Dans de beaux draps: Roman pour ados
Par Marie Colot
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À propos de ce livre électronique
Lorsque Jade aperçoit par hasard Rodolphe, sur le chemin de l’aéroport, ses souvenirs reviennent.
L’automne de ses 14 ans.
Ce nouveau demi-frère hyper craquant.
Cette photo postée sur Facebook.
Il a suffi de peu pour qu’elle s’embarque dans un mensonge qui la dépasse.
Jalousies, moqueries, insultes, menaces.
Sur les réseaux sociaux puis au collège.
Tout est allé très vite.
Trop vite.
Jusqu’à ce fameux soir où sa vie a basculé.
Un roman qui nous confronte aux difficultés actuelles des jeunes
EXTRAIT
Ma petite théorie, c’est que les catastrophes surgissent pile au moment où on les attend le moins. Comme une crise cardiaque aux toilettes, un tremblement de terre lors d’un bain de soleil ou un morceau de gâteau coincé dans le gosier d’une vieille dame le jour de ses cents ans. Moi, j’ai seize ans et je frôle l’étranglement, l’asphyxie et l’arrêt du cœur en même temps. Rodolphe est là, à quelques mètres de moi, derrière la vitre du salon-lavoir. J’ai mal aux yeux tant je les écarquille.
A PROPOS DE L’AUTEUR
Née en 1981 en région namuroise, au sud de Bruxelles, Marie Colot passe son enfance à inventer des histoires, fabriquer des livres et jouer à l’école avec ses poupées. Lorsqu’elle est devenue soi-disant grande, rien n’a vraiment changé pour elle : en 2012, elle publie son premier roman, « En toutes lettres » (sélectionné pour six prix des lecteurs jeunesse) chez Alice Jeunesse. Suivent « Souvenirs de ma nouvelle vie » (Prix Libbylit du roman jeunesse belge et Petite Fureur 2014), « À l’encre rouge », « Les baleines préfèrent le chocolat » et « Quand les poissons rouges auront des dents » chez le même éditeur. Pour être certaine de ne pas s’ennuyer, elle enseigne le français à la Haute École de Bruxelles et anime des ateliers de lecture/écriture pour les enfants. À ses heures pas si perdues que ça, elle observe les passants, pense à tout et à rien, collectionne les éléphants, fait la sieste et mange de la crème brûlée.
En savoir plus sur Marie Colot
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Avis sur Dans de beaux draps
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Aperçu du livre
Dans de beaux draps - Marie Colot
CHAPITRE 1
6 JUILLET 2015
Ma petite théorie, c’est que les catastrophes surgissent pile au moment où on les attend le moins. Comme une crise cardiaque aux toilettes, un tremblement de terre lors d’un bain de soleil ou un morceau de gâteau coincé dans le gosier d’une vieille dame le jour de ses cent ans. Moi, j’ai seize ans et je frôle l’étranglement, l’asphyxie et l’arrêt du cœur en même temps. Rodolphe est là, à quelques mètres de moi, derrière la vitre du salon-lavoir. J’ai mal aux yeux tellement je les écarquille. J’aurais été moins surprise de me noyer dans des gouttes de pluie que d’apercevoir sa silhouette au milieu des bulles de savon autocollantes de la devanture du Raton-Laveur.
Il y avait autant de probabilités de tomber sur lui que sur le président des États-Unis dont Éric écoute les déclarations aux infos. Mon beau-père préfère le désastre à la musique. Il est 8 heures 30 et il monte le son de l’autoradio. Il ne rate jamais une miette de l’actualité, histoire de s’indigner de l’avenir alarmant du monde.
Là, c’est plutôt le mien, d’avenir, qui m’inquiète. Je ne parviens pas à détacher mon regard de Rodolphe qui fourre son linge dans une machine. Il faut absolument que cette voiture avance avant que mes souvenirs ne m’étouffent.
J’essaie de me concentrer sur la voix du journaliste qui annonce pour la dixième fois de la matinée les dernières nouvelles avec une voix presque guillerette. Il communiquerait le prix de la promo de la semaine sur les mandarines avec le même enthousiasme. Un fruit ou une bombe, pour lui, c’est pareil. Pas pour moi : j’en ai une sous le nez qui me déchire sans même exploser. Rodolphe fait sa lessive à deux pas de moi. Je n’y crois pas, vraiment ! Pourtant, c’est lui. Mal rasé, avec ses cheveux bouclés plus courts qu’à l’époque. C’est dingue qu’il me fasse toujours autant d’effet.
— Ne te tracasse pas, tu l’auras ton avion.
On est bloqués au centre-ville et mon vol est dans deux heures. J’aurais dû me méfier : mon beau-père est très gentil, mais il a souvent trois guerres de retard, au propre comme au figuré. Si on n’était pas partis dix minutes plus tard que prévu, on ne serait pas dans les embouteillages, je n’aurais pas regardé par la fenêtre à cet endroit et je n’aurais pas revu Rodolphe. Je soupire. Le journal est fini et la voiture n’a pas bougé d’un centimètre. Mes mains tremblent.
— Jade, ne te tracasse pas. Tu seras à l’heure. Je ferai mon Schumacher s’il faut.
Éric voudrait être drôle, mais il réussit cinq blagues sur mille. Son chien s’appelle Saucisse, une preuve accablante de son humour de vainqueur. Mes copines rigolent par politesse quand elles viennent chez nous. Il n’y a que Clem qui rit sans se forcer parce qu’il est charmant, malgré tout. Je suis bien d’accord, mais elle se marrera moins si elle apprend que j’ai loupé l’embarquement pour Montréal à cause de lui. On attend toutes les deux ce voyage depuis trop longtemps.
J’ai reçu le billet pour mon anniversaire et, depuis, on compte les jours. Il paraît qu’on ira observer les baleines. Ça sera trop cool. On bronzera au bord du Saint-Laurent. On parlera de tout, de rien et du plus important en se vernissant les ongles. On mangera des tartines beurre-de-cacahuètes-confiture-myrtille. Comme avant. C’est à ce beau programme que je dois penser maintenant. Pas à ce que je tente d’oublier depuis ce fameux automne.
— Tu en as de la chance de partir à l’autre bout du monde !
— C’est pas si loin que ça.
— Il y a quand même un océan à traverser.
— Oui, je sais.
Éric n’arrête pas de me répéter que je suis très gâtée et, qu’à son époque, patati patata. Il a raison. C’est un vrai bonheur de m’envoler pour trois semaines auprès de Clem. Là-bas, je respirerai un peu, car j’échapperai aux recommandations incessantes et à une surveillance rapprochée. Quoique. Je suis sûre que les parents de Clem ont reçu l’ordre de me tenir à l’œil. Je ne suis pourtant pas un danger public. Ça arrive à n’importe qui de faire des erreurs. Dommage qu’elles ne s’effacent pas d’un coup de gomme.
Ma mère et Éric essaient de se persuader que toute cette histoire est loin derrière, mais je sens bien qu’ils ont un doute. Et ça gâche leurs belles paroles. Ils se méfient encore de moi et, même si je les comprends, ça me donne l’impression d’être une gamine privée de bonbons à vie parce qu’elle en a mangé une fois en cachette. Mes excuses et mon comportement irréprochable ne servent à rien. Ils s’inquiètent et ne parviennent pas à admettre que tout va bien. Que je vais bien. Enfin, depuis trois minutes, ce n’est plus trop le cas.
Éric tapote son volant en sifflotant et m’assure qu’il gère la situation. Moi, je contemple le tapis de sol où un bout de mon cœur a dégringolé. Si je veux éviter d’en perdre d’autres, ce feu doit passer au vert. Trop tard. Rodolphe sort du salon-lavoir. Dans la vie, on est souvent dans la mauvaise file.
Je le suis des yeux à la trace. Il porte son vieux sac en bandoulière. Il a l’air content. Pire, heureux. Mon ventre se tord aussi fort que des fringues pendant un essorage. Rodolphe tourne au coin de la rue. Si j’ouvre la portière, je peux le rattraper. Mais je n’ai pas la force de courir sur le trottoir mouillé et même pas vraiment l’envie. Je suis déjà à des kilomètres d’ici, noyée par une vague inattendue de souvenirs.
Je me revois sur le seuil de la maison, la main sur la poignée. J’attendais là depuis un bon moment quand j’ai respiré un grand coup et rassemblé mes dernières forces. Ce n’était pas facile de rentrer chez moi le visage couvert d’hématomes et les cheveux en bataille. Surtout que je n’avais que quatorze ans. Quatorze ans et quatre mois seulement.
CHAPITRE 2
LUNDI 18 NOVEMBRE 2013
Si chez nous c’est toujours le bordel, cet automne-là, on a atteint des sommets. Ça a commencé avec une surprise plus impressionnante qu’un billet pour un voyage à l’étranger, mais moins reposante que des vacances.
À cette époque, le lundi, j’étais la première à rentrer de l’école. J’aimais cette petite demi-heure où j’étais au calme, protégée du bruit causé par les tonnes d’allées et venues de chacun.
Chez les Bohet-Duval, on partage tout : les rires, les crises de nerfs, les bouderies, les affaires de cœur, les paquets de chips et la salle de bains, rarement libre au bon moment. Bohet-Duval, c’est les deux noms indiqués sur notre sonnette parce qu’il n’y a pas de place pour les autres. C’est l’éternel problème : chez nous, on est trop différents et trop nombreux. Il n’y a presque personne qui s’appelle de la même manière et le canapé rouge n’est pas assez grand.