Micmacs Horribilis
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À propos de ce livre électronique
Rescapé d’un attentat à la bombe qui n’altéra qu’un temps sa joie de vivre, Marcus se remit au travail. Car pour fuir le chômage, il besognait dans une agence de détectives privés, façon adultère.
Sa mission actuelle consistait à filer une charmante jeune fille qui le mena tout droit à son amant, lequel le conduisit dans un établissement bancaire d’où il ressortit porteur d’une sacoche rebondie. Un réseau occulte ! C’était trop énorme pour ce Candide.
Heureusement, son copain d’enfance, devenu journaliste d’investigation à « L’Escarmouche », l’épaula. Il n’empêche que l’enchaînement des circonstances était lancé. L’horreur allait recommencer.
Cette horreur que l’esprit facétieux de Marcus accentuait, par contraste.
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Aperçu du livre
Micmacs Horribilis - Jean-Claude Thibault
MICMACS HORRIBILIS
Jean-Claude Thibault
Published by Éditions Hélène Jacob at Smashwords
Copyright 2014 Éditions Hélène Jacob
Smashwords Edition, License Notes
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© Éditions Hélène Jacob, 2014. Collection Policier/Polar. Tous droits réservés.
ISBN : 978-2-37011-201-9
La cruauté de l’homme est un tel possible
qu’il y a toujours là de l’inattendu.
Victor Hugo
Chapitre 1
Marcus veillait à garer ses abattis dans ce grouillement de consommatrices forcenées. Elles se pressaient vers leur dieu païen avec une civilité vraiment réduite au strict minimum.
Pousse-toi de là que j’y mette mon nombril… Ah, les loustics du marketing avaient bel et bien trouvé l’accès à l’inconscient des consommatrices ! Aujourd’hui, les sollicitations les plus pressantes venaient des faiseurs de pub, pas des mâles en goguette.
La bouche de Marcus esquissa un sourire.
Décidément, l’abord de ces grands magasins évoquait irrésistiblement l’exode de populations civiles, ces calamités dont se délectent les télévisions.
C’est parce qu’il savait trouver là ce cadeau d’anniversaire dont son petit frère avait grande envie. Sans cela, il ne se serait jamais risqué dans cette promiscuité hallucinante. Mais, 21 ans, ça se marque. Entre frangins.
C’est à ce moment qu’il aperçut la mendiante.
Au beau milieu de cette ruée généralisée, une malheureuse sans âge était adossée à un pied de lampadaire, la tête encapuchonnée comme un père Noël tombé dans la débine ; seule semblait en vie la main tendue, sortant de l’amas de tissu sombre laissant également découvrir un assez long moignon. Qui, en d’autres temps, avait été prolongé par un pied. Vision moyenâgeuse…
Tout à leur obsession, les friquées passaient, indifférentes.
Marcus dut jouer des coudes sans retenue pour s’approcher de la mendiante et lui donner son obole. Elle puait, abominablement ! Il ne put réprimer un début de grimace. Alors, de la capuche, sortit une voix rugueuse :
— Ça fait longtemps qu’vous avez des tics ?
— Rien de tout ça : juste une colique, temporisa Marcus.
— Faut pas rechigner sur l’pastis, comme ça, hein ? Beau merle !
La voix évoquait un engrenage qui aurait loupé une flopée de graissages.
Marcus, voulant s’éloigner, se trouva nez à nez avec un étalagiste qui portait une large plaque de contre-plaqué plus haute que lui ; il la posa à ses pieds pour souffler et Marcus en profita pour le contourner.
Alors, dans un tonnerre assourdissant, la plaque de bois vint le frapper violemment, l’écrasant au sol.
Soudain, l’air puait à la fois le cramé et l’odeur de la pauvresse.
Il se fit un grand silence.
Un poids énorme reposait sur la plaque tandis qu’un liquide poisseux coulait dans le col de Marcus.
À cet instant, il prit conscience qu’autour de lui, des femmes geignaient. D’autres sanglotaient.
Après plusieurs reptations malaisées, il put enfin dégager sa tête : une fumée flottait au-dessus de lui, s’effilochant. Le corps inerte de l’étalagiste saignait abondamment sur la plaque qui bloquait encore son bassin au sol.
À la place de la mendiante, il n’y avait plus qu’un petit cratère ; le lampadaire, éclaboussé de sang, éventré, se dressait, cassé en deux. Des corps ensanglantés l’encerclaient dans une cacophonie de gémissements. Plus loin, une femme hurlait par intermittence.
Dans un dernier effort, il se dégagea ; une fois assis, il réalisa que ses membres étaient intacts et, sonné, porta son regard sur le contre-plaqué labouré ; il comprit ce qui l’avait sauvé : le dos de l’étalagiste n’était plus qu’une plaie à vif.
Les secours arrivaient.
***
L’aide psychologique apportée systématiquement aux victimes permit à Marcus de ne pas s’effondrer. Déjà, tout de suite après l’explosion, quand tout le monde pleurait autour de lui, il n’avait pas craqué.
Mais il ne put dormir la nuit suivante. Puis il souffrit de cauchemars, chose inhabituelle chez lui.
Il vivait cet attentat comme un échec ; comment aller contre son destin ? Il en éprouvait un sentiment d’impuissance. Cela l’exaspérait.
Fatigué, courbaturé, il avait néanmoins sauvé ses tympans. Et puis, il s’accrochait à cette idée de simple justice : ces salopards devaient payer !
Il retrouvait un équilibre.
Mais, de ce jour, il se dit que sa joie de vivre avait commencé à prendre l’eau.
Chapitre 2
Pour la deuxième fois, la très jeune femme regardait dans son rétroviseur.
Imperceptiblement, il rentra la tête dans les épaules ; il était peu probable qu’elle ait pu le repérer avec les précautions d’usage qu’il avait soigneusement respectées. Non, ce devait être de sa part un banal réflexe de prudence ; pour quitter le bord du trottoir et s’élancer, d’un coup, dans le flot des voitures.
N’empêche, elle n’avait pas été difficile à identifier, faisant partie de cette minorité de gens qui ressemblent de très près à leur photo d’identité.
Pour une fois qu’c’est Byzance !
D’autant qu’il y avait cette jeune poitrine ferme et altière qui, elle, ne figurait pas sur la photo… En prime, elle portait une jolie robe blanche, évasée à partir de la taille, qui lui rappelait les élégantes de son adolescence, agréable contraste par les temps de chiennerie vestimentaire qui couraient. Pas des plus moches non plus, cet aérien chapeau de paille, discrètement agrémenté de deux minuscules fruits pastel.
Mais, brusquement, la jeune fille venait de virer sur sa droite dans une rue transversale.
Il accéléra aussitôt. Ah, ça, il avait intérêt à ne pas trop la quitter de l’œil, malgré la circulation alentour exigeant une certaine vigilance.
Elle passait à présent devant la façade luxueuse de l’hôtel du Parc et, tout aussi brusquement que tout à l’heure, vira sur sa droite dans la rue longeant l’hôtel.
À trente mètres du carrefour, un homme grand et mince marchait lentement en sens inverse. Arrivée à sa hauteur, la jeune femme ralentit puis freina pour sauter, telle une Amazone, de sa bicyclette jaune ; ce que voyant, l’homme bifurqua vers une porte latérale de l’hôtel et s’y engouffra tandis que la femme enchaînait sa monture au mât d’un poteau indicateur.
De loin, Marcus avait parfaitement remarqué le manège ; il passa près d’elle en pédalant légèrement plus vite, regardant droit devant lui. À vingt mètres de là, il s’arrêta pour appuyer sa machine tout contre une cabine téléphonique dans laquelle il entra ; le combiné à l’oreille pour donner le change, il observait la très jeune femme qui se dirigea d’un pas décidé vers la porte latérale de l’hôtel et disparut à sa vue.
Bon. Y’en a pour au moins une heure ! J’en perds, encore un coup, le boire et le manger…
Alors, avec dextérité, il composa un numéro.
— Allô, Fabrice ?… Salut, c’est ton fabuleux frangin… Tu veux toujours gagner vingt roupies ?
— Des roupies ou de la thune, de nos jours avec la réclame, on n’a pas de mal à en trouver l’emploi…
— J’te donne pas tort, alors tu sautes dans ma voiture à essence et tu me l’amènes dans la rue qui longe l’hôtel du Parc, à gauche de l’entrée principale. Vu… ?
— Ça t’est pas venu à l’esprit que je pouvais être en train d’étudier ? Que je sacrifiais l’aujourd’hui à demain ?
— Cesse de faire le compliqueur, lâche tes logarithmes et rapplique rapidos. Por favor… ! Tu vas voir une jeune nana roulée comme un gâteau aux confitures. À ta sortie de puberté, ça ne peut pas te faire de mal…
— Marcus ! Tu comptes mes boutons, à présent ?
Marcus éclata de rire avant d’ajouter :
— Hôtel du Parc, grouille !
Et il raccrocha. Puis, s’adossant à la vitre, il fit mine d’attendre un appel.
***
C’était vraiment malin, ce choix de circuler à vélo dans le capharnaüm de la grande ville : pour semer les bagnoles à chaque feu rouge, sans parler des multiples sens interdits ; de plus, cela nécessitait un gus maîtrisant parfaitement la bicyclette pour pouvoir vous filer le train, d’autant que c’est pas tous les jours dimanche pour le faire sans être repéré ! Pas bête, la gamine… enfin, la gamine… déjà très améliorée avec du ça-qui-faut là où y faut. Pas encore 18 ans, et cette fraîcheur… Halte au feu ! Laisse aller la fraîcheur ! Interdit de rêver : pour l’heure, la fraîche demoiselle représentait une jolie partie du salaire à palper à la fin du mois ; avec fiche de paye et cotisations sociales. C’était pas le cas, il y a peu !
Il s’appliqua à noter l’heure sur un calepin. Voyant un autre couple emprunter la porte latérale, il se fit la réflexion que l’adresse ne devait pas être trop confidentielle…
Mais qu’est-ce qu’il avait, ce locdu à la vue basse, à rôder autour de sa « petite reine » ? Ah ! Horreur et putréfaction, il avait juste une envie pressante de combiné en bakélite. Pourrait pas s’acheter un portable ?
Il poussa la porte pour libérer la cabine et saisit son joli biclou qu’il alla enfourcher, à l’arrêt, entre deux véhicules en stationnement, afin de se faire oublier. Et pendant c’temps-là, le « beau masque » et la gamine s’offraient des galipettes… quelle mistoufle ! Rester planté là, c’était tout bonnement emmerdatoire et dégoûtatif.
Tout ça pour de la finance !
Il se mit à fredonner, tout surpris : « Encore heureux qu’il ait fait beau, et qu’la Marie-Josèphe soit un beau bateau… Encore heureux qu’il ait fait beau… »
C’est à ce moment qu’il aperçut sa voiture venant à lui.
Pas trop nickel, la carrosserie…
Pilotée par son jeune frangin, clignotant droit activé, elle vint s’immobiliser avec douceur en double file.
D’un air nonchalant, Marcus se mit en devoir d’enchaîner son vélo à proximité pour se glisser ensuite auprès de son complice de frère, qui paraissait plus âgé que ses 21 ans.
— Parfait, Fabrice, t’as pas perdu la main : vitesse et discrétion…
— Qu’est-ce que tu crois… ?
— Je ne crois rien, je constate.
— Le pragmatisme te tuera.
— À toi, il va te rapporter une coupure de 20 epsilon…
— Touché !
— Esgourde bien : j’attends un couple qui sort d’une partie de bête à deux dos pour filer le train