Quand refleuriront les mimosas
Transparent… Il a beau multiplier les sourires et les petites attentions – « Je vous ai choisi les plus belles fraises. Je vous mets trois pommes gratuites… » – elle ne le voit pas. Ou plutôt, elle le regarde avec cet air absent, tourné vers l’intérieur, qui l’isole du monde à l’entour. Où se trouve celui qui est responsable de ce regard ? Parce que, bien sûr, dans l’esprit de Perceval, seule l’absence d’un homme aimé peut expliquer cette indifférence aux autres.
Perceval vient de dépasser la trentaine. Il serait très surpris si on lui disait que c’est un beau garçon. Et pourtant c’est vrai. Son regard d’azur, ses cheveux blonds en bataille et son sourire plein de charme plaisent aux filles, qui ne manquent pas de le lui faire comprendre. Mais voilà, son physique avenant ne correspond pas du tout à ce que l’on en perçoit. Le jeune maraîcher est aussi timide qu’incorrigiblement romantique. Comment ne pas l’être avec un tel prénom ? C’est un lourd handicap au siècle d’Internet et de l’informatique. D’ailleurs, les gens ont tellement l’habitude de se dissimuler derrière des avatars et des pseudos sur les réseaux sociaux, que personne n’imagine qu’il s’agit là de sa véritable identité.
Cette femme, dont il est tombé secrètement amoureux, il la croise également au hasard des chemins de dunes ou de marais qu’il aime à parcourir le dimanche, seul jour où les marchés le laissent disponible. Elle court, baladeur sur les oreilles, sans rien voir de ce qui l’entoure. Elle court comme si elle voulait échapper… à quoi ? Que fuit-elle ainsi, kilomètre après kilomètre ?
Elle est bien jolie avec ses cheveux dorés retenus en queue-de-cheval, sa silhouette fine et son visage aux traits délicats. Elle aussi doit approcher la trentaine. Les gens d’ici la surnomment « la Parisienne », mais grâce aux bons soins de son copain Jacques, facteur de son état, Perceval sait qu’elle s’appelle Pétronille Lafleur. Pétronille Lafleur et Perceval Lebreton… difficile de faire mieux assortis, non ? Ces deux prénoms ne sont-ils pas destinés à faire un bout de route ensemble ? Seulement, c’est une chose de s’en persuader, et une autre de
