Dramatique Ce n’est qu’un fou!

Oncle Gustave ne cesse de répéter, tout en s’épongeant le front, qu’il n’a jamais connu, dans cette région du nord, une sécheresse telle que celle de ce mois d’août.

Je ne suis pas certaine qu’il ait raison, mais ce que je sais, c’est qu’il fait tellement chaud qu’il n’y a même plus d’eau dans le puits de la cour. Nous devons aller la puiser à la rivière qui est en train de se tarir, elle aussi.

Aujourd’hui, c’est à moi que revient cette corvée. Je déteste aller à la rivière, je suis obligée de passer devant la maisonnette où est enfermé Simon, dans les bois, à l’extrémité de la propriété.

Simon me fait peur.

Certaines nuits, je l’entends. Il crie, il appelle à l’aide, il veut qu’on lui ouvre la porte. Mais il ne faut pas, c’est impossible. M. Larançon, notre maître, affirme que Simon est dangereux, c’est pour ça qu’il a fallu l’enfermer. Il ne doit sortir sous aucun prétexte. Pauvre M. Larançon, comme je le plains ! Il y a trois ans, il a perdu sa fille adorée.

Cette pauvre Mlle Emma était mariée depuis à peine un an quand elle a mis au monde un enfant mort-né. Malheureusement, le médecin n’a rien pu faire pour elle non plus. Il paraît qu’elle délirait, suffoquait et avait perdu beaucoup de sang. Elle a rejoint son enfant quelques heures plus tard. Quelle tragédie !

Simon, le fils adoptif de Monsieur, est devenu comme fou. Comment monsieur a-t-il fait pour ne pas perdre la raison, lui aussi ? Quelques années plus tôt, madame était morte. Pauvre M. Larançon ! Elle était très malade et le docteur n’a jamais pu mettre de nom sur le mal qui a tué à petit feu Mme Larançon. Elle avait terriblement maigri, ses os étaient saillants sous sa peau et ils donnaient l’impression qu’ils allaient la transpercer. Ses membres étaient tordus comme les branches du vieux noisetier de la cour. Elle était effrayante à voir. Dans les dernières semaines, lorsqu’elle tendait la main vers moi quand j’entrais dans sa chambre, je ne pouvais pas la regarder. Je détournais le regard.