Théâtre au village
François changeant souvent d’endroit, comme lorsqu’ils venaient ensemble auparavant et qu’ils aimaient varier les points de vue sur la scène, Isabelle ne savait jamais exactement où il était. Alors, elle se sentait jugée et croyait percevoir à certains moments des ondes hostiles. Ils se connaissaient si bien, et leur communication tenait souvent de la télépathie. Il suffisait d’un regard pour que l’un devine ce que pensait ou ressentait l’autre. Et là, elle sentait la tension du jeune homme et son aversion pour Sacha. Pourvu que toute cette histoire n’aille pas gâcher leur belle amitié! Dès que cela serait fini, elle espérait, priait même, une fois rentrée chez elle, pour que tout redevienne comme avant, avec des embrassades, des accolades, des fous rires, ou simplement des silences qui pour eux seuls étaient chargés de sens.
Pour l’heure, elle s’étonnait de sa facilité à jouer la comédie, y trouvait même un certain plaisir. Pourquoi n’avait-elle pas commencé plus tôt ? Il avait fallu ce diable de Sacha pour la sortir de sa chrysalide. Ses parents étaient venus la voir et n’en revenaient pas. Si elle les avait écoutés avant, eux qui l’avaient toujours poussée à monter sur les planches !
Puis Sacha eut une nouvelle lubie: faire partir le couple princier à la fin de la pièce sur un vrai cheval. On se regardait, un peu consterné cette fois. Des poules, passe encore. « C’est placide, une poule, fit remarquer Firmin, mais un cheval, qui sait ce qui lui passe par la tête ! » Mais rien n’y fit. « Une vraie tête de beura », dit le même Firmin, signifiant par là que le metteur en scène était têtu.
Il fallut donc se mettre en quête d’un équidé, docile si possible, et prévoir qu’Isabelle et Tony sachent tenir en selle quelques instants. Le prince irait chercher la bête dans les coulisses et prendrait la toute jeune épousée en amazone. Puis Sacha décréta qu’il faudrait aussi faire cuire de vrais harengs, mets nordique s’il en est, dans
