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Le Codex de Paris: Paris des Limbes, #1
Le Codex de Paris: Paris des Limbes, #1
Le Codex de Paris: Paris des Limbes, #1
Livre électronique268 pages3 heures

Le Codex de Paris: Paris des Limbes, #1

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À propos de ce livre électronique

Une course-poursuite magique au cœur de Paris

 

Germain Dupré est détective à Paris depuis… quelques siècles déjà.

Il fait profil bas pour ne pas attirer l'attention de la police ou de n'importe quel humain. Mais quand une femme en détresse vient le supplier de retrouver son époux, Germain accepte. Il ne se doute pas que cette affaire va le mettre sur la piste d'un dangereux codex et du démon qui a un jour transformé Germain en vampire.

 

"Une écriture enlevée, un rythme soutenu, des personnages truculents"

"L'auteur nous régale encore d'une histoire fantastique qui tient en haleine."

"Le bon : un vampire
La belle : une sorcière
Le truand : un démon"

LangueFrançais
Date de sortie10 janv. 2020
ISBN9791095394426
Le Codex de Paris: Paris des Limbes, #1

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    Aperçu du livre

    Le Codex de Paris - C. C. Mahon

    1

    Paris, rue de la Petite Truanderie la bien nommée.

    Roulé en boule sur le trottoir, le gosse couinait comme un porcelet. Il puait le sang et la pisse, et je commençais à en avoir marre.

    Il faisait nuit depuis des heures et le quartier des Halles courbait le dos sous la pluie. Les rues étaient désertes, à part l’occasionnel clochard endormi sur une grille de métro.

    — Répète ! grondai-je.

    — Je… Je dois quitter le quartier, dit-il, trois octaves trop haut et en postillonnant.

    C’était pas de sa faute. Je lui avais sans doute pété quelques dents de trop.

    — Quand ? fis-je.

    Le gosse gémit — pas la réponse que j’espérais.

    Je me baissai pour l’attraper au col, et le soulevai de terre.

    — Toi et tes potes, vous quittez le quartier cette nuit, dis-je. Ici, c’est chez monsieur Mathieu, maintenant. Si tes potes et toi revenez dealer sur son territoire, vous savez ce qui vous attend.

    Je lâchai le gosse, qui retomba sur le trottoir telle une poupée de chiffons puants. Il se recroquevilla, comme si la protection de ses bras pouvait m’empêcher de lui tordre le cou. J’aurais pu le tuer sans froisser ma chemise. Mais je voulais qu’il aille prévenir ses copains dealers : ce territoire appartenait désormais à Mathieu, et Mathieu ne tolérait aucune concurrence.

    Je tournai les talons et repartis d’un pas tranquille. L’asphalte luisait sous une pluie fine et têtue. Je pris la rue à gauche, vers la Seine. À presque quatre heures du matin, Paris était désert. J’avais intercepté le gosse alors qu’il venait de boucler sa dernière vente de dope, un beau paquet de billets dans une poche, et plus une seule dose de drogue dans l’autre. La liasse reposait désormais au fond de ma poche. Mathieu me forçait à faire son sale boulot gratos. Il aurait pu me payer — il en avait largement les moyens — mais il aimait m’humilier. Avoir un vampire à sa botte, ça le rendait tout chose.

    Il aurait aussi pu intégrer le gosse et ses amis dans ses équipes de vente, au lieu de les chasser comme des malpropres. Les petites gens ne lui servaient qu’à essuyer les semelles de ses chaussures italiennes. Ça lui jouerait un tour, un de ces jours.

    Je marchai sous la pluie, jusqu’à la rue du Louvre. J’étais trempé, et il faisait froid. Mais ce qui me mettait en rogne, c’était l’idée que Mathieu allait continuer à m’utiliser pour ses basses besognes. Malheureusement pour moi, ce sale type n’était pas un imbécile. Si je voulais mettre fin à son petit chantage — et je le voulais — j’allais devoir me donner un peu de mal.

    Je passai à côté de la Halle au Blé, bâtiment rond et trapu recroquevillé sous la pluie froide. J’arrivai au coin de la rue de Rivoli et m’arrêtai. C’est là que je m’étais installé il y avait un peu plus d’un siècle, dans la cave d’un bâtiment haussmannien à l’époque flambant neuf. En poussant la lourde porte de l’immeuble, je songeai au verre que j’allais m’offrir pour effacer les affronts de cette nuit.

    Je croisai Romane dans le hall de l’immeuble.

    Elle portait une tenue de sport — probablement en coton bio équitable — sous sa parka que j’imaginai en plastique recyclé. Elle avait attaché ses cheveux blonds en deux petits chignons qui la faisaient ressembler à un diablotin sportif et souriant.

    — Mademoiselle Bourgeois, marmonnai-je sans m’arrêter.

    Mon verre m’attendait. Mais Romane ne me laissa pas m’en tirer à bon compte. Si je l’envoyais bouler, les réunions des copropriétaires (à savoir : Romane et moi) allaient devenir encore plus inconfortables.

    — Rohh, ça va, fit-elle, tu peux m’appeler Romane. Après tout, on a presque le même âge.

    Romane avait 19 ans. Moi… un peu plus. Mais bien sûr, ça faisait quelques siècles que je ne faisais plus mon âge.

    Les parents de Romane étaient morts au printemps précédent. La gamine avait hérité de l’immeuble et de ses locataires — à l’exception de ma cave, dont j’étais propriétaire. Depuis, elle jouait les logeuses modèles, les étudiantes modèles, et les jeunes filles modèles. Rien que d’y penser m’épuisait.

    — Quelle heure il est ? marmonnai-je.

    — Cinq heures et demie ! répondit Romane avec son sourire habituel. Tu rentres de soirée ? Tu es trempé comme une soupe.

    Elle fronça les sourcils et fit un pas de plus vers moi :

    — C’est du sang sur ta chemise ?

    Je baissai les yeux. Oui, sur ma chemise détrempée s’étalait une tache rouge, cadeau du gamin que je venais de tabasser. Je refermai mon manteau.

    — De la harissa, dis-je. J’ai mangé un kebab.

    — Ça va laisser une tache.

    — Probablement. Bonne journée.

    Je voulus la contourner, mais elle s’écria :

    — Je vais à mon cours de yoga avant la fac. Tu veux venir ?

    Elle désigna les sacs qui pendaient à son épaule : une sacoche en cuir qui contenait généralement ses affaires de classe, un sac de sport en nylon rose fluo, et un sac oblong qui pouvait contenir… un fusil ?

    — Et vous partez chasser après le yoga ?

    Romane éclata de rire :

    — Mais non ! Ça c’est mon tapis.

    Quelque chose gratta l’intérieur du sac en question, et la fermeture éclair s’ouvrit lentement.

    — Votre tapis veut se faire la malle, dis-je.

    Romane poussa un cri et laissa ses affaires tomber sur le marbre du hall. Une boule noire jaillit du sac oblong avec un feulement sauvage.

    — J’ignorais qu’on pratiquait le yoga avec un chaton, fis-je.

    Le chaton en question était à peine plus gros qu’une châtaigne, aussi noir que la nuit, et en pleine démonstration de colère. Dressé sur le bout des pattes, le dos arqué, ses minuscules crocs découverts, il crachait sa rage en direction de Romane. Celle-ci considéra l’animal comme si elle ne l’avait jamais vu puis, après quelques instants de confusion, s’accroupit avec un sourire :

    — Mon petit minet, que fais-tu dans mon sac ?

    Elle tendit la main vers l’animal, qui recula et cracha de plus belle. Romane ne se laissa pas impressionner et poursuivit :

    — Je vais te ramener à la…

    Romane plongea vers le chat. Le félin bondit par-dessus les mains de la jeune femme et s’élança vers son visage toutes griffes dehors.

    Romane se jeta en arrière. J’attrapai l’animal au vol avant qu’il n’atteigne sa cible.

    Assise sur le marbre, au milieu de ses sacs, la jeune femme me dévisagea avec des yeux grands comme des soucoupes. J’aurais sans doute dû être plus discret. Ne pas la laisser voir ma rapidité. Trop tard.

    — Waouh, beau réflexe ! souffla-t-elle. Merci.

    — Vous êtes sûre que c’est votre chat ?

    Romane se releva.

    — C’est un vrai petit sauvage, dit-elle en riant.

    Un bruit nouveau me fit tourner la tête. Le chaton était toujours suspendu au bout de mon bras. Mais au lieu de cracher ou de feuler, il ronronnait désormais. Huh.

    Je tendis l’animal à Romane. Dès qu’elle l’approcha, il feula de plus belle.

    — Je vais le prendre comme toi, par le cou, décréta-t-elle.

    Dès qu’elle le saisit, le petit sauvageon se retourna, lui planta les griffes dans le poignet et lui mordit la main. Elle lâcha prise, et le chaton me sauta dessus.

    J’aurais pu esquiver, mais 1) je ne voulais plus attirer l’attention sur mes réflexes inhumains et 2) il me semblait évident que le chat ne me voulait aucun mal. Comme pour me donner raison, le chaton s’agrippa à l’avant de ma chemise, m’escalada comme un tronc d’arbre, et se percha sur mon épaule. Puis il recommença à ronronner.

    — Ça doit être l’odeur du kebab, dis-je.

    Romane acquiesça en silence. Elle semblait tenir à ce chat plus que de raison. Peut-être avait-elle besoin de compagnie depuis la mort de ses parents ? Les humains supportaient mal la solitude, avais-je appris au fil des siècles.

    — Va à ton cours de yoga, dis-je. Je te le ramènerai quand il sera plus calme.

    Elle hésita, ouvrit et ferma plusieurs fois les mains, comme si elle songeait à attraper l’animal de force. Contre mon cou, le chaton cessa de ronronner. Romane lui déplaisait clairement.

    La jeune femme nous suivit du regard alors que je descendais les escaliers. Mon bureau était au sous-sol de l’immeuble, dans une cave voûtée en pierre, avec ma chambre en enfilade. Dès que j’eus déverrouillé la porte, le chaton sauta à terre et disparut dans la pénombre de mon antre. Je reverrouillai derrière moi, suspendis mon manteau trempé, et me laissai tomber dans mon fauteuil. Je ne pris pas la peine d’allumer. Je ne me sentais pas d’humeur à affronter l’éclairage blafard du néon.

    Les murs de pierre pâle maintenaient une température constante chez moi. Comme une bonne bouteille de vin, je vivais à l’abri du monde extérieur. Au-dessus du sol de terre battue j’avais fait poser un parquet de chêne massif, que j’entretenais amoureusement. Sous ce plancher, les rats menaient leur vie. De temps à autre ils remontaient grignoter mes archives — à ce moment-là, je leur déclarais la guerre. Mon bureau et ma chambre regorgeaient de vieux papiers, dont je ne parvenais à me défaire. Romans de gare, coupure de presse, dossiers de clients morts depuis longtemps… Je gardais tout. Des meubles d’époques différentes — en bois massif, en métal, en contreplaqué — s’alignaient le long des murs. Sur certains, j’avais empilé des cartons jusqu’à la naissance du plafond voûté. Mon bureau trônait au milieu de la pièce, et là aussi, entre le téléphone en Bakélite et l’annuaire en papier, des piles de livres et de dossiers s’accumulaient au fil des clients.

    Le grand tiroir au pied de mon bureau contenait une glacière. On peut dire ce qu’on veut des objets en plastique, mais elle fonctionnait parfaitement depuis 1962. Je lui avais appliqué un sortilège de froid le jour où je l’avais achetée, et je n’avais jamais eu de problème depuis.

    Je l’ouvris, attrapai une poche de sang et un gobelet en cristal. Je me servis un verre bien mérité. C’était la seconde fois en un mois que Mathieu m’envoyait intimider de petites frappes. Visiblement, il ne se satisfaisait plus de distribuer sa drogue dans ses nombreux night-clubs ni de la faire livrer par ses restaurants. Monsieur avait décidé de s’approprier la rue parisienne. Il chassait la concurrence par la force, un gang après l’autre. Je me tapais de savoir qui fournissait les camés de Paname. Mais je commençais à me lasser d’être manipulé comme une marionnette. Il fallait que je me décide à détruire ces maudites preuves. Bientôt.

    Je vidai le contenu de mon verre, cul sec, et déclarai :

    — Je vais me coucher. Tu peux chasser les rats autant que tu veux, mais n’approche pas ma chambre.

    Le chaton ne répondit pas.

    2

    Il était 18 heures, et je venais de me réveiller.

    Le chat avait renversé plusieurs piles de papiers, déchiqueté le journal de la semaine précédente, et pissé sur mon bureau. Il était désormais assis au creux de mon fauteuil et réclamait à manger à grands miaulements indignés.

    Je sacrifiai un torchon pour éponger mon sous-main et chassai le chat de mon fauteuil. J’avais mal au crâne, un effet secondaire des anticoagulants ajoutés aux poches de sang. Mon sous-main était foutu. Le verre abandonné hier avait roulé par terre. Je me baissai pour le ramasser, et le trouvai étonnamment propre. Chaton avait dû passer par là.

    Je tendis la main vers le tiroir qui contenait mon garde-manger, mais un bruit attira mon attention. Des chaussures à talon dans l’escalier qui menait à mon bureau. On frappa à la porte ; trois coups, précis et légers.

    Pas le temps nourrir le chat, ni de boire un verre pour me remettre les idées en place. Tant pis. J’allai ouvrir.

    On accède à mon bureau par un escalier sinistre, éclairé par une ampoule nue qui pend au mur. Cette unique ampoule projetait une aura lumineuse autour de la visiteuse, mais laissait ses traits dans l’ombre.

    — Monsieur Dupré ? chuchota la femme. Germain Dupré ?

    J’avais négligé d’allumer dans le bureau, et elle ne devait pas voir grand-chose. Je réparai mon oubli, et le néon se réveilla en cliquant.

    À en juger par l’expression de ma visiteuse, je n’avais pas le physique de l’emploi. Grand mais maigre comme un clou, avec mes cheveux bruns dressés au garde-à-vous et mon éternelle barbe de trois jours, j’avais plus l’air d’un chanteur de rock que d’un détective privé.

    Je confirmai mon identité et invitai la femme à entrer. Elle délaissa la main que je lui tendais — les siennes étaient crispées sur son sac — et s’assit sur le bord de sa chaise, comme si elle craignait de salir sa jolie jupe droite. Elle lançait des regards apeurés autour d’elle, son sac à main sur les genoux comme un bouclier magique. Il faudrait probablement que je repense la déco, si elle avait cet effet sur les clientes.

    Je pris place à mon bureau, et le chat s’installa entre deux piles de livres pour observer la suite de la conversation.

    — Je suis Nadine Leroy, souffla la femme. Je n’ai pas rendez-vous, mais…

    Le néon jetait sa lumière crue sur madame Leroy, son visage pâle, ses yeux rougis, et l’impeccable chignon brun qui dévoilait la peau fine de son cou.

    Elle ouvrit la bouche comme pour parler, sembla se raviser, et laissa échapper un sanglot désespéré.

    Je lui laissai le temps de reprendre ses esprits. J’avais la bouche pâteuse et une envie féroce de m’humecter le gosier. Mais pas devant les clients.

    Nadine Leroy reprit peu à peu le contrôle de ses nerfs, poussa un long soupir et déclara :

    — Vous devez retrouver mon mari.

    D’une main tremblante, elle me tendit une photographie. C’était un portrait d’apparence officiel, sur lequel un homme mince et blond souriait d’un air crispé.

    — Depuis quand a-t-il disparu ?

    — Je… Cet après-midi.

    — Il est peut-être un peu tôt pour engager un privé, dis-je.

    Je n’avais aucune envie d’accepter l’argent de cette femme pour retrouver son mari dans le lit d’une autre. Ce genre d’affaires, c’est que des emmerdes.

    Nadine Leroy éclata en sanglots :

    — Vous ne comprenez pas ! fit-elle entre deux hoquets.

    Je glissai un regard d’envie au tiroir de mon bureau. Personne ne devrait faire face à une femme en pleurs le ventre vide. Le chat, lui, ne semblait pas plus perturbé que ça. Il se lécha une patte, la passa sur son oreille, et bailla.

    — Je dois retrouver mon mari, continua la femme après quelques instants.

    — Et si vous le retrouvez dans les bras d’une autre ? dis-je.

    La queue du chat fouetta le bois de mon bureau.

    Madame Leroy détourna le regard, haussa légèrement les épaules :

    — Au moins je saurai qu’il va bien, et je cesserai de m’inquiéter pour lui.

    Pourquoi se mettait-elle dans un tel état pour quelques heures de disparition ? C’était ridicule. Soit cette femme avait un gros problème d’anxiété, soit elle ne m’avait pas tout dit.

    — Et si vous commenciez par le début ? suggérai-je.

    Nadine sortit un mouchoir de son sac et se tamponna les yeux et le nez — qui devait être charmant d’habitude, mais avait rougi et gonflé sous l’effet des pleurs. Elle renifla et redressa les épaules :

    — Cet après-midi, l’associé de Robert m’a appelée. Il a dit que Robert avait… Qu’il avait eu une sorte de crise, détruit une partie de l’inventaire avant de s’enfuir.

    — Inventaire ? dis-je. Quel métier Robert exerce-t-il ?

    — Il a une société d’import-export d’antiquités. Des pièces liturgiques, principalement.

    — Comme… des crucifix ?

    — Entre autres.

    Bigre.

    Je n’étais pas certain d’avoir envie de prendre cette affaire en main.

    — François — François Bel, l’associé de mon mari — veut porter plainte.

    — Pour les dégradations ? dis-je.

    Nadine pinça les lèvres avant de lâcher :

    — Robert est parti avec un objet de valeur.

    Ah. Voilà qui changeait les choses.

    Je restai silencieux — la meilleure manière, dans mon expérience, de faire parler quelqu’un.

    Le silence s’étira entre Nadine et moi. Nadine maltraita son sac entre ses doigts nerveux, remua sur le bord de sa chaise, et finit par déclarer :

    — C’est un livre ancien que Robert et François ont acquis très récemment. Robert voulait l’examiner… Ce que je ne comprends pas, parce que les livres, c’est le domaine de François. Robert s’occupe des objets, et François des livres, donc je ne sais pas. François m’a dit qu’il avait trouvé la réserve sens dessus dessous, une partie de la collection détruite, et Robert avait disparu avec le livre. François était hors de lui. Il voulait immédiatement porter plainte. Je l’ai convaincu d’attendre, afin de préserver la réputation de leur affaire. Vous devez retrouver mon mari et le livre au plus vite.

    — Est-ce que votre mari et son associé se connaissent depuis longtemps ?

    — Depuis toujours.

    — Dans ce cas… Veuillez me pardonner, mais pourquoi ce François — et vous — êtes-vous persuadés que votre mari est responsable des dégradations et du vol ? Pourquoi ne pas penser à un cambriolage ? Votre mari est peut-être en danger, auquel cas il est urgent de prévenir la police…

    Nadine secoua la tête, et une mèche brune en profita pour s’échapper de son chignon.

    — La réserve est équipée de caméras de surveillance. On voit clairement François entrer seul et ressortir plus tard avec le livre.

    — Vous avez vu cette vidéo ?

    — Juste avant de venir. Sans cela, jamais je n’aurais cru Robert coupable. François est furieux. J’imagine qu’il se sent trahi.

    — Parce qu’il connaît Robert depuis si longtemps, dis-je.

    Nadine acquiesça.

    Quelque chose clochait.

    — Pourquoi l’associé de votre mari n’est-il pas avec vous ici ?

    — Malgré cette longue amitié, fit Nadine, j’ai l’impression que… que François accorde plus de valeur au livre qu’à mon mari. Je sais qu’il a déjà contacté un de vos collègues, mais je crains que ce ne soit que pour retrouver ce livre, et pas Robert.

    — Mais vous, vous voulez que je retrouve les deux.

    — Robert avant tout. Mais s’il revient sans ce livre, je suis sûre que François portera plainte. La réputation de mon mari sera détruite, et sa carrière avec. Personne ne voudra travailler avec un antiquaire accusé de vol.

    Elle ouvrit son sac à main et en sortit une enveloppe de papier brun.

    — Voici deux mille euros, en acompte. J’espère que c’est suffisant pour commencer votre enquête.

    Je considérai l’enveloppe qu’elle me tendait.

    Cette histoire sentait mauvais. Dans le meilleur des cas, le type avait décidé de partir refaire sa vie au soleil, en abandonnant sa femme derrière lui. Dans le pire des cas… Il était victime d’un chantage. Mais quelle pouvait

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