Un parfum de terre mouillée
La chaleur accablante de cette journée de juillet tombait peu à peu. Il faisait encore grand jour, mais des bouffées d’air frais se coulaient comme des couleuvres dans les allées du jardin. Charlot posa son arrosoir, huma longuement le parfum de la terre mouillée et celui des fleurs surchauffées.
Les cloches de l’église du village sonnèrent au loin. Tendant l’oreille, il crut à regret compter sept coups. Dès qu’il franchissait la barrière de son domaine fleuri, il ne voyait plus passer le temps, qui s’égrenait pourtant si lentement lorsqu’il était au travail, à l’atelier. Il comprenait alors pourquoi on parlait du paradis comme d’un jardin. Dans son éden personnel, se mêlaient roses, héliotropes, mauves et gerbes d’or, lupins, pivoines ou dahlias. Mais rien d’apprêté ou de voulu dans cet agencement floral. Pas d’allée rectiligne qui délimiterait tel ou tel carré dévoué à une variété désignée. Les plantes se reproduisaient, se semaient, s’accrochaient les unes aux autres dans un joyeux et odorant fouillis. Jamais il n’en arrachait une, qui semblait morte. Qui sait ? Peut-être n’était-ce qu’un leurre, une ruse de la nature. Et il avait en effet parfois la surprise de voir sortir de terre au printemps quelque pousse oubliée, quelque rejet inattendu.
Ceux qui passaient parfois le long de son jardin, le long d’un chemin peu emprunté, le traitaient souvent de « jungle » ou de fouillis bizarre. Mais certains s’avouaient qu’ils aimeraient avoir d’aussi belles roses, par exemple. Un buisson de roses pompons s’aventurait d’ailleurs de l’autre côté du grillage et plus d’un en avait subrepticement cueilli une branche, dans l’espoir d’en réussir une bouture. Il aurait été plus simple d’aller demander au jardinier, mais hors de question d’entrer en relation botanique avec Charles Fréchin, ni même en relation tout court.
Le jeune homme sortit un mouchoir de sa poche et épongea son front en sueur. Bah ! même si sept heures venaient de sonner, il avait bien le temps de s’asseoir une minute sur l’étroit petit banc en pierre qu’il s’était confectionné, adossé au grillage. Là, il ne
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits