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Nouvelles d'ici et d'ailleurs
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Nouvelles d'ici et d'ailleurs
Livre électronique139 pages1 heure

Nouvelles d'ici et d'ailleurs

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À propos de ce livre électronique

De courtes tranches de vie. Des réminiscences. Du vécu, du non-vécu et quelques broderies tout autour.
LangueFrançais
Date de sortie13 nov. 2015
ISBN9782312036113
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    Aperçu du livre

    Nouvelles d'ici et d'ailleurs - Marie-José Gonand Stuck

    cover.jpg

    Nouvelles d’ici et d’ailleurs

    Marie-José Gonand Stuck

    Nouvelles d’ici et d’ailleurs

    LES ÉDITIONS DU NET

    22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2015

    ISBN : 978-2-312-03611-3

    Sommaire

    Sommaire

    « Bonjour maman »

    Lundi

    Jeudi

    Samedi

    Dimanche

    Jean-Rob

    La manif

    Jeudi 26 septembre

    Jeudi soir

    Vendredi 27 septembre

    Vacances de Noël. 23 décembre. Paris

    Ma voisine de palier

    Le réveillon

    Lendemain qui chante

    Et là, ça ne s’arrange pas

    Nuit presque blanche

    La potée

    Maï

    L’anniversaire

    Retour aux sources

    Samedi 5 mars

    Dimanche 6 mars

    Trente ans après

    L’aveu inutile

    Lundi 20 mai 1976

    Lundi 20 mai. 9 heures 30

    Lundi 20 mai. 10 heures

    11 heures

    11 heures 15

    Yilmaz

    Trentième jour

    Quarantième jour

    Quarante-troisième jour

    Le soir même, à la maison

    Quarante-cinquième jour

    Quarante-huitième jour

    « Bonjour maman »

    LUNDI

    Pas de réponse à mon bonjour maman.

    Sa main tremble sur la table qui lui sert de salle à manger, de bureau, de salon de beauté. Je remarque qu’elle a enlevé toutes ses bagues et son alliance. Je lui demande pourquoi. Ça la gêne à cause de ses articulations. Et puis aussi, ses mains sont devenues moches, ridées, piquetées de petits bleus qui résistent au temps. Ce ne sont pas des bagues qui vont changer ça.

    Elle a tout dit. Elle ne parlera plus. D’ailleurs dans la maison de retraite, les résidents la considèrent comme une sauvage, une introvertie. Elle ne rejoint jamais les autres pour le goûter. Sa petite cannette de bière bien fraîche, ça lui suffit. Elle a rarement envie de parler, sauf pour se plaindre, du mauvais vin, du poisson trop cuit, des vieux qui crient…

    Comme on dit pour rester délicat, elle n’a plus toute sa tête. Mais ses souvenirs se rassemblent aux mêmes moments, souvent quand je lui rends visite sur les coups de 17 heures 30, après mon travail.

    Soudain, elle me demande de l’emmener un jour à Xatel, quand j’aurai le temps car bien sûr, c’est pas urgent. Quand même ça surprend cette demande. Au moins dix ans qu’elle n’a pas mis les pieds dans le village de mon enfance dont elle dit n’avoir que de mauvais souvenirs. Mon père partageait son temps entre l’école, la chasse et le tarot. Elle en avait vite eu sa claque de la vie à la campagne. Tous ces paysans bosseurs certes mais plus radins les uns que les autres et si soiffards !

    Je lui demande pourquoi elle souhaite y retourner. Tous les vieux sont morts ou presque. Les jeunes partis vivre ailleurs. Elle m’explique qu’elle doit voir quelqu’un, elle sait bien quand même. C’est important qu’elle y aille. Après, elle pourra mourir. A ce moment-là, je me dis que demain, elle aura tout oublié et rejouera la muette. Je l’embrasse et quitte les lieux, un peu intriguée quand même.

    JEUDI

    17 heures sonnent au clocher d’Epinal. Je gare ma voituredans le parking de « La Villa des Roses ». Les agents de service s’activent et débarrassent les vestiges du goûter quotidien. Maman bien sûr est restée dans sa chambre. Elle a horreur des goûters, du sirop, des petits gâteaux. Je frappe à sa porte. Pas de réponse. Je finis par entrer. Ses yeux gris ne me voient pas. Elle est ailleurs. Mais elle va parler, je le sens.

    Elle parle vite, sans me regarder, la tête tournée vers la fenêtre. Il lui faut retourner là-bas, oui à Xatel, oui, elle a quelqu’un à voir. Quelqu’un qu’elle n’a pas rencontré depuis si longtemps.

    La dernière fois, précise-t-elle, c’était en 1956, à la veille de la rentrée des classes, pendant notre déménagement.

    En effet, nous avons quitté le village à cette époque-là pour nous installer en ville. Je me souviens que ce changement de vie survenait après de longues discussions entre mes parents. Mon père souhaitait rester à la campagne, ma mère désirait retravailler, passer le permis de conduire, retrouver son ancienne vie. Débats souvent houleux. Bien sûr, j’étais trop petite pour donner mon avis mais assez grande pour comprendre que mon paternel regretterait ses parties de chasse et ses copains et que son épouse chérie quitterait sans regret cet isolement de femme d’instit de campagne. Lui, courait de ferme en ferme pour convaincre le père d’envoyer sa fille au collège. Comme secrétaire de mairie, il faisait office d’écrivain public et la population reconnaissante l’invitait à tous les mariages, communions, baptêmes… Bien sûr, madame était conviée elle aussi mais c’était pas son truc de faire la fête avec des paysans.

    Bref, ça prit du temps mais elle finit par gagner.

    Ses yeux métal se posent sur moi. Elle attend une réponse. En vain. Je l’embrasse, soulagée de la quitter. Mauvaise conscience comme si je savais la laisser dans la souffrance.

    L’église sonne 19 heures.

    SAMEDI

    Le temps s’est adouci. Les gens prennent leur temps sur le marché, bavardent entre l’achat des légumes et le choix du munster. Je me presse pour finir mes courses, choisis vite fait un beau poulet, une jolie scarole et quelques crevettes. Car il faut être à l’heure. A midi pile, je rentre dans le hall rempli de vieillards en fauteuil. Ils sont dirigés vers la salle à manger. Maman m’attend, me reproche d’être en retard, comme d’habitude. Je devrais pourtant savoir qu’elle déteste rester assise au milieu des autres… Restons calme.

    Elle en bave pour monter dans la voiture. Essoufflement. Enervement. Lèvres pincées. Trajet silencieux.

    A l’arrivée, Jacques l’installe dans « son » fauteuil près de la fenêtre qui donne sur le jardin et lui sert un pastis. Ma vieille mère reprend des couleurs et sirote tranquillement son apéro.

    Tiens aujourd’hui, elle n’a pas parlé de son désir d’aller à Xatel. Elle raconte sa guerre, la baffe qu’elle a collée à un allemand qui lui manquait de respect, ses trajets à vélo, ma naissance, les saloperies de cigarettes de papa… Toujours les mêmes histoires. Ce qui parfois nous fait rigoler. A table, elle reste de bonne humeur et semble apprécier crevettes et poulet, choisit le haut de cuisse bien sûr. Une petite coupe de champagne après le repas, comme dans le temps. Les bulles à l’apéro, elle déteste.

    Deux heures plus tard, elle souhaite rentrer au bercail, se dit fatiguée. Je m’habille et tente de l’aider à descendre l’escalier. Elle me repousse. La voiture est encore tiède. Maman s’installe à l’arrière. Une minute à peine s’écoule. Sa main se pose sur mon épaule, fermement. On doit y aller maintenant ! Où ça ? Déjà deux fois qu’on en parle et j’étais d’accord pour l’emmener là-bas. Elle m’a déjà épuisée pendant le déjeuner à me raconter ses salades. Le soleil pâle invite à la flânerie plutôt qu’à l’exécution de ses caprices. C’est vrai que parfois, j’aime l’envoyer sur les roses.

    Je ralentis, me gare sur le trottoir, me retourne. Regard suppliant puis sourire. Elle explique qu’elle ne peut y aller ni en bus, ni en train, ni à pied et a besoin de moi. Vraiment. Pour une fois qu’elle me demande un service. Après, elle n’exigera plus rien. Je comprends que pour le coup, là, elle exige. Demi-tour, en route pour Xatel. Après tout, ça ne me déplait pas de revoir mon pays.

    Habituellement, Maman se montre très bavarde en voiture, commente tout et n’importe quoi, me met en garde aux croisements et feux rouges, évoque ses connaissances dans les bourgs traversés. Là, silence radio. Curieusement je n’ose pas lui adresser la parole.

    Peur de la rudoyer, comme si je devinais qu’elle allait vivre des moments difficiles. Je quitte la quatre-voies pour emprunter la petite départementale.

    Ce doux paysage vallonné me plait toujours mais ces quelques minutes qui me séparent de la pancarte Xatel, je les vis dans l’angoisse. Dans le rétroviseur, son visage immobile, d’une extrême pâleur n’exprime rien, si ce n’est une grande lassitude.

    J’arrive devant « notre » école, en haut du village. Une voix minuscule me demande de tourner à gauche. Ensuite, ça se complique. Les ruelles ont changé. Elle ne sait plus. De nouvelles maisons ont été construites entre les anciennes fermes qu’elle connait. Sa main soudain presse mon épaule, m’ordonne de m’arrêter. La bâtisse conserve une belle façade mais les ronces envahissent le jardin. Je reconnais les lieux. J’y ai joué quelquefois quand j’avais six ou sept ans.

    Je soutiens maman. Elle ne me repousse pas. Tremblements et silence. Je prends l’initiative de frapper à la porte. Pas de réponse. Je toque au carreau. Une voix d’homme, fragile, nous dit d’entrer. La vieille mère se redresse alors, la tête bien droite. Je sens qu’elle veut faire bonne impression. La porte une fois ouverte, je la pousse à l’intérieur. La pièce est sombre mais les deux anciens se reconnaissent immédiatement. Peu de mots mais des regards, des mains et des bras qui se prennent. Ils s’enlacent. Une intimité qui m’anéantit. Je tremble moi aussi. Puis je me sens voyeuse devant ce corps à corps. Rien d’obscène bien sûr mais de l’impudique. Insoutenable pour la fille. L’homme porte encore beau comme on dit ici. Cheveux blancs fournis, regard sombre, belle stature.

    Je sors et fais quelques pas dans ce qui reste du jardin.

    Attente. Réflexions. Personnage pas totalement inconnu. Il s’agit de M. Truche. Il travaillait à la SNCF mais aidait ses frères à la ferme. Un peu différent des vrais paysans. Moins d’accent, plus de douceur avec ses enfants. Pourtant il n’avait jamais quitté la maison familiale où il vivait avec sa femme et ses trois filles.

    La porte grince et s’ouvre. Ils sont là tous les deux dans la lumière qui décline. Presque beaux, radieux qui me regardent puis se

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