Un si beau souvenir
La rue qui conduisait à la jetée avait bien changé depuis ma dernière visite. Cela faisait combien de temps que je n’étais pas venu ? Cinq, six ans ? Pourtant, je ne reconnaissais plus grand-chose. Les références de ma jeunesse s’étaient presque toutes évanouies, dissoutes au fil des années écoulées.
Les magasins, restaurants et autres commerces que je connaissais avaient disparu pour céder la place à des nouveaux, plus modernes, plus attractifs pour le tourisme. Un tourisme ancré sur le passé, sur le souvenir d’un débarquement allié libérateur.
La mémoire historique collective était peut-être devenue le fonds de commerce de la région normande mais elle était aussi son cœur. J’avais la sensation de retrouver un membre de ma famille que je n’aurais pas vu depuis longtemps et qui aurait beaucoup changé, mais tout en reconnaissant en lui les traits qui faisaient son caractère. Les années pourraient toujours passer, cette vue sur la Manche garderait son charme intemporel.
Je bifurquai sur ma gauche pour atteindre la ruelle parallèle. Le vieux quincaillier de mon enfance, qui vendait des souvenirs kitch en coquilles Saint-Jacques et des épuisettes aux trous si gros qu’il était impossible d’attraper quoi que ce soit avec, avait fermé, remplacé par une agence immobilière à l’enseigne rouge vif. Par curiosité, je survolai du regard les annonces placées dans la vitrine. Les prix flambaient depuis quelques années, rendant même quasi inaccessibles les habitations les plus vétustes. Sidérant.
J’allais reprendre le cours de mes déambulations nostalgiques lorsque j’entendis, dans mon dos, une voix féminine :
– Guillaume ?
Surpris, je fis volte-face. Une femme aux cheveux blonds, coupés très court, me souriait.
– Oui…, bredouillai-je en fronçant les sourcils. On se connaît ? – Tu ne te souviens pas de moi.
C’était plus une affirmation qu’une question. Je scrutai son visage à la recherche d’un indice
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