparut