Trio 3 : La disparition: Trio, #3
Par Eleonore Marco
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À propos de ce livre électronique
Rien ne va plus. Romain a découvert qu'Anaïs et Simon avaient entretenu une liaison amoureuse à son insu et il s'est emmuré dans une hostilité sarcastique. Quant à Simon, écrasé de culpabilité, il a tout bonnement disparu, ne laissant derrière lui qu'une succession de chansons de plus en plus nostalgiques.
Anaïs est prête à tout pour sauver leur relation. Y compris à provoquer Romain et à se livrer à des jeux troubles pour rétablir le dialogue avec lui. Et elle ira très loin pour retrouver Simon. Mais en fait-elle trop ? Leur trio peut-il encore être réparé ?
Ce troisième tome conclut sur un happy end l'histoire d'amour d'Anaïs, Romain et Simon.
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Aucun autre ennemi que toi Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5
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Aperçu du livre
Trio 3 - Eleonore Marco
Chapitre Un
Je paye le taxi pendant qu’Audrey récupère nos sacs dans le coffre. La musique qui explose du pavillon de banlieue pour se répandre dans la rue atteint et dépasse facile le niveau tapage nocturne, mais il n’est que dix-huit heures, un soir de début octobre. Un rugissement se fait entendre, couvrant la voix pourtant déjà bien présente de Beth Ditto. Je souris malgré moi et ça me fait une crampe à la joue. Perdu l’habitude.
— C’est bon Aude, t’as tout ?
— Oui, et tu viens m’aider quand tu veux ! répond Audrey qui ploie sous le poids de nos sacs de nuit, des provisions et de sa mallette de coiffeuse-esthéticienne de choc.
Je vais la décharger et nous nous dirigeons toutes deux en titubant vers la grille de fer forgé assaillie par le lierre.
— Aaaaah, grogne Audrey, je sais que ça reste une pyjama party, mais ENFIN on sort du cycle Buffy-vodka-Crunch, j’ai bien cru que ce moment n’arriverait jamais.
Je ne lui dis pas que mon sac de nuit est plein de Crunch et que les provisions consistent au moins à 50 % en tequila et citrons verts. J’ai pas mal de libations à faire, de dieux à insulter, et Mamy Agathe était une ancienne alcoolique : pas une goutte de bibine dans sa baraque.
Klonk, fait le cabas quand je le dépose sur le paillasson pour actionner la sonnette.
La porte s’ouvre à la volée sur une silhouette longiligne et néanmoins tankée comme un déménageur, avec des biceps comme aç qui sortent d’un marcel plein de poussière. Pélagie m’engloutit dans ses bras musclés et j’enfouis mon nez dans ses longs cheveux blonds en pétard. Au bout de quelques secondes, elle me tape doucement l’épaule.
— Anaïs, tu peux arrêter de me renifler steuplait ?
— C’est pas de ma faute si tu sens comme Simon.
Pélagie me repousse gentiment pendant qu’Audrey roule des yeux exaspérés et tend sa main ultra manucurée à la batteuse des Mary Sue.
— Salut, je m’appelle Audrey, et ça va faire dix ans que je me coltine ce boulet.
Voilà. Le grand moment émouvant que tout le monde attendait. Les deux femmes de ma vie entrent en contact pour la première fois. Il ne manque plus que les deux hommes de ma vie, mais dommage, ils ne veulent plus m’approcher avec des pincettes.
Honnêtement, ce week-end rock’n roll, je ne voulais plus y aller, c’est Audrey qui m’a obligée à sortir. Moi, je n’étais pas sûre du tout de pouvoir affronter la cousine de Simon. Et en même temps, c’est l’espoir d’avoir des nouvelles de lui, n’importe quelle miette d’information, qui a fini par me tirer de ma tanière.
— Me regarde pas avec ces yeux de chien battu, dit Pélagie. Il n’est plus là.
— Comment ça il n’est PLUS là ?! Il y était ? Quand ça ? Tu l’as vu ? Comment ça va ? Pourquoi tu m’as pas prévenue ? Ça fait des jours et des jours que je le cherche partout.
Pélagie soupire.
— Je ne savais pas qu’il était en cavale. J’ai compris ça tout à l’heure parce que Dylanne a gaffé en arrivant. Quand il a appris que tu venais aussi, il a fait ses sacs, et c’était trop tard pour te mettre au courant.
Oh, non, non, non. Je voulais des nouvelles, pas forcément un tour de couteau supplémentaire dans une plaie ouverte.
Vous n’aimez pas les ruptures amoureuses ? Essayez donc de vous faire plaquer par DEUX types en même temps. C’est arrivé tellement vite que j’en ai encore le tournis. Si brutalement que les joues m’en cuisent encore. On s’était enfin réconciliés et retrouvés tous les trois, Romain, Simon et moi. Simon avait tout juste admis que son attirance pour son copain d’enfance débordait un peu le cadre de la stricte amitié (celle où on garde ses fringues). Après un moment trop court de glorieuse félicité, il a fallu qu’une catastrophe se produise. Hybris, némésis, en tant que maniaque de la mythologie grecque, j’aurais dû m’y attendre. Romain a découvert que Simon et moi avions couché ensemble dans son dos pendant des semaines malgré son interdiction formelle (je ne réagis pas très bien aux interdictions formelles). Ça n’a pas eu l’air de réconforter Romain d’apprendre qu’on pensait essentiellement à lui en baisant, comme il nous l’avait d’ailleurs lui-même suggéré. Il nous a explosé entre les doigts.
Ce jour-là, restés seuls avec notre bêtise abyssale, Simon et moi avons attendu Romain chez lui pendant des heures. Le matin suivant, mercredi, après une nuit sans sommeil à nous regarder en chiens de faïence, nous avons décidé de laisser tomber pour le moment. J’ai proposé à Simon de venir dormir dans mon appartement – il était virtuellement SDF puisque Romain l’avait chassé de chez lui. J’étais prête à le laisser prendre ses distances et s’établir dans le canapé pendant que nous démêlions tout ça. Nous devions nous retrouver chez moi quelques heures plus tard, le temps pour lui de boucler une valise, et pour moi de faire une apparition chez mon employeur. Il n’a jamais refait surface. Il a posé un congé sans solde au bureau, à durée indéterminée, je le sais parce que je m’y suis rendue cette semaine dans l’espoir de le voir.
— Je suis arrivée ici mercredi soir et j’ai trouvé Simon installé dans une des chambres, explique gentiment Pélagie. Il m’a dit qu’il voulait dormir un peu dans la maison de Mamy Agathe avant qu’elle soit vendue et je n’y ai vu que du feu. Il vient de partir avec mon bus.
Un moment j’ai presque envie de faire un « chauffeur, suivez ce bus Volkswagen violet à paillettes », puis je recouvre une vague notion de la réalité et je me laisse tomber sur les marches du perron, totalement découragée.
Pélagie se pose à côté de moi pendant qu’Audrey entre dans le vestibule en grommelant « vous en faites pas pour moi, je vais me débrouiller ». D’habitude elle est plus avenante, c’est juste qu’elle me tient la main depuis dix jours.
— Il n’a pas donné de détails, dit Pélagie. Qu’est-ce qui s’est passé exactement ?
— On a déconné et Romain nous a fichus dehors.
— J’ai du mal à imaginer ce qui aurait pu amener Romain à chasser Simon de chez lui, dit Pélagie en fronçant les sourcils.
J’enfouis ma tête dans mes genoux.
— Moi. Cherche pas, c’est moi. J’ai réussi à tout foutre en l’air.
Elle me caresse le dos d’un geste bourru.
— Ça ne peut pas être juste de ta faute.
— Pourquoi Simon serait-il parti comme ça s’il ne m’en voulait pas à mort ?
— Je ne crois pas que ce soit à toi qu’il en veut, murmure Pélagie.
C’est encore plus grave. Je lève la tête pour la scruter.
— Dis-moi qu’il n’a pas réussi à se convaincre de prendre tout ce merdier sur ses frêles épaules.
Le sourire navré de Pélagie confirme mes pires craintes. Ça ressemble beaucoup trop à Simon.
— Je n’en dors pas la nuit, dis-je en rabattant mes mains sur ma tête. Il a tout perdu en quelques jours, d’abord sa Mamy Agathe et bientôt la maison où il a passé les seuls moments heureux de son enfance, et puis dans la foulée son ami, son amoureux et son associé, et son appartement…
— Attends, attends, dit Pélagie, son amoureux ? J’ai raté un épisode ?
— Ne me dis pas que tu n’étais pas au courant.
— « Au courant » ou au courant ? J’avais additionné deux et deux, mais j’avais pas reçu de faire-part officiel.
— C’était plutôt récent, et de toute façon ça ne se fera plus maintenant, dis-je, sombre.
Pélagie se lève d’un coup et me prend par la main.
— Allez, viens dire bonjour, boire trois ou quatre verres et passer un costume de scène. Ça ira mieux après, et tu pourras tout nous raconter en détail.
Je n’ai aucune envie de rentrer dans les détails, mais je me laisse convaincre par la promesse d’alcoolisation. Les Mary Sue sont déjà là au grand complet. Dylanne, la saxophoniste, Rosa, la chanteuse contorsionniste, Mickaelle la guitariste et Josefa la bassiste sont occupées à trier les trésors de Mamy Agathe en braillant à tue-tête un classique d’Aretha Franklin. Je repère plusieurs cartons et aires de tri : « costumes de scène », « Emmaüs », « objets précieux pour la famille », « documents historiques », « à donner », « à revendre », « à jeter ». La somme d’une vie.
Heureusement, avec une descendante comme Pélagie, l’héritage de Mamy Agathe est entre de bonnes mains.
Audrey est déjà entrée en action. Elle a coiffé un diadème sur ses cheveux blonds parfaitement bouclés. Elle s’extasie sur la coiffeuse qui trône dans le couloir, servant de support à un téléphone à cadran en nacre.
Dans un coin de la pièce, une pancarte proclame simplement « ??? ». Attirée comme par un aimant, je vais m’agenouiller devant cet amoncellement de curiosités trop bizarres pour être vendues, trop laides pour être gardées, trop précieuses pour être jetées. Nains de jardins ouvragés, argenterie improbable, chaises très belles, mais à trois pieds. Je prends entre mes mains une améthyste énorme, dans sa face grise, une main a gravé « Agathe the Power ». Je me sens en affinité avec ces objets.
— Je peux les avoir, ceux-là ?
— Ça me débarrasserait d’un grand poids, soupire Pélagie, avant de s’étirer bruyamment. Deux jours que je trie non-stop, et j’ai l’impression que c’est encore pire qu’avant. Ça