Une retraite pas si paisible

Ce samedi de mai 1953 n’était pas une date quelconque dans le calendrier personnel de Douglas Lockwood. Elle marquait le premier anniversaire de son retrait de la vie active. Et quelle vie active ! Le désormais ex-shérif accumulait assez d’anecdotes pour remplir sinon un bouquin (il n’était pas particulièrement féru de littérature et encore moins d’écriture), en tout cas plusieurs soirées. Désormais son univers se réduisait presque aux dimensions de sa maison idéalement située à l’orée d’un bois, sur le coude d’une rivière, avec, dans un arrière-plan travaillé par un peintre divin, une ligne de collines verdoyantes qui accrochaient, au crépuscule, les derniers rayons d’un soleil languissant.

– Fais un vœu, lui dit Sue devant le gâteau qu’elle avait préparé à son jeune retraité de père, malicieusement piqué d’une unique bougie.

– Ce n’est pas mon véritable anniversaire, souligna pour la forme l’impétrant avant de fermer solennellement les yeux et de s’exécuter.

Harry Cody, venu célébrer l’événement en voisin – et ils n’étaient pas nombreux dans la région –, accueillit sa part du gâteau avec un plaisir à peine dissimulé avant de demander, en se pourléchant les lèvres :

– Bon, maintenant que vous avez profité d’une période d’acclimatation, vous allez bien songer à vous lancer dans l’élevage ou à cultiver un bout de terrain ?

Lockwood hocha une tête visiblement peu convaincue.

– Vous voyez, mon cher Cody, après près de trente ans de risques, de moments d’angoisse, toujours sur le pied de guerre… Eh bien, ce repos me va bien, à moi. J’en ai toujours rêvé en fait, et je ne vais pas le gâcher maintenant que je l’ai, dans ma maison loin du tohu-bohu de la civilisation. Et puis, ce qui m’importe, c’est qu’il y ait toujours des lapins à tuer dans le coin. Vous êtes d’accord avec moi…

Ce fut au tour de Cody de hocher la tête, peu convaincu. Le quatrième convive, un jeune homme au profil aquilin, aux épaules larges et aux yeux perçants, le questionna à son